samedi 31 octobre 2015

Rimes de saison. Printemps hiémal

Il pleut comme en hiver et les boutons tardent
C’est pourtant l’époque de la primavera
Mais la saison sommeille et se montre testarde
Soleil oisif masqué nul donc ne te verra

Allons d’un rayon d’or perce enfin la muraille
Attristant les cités d’un manteau nocturnal
Révèle un pan d’azur irradiant la ferraille
La grisaille anormale en ce temps prévernal

Jeune j’étais semblable et j’allais dans la vie
Le cœur chargé de pluie inapte à tout printemps
Nul fruit fors un seul ne put me faire envie

Donc en mon automne j’espérais et j’attends
Que les journées d’avril ne soient point asservies
Aux armées hiémales à leurs pluies et l’autan

Avril hiémal © Mapomme
d'après photo de Jean Miaille 

vendredi 30 octobre 2015

Rimes de saison. Les cœurs changeants

L’hôtel abandonné aux murs blancs décatis
Près du fleuve aux flots verts à tout jamais somnole
Qui donc en cet endroit l’a sans raison bâti
Plus une auto n’y passe On a fermé l’école

Ses volets s’écaillent sous la lèpre des ans
Son enseigne est rongée par le lierre viride
La ronce a envahi le jardin si plaisant
 Comme sur un défunt les mouches cantharides

Non loin on voit l’étang temple des migrateurs
Où printemps comme été les oiseaux nidifient
Les humains s’entichent d’un nouvel équateur
Et leur attrait varie Insensé qui s’y fie  

L’hôtel jadis complet l’été ou hors-saison
Comme un cœur délaissé est vide et nostalgique
À l’abandon il n’est ni rime ni raison
Sinon qu’un jour l’objet perd son côté magique

Le silence s’installe au bord des vertes eaux
Le lierre et les ronces lentement envahissent
Le temple abandonné Seulement les oiseaux
Voient sur le bâtiment le drapeau blanc qu’on hisse

 Abandon © Mapomme et Anne Onyme

jeudi 29 octobre 2015

Rimes de saison. Soliloque vespéral

Les feuilles s’épandent tels des espoirs déçus
Dans les rousses forêts des feux crépusculaires
Quand un souffle glacé venu à notre insu
Produit ces semailles d’or si spectaculaires

Dans la chambre aux murs bleus ternis tristes et nus
Elle lève ses bras de façon singulière
Bredouillant la langue d’un pays inconnu
 Dans son lit pour toujours demeurant prisonnière

Elle hoche la tête avec l’air résolu
D’un savoir ancestral seule dépositaire
Revivant des moments à jamais révolus
Mais son discours sans fin reste un profond mystère

Dans le couloir passent des visiteurs intrus
Étrangers dépourvus de grâce coutumière
Qui la dévisagent en abjects malotrus
Tandis que l’ignore l’attendue infirmière

Parmi ces étrangers un homme est revenu
Qui se prétend son fils avec la mensongère
Audace des fourbes et ses discours tenus
L’agacent sans cesse car cet homme exagère

Elle l’ignore alors sans offrir un refus
Parlant à l’Invisible ami qu’elle vénère
Elle soliloque dans son jargon confus
Comme le font souvent bien des nonagénaires

Jamais le marinier ne reprend le dessus
Dans l’écume et la brume où vogue la galère
Les feuilles s’épandent tels des espoirs déçus
Dans les rousses forêts des feux crépusculaires
Soliloque © Mapomme et Anne Onyme



vendredi 16 octobre 2015

Rimes de saison. La fièvre du printemps

Boutons ne soyez point pressés
Que s’en vienne l’été aux soirées exaltantes
Quand le chaud sirocco viendra vous caresser
Près des nappes virevoltantes

Vous serez le serment tenu
Celui de la beauté dont l’ardente jeunesse
Nous laissait entrevoir hormis l’air ingénu
 Un apogée tout en finesse

Certes vous serez tous éclos
Et lâcherez alors de subtiles fragrances
Mais rien n’a survécu du vaste Camelot
Rien des bals ni des révérences

Pas un seul bout de mur restant
Sinon le souvenir errant dans nos mémoires
Le défunt souvenir persistant d’un instant
L’éternité du transitoire

N’ayez pas d’inutile émoi
À quoi sert de trembler quand se fane un pétale
Que laissera le temps de vous comme de moi
Il a enfoui des capitales

Goûtez tout instant des saisons
Qui passeront hélas à mon avis trop vite
Et mèneront enfin aux tristes oraisons
Ce terme jamais ne s’évite

Votre splendeur mène à nos morts
Et tout moment divin est un héraut funeste
Par la fatale plaie sans joie et sans remords
 S’écoule la vie qui nous reste

Boutons ne soyez point pressés
 Après l'impatience © Mapomme d'après Thomas Quine