lundi 18 septembre 2023

Sonnets sertis. La baie du dernier pleur

C’est une baie splendide et cependant bien triste
Pour ceux qui embarquaient pour ne plus revenir.

Tel Boabdil, jadis, ayant perdu Grenade,
Nombre de passagers, en s’arrachant au port,
En silence ont pleuré, tel un enfant malade,
Laissant tout un passé et, en terre, des morts.

Je comprends cette peine, l’incurable saudade,
Hantant tous ceux frappés par un tragique sort ;
Il est de grands chagrins qui portent l’estocade
Et qui laissent vivant, mais privé de ressort.

Pour ma part, jeune enfant, effrayé par la guerre,
Dans le climat pesant, un peu plus chaque jour,
J’ai quitté cet endroit, qui me plaisait naguère,

Le cœur plutôt léger, pour un serein séjour.
Lorsque la vie devient à ce point-là précaire,
Nous faut-il accepter un péril aussi lourd ?

On peut pleurer un lieu et, l’esprit empiriste,
Sentir qu'en ce contexte, on ne pourra tenir.

La baie d'Alger © Albert Marquet

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