dimanche 31 janvier 2016

Rimes de saison. Jérémiades d’Ipou-Our

Nous savons le futur Pourtant nous nous taisons
Ignorant les signes de tout mauvais augure
Vers l’abîme courant sans frein et sans raison
L’éphémère zénith à la triste figure

D’un crépuscule sanglant d’agonies sera
Suivi Comme autrefois le Chaos va renaître
En néfaste phénix issu des calderas
Sur la Terre glacée il règnera en maître

Nous aurons englouti le lait comme le miel
Ne laissant aux enfants qu’un vaste Éden stérile
Suçant le superflu sacrifiant l’essentiel
Dans la quête sans bornes d’une faim puérile

Le soleil trop falot ne sera qu’un halo
Un brouillard étouffant les étoiles faiblardes
Les gris loups humeront les rues de chaque îlot
Dans les cités livrées à l’appétit des hardes

Comme la bête ira l’ancien maître du monde
Impuissant à combler ses besoins capitaux
Ses enfants maudiront son inconscience immonde
J’en tremble en me couchant Demain viendra trop tôt
 
 Demain viendra trop tôt © Mapomme


Rimes de saison. Babiole abolie

Un vieux meuble ou un vase embellit le salon
Chaque jour devant lui passant on s’accoutume
Au point de l’ignorer quand nous nous affalons
Sur le divan de cuir dévorés d’amertume

Que vienne à nous manquer cet objet ignoré
Qu’on a tant oublié durant des décennies
S’avérant juste bon à venir décorer
La pièce où s’étalait l’éternelle asthénie

Que par un aléa si fréquent en ces temps   
La babiole abolie à d’autres soit cédée
Et voilà que se plaint notre cœur mécontent
Notre nature étant par la perte obsédée

Semblable au bibelot s’avère un être humain
On néglige un ami pour l’arrivée nouvelle
On méprise un amour pour un autre chemin
Car ce qui est conquis sans charme se révèle

S’il s’en va il nous manque et l’on veut le revoir
Mais s’il revient à nous son arrivée irrite
Et l’oxymore humain manque à tous ses devoirs
Jusqu’à le perdre encor en raison de ce rite

D’aurores les témoins nous ne comprenons pas
Qu’un étranger passant y trouve quelque charme
Sous d’autres horizons où l’aube est sans appas
La déplorée aurore nous fait verser des larmes

Le meuble ou le vase quittant notre maison
L’ami l’amour parti vers une autre contrée
L’horizon matinal obsèdent sans raison
Car avare est l’âme par la perte frustrée
 
Babiole abolie © Mapomme 

jeudi 28 janvier 2016

Rimes de saison. Un phare dans l'ombre

Ce midi je marchais entre deux grandes vignes
Le soleil disparut en un bref laps de temps
Et un vent frais souffla tel un sinistre signe
Des nues d’anthracite toute lumière ôtant

Assez loin à ma gauche un arbre aux branches nues
Se dressait décharné tel un charme doré
Aux cieux une trouée de lumière inconnue
Laissait passer un rai irradiant l’arboré

Priant des cieux obscurs à tout azur aveugle   
Je songeais aussitôt aux ténèbres planant
Masse rétrograde qui en grand nombre meugle
Et veut sans cesse éteindre un éclat rémanent

Mais sans arrêt se dresse un être juste et libre
Qui brille dans l’ombre la bravoure inspirant
Se ramifie l’audace jusqu’au point d’équilibre
C’est ce qui fait trembler l’essaim noir des tyrans

Bien sûr l’ombre avala l’arbre épris de lumière
Mais pour y parvenir elle a abandonné
Un are ensoleillé dont je fis ma bannière
Espérant inspirer l’élan irraisonné

Qui ferait soudain choir un tyran de son trône
À des ténèbres d’encre il veut nous confiner
Ne perdons pas l’espoir face à la nuit qu’il prône
Dans l’ombre on rêve encor d’un ciel illuminé


*°*°*


Le lendemain midi j’ai refait le chemin
Et l’arbre s’élevait face aux sombres collines
De lumière nimbé mais un simple examen
Montrait autour de lui des vignes opalines

Lorsqu’un juste refuse un obscur souverain
Surgissent aussitôt des surgeons en grand nombre
Le tyran peut trancher de sa lame d’airain
Ils repoussent toujours pour venir défier l’ombre

Même si l’arbre juste était moins singulier
Les rayons d’or semblaient s’attarder sur ses branches
À la paix revenue qui songe aux chevaliers
Pourtant ils conservent une aura claire et franche
 
Un phare dans l'ombre© Mapomme


dimanche 24 janvier 2016

Rimes de saison. Bar de la fée verte

J’ai suivi un passeur connaissant chaque sente
Par-delà les frontières de l’étroite raison
On se sent affranchi si le bon sens s’absente
La chimère infinie est sans comparaison

Sur l’aile d’Ivresse  le malaise ordinaire
N’a plus cours Détaché de toute pesanteur
L’horizon s’élargit grâce à l’Imaginaire
Un pas de sept lieues franchit le monde enchanteur

La saveur des alcools n’a que peu d’importance  
On boit pour décoller non flatter le palais
Là on comprend comment les contes de l’enfance
Furent un jour conçus avec chat pour valet

C’est dans l’encre éthérée qu’Andersen et Perrault
Trempaient leur plume d’oie pour troquer en un conte
La cruauté d’alors transformant en héros
Un tailleur plus adroit que les ducs et les comtes

Seule l’ivresse livre à l’auteur libéré
Des ogres et des fées des géants des sorcières
Un charme ôté par un baiser inespéré
Délivrant un prince de sa forme grossière

Voilà ce que l’on voit depuis la stratosphère
Avec l’alcool pour guide à travers le miroir
C’est lui la vraie muse qui sait comment y faire
Ouvrant un vieux grimoire exhumé d’un tiroir
 
 Bar de la Fée Verte© Mapomme + Henri Verneuil




samedi 23 janvier 2016

Rimes de saison. Destinacité

On quête le bonheur dans l’océan des ans
Sans île en visuel balloté par les vagues
Buvant l’amère écume aux lèvres du présent
Et l’on parle au soleil lorsque nos cœurs divaguent

On conserve en ces cœurs l’icône immaculé
De notre Béatrix au visage candide
Un platonique hymen perdu et adulé
Onguent des plaies du sort sur un chemin sordide

L’assidue nostalgie d’un paradis perdu
Tournoie près de l’esquif comme un squale dans l’onde
On s’accroche à l’espoir d’un Graal inattendu
Supportant l’infortune et l’angoisse profonde

Puis on admet son sort sans penser au passé
Oubliant le futur au présent on s’adonne
Attendant que la mort de ses longs doigts glacés
Nous délivre au requin qui toujours tourbillonne

Or détaché de tout d’objectifs affranchi
Aux confins de la vie laissant toute espérance
On aperçoit une île à l’horizon blanchi
Rêve et réalité offrent des différences

Défroqué du passé on aborde la plage
Et on s’y sent chez soi en toute nudité
Sur l’île on robinsonne à deux cœurs sans ambages
Ayant acquis en mer la Sérenpidité
 
Destinacité© Mapomme 


Rimes de saison. Les délices de l’exil

Depuis l’aube des temps je restais incompris
Sans que ce fût vraiment une chose fâcheuse
L’élixir des exils souvent n’a pas de prix
Dans le cours d’une vie où même la Faucheuse

Ne saisit plus nos cœurs d’horreur ou de mépris
Parmi nos amis chers qui rient et qui plaisantent
Nous sentons le besoin de libérer l’esprit
Par le baume des mots aux vertus apaisantes

La plume rend léger le silence des cris
Par des monologues tenus avec la feuille
Dans l’encre des non-dits tout Robinson écrit
Ses tourments délicieux qui sans cesse l’endeuillent

Il y aura toujours dans le plus sûr abri
Un souvenir qui vient verser dans notre coupe
Le poison d’un passé dont restent les débris
Un amour embelli une joyeuse troupe

Le souvenir surfait d’un paradis flétri
Vénéré tel un vrai fragment de la mémoire
Qui nous leurre et nous ment si on n’en fait le tri
Si l’on croit établi les contes du grimoire

On se sent hors du lot lorsqu’on est incompris
Comme si quelque dieu soufflait à notre oreille
Des secrets capitaux dont nul ne sait le prix
Rendant toute aube grise à nulle autre pareille
 
 Exil© Mapomme + Anne Onyme


dimanche 17 janvier 2016

Rimes de saison. La peur de se brûler les ailes

Il a jadis aimé d’une passion ardente
Il n’a pu renaître de ce dévorant feu
Icare a survécu sans l’envie débordante
De s’envoler encor quand il chut des cieux bleus

Elle a beau se montrer aimante et prévenante
Toujours elle aperçoit des voiles nuageux
Qui viennent embrumer nuées intermittentes
L’éclat soudain naissant dans un regard heureux

Si cet orage ouvrant son aile menaçante
Éclatait libérant enfin un flot furieux
Et que disparaisse cette ombre permanente
Mais la malédiction toujours s’immisce entre eux

Jalouse elle maudit l’intruse revenante
Qui ne peut reposer parmi les béguins feux
Il ne sait comment dire à l’attristée amante
Qu’il l’adore en effet mais se méfie du feu
 
 Se bruler les ailes© Mapomme


Rimes de saison. La fleur aux dents

Un jour je suis parti tout content de chez moi
Plus excité qu’heureux d’enfin vivre ma vie
Sans penser au passé sans ressentir d’émoi  
 En mustang retrouvant sa liberté ravie

Lorsque je dis “chez moi“ ce n’est pas vraiment ça
Car il n’était pas mien en toute minutie
Je ne connaissais rien d’autre que mi casa
Et mon pauvre horizon souffrait d’anorexie

Je suis parti le cœur léger pour ce là-bas
Où le soleil brillait plus fort qu’en Italie
Sans songer qu’en passant le seuil de la casbah
Je chasserai bien plus que ma mélancolie

Ce fut en revenant que j’ai soudain compris
Combien j’étais barbare au pays de cocagne
Que je toisais jadis avec un grand mépris
Dont je voyais les murs comme ceux de mon bagne

Le marin franchissant les gouffres infinis
Pour joindre un continent d’inédits paysages
En retournant chez lui s’y sentira puni
Tout lui est étranger les maisons les usages

Quand j’ai revu enfin les maisons du pays
Aux cheminées fumant tel un encens aux mânes
J’ai su que mon périple en des contrées profanes
 Détissait la trame d’un collectif récit
 
La fleur aux dents© Mapomme 


Rimes de saison. Labyrinthe matutinal

L’agonisante nuit me réveille parfois
Avant d’avoir atteint les frontières du songe
Car d’étranges tracas surgissent et me rongent  
Tel un aigle olympien sans possible pourvoi

La quiétude envolée j’erre dans la maison
Désorienté sans but comme un piteux fantôme
Qui dans un château vaste atermoie et se paume
Jusqu’aux primes lueurs éclairant sa raison

Le jour pâle et confus à l’horizon se lève
Le lac dont l’onde lisse au calme artificiel
Émeraude l’azur miré du vaste ciel
On ne saurait dire si l’on vit ou l’on rêve

Le spectacle entrevu par l’étroite fenêtre
Par sa simple beauté apaise enfin l’esprit
Du sombre labyrinthe où l’éveil m’a surpris
Je trouve la sortie pouvant au jour renaître

Par magie les choses se remettent en place
La vie retrouve un sens délivrée du néant
Et mon cœur ne craint plus ses abysses béants
Dont la simple pensée d’inquiétude le glace

Sur l’humide rocher un pinson mâle chante
Sa chanson éclaire le matin de gaieté
Chassant les ténèbres et instaurant l’été
 L’été d’une journée fraîche et réjouissante
 
 Labyrinthe© Mapomme + Pasolini


Rimes de saison. L’invocatrice de l’Inaccessible

J’étais allé sans but à un concert de rock
Sans apprécier vraiment le chanteur et son groupe
Les gens hurlaient dansaient tels des zombies en troupe
Je demeurais figé solide comme un roc

Les amplis aboyaient inondant tout l’espace
À mon côté braillant possédée d’un démon
Intérieur une brune étendait ses bras longs  
Suppliant le leader qui demeurait de glace

Entre rire et larmes sa flamme déclamant
En vain car les amplis noyaient toute supplique
Et vue de la scène l’assemblée hystérique   
N’était qu’un magma sombre agité et dément

La brune se pâmait et je l’ai rattrapée
Car la masse en transes tels des gnous accourant
L’eût piétinée à mort sur un rythme enivrant
Craignant l’humain torrent à la branche agrippée

De mes bras vigoureux pour le reste du show
Elle s’est accrochée pour finir sur ma couche
Je pensais à une autre en goûtant à sa bouche
En songeant au chanteur elle eut des moments chauds

Le soleil ennemi de l’encre et de ses rêves
Délivra sans pitié sa triste vérité
Je l’ai laissée partir lorsqu’elle m’a quitté
Les bonheurs mensongers ont l’existence brève
 
Invocatrice de l'Inaccessible© Mapomme 


samedi 16 janvier 2016

Rimes de saison. Dark animals eleminate shining humans

La pluie peut être brusque et se montrer violente
Détruisant tout labeur dans son torrent furieux
Peu suffit pour gommer son action désolante
Et le temps en ressort sans cesse victorieux

Pareillement le feu et le soleil ravagent
Les espoirs des fermiers le temps d’une saison
Lesquels se sentiront dépourvus de courage
Pluie et soleil feront venir la fenaison

La bourrasque arrache les fruits et les promesses
Et on maudit ce vent survenant du Levant
Qui emporte feuilles et radieuse jeunesse
Jusqu’alors négligeant l’hégémonie du vent

L’émondeur des forêts soudain brise nos rêves
Le monde se réveille avec un goût amer
Car l’ennemi sifflant ne veut ni paix ni trêve
Hurlant à notre fenêtre un souffle de l’enfer

Pourtant tout ouragan comme il est né s’épuise
Qu’est-ce qu’une tempête dans la marche du temps
Croulent les empires que des hordes détruisent
Et on perdra le nom des vainqueurs de l’instant

Le vent peut tempêter et hurler aux fenêtres
Il est le conquérant plantant son drapeau noir
Que le matin frileux se plaît à laisser naître
 Et qui disparaîtra dans la brume du soir
Dark animals eleminate shining humans© Mapomme

dimanche 10 janvier 2016

Rimes de saison. La parenthèse en chansons

Le hasard quelquefois invite le passé
Le temps d’une chanson on veut se plaire à croire
Qu’un phénix ressuscite et répète l’histoire
Que les ans égrenés sont soudain effacés

Dans les factices feux d’une fête estivale
On boit on rit on chante au cours d’un apéro
On s’émeut avec Freddie Pascale et Véro
Invoquant nos jadis tandis que l’on avale

Les agapes salées et que l’on abolit
Communiant en un chant les heures revenues
Riant des paroles aujourd’hui saugrenues
D’un texte qu’autrefois on trouvait fort joli

Pétillent les regards à l’instar du Champagne
On se trompe et on s’aide avec hésitation
Puis on se marre enfin gloussant avec excitation
D’avoir pu retrouver des heures de cocagne

C’était enfoui en nous dans nos cœurs bien scellés
Ces instants révolus de jeunesse envolée
Que l’on croyait perdus en quelque mausolée
Qui durant vingt couplets voulaient se rebeller

Assez vite on comprend que ce moment fragile
Ne sera exhumé que lors d’une chanson
Puis triste l’on boira le vin de l’échanson
 Car le phénix hélas a des ailes d’argile
 
 Sur un un air de champagne© Mapomme + Anne Onyme


samedi 9 janvier 2016

Rimes de saison. Nuages des Lotophages

Je relevai la tête et je vis des nuages
En rochers-champignons aux strates de gris-bleu
Fragiles reflets d’un gréseux paysage
Où les corps solides deviendraient nébuleux

Nos rêves sont sans cesse au tangible semblables
Se diluant hélas aux souffles pluvieux
Aile de papillon entre nos doigts friable
Messie nous délaissant en ce bas monde odieux

Quand on voudrait bâtir des empires de sable
Que la moindre écume d’un automne venteux
Réduit en souvenir en regret immuable
Faisant de nous une ombre un errant loqueteux

Nos amours sont aussi de trompeuses images
Une tremblante flamme à l’hiver orageux
En pâture livrée aux vérités sauvages
Toute naissante aurore est un phare outrageux

On se leurre pourtant d’un sublime partage
Et d’un voyage à deux vers l’avenir radieux
Refusant de songer que l’on peut être otage
D’un mirage agitant un espoir insidieux

Alors j’ai regardé vers le sentier d’argile
Pour dissiper tout rêve en mon esprit trembleur
L’espoir est un Judas jouant nos cœurs fragiles
Quand dansent les nuées au charme ensorceleur
 
 Sur les ailes du rêve© Mapomme