jeudi 31 décembre 2020

Elégies. Quand le vieil an est clos, un nouvel an éclot

Plus on avance en âge et moins beaux sont les ans
On perd de vieux amis par nos poches trouées
De tous nos parents chers peu répondent présents
Triste émondeur le temps brise l’union nouée

Aussi chaque an nouveau lance sur les brisants
La flotte des alliés qui loupe une bouée
Perdant des passagers par les grands fonds gisant
À chaque année naissant l’espérance est flouée

Qu’y a-t-il d’étrange car rien n’est infini
Rien fors le temps qui coule et change seul un nombre
À l’an nouveau les maux ne seront pas bannis

Prenant lentement l’eau notre navire sombre
Et par nous l’avenir de blâme est agoni
Tout jeune y lit l’espoir quand nous ne voyons qu’ombre 

Quand le vieil an est clos, un nouvel an éclot © Mapomme

mercredi 30 décembre 2020

Elégies. Piètre pêcheur ne prend que du menu fretin

On laisse pour le moins filer mille destins
Que le cœur timoré le plus souvent ignore
Et on quitte affamé la table d’un festin
Sans entrevoir les mets que les autres dévorent

Comment notre moral ne serait pas atteint
En croisant un chemin que jamais on n’explore ?
On marche sans ressort dès le petit matin
Dans la grisaille allant sur la voie qu’on déplore

Si passe une belle âme et qu’on la laisse aller
Fragile papillon aux ailes polychromes
Qui se perd dans le flot comme nous trimballé

C’est l’ami ou l’amour un possible binôme
L’éventuel futur un instant dévoilé
Qui hante nos regrets avec tous nos fantômes

On laisse filer mille destins © Mapomme

mardi 29 décembre 2020

Nouveau Siècle. Pour plus d’Égalité consacrons son contraire

Être étranger chez soi ne plus s’y reconnaître
Est bien le pire exil qu’on ait à endurer
Que fait-on du bien-vivre ainsi que du bien-être ?
Écrits et opéras sont ainsi censurés

Amoureux de la langue allons-nous tout admettre
Et voir des zélateurs venant défigurer
Un patrimoine entier où des toiles de maître
À l’oubli sont livrées ? Quel monde en augurer ?

Un mode de pensée venu d’Outre-Atlantique
S’ingère dans nos vies alors que nous craignons
L’invasion d’un Orient aux vues théocratiques

Par peur d’être changés toujours nous enfreignons
Les fondements sacrés de notre République
Pour plus d’Égalité qu'en sots nous restreignons 

La mort du cygne à l'Opéra de Paris © Mapomme
ou comment on veut y supprimer le Lac des cygnes
parce que le cygne noir y a le mauvais rôle

lundi 28 décembre 2020

Elégies. Les regrets du larron

Bijou Romantique quel était ton secret ?
Quels tourments t’agitaient que je n’ai su connaître
J’ignorais alors que naîtraient les regrets
Me grisant des émois qui enflammaient mon être

On n’a pas un grand cœur quand on a dix-sept ans
Et le vertige effraie car il veut nous soumettre
Si esclave on se sent on n’est guère appétent
De se voir enchaîner par l’amour notre Maître

En enfant capricieux on fuit ce cœur offert
Détruisant le jouet d’un hymen authentique
Par la peur de sentir à ses poignets des fers

Que l'autre m'envahisse m'apparut traumatique
Surtout si tôt après avoir déjà souffert
Refrénant tout effort mon Bijou Romantique 

Bijou Romantique © Mapomme
d'après John William Waterhouse

dimanche 27 décembre 2020

Elégies. Les longues nuits d’hiver et le beau jour d’été

I

Vois donc ce cœur blessé et cette plaie qui saigne
Le sang clair de l’espoir en un flot continu
Coule vers le ruisseau dès lors qu’on le dédaigne
À quoi sert cet espoir quand il est malvenu ?

 

II

Jeune homme prends ton temps et traverse un désert
Sois-y l’anachorète en ta longue disette
Où l’oubli te guérit poète si disert
De la passion nourrie pour ta belle grisette

Tu vivras sept années après ce vif revers
Dans l’ombre où ton rire ne sera que risette
Et ces sept ans n’auront chacun que quatre hivers
Anesthésiant ton cœur à force d’anisettes

En ombre tu iras parmi tous les vivants
Werther des temps nouveaux mais sans revoir ta Lotte
Un brin de pâle espoir sans cesse cultivant

En quel mois débuta la longue nuit falote
Des plaisants feux du jours sept années te privant ?
Dans l’ombre t’apparut un espoir qui tremblote

 

III

Vois donc ce bel espoir qui dormait sous la sphaigne
Qu’on croyait inhumé près d’un arbre chenu
En cendres ce phénix quand des rayons l’atteignent
Renaît en un instant en un charme inconnu

 

IV

Très souvent le destin rit de l’appréhension
On peut passer sept ans à esquiver la vie
Mais elle déjouera toutes nos préventions
Faisant entrer le jour sans qu’on en ait envie

Rien ne se passe en fait comme nous le pensions
Car dans la pénombre la nuit nous est ravie
On entre dans un bar sans autre prétention
Que de voir en avril une soif assouvie

Le jour se perd dans l’ombre où la serveuse attend
Elle est jeune et fraîche comme la bière brune
On boit et on parle pour mieux passer le temps

Comme nous la bière recèle une amertume
Mais la jeune femme respire le printemps
Sa gaieté pétillante est sa seule fortune

 

V

Elle a sans le savoir la clef d’un grand mystère
On va rester trois mois sans jamais la revoir
L’hiver sans oripeaux perd ses brumes austères
Et à l'été l’espoir retrouve son pouvoir 

La clef d'un grand mystère © Mapomme

samedi 26 décembre 2020

Elégies. Traversant sans nul but la forêt de cyprès

Au gré lent de mes pas je composais des vers
Dans la sombre forêt de cyprès d’Italie
Ces arbres hauts et droits quand tout va de travers
Calment un cœur offert à la mélancolie

Du haut de mes seize ans il était tendre et vert
Et passionné bien sûr aimant à la folie
Tout en bas du chemin au cœur d’un triste hiver
Toute espérance fut par un « Non » abolie

J’ignorais qu’un chagrin s’avérait un trésor
Que le vers se repaît des tourments qui consument
Et qu’à la guérison plus fort on en ressort

Dans la sombre forêt parfois drapée de brume
Se perd le droit chemin et l’on aurait bien tort
De laisser tout espoir quand nous guérit la plume 

Dans la sombre forêt © Mapomme

vendredi 25 décembre 2020

Elégies. L’éphémère beauté d’un ado spleenétique

J’ai trouvé la photo faite contre mon gré
Pour un dossier scolaire en plusieurs exemplaires
Je n’avais nullement envie de m’intégrer
Et je montrais combien ça pouvait me déplaire

Ma veste noire en sky mon polo col roulé
Affublaient mes seize ans d’un air atrabilaire
Car tous mes beaux espoirs venaient de s’écrouler
Peignant les horizons de feux crépusculaires

J’avais sans le savoir à cet instant précis
L’éphémère beauté qu’un tourment nous confère
L’avenir désormais paraissait indécis

Lorsque le spleen nous prend on ne peut s’en défaire
Car ce corbeau lugubre augure un noir récit
Passe notre jeunesse et l’ennui prolifère

L'éphémère beauté d'un ado spleenétique © Mapomme

Elégies. Miroir, mon beau miroir, nul ne se trouve beau

Maudite soit Vénus et damné Appolon
D’avoir été parfaits faisant naître un complexe
En voyant leur portrait que point nous n’égalons
Le nôtre est déprécié Tel est l’humain réflexe

Sans être vraiment laids à jamais nous collons
Le label d’imparfait qui rend l’autre perplexe
Pour la paupière tombante ou pour un nez trop long
Nous faisant nous haïr de tout âge et tout sexe

Sans paraître Vulcain hors du Beau absolu
Dont revues et écrans sans cesse nous inondent
Dans l’ombre nous marchons d’un pas irrésolu

Il est des mannequins adulés par le monde
Qui se voient des défauts qu’on trouve farfelus
À l’instar d’inconnus qui se jugent immondes

 Miroir, mon beau Miroir © Mapomme

jeudi 24 décembre 2020

Nouveau Siècle. Derrière la façade où est la vérité ?

Qui peut dire qu’il connaît vraiment une maison
En voyant simplement la façade exhibée ?
La quiétude perçue l'est-elle avec raison
Sans autre vérité par les murs absorbée ?

Il est bien des secrets que chacun nous taisons
Et nul n’a la tête d’auréole nimbée
Par l’illusion bercés toujours nous nous plaisons

À ignorer la haine à la vue dérobée

Sans voir le signe clair qui devrait alerter
Nous croyons au sourire et la traître apparence
Du plausible bonheur qui vient réconforter

Le sordide réel de la proche souffrance
Brise un rêve commun qu’il vient soudain heurter
Un corps inanimé souligne nos carences 

Derrière la façade © Mapomme

dimanche 20 décembre 2020

Elégies. Elle allait d’un pas lourd vers une morne vie

 Elle allait d’un pas lourd d'espoirs inaccomplis
Sa vie jusqu’à présent était sous une brume
Exhalaison couvrant un champ de fleurs rempli
Et masquant la beauté sous un drap d’amertume

Chaque rêve a sombré dans un profond oubli
Avec les épaves que nul soleil n'exhume
Dans l’abîme confus des souhaits abolis
Comme le vent mauvais emportera ma plume

Enfant elle ignorait les murs qu’on dresserait
Afin de la mener vers une morne vie
"Pour son bien " disait-on car bientôt cesseraient
Les songes puérils dont se flétrit l’envie

Sur la voie des parents sans le moindre intérêt
Elle irait d’un pas lourd à jamais asservie 

Elle allait d'un pas lourd © Mapomme
d'après "Barley Fields on the Other Side of the Mountain"

samedi 19 décembre 2020

Nouveau siècle. La nouvelle rage attaque les esprits

 On voit partout des gens qui hurlent enragés

Prétendant en baver et être des victimes

Sur les réseaux le mal semble se propager

Cette opinion a-t-elle un motif légitime ?

 

Le poison des esprits est hélas partagé

Même par des sujets tenus en haute estime

Défilant dans les rues pour leurs droits outragés

Voilà bien ce qu’ils croient en leur conscience intime

 

Ils pensent n’être point traités en tant qu’égaux

Ce fort ressentiment les pousse à la violence

Au lieu de contester par les moyens légaux

Ils choisissent le feu et le pavé qu’on lance

 

Ce n’est en vérité qu’un problème d’égo

Préférant au verdict vindicte et virulence

 La nouvelle rage © Mapomme

Nouveau siècle. Que nul Tancrède n’aille affronter sa Clorinde

 Les excès de tous bords dominent notre monde

Qui s’enivre de foi et court vers le ravin

Il s’abrutit de lois d’où naissent quelques frondes

Que ne s’enivre-t-il de ripaille et de vin ?

 

Jadis un chevalier durant une croisade

Surprit une ennemie par un hasard savant

À la source buvant une franche rasade

Uniquement armée d’un regard captivant

 

Que le présent désarme et Clorinde et Tancrède

Pour qu’en paix des amants suivent leur religion

Vivant une passion où règnera l’entr’aide

 

Le monde irait bien mieux si nous nous obligions

À combattre l’excès plus un mal qu’un remède

Qui pousse des démons à lever des légions

Clorinde et Tancrède © Mapomme

d'après une porcelaine

samedi 12 décembre 2020

Elégies. Dans le gouffre profond où s’achève le temps (1)

I

Je veux peindre des cieux terriblement sublimes

Leurs nuages jamais ne seront supérieurs

À ceux qu’a façonnés le vent rageur des cimes

Aux flammes j’ai livré le ciel d’un barbouilleur

 

L’air iodé inhalé ravissait mes narines

Et cruel inspirait un appétit d’ailleurs

Les abysses pourprés des profondeurs marines

Ont sitôt tempéré mes espoirs d’orpailleur

 

Les reflets sont trompeurs pour qui cherche dans l’onde

La battée n’y trouvant que l’illusion de l’or

Paillettes dans des flots que le soleil inonde

 

Pour quelque vil éclat dois-je braver dès lors

Un gouffre d’amertume et parcourir le monde

Pour ramener une once du piètre similor ?

Les abysses pourprés © Hugo Pratt


II

Si l’or de l’illusion n’a pu te dérouter

Ô quêteur d’infini dans l’espace et l’écume

Peut-être la rumeur des immenses cités

Saura-t-elle apaiser ta naissante amertume ?

 

III

Las du théâtre abstrus d’un bataillon furieux

Qui veut qu’on le bastonne afin de mieux s’en plaindre

Je fuis cette rumeur de tout désert curieux

Car le vertige urbain me semble plus à craindre

 

La métropole gronde d’un chahut victorieux

Où la pensée ne peut jamais croître et atteindre

Les voûtes éthérées et les sommets glorieux

Le volubile essaim vient aussitôt éteindre

 

La moindre des idées qui pourrait s’éveiller

Et sur l’aile éclosant verse un plomb délétère

« De lorgner vers l’Azur c’est le prix à payer

 

Ne peux-tu donc rester cloué sur cette terre

Au lieu de côtoyer les monts ensoleillés ? »

Tout rimeur est puni d'aller en solitaire


IV

Si tu veux fuir les rues sans emboîter le pas

Loin d’une destinée par trop conventionnelle

Pour conserver ton cap sers-toi de ton compas

Hors des cercles repais ta quête obsessionnelle

Elégies. Dans le gouffre profond où s’achève le temps (2)

 V

 Je recherche avant tout la profondeur des nuits

Un sidéral abysse où des étoiles clignent  

Dans le vide étiolé comme moi dans l’ennui

Qui espère en ces feux d’imperceptibles signes

 

Perscrutant dans la mer un Inconnu fortuit

Car amère est la vie comme chair d’une guigne

C’est pour ça que le spleen est très souvent gratuit

Il quête en vain un port qui paraisse plus digne

 

Ni espace ni mer ne peuvent étancher

L’espoir d’enfin trouver hors des terres connues

L’originelle envie qu’il faut réenclencher

 

Où s’est-elle égarée ? Qu’est-elle devenue ?

Sur l’obscur océan je me suis donc penché

Et je l’ai pourchassée en vain jusques aux nues

 

Perscrutant dans la mer © Hugo Pratt

VI

Pourquoi ne pas plonger pour aller au-delà

Et confirmer ainsi ton impie postulat


VII

Nous sommes tous des nains qui se veulent géants

Le courage nous manque au bord du précipice

Quand un lâche espoir devant le gouffre béant

Où s’achève le temps livre un sournois auspice

 

Esprit pétri de crainte en penseur fainéant

Pourquoi es-tu saisi d’un effroi peu propice ?

Celui d’avoir tout faux et qu’au fond du Néant

La fin soit un début ultime maléfice !

 

mercredi 9 décembre 2020

Elégie. Le temps où on avait le temps

Mon esprit enfantin s’imprimait des senteurs

Arômes de cuisine ou parfums d’une époque

Où chacun s’accordait le droit à la lenteur

Parfois l’un d’eux renaît et aussitôt m’évoque


La soupe mijotant en démon tentateur

Ma grand-mère penchée sans tablier ni toque

Surveillant la marmite au fumet enchanteur

De nos jours on se hâte et du goût on se moque

 

Bien sûr il y avait de repoussants relents

Comme le pot de chambre où macérait l’urine  

Je préfère oublier ce fumet pestilent

 

Et garder les parfums qui flattent les narines

Éphémère est l’âge de ces plats succulents

Maraudeur le temps nous roule dans la farine

 Saveurs d'antan © Mapomme

mardi 8 décembre 2020

Elégie. Dans l’espoir de revoir des aubes de santal

Aurons-nous à nouveau le miel et puis le lait

La liberté d’aller flâner parmi la foule

Visiter un musée rêver dans un palais

Et manger au resto des frites et des moules ?

 

Reverrons-nous la plage assis sur les galets

Dans une anse du Cap dans l’écume des houles ?

Nous enfilons les jours identiques et laids

Le temps s’est arrêté et nulle heure ne coule

 

L’absurde se révèle à l’esprit effrayé

C’est celui de la vie que tout un peuple mène

Où nous volons fétus par le vent balayés

Navrante est devenue la condition humaine

 

Si nous voulons un jour cette chute enrayer

Saurons-nous préserver la belle Paix Romaine ?

Les aubes de santal © Mapomme

dimanche 6 décembre 2020

Elégie. Le plus beau jour du monde est sans doute aujourd’hui

Le plus beau jour du monde est sans doute aujourd’hui

Car c’est celui qu’on vit même s’il paraît moche ;

Nous avons ramassé des souvenirs enfuis

À remplir des herbiers à s’en bourrer les poches.

 

Mais il faut savourer même avec un ciel gris

Ce jour qui semble inscrit dans une année atroce ?

" Hier était bien mieux !" dit notre esprit aigri

Balloté par le cours d’une énergie féroce.

 

Dans l’herbier nous voyons toujours avec regrets

En oubliant la boue qui sertit toute grâce

Un merveilleux moment extrait d’un jour aigret.

 

Cet instant a laissé l’indélébile trace ;

C’est pourquoi aujourd’hui nous promet quelque attrait :

Il sera laid le jour d’aller en terre grasse.

Le plus beau jour © Mapomme

samedi 5 décembre 2020

Elégie. Nous oublions les morts que nos âmes chérissent

Nous oublions les morts pour ne pas succomber

À l’obsédant remords qui envahit nos âmes

Et plante dans les cœurs son funeste oriflamme   

Quand sous terre l’Espoir vient se catacomber

 

Oubliant nos échecs vécus comme des drames

Pour ne pas en souffrir on veut les prohiber 

On aimerait tant voir ce poison inhibé

Nul n’a trouvé hélas d’occulte pentagramme

 

Les plaies nous ont tanné le cuir comme l’esprit

Et depuis nous savons que les amours périssent

Et qu’il faut des émois toujours payer le prix  

Car le temps les brise pris d’un furieux caprice

 

Mais comprenons enfin sans en être surpris :

Les peines sont des joies que nos âmes chérissent   

Les peines sont des joies  © Mapomme

samedi 21 novembre 2020

Nouveau siècle. Ceux qui ont succombé t’ont donné longue vie

À Caracalla

 Dans l’ombre il a marché pour porter la lumière

Et a eu longue vie quand d’autres ont péri

Les chênes du Quercy tous fils de Vendémiaire

Se sentaient habités d’un idéal chéri

 

Le félon médaillé de la Guerre Première

Avait trahi l’espoir qui les avait nourris  

Tu as fui ton pays et ta douce chaumière

En la brumeuse Albion où l’honneur a fleuri

 

Entre Daniel Cordier éveillant les mémoires

Rappelle à la jeunesse éperdue de complots

Qu’avec tes compagnons vous avez fait l’Histoire   

 

Avec de vrais réseaux avec de vrais sanglots

Que jeunes vous étiez et marchiez vers la gloire

Armée de l’ombre alors et aujourd’hui héros 

Immortels compagnons  © Mapomme

vendredi 20 novembre 2020

Elégie. De nos joies saurons-nous toujours priser le goût ?

 En présumant qu’enfin se lève sur nos vies

Le soleil de jadis d’un printemps retrouvé

Chauffera-t-il nos cœurs d’une analogue envie ?

Un an d’un long hiver nous a tant éprouvés

 

Saurons-nous apprécier tous nos éclats de rire

Dont l’ombre d’un hiver risque de nous priver ?

Douze mois d’un trauma qu’on ne saurait décrire

Dans la sombreur pourrait sans fin nous captiver

 

Il est aisé d’entrer dans l’ombre et l’amertume

Beaucoup moins d’en sortir sans miracle inouï  

Car l’hiver a rendu toutes nos joies posthumes   

 

Si le soleil renaît et qu’on soit ébloui

Saurons-nous embrasser comme il était coutume ?

Ce signe d’affection s’est-il évanoui ?

Quand la bise fut venue  © Mapomme

avec l'aide de Magritte

samedi 14 novembre 2020

Elégie. Demain à l’horizon bien au-delà des vagues

 Sur la grève on parlait de nos rêves naissants

Pris dans la confusion des horizons de brume

Des craintes des espoirs de tout adolescent

Enthousiaste et tremblant d’une intime amertume

 

Puis on écoutait le silence étourdissant

Et nous goûtions le sel que nous portait l’écume

À quoi bon des propos creux et affadissants

Quand le vent fredonnant notre espérance allume ?

 

On peut rester taiseux pour mille éternités

La fragile beauté du sublime fugace  

Dis cette vérité le verbe est vanité  

 

Or cet amer savoir sans cesse nous agace

Ces espoirs silencieux cette complicité

S’échouent dans la nasse de la mer des Sargasses  

Bien au-delà des vagues  © Mapomme
avec l'aide de Luca Guadagnino

mercredi 11 novembre 2020

Elégie. Comment irons-nous donc des rêves dépouillés ?

 Un jour on revêt un habit par négligence

Avec un rêve au cœur qui seul nous définit 

Mais on se leurre encor en niant l’allégeance

Qui a sonné le glas des espoirs infinis

 

Ce matin-là on met en craignant l’indigence

De nos porte-monnaie plus que de nos esprits

Nos songes au placard avec nos exigences

Quitte à se regarder parfois avec mépris

 

Nous passons sans faillir croyant rester fidèles

D’hier à aujourd’hui Puis le soir harassés

Nous tombons de sommeil le talent privé d’ailes

 

Nos écrits poussiéreux par l’oubli terrassés

Gisent dans le grenier de notre citadelle

Car on raccroche un jour les rêves du passé 


dimanche 8 novembre 2020

A l'encre du néant. Un herpès d’un blond paille effaçait nos sourires

J’ai traîné un herpès venu par négligence

Un bouton de fièvre peu gênant au début  

On croit que ce n’est rien et donc pas une urgence

Car le temps s’égrenant le mettra au rebut

 

S’enchaînent les journées et passent les semaines 

On ne voit plus que lui et il ne fait plus rire

Parmi la société la gêne étant certaine

Quelle potion choisir ? Quel remède prescrire ?


Les années se traînent désenchantées et tristes  

Les rues sont embrumées d’un hiver permanent

Sans soleil ranimant notre espoir empiriste

 

Quand on se croit soumis à l’herpès nous damnant

S’enfuient les ténèbres et les froids rigoristes

Le jour bannit enfin l’ombre se pavanant

 Loser  © Mapomme

«Vous êtes dans le désert. Vous voyez une tortue couchée sur son dos sous un soleil brûlant. Vous savez qu'elle est en péril mais vous ne pouvez rien faire. Pourquoi ?»

 Dialogues de Blade Runner


samedi 24 octobre 2020

Elégie. Faire la nique à l’horloge et crier Gold is dead

 Sept chevaux galopent sur la vaste prairie

Sans craindre pour leur job sans heure à respecter  

Aucun embouteillage et aucune hystérie

Rien que le vent soufflant et rien à objecter


 Je rêve d’être ainsi sans souci de l’horloge 

Becter quand on a faim sans midi ni couchant

Ni parking à payer et studio où on loge

Mais suivre mes envies et dormir dans un champ

 

M’en aller au soleil sans me soucier des gens

Galoper ou flâner profiter de la vie

Sans m’enchaîner aux prêts et rester divergent

 

Hennir et se cabrer si soudain j’ai envie

Faire la nique à l’horloge et se passer d’argent

En clamant Fuck the clock l’âme non asservie

Fuck the clock © Mapomme

vendredi 23 octobre 2020

Elégie. La pythie nous confie l’obscur oracle en vers

La branche qui se brise ou un geai qui s’envole

Quand marche un Grec ancien dans quelque bois sacré

Aller voir la Pythie semble un acte frivole

D’autant que son oracle a de quoi effarer

 

Elle s’exprime en vers dans un complet mystère  

Qu’un prêtre interprète dans un plus clair récit

Il comprend le muet de ces propos austères

Mais il revêt les siens d’un contour imprécis

 

Semblable est la muse qui pressent les menaces

Pesant sur le présent pressentant en sonnets  

Un possible avenir qui s’affirme tenace

 

Il n’est pas assuré sauf si on méconnaît

Le danger révélé qui nous prend dans sa nasse

Si dure la haine si un démon en naît

Pythie © Mapomme

 d'après John Collier

mardi 20 octobre 2020

Elégie. Shamane

 Muse des nuits d’éveil scande le sibyllin

L’inaudible discours du rêve oraculaire

Décris la traversée de l’océan stellaire

Les récits inédits dont je suis orphelin

 

Dans l’infinie prairie près d’un brasier dansant

Les bras levés au ciel dans la nuit psalmodie

Que les astres charmés par cette prosodie

Clignent toute la nuit d’un mystère incessant

 

Sur le sycomore pour te voir j’ai grimpé

Quand du divin Orphée tu contas les épreuves  

Cernée de toutes parts par un peuple attroupé

 

Sur sa cithare en vain j’ai cherché l’idée neuve

Mes dissonants accords ne pouvaient te duper

Car de ta bouche un chant coulait comme eau du fleuve

Shamane © Mapomme

dimanche 18 octobre 2020

A l'encre du néant. Les échecs répétés des concessions de paix

 “Aucun homme sensé ne peut vouloir la guerre !

Dit le négociateur cherchant l’apaisement

À tous ceux s’inquiétant de quelque embrasement

Tout conflit est amer demain comme naguère !

 

Ulysse avec Hector en vain se fatiguèrent

À négocier l’accord qui semblait convainquant

À quoi bon tant d’efforts quand s’arment les deux camps

Et quand l’affrontement est un instinct grégaire ?

 

Couronné de rameaux mais hélas sans colombe

Lâchant les Sudètes Chamberlain s’en revint   

Acclamé quand Hitler préparait l’Hécatombe

 

Demander son avis à tout Cassandre est vain

Négocier avec ceux qui veulent que succombe

Chaque démocratie toujours mène au ravin

 Pacte avec l'enfer © Mapomme


samedi 17 octobre 2020

A l'encre du néant. De l’éternel combat du jour et de la nuit

 Depuis la création s’affrontent la lumière

Et le néant de l’ombre abrogeant la beauté

La nuit non constellée née de l’obscurité

Insulte la pensée de nos aubes premières

 

L’obscur veut abolir au nom d’une bannière

L’éclat de nos soleils qu’il ne peut supporter

Car ils nous éclairent d’un vent de liberté

Et pour en triompher il n’a pas cent manières

 

Par la peur et le sang il voudrait nous contraindre

Nous réduire au silence en acceptant la nuit

Tandis que nous verrions les étoiles s’éteindre

 

Terrés dans une cave et soumis à l’ennui

Plongés dans le néant qui viendra nous étreindre

Pleurant le souvenir des flamboiements enfuis




 

 

 

lundi 27 juillet 2020

A l'encre du néant. Retour pour non-conformité


À ma mort ouvrez grand les portes de l’Enfer
Ou bien du Paradis s’il plaît au Juge Ultime
Mais ne les fermez pas si jamais ce transfert
Ne seyait nullement au séjour que j’estime

Mériter tout en bas ou alors dans les cieux
Pas de Purgatoire car c’est bébé qu’on purge
En aucun cas les morts qui méritent bien mieux
Quoi qu’en ait décrété le Suprême Démiurge

Si jamais le séjour ne me convenait point
Me rapatrierait-on tout feu et toutes flammes  
Au séjour des vivants avec le front tout oint ?

Y a-t-il une assistance ainsi qu’on le proclame 
Dans tous les voyages car il en est besoin
Et demeurer bloqué quel enfer pour toute âme ? 
 Portes ouvertes © Mapomme
avec l'aide de Gustave Doré



samedi 25 juillet 2020

A l'encre du néant. Les racines du mal


Fleur fanée du jardin tu as crû depuis l’ombre
Et peut-être sais-tu où le Mal se nourrit ?
Où prend-il sa racine en quel lieu quels décombres ?
Les cœurs par son poison sont aussitôt pourris

Nous oublions souvent que ce cœur est féroce
Qu’en un lointain passé nous étions loups des bois
Lions dans la savane ou tout chasseur atroce
Ivre du sang des proies piégées et aux abois

Cette part d’ombre en nous peut s’éveiller sans cesse
Et souiller la pure eau du rêve ainsi détruit  
Nous livrant à la fange où règne la bassesse

Que d’avenirs éteints tombent comme des fruits
Ses ailes l’ange perd et erre en animal 
Perscrutant où naissent les racines du Mal
Les racines du Mal © Mapomme
avec l'aide de Gustave Doré 


Nouveau Millénaire. Une étincelle naît parfois d’un conte absurde


                                                           À Beaumarchais

Regardez sur les monts le maquis qui moutonnent
Vivace et paisible sous des cieux si changeants
Végétal éternel dont le pouvoir étonne
Il résiste au danger des travers émergents

Une étincelle naît dans une foule atone
Et c’est le feu soudain qui s’en va ravageant
Le pays familier quand un seul groupe entonne
Une rumeur légère un propos outrageant

Mais voilà que s’enfle l’effarant commérage
Et qu’un pet de souris devient un ouragan
Qui emporte et détruit moutons et pâturages 

Une étincelle naît d’un mensonge un slogan
Et brûle le maquis sans qu’on fasse barrage
Il reverdit pourtant malgré les intrigants
Une étincelle naît © Mapomme 




samedi 18 juillet 2020

A l'encre du néant. Le jardin des pierres


Les tenaces rancœurs enveniment nos vies
Oxydant l’or du temps qui est pourtant compté
Que d’instants nous perdons en vindicte et envie
À nous gâter les sangs et à nous affronter

Pour un bout de terrain que de joies sont ravies  
Pour un honneur véniel que de mots éhontés
Altérant sa santé pour la cause servie
Chacun s’aigrit la bile en courroux indomptés

Empreint de dérision un ironique adage
Dit aux procéduriers bonheur des avocats
Que vains sont la chicane et tous les ergotages 

On ne doit sacrifier la Paix en aucun cas
Car le jardin de pierre est le seul héritage
Au Petricaghjolu finiront nos tracas 
 Ultime plaidoirie © Mapomme
avec l'avocat de Daumier

Le Petricaghjolu est le nom du cimetière de Chiatra

jeudi 16 juillet 2020

A l'encre du néant. Du nombrilisme aigu aux doutes du bouffon


Le nombrilisme aigu incite à se selfier
En grimaçant soudain devant tous ses semblables 
Par cette mimique les voici stupéfiés
Car nul n’y peut trouver une raison valable

L’auto-adulation pourrait nous inquiéter
Car on voit des zombies admirant leur image
Narcisse est un reflet de notre société
Où des paons font la roue imbus de leur ramage

Cette mise en avant cache un doute profond
Qu’on voudrait conjurer sous couvert d’ironie
Mais rien ne peut guérir l’angoisse du bouffon
Les miroirs déformants sont vile félonie

On se voit pis qu’on est dans le regard d’autrui 
Accroissant ses défauts minorant ses mérites
Et dans l’alcool des nuits tout bouffon se détruit
Sillonnant du néant les contrées favorites 
  Poor child © Mapomme



mardi 14 juillet 2020

Nouveau Millénaire. Mais si peu, c’est beaucoup


Chacun peut concourir à changer notre monde
S’il voulait il pourrait Pourquoi fait-il si peu ?  
M’interrogeant ainsi mon cœur lâche je sonde
Le pire menace et c’est le sauve-qui-peut

Contre cette incurie je ne vois nulle fronde
Car c’est un puits sans fond un précipice affreux
D’où nulle Vérité n’apporta sa faconde
Au troupeau des humains tremblant et miséreux

Au parfum de l’Espoir des relents plus immondes
Ont pollué nos jours devenus ténébreux
L’humanité concourt à sa ruine profonde
Au lieu de regimber en un élan fiévreux

La ruade suffit soudaine et furibonde  
Pour inverser le cours d’un destin douloureux
Chacun peut conspirer à changer notre monde
Refusant un final triste et aventureux

Car pour changer le monde
Il suffit de si peu 
 Mais si peu, c'est beaucoup © Mapomme