lundi 30 avril 2012

Sonnets. Les pièges de Bételgeuse


Bien au-delà d’Orion et l’or de Bételgeuse
Restent-ils des mondes nouveaux et habités
Pour des entreprises folles et courageuses
Loin de notre vie fade et de sa vanité

Atteindre une planète inconnue et fangeuse   
 Où rôde le danger prix de l’avidité
Voir la faune étrange des forêts ombrageuses
Inspire la plus censée des absurdités

Ce serait affligeant que tout ce vaste espace  
Soit privé de vie et s’avère inoccupé
Tragique solitude et pour nous quelle impasse

Nous avons tous besoin de voir se dissiper
Les aubes répétées sans que rien ne se passe
Parce qu’un dieu oisif s’est plu à nous duper

Conquête de nouveaux mondes © Mapomme

Sonnets. L’urne cinéraire du songe

Laissons donc Obéron aux tritons et dauphins
L’orbe des planètes mirage temporaire
Ne s’infléchit qu’un peu sous les cieux funéraires
Par le charme du chant d’un marin séraphin

Le soleil n’est distrait de son itinéraire    
 Qu’au son de la conque écumant son parfum
Le cri des puffins raille son rêve défunt
Et l’ordre rétabli punit le téméraire

Sur quelque promontoire on voit parfois songer  
Sous la lune argentée l’ombre désenchantée
Promenant la langueur qui s’en vient le ronger

Son hanap est vide et son âme tourmentée
Comme un noir cormoran se complait à plonger
Dans l’arôme aboli d’une ère infréquentée

Oberon © Mapomme

Sonnets. Le goût de la destruction

Quelquefois les enfants habités de folie
Cassent sur le marbre leur jouet préféré
Les parents étonnés ont beau vociférer
Il est inutile de risquer l’embolie

Le mal est déjà fait et l’acte exaspéré    
 D’un enfant destructeur pris de mélancolie
N’est rien que la lubie soudaine et malpolie
Du savoir balbutiant d’un cœur désespéré

A l’âge de raison quelque inconsidéré  
Abandonne un domaine et devient un ermite
Alors qu’aux yeux de tous il semblait pondéré

Moi comme bien d’autres rêvant de dynamite
J’aimerais tout casser ne pouvant tolérer
Notre monde imparfait qui toujours nous limite

Appetit for destruction © Mapomme

Sonnets. La comtesse aux aiguilles

De tes gourmandes dents Comtesse bois mon sang
Entrouvre-moi en grand les portes toujours closes
Je signe ton contrat et accepte ses clauses
Pourvu qu’une autre vie s’ouvre au convalescent 

Ce monde m’indispose obscur et putrescent
 Je ne suis plus enclin au doux parfum des roses
Mon cœur plus que ma chair lentement se nécrose
Je rêve d’un ailleurs nouveau et indécent

Ouvre les deux battants de tes sombres paupières   
Maîtresse de la nuit dont le cœur est de pierre
Procure-moi la clé d’un ailleurs captivant

Et dans mon cou offert plante tes dents cruelles
Délivre-moi de tout au fond d’une ruelle
Pour que je quitte enfin ce monde mort-vivant
Maîtresse de la nuit © Mapomme

Sonnets. L’éveil par le sommeil

Qui n’a pas vu pioncer un lardon de Silène
Sous une pergola sur le marbre glacé
Ou un sieur rubicond à la face vilaine
Prendre pour oreiller des lambris encrassés

La commère sévère et le tout récent saint
Plaignent le malheureux qui offre ce spectacle
Un débauché soumis promis à la débâcle

Ces gens pieux ignorent que loin des porcelaines
Le chasseur de rêves parvient à embrasser
L’absolue vérité en dépit de l’haleine
Ce qu’aucun triste thé ne pourrait enlacer

Quand ils croient qu’il s’éveille en ce monde malsain
C’est alors qu’il s’endort et perd le vrai chemin
Il lui faudra téter à son flacon miracle

Big Nemo in Drunkerland © Mapomme

Sonnets. La Clef

Ah percer l'absolu mystère
Occulté au début des âges
Et exercer le magistère
De son étourdissant puisage

Parfois dans les vapeurs des rêves
Voyant la clef originelle
Je frôle une fraction trop brève
L'entrée de la crypte éternelle

Mais au réveil tout se dissout
Dans l'âcre odeur de l'amertume
Dont nul jamais ne nous absout

Maudite soient l'aube amnésique
A l'ombre des regrets posthumes
Et la conscience anesthésique

 La clef © Mapomme

Sonnets. Eloge de la folie

Certains ont un penchant pour la réalité
Et d’aucuns savourent le fol envol du rêve
Ainsi je vais foulant l’inaccessible grève
Loin des plans d’avenir qu’on voit se déliter

J’aime mieux la folie d’une minute brève
Car le fou y conçoit l’idée de vérité
Que les sages croient seuls entre tous mériter
A ce monde où l’espoir comme un albatros crève

L’horizon clabote d’un feu agonisant
Sur les cités peuplées de fous qui se voient sages
Seul le rêveur perçoit l’ailleurs magnétisant

Aveuglés de sagesse ânonnent les savants
Tels des ours muselés par un ardu dressage
Je refuse la laisse et veux ma vie d’avant

La folie est un bien © Mapomme

Sonnets. Les fossoyeurs de joie

Les lys et les palais ont perdu leur splendeur
Nul page et nul valet ne fleurissent la table
Pas un seul alezan frémissant dans l’étable
Rien que le vent d’autan sur l’éperdue grandeur

La tour frémit d’effroi sous le froid pourfendeur
Logeant de noirs corbeaux clabaudeurs détestables
Soutanes de plumes et censeurs redoutables
Abolissant l’azur et traquant la candeur

D’une encre de ténèbre effaçant le passé
De l’orgue ils écrasent fifres et cornemuses
Adieu banquets et fête aux danseurs harassés

Poète en d’autres lieux va-t-en mener ta muse
Nos cœurs sont enserrés de joie cadenassée
Oublie fleurs et baisers Oublie ce qui t’amuse

De noirs clabaudeurs © Mapomme

Sonnets. Le tombeau des Vestales

Soudain ils sont entrés et ont pillé le temple
Violant les Vierges piliers de la tradition
Frappant tout le savoir humain de punition 
C’est le feu barbare sur le monde qui tremble

Depuis le Palatin tout un peuple contemple
 Les ravages sans prix de cette expédition
Sans âme la cité clame sa soumission
On tue quelques savants simplement pour l’exemple 

De bons généraux valent-ils le philosophe   
Le mathématicien un vil marchand d’étoffes
Et le divin poète un mauvais rimailleur

Partout on voit brûler la somme de nos livres
Ces hordes sans passé de notre argent s’enivrent  
Ailleurs naîtra un soleil loin des orpailleurs  

Des hordes sans passé © Mapomme

Sonnets. La grotte

Dans la grotte des Fées que la vague protège
Ses verts cheveux d’algues sur l’épaule tombant
La Disparue a fui l’ire de Caliban
Sur un cheval d’écume aussi blanc que la neige

Dans le château désert au chagrin succombant
 L’inconsolé parent maudit le sortilège
Vers d’obscurs nuages qui voguent en cortège
Il agonit les cieux de la tour surplombant

Le roc goémoneux que frôle un goéland  
Dans l’instant fugace la fleur miraculée
D’une gerbe jaillit dans un fatal élan

Loin des turpitudes la vierge immaculée
Coiffe ses cheveux d’un geste précis et lent
Dans la grotte des Fées sous l’eau dissimulée

Dans la grotte des Fées © Mapomme

Sonnets. Ciel inversé

La pleine lune danse et agite ses voiles
Telle une almée d’Egypte dans le bourg de Keneh
Les deux mains savamment tatouées au henné

La toile évanescente vient frôler les étoiles
Et découvre l’argent de son corps jasminé
Dans le ciel bleu profond voyez-là lambiner

A mon balcon rêvant vers cet astre inconstant
Je me sens enivré au bord du précipice
Vaisseau frêle aspiré vers le sinistre abysse
Où gisent les marins depuis les anciens temps

Devant un magnétisme aussi désorientant
Parfois je me demande en la nuit si propice
Le globe vogue-t-il dans ces feux d’artifice
Satellite d’un astre éteint depuis longtemps

Telle une almée d'Egypte © Mapomme

Sonnets. Le dit de la Dame

Baladins et jongleurs dansent sur l’air badin
Et griment le château en un estaminet
Châtelain gente dame éclose au Gâtinais
Ecoutent la geste d’un comte paladin

Savourant les mets fins d’un brun Périgourdin
De Pernille assisté depuis potron-minet
La dame au diadème s’ennuie un tantinet
Malgré les facéties d’un mage du Jourdain

La résille d’Orient couvre sa mer d’or blond
Ni mandore ni luth n’ont apaisé son cœur
Son cœur vain soupirant soumis à l’Aquilon

D’un hobereau rouquin son cœur jadis s’éprit
Il déroba sa joie d’un baiser l’escroqueur
Dans sa toile d’amour depuis son cœur s’est pris

Baladins et jongleurs © Mapomme

Sonnets. Tangible onirique

Au tout début  des temps régnait le grand Néant
Ensuite en ce chaos éternel sommeil calme
Se nourrissant de rien en seigneur qu’on acclame
Le Rêve s’éveilla dressé sur son séant

A travers l’Univers il exalta sa flamme
 Amplifiant son royaume à longs pas de géant
Emplissant le vide des Abysses béants
Tel sur le papyrus le scribe et son calame

Je désire abolir notre réalité  
Sombre cachot de l’âme ivre d’univers vaste
Despote détestant toute vitalité

Il nous faut renverser ce prétentieux dynaste
Qui cloître dans les murs de la banalité
Le Songe originel étincelant de fastes

Le rêve s'éveilla © Mapomme

Sonnets. A ma fée

Chante amie chante donc en verte Brocéliande
La joie des jours nouveaux
Rallume enfin l’esprit des âges médiévaux
Dont mon âme est friande

Sur ton luth ranimé par les monts par les landes
Puise dans ton cerveau
Les odes disparues dans de profonds caveaux
Pénétrées de légende

Ma fée des jours enfuis serine ta chanson
A la source de vie
Sur ton aubade gaie rejoins-moi et dansons

Retrouvons nos baisers
Dans la verte forêt et nos amours ravies
Dont on nous a lésés

Brocéliande © Mapomme

Sonnets. Une vision réelle


Je n’avais pas fermé les volets du salon
Le ciel était couvert d’un fin drap de coton
Au travers on voyait des étoiles tremblantes
Et la lune irradiait cette nacre troublante

Soudain six corneilles s'en venant des vallons
Passèrent en criant funeste peloton
Dans la lune pleine d’une peine accablante
Nimbant la pâle nuit de bleuité dolente

Puis un septième oiseau tout seul et attardé
Transperça le silence en ayant flemmardé
Pourquoi à quatre heures une semblable image

Je restais étonné dans l’étrange clarté
Songeant que le réel se plait à s’écarter
Des chemins tout tracés pour la sente des mages

Vol de corneilles © Mapomme

Sonnets. Refrain de Vérone

Juliette en secret aime un garçon charmant
Et son Roméo songe à sa belle ingénue
Dans ses quelques printemps d’un charme désarmant
En son rêve éveillé sa Capulet est nue

Juliette aime en secret un garçon charmant

Roméo ne vit plus saisi d’un lourd tourment
Sa douce ne dort plus par la fièvre tenue
D’un moment partagé ils se montrent gourmands
Et l’attente du jour tous deux les exténue

Roméo ne vit plus saisi d’un lourd tourment

Si Juliette voyait son Roméo en chausses
Rendu soudain bouffi par la bière et les sauces
En pantoufles marron flasque sur le divan

Julie aimerait-elle en secret son amant

S’il se représentait sa mince et belle gosse
Débraillée en peignoir mal coiffée par la brosse
Avec la clope au bec et trois lardons bavant

Il boirait le poison seule esquive au tourment
Juliette et Roméo 

Sonnets. L’orpheline oubliée

Aujourd’hui j’ai trouvé sans le vouloir vraiment
Une boucle d’oreille oubliée et délaissée
Dans l’ombre et le chagrin telle une âme blessée
Quel crime méritait semblable châtiment 

Abandonnée soudain dans ta fuite pressée   
 Victime d’un verdict cinglant et inclément
La boucle avait le tort d’évoquer un amant
Comme elle ma lèvre t’a souvent caressée

La question se posait dans son troublant silence  
Pourquoi avoir laissé dans le temple éploré
Une boucle orpheline en forme d’insolence

Le méprisant rejet d’un trophée abhorré
Rappelant au banni tous nos temps d’opulence
Dans le naos privé de son dieu adoré

La boucle © Mapomme

Sonnets. Voleur d’ombre


Ta chambre s’illumine et le néant s’éteint
Dans l’ombre immobile je sens le feu renaître
L’Univers est vide lorsque nous manque un être
Comme le dit un sonnet élisabéthain

Pour vraiment te revoir j’attendrai le matin
La ville au loin s’endort ignorant ta fenêtre
Je m’interroge s’il faut être ou ne pas naître
Ce tourment incessant me tenaille et m’atteint

Ton ombre chinoise danse sur les rideaux
T’apercevoir encor est un si beau cadeau
Et la fin du spectacle est la pire agonie

Dans le jardin muet piètre Quasimodo
Quittant le théâtre empli d’inharmonie
Je maudis cette vie divine félonie

Ton ombre danse sur les rideaux © Mapomme

Sonnets. Dzim-boum-vlan


Dzim-boum-vlan s’exclame Han dans son estaminet
Tout en chantant gaiement sur un tréteau il danse
Une chope à la main qu’il tient en évidence
Et avec sa main libre il fait des moulinets

Dzim-boum-vlan lance-t-il souriant en l’honneur
De la blonde Lucy la sublime servante
A laquelle il adresse une œillade fervente
Quand elle porte à boire aux vaillants moissonneurs

Dzim-boum-vlan poursuit-il le front dégoulinant
Se tenant le bedon rond et proéminent
Lucy sert un marin qui caresse ses tresses

Dzim-boum-vlan jette-t-il le regard fulminant
Quand passe la servante aux seins lourds fascinants
Ses amis se gaussent sans saisir sa détresse

Lucy servant des bières © Mapomme

Sonnets. L’inamouré

J’ai attendu en vain la dame à son balcon
N’y poussait point le lierre où j’aurais pu grimper
Sous la lanterne éteinte où sans fin j’ai campé
Aucun espoir d’étreinte aucun vers de Gascon

La nuit a promené son plat ventre infécond
Et mon luth est resté triste et inoccupé
Tout astre anéanti de nues enveloppé
J’ai trouvé réconfort en un tintant flacon

Belle lune d’argent plus que moi fortunée
Séléné ma complice et douce sœur aînée
Donne-moi un baiser et clos donc mes paupières

Tel Endymion dormant depuis deux mille années
Dans son antre d’oubli voilà ma destinée
Sous la pierre moussue dans un champ de taupières

Mon luth est resté triste © Mapomme
avec l'aide de Michelangelo Merisi

Sonnets. La Question sans Réponse


Cherchez donc le secret enfoui dans un grimoire
Le secret de l’amour alchimiste émérite
Quel philtre ou quel grigri ou bien quel blâmé rite
Recèle la recette enfouie dans une armoire

Nous traînons des remords de quelque vieille histoire
Comme une plaie fermée qui toujours nous irrite
Souvenir de guerre dont hélas on hérite
Qui demeure assoupi au fond de la mémoire

Un destin capricieux la roue de l’infortune
A soumis nos amours à la mauvaise lune
Nous laissant sur le quai sans aucun commentaire

Ne pas savoir pourquoi voilà qui importune
Où avons-nous péché pour qu’en fosse commune
Le bel amour tremblant soit celui qu’on enterre

Nous laissant sur le quai © Mapomme

dimanche 29 avril 2012

Sonnets. Les Esclaves

Être esclave des sens quel sort avilissant
Ces chaînes de forçat qu’on porte avec bonheur
Tel un laurier romain une légion d’honneur
Sont le sort méprisé d’un chien obéissant

Il n’est pas un plaisir dans ce sort indécent
Dans ce champ sans honneur il n’est point de glaneur
Seul règne un beau tyran un triste gouverneur
Qui se rit des peines et des espoirs naissants

Il est des ermites des prêtres réfractaires
Préférant leurs bois noirs leur exil volontaire
A la prison dorée d’un amour captivant

Certains envient ces fous sur leur roc solitaire
Est-il préférable de n’avoir rien sur Terre
Ou d’avoir éprouvé un amour émouvant

Ermite fou © Mapomme

Sonnets. Les Limniades

J’ai foulé les prairies au pied des monts Sacrés
Désertées des Nymphes abandonnées des Faunes
Parsemées d’oliviers et sans nul crocus jaune
Le vent m’a reconnu à mes seuls yeux nacrés

La Nuit désenchantée fleur de regrets sucrés
Couronnée d’étoiles descendit de son trône
Puis de sa compassion elle me fit l’aumône
Me prenant par la main sur le fleuve exécré

Sur les prairies sacrées des Limniades ravies
J’ai perdu mon chemin et j’ai perdu l’envie
Avec l’âme endeuillée des déités d’antan

Sur la pente fleurie que j’ai en vain gravie
Le parfum de naguère au Regret nous convie
L’Eternité dorée est vaincue par l’instant

La nuit désenchantée © Mapomme

Sonnets. La Trahison


L’amie admit à demi qu’Amour est prison
Parfois à tort on se torture
Un mot change notre nature
On endure des maux bien plus qu’il n’est raison

Alors l’éclat du jour se meurt à l’horizon
Tout a un goût de sépulture
L’âme exhale la pourriture
Et même fidèle l’amour est trahison

Nous voilà devenus cadavres décharnés
L’ombre pâle d’hier le déclin incarné
L’affreux zombie né du vaudou

Un seul rire un regard ou encor un parfum
Nous ôte toute envie toute vie toute faim
Brûlant du venin des mots doux
 Amour traître © Mapomme

samedi 28 avril 2012

Sonnets. Pire que le typhus

C’est un affreux virus qui enfièvre le sang
Aux tripes s’attaquant pervertissant le cœur
Les poumons privés d’air cèdent à l’escroqueur
Et le malade va en tous lieux gémissant

Ce trouble permanent ce palu tout-puissant
Déverse en nos veines son amère liqueur
Sur le cerveau soumis parade en vil vainqueur
Le sourire moqueur rabaissant l’innocent

En un beau jour d’été en une nuit d’hiver
Le mal distillera ce poison si pervers
Il n’est pas de remède et pas un seul savant

Dans vingt ans dans mille ans du tombeau recouvert
Le spectre de l’amour du fond de l’Univers
Viendra nous rappeler son pouvoir captivant

Affreux virus © Mapomme

Sonnets. Maris et amants

Je m’étonnais souvent de nos penchants instables
J’avais ainsi noté que mes amies d’alors
Préféraient un poète à un cul cousu d’or
Un simple musicien à un fils de notable

Mais en deux ou trois ans sans possible miracle
Les mêmes préféraient aux muses les dollars
Oubliant le plaisant pour un mâle standard
Offrant la garantie d’un destin sans obstacle

Comment pouvait-on donc passer du coq à l’âne
Des soleils catalans aux ondées mosellanes
Surtout quand leur mari était laid comme un pou

Elles pleuraient parfois d’avoir choisi la thune
Satan pour les punir avait créé l’époux
Dieu avait fait l’amant compensant l’infortune

Amants © Mapomme

Sonnets. Le mot oublié

Dans l’armoire il dormait depuis plus de vingt ans
Sous les draps conservés pour une circonstance
Qui jamais ne survint durant cette existence
Exhumé de l’oubli par un jour de printemps

Le mot jauni froissé vestige d’un vain temps
Recelait en son cœur une naïve stance
Où le style cédait devant la fougue intense
Une passion d’antan née d’un cœur palpitant

On peut interpréter la photo altérée
Et trouver dérisoire un amour passager
Promis à l’oubli que tout laissait présager

Quand on lit la passion des rimes déterrées
Les mots l’émoi l’amour d’un moment partagé
Réveillent la fièvre dont on s’est protégé

Rimes déterrées © Mapomme

Sonnets. Le foie et le cœur

Jadis sur son rocher constamment enchaîné
Au roc d’éternité par l’aveugle justice
Car il avait offert le feu à nos aînés
Prométhée payait cher son geste subreptice

En donnant le secret exploit si rationnel
Il savait que les dieux se montreraient hostiles
Et qu’ils appliqueraient un code exceptionnel
Son foie serait la proie du bec d’un volatile

Autrefois j’ai offert mon cœur inaverti
Sous l’effet d’une ardeur beaucoup moins altruiste
Quoique le résultat s’avérât aussi triste

Même si depuis lors je m’en suis repenti
D’un Amour j’ai subi la flèche sarcastique
Le cœur soumis au bec d’un vautour despotique

Eros et le vautour © Mapomme

Sonnets. Le désir sur les ruines de l’espoir

Dans les rues embrumées où naissent nos hantises
Où crèvent nos rêves sur les pavés rugueux
Dans l’ombre effrayante comme des fonds algueux
Résonnent les notes d’un bouge de striptease

C’est en ce lieu qu’échouent les rupins et les gueux
Guidés par la sottise ou la fainéantise
Dépossédés d’espoir et saouls de convoitise
Croyant devant ces corps trouver l’élan fougueux

L’almée des temps présents mime un écho antique
Exhumant un passé avec grâce et vigueur
Célé sous deux mille ans d’un ordre de rigueur

Les danses lascives répudient les cantiques
Et le corps dévoilé prêt à tout consentir
Rallume un rêve éteint sans aucun repentir

Almée des temps présents © Mapomme

Sonnets. Si tel est L.U.C.A.

L’hiver au coin du feu dans mon fauteuil tapi
Je me vois mal nommer une amibe Papy
Ou des paramécies devenir mes grands-mères
Les savants parleront de réaction primaire

J’admets fort aisément qu’un babouin accroupi
Soit un vague cousin quelque peu assoupi
Un poisson du primaire à la forme sommaire
Est un ancien de mer en forme de chimère

Mais un protozoaire amène le sujet
A une ère où l’idée produit un vif rejet
Le début de la vie serait donc mon ancêtre
 
J’entends depuis ma branche où je scrute un stratus
Creusant les racines des professeurs Nimbus
Bien avant la genèse chercher leur raison d’Être

Coucou, c'est Papy ! © Mapomme