Sonnets sertis. Une belle dormait

Échanson, verse-moi le meilleur de tes vins

Et laisse-moi conter la vision qui m’obsède !

C’est un château, vois-tu, où tout le monde dort,

Par un charme frappé d’absolue léthargie ;

Je n’ai pu deviner qui a lancé ce sort,

Ni comment tout un peuple est privé d’énergie.

Une belle dormait, dans l’aile sise au nord,

Comme ses suivantes, sur le sol endormies ;

Calme était chaque pièce, au sein du château-fort,

Et nul n’avait souffert de quelque épidémie.

C’était une terrasse, où un épais brocart

Protégeait le sommeil de toute ardeur solaire,

Des fraîcheurs de la nuit et même des regards.

J’étais arrivé là par voie spectaculaire,

Sur un tapis volant, confondu et hagard,

Dérouté par les vents d’un ciel crépusculaire.

Peut-être ai-je rêvé de cet instant divin ?
Mais il vaut ce bon cru, ami, tu le concèdes !

Une belle dormait © Mapomme
D'après Edward Burne-Jones et Viktor Vasnetsov