samedi 26 mars 2016

Sonnets. Rencontres fortuites

Je croise assez souvent des gens intéressants
Dont la conversation est un instant de grâce
Leur voix leurs mots sensés laissent en moi leurs traces
Quand ils sont emportés par le flot incessant

Puis je reprends le cours insipide des jours
À subir des fâcheux et les dix plaies d’Égypte
Cet agaçant essaim suçant jusqu’en la crypte
La moelle de nos vies en ce mortel séjour

Que n’a-t-on des bateaux chargé les importuns
Pour les mander au loin vers des îles désertes
Où ils s’assommeraient de leur vain baratin

Pour ne plus les ouïr les yeux je clos alors
Je m’enferme en mon âme à la mémoire offerte
Des bons moments fortuits ouvrant le livre d’or
 
Les dix plaies de l'Egypte © Mapomme


Les 30 calamiteuses. Jour d’avant Pâques

Dix heures du matin Des coups de feu résonnent
Des coups de feu festifs pour la célébration
Très méridionale qui chaque fois m’étonne
Lorsque des voisins fêtent la Résurrection

Si seulement nos morts par une aveugle lame
Cruellement tranchés bien avant les moissons
Pouvaient ressusciter depuis l’enfer des drames
Et sécher les larmes que pour eux nous versons

Notre repas pascal serait bien plus allègre 
En voyant revenir les blés fauchés trop tôt
Meilleur serait le gras après ces jours de maigre

Le vin de nos verres chassant nos lamentos
N’aurait pas de faux-goût un je-ne-sais-quoi d’aigre 
Un lourd soupçon du deuil des blés fauchés trop tôt
 
Le jour d'avant Pâques © Mapomme 


jeudi 24 mars 2016

Les 30 calamiteuses. L'Union fait la force

Doit-on ne point parler du sang sur les pavés
Et ainsi ignorer le décès des victimes
Les larmes et l’effroi dans les pensées gravés
Ou alors confesser la fureur légitime

En voyant répétés des actes assassins
Qui frappent au hasard et sans raison endeuillent
On sait qu’en nos cités errent des spadassins
Qui voudraient diviser les gens qui les accueillent

On sait bien que demain ils frapperont encor
Effaçant des destins en moins d’une seconde
Tel un torrent en crue broie et tue sans effort

Sans mérite et sans gloire ils porteront la mort  
Sans pouvoir altérer le ciment de ce monde
Un mortier très discret qu’ils méprisent à tort

L’union fait la force notre Union fait la force
 
L'Union fait la force © Plantu et Le Monde 


dimanche 20 mars 2016

Sonnets. Le sang et la sueur des jours

Un blanc cheval massif travaille dans un champ
Tirant une charrue en terre noire et grasse
Puissant et pesant sa force est sa disgrâce
Car chacun s’ébahit devant un fier pur-sang

Or traçant son sillon dans le fécond limon
Tandis qu’un paysan sur le soc s’échine
Ce bourrin nous promet les blés et la farine
Repoussant la famine et ses affreux démons

J’ai distingué des taons s’acharnant à piquer
Le cheval de labour qui sans fin sue et trime
Œuvrant au bien commun sans jamais abdiquer

Il m’a semblé alors que notre Humanité
Pour un but inconnu sans vrai profit s’escrime
Des sangsues l'épuisant avec avidité
 
Le sang et la sueur des jours © Mapomme 

Sonnets. Mortes-Eaux

C’est un havre calme sans nulle vague à l’âme
Des vaisseaux vermoulus dorment en mornes eaux
La cargaison s’abîme près des champs de roseaux
Des oiseaux inconnus chantent d’étranges drames

Humide tropique qu’un feu sanglant enflamme
Ensemençant les eaux tandis que les oiseaux
Ne connaissent hélas aucun plaisant scherzo
C’est l’abandon vainqueur que leurs chants nous déclament

Les vents et cyclones ont dévasté les voiles
Celles-là qui claquaient en quittant fièrement
Leur amarre en se fiant à quelque bonne étoile

La Terre Promise semée d’or et de gloire
Ne fut jamais atteinte au gré des errements
Ce havre est le mouroir d’espoirs aléatoires
 
Mortes-Eaux © Mapomme et F.E. Church


Sonnets. Le vivant chef-d’œuvre d’une seconde

Elle lisait un roman Virginia Woolf je crois
Sur le divin divan non loin de la fenêtre
Le feu doré du jour quand le soleil décroit
Nimbait l’ange songeur d’une aura de bien-être

Médusée par les mots et transportée ailleurs
Elle ne perçut pas ma discrète arrivée
Un amour aux orties un passé chamailleur
Et les regrets amers la tenaient captivée

J’ai visité un jour le grand musée d’état
Et une femme en bleu qui lisait une lettre
M’avait laissé sans voix réflexe peu constant

La femme en T-shirt bleu m’imposait l’omerta
Ce bien vivant Vermeer une étoile de maître
Possédait la beauté de l’éphémère instant
 
Le vivant chef-d'oeuvre d'une seconde © Mapomme 

Sonnets. Heureux l'infortuné marin

Était-ce un songe vain ou bien un souvenir
De jour ou bien de nuit qu’importe
Je me trouvais perdu en quelque place forte
Quand j’entendis un chœur venir

Homère nous contait d’Ulysse les tourments
Perdu sur la mer furibonde
Que de péripéties de quêtes vagabondes
Écot d’un divin châtiment

Tais-toi vieil aveugle Cesse ton ode dis-je
Car tes récits sans fin m’affligent
Les bras de Calypso l’ont caressé sept ans

Je suis plus à plaindre qu’Ulysse
Ce volage marin époux plein de malice
Car au foyer nul ne m’attend
 
Heureux l'infortuné marin © Mapomme 

Sonnets. L'étang change

L’étang depuis longtemps varie selon le temps
Et le plomb de l’hiver succède à l’anthracite
Simple reflet du ciel par un accord tacite
Depuis longtemps selon le temps varie l’étang

À voir ainsi l’azur d’un beau jour de printemps
On pourrait s’éblouir d’un bonheur implicite
Du mythique âge d’or la belle réussite
Loin des saisons troublées et des cœurs inconstants

Dans la vase masquée par la surface lisse
On a trouvé dit-on un bateau naufragé
Preuve que tout n’est pas que quiétude et délice

Il est d’antiques drames et de lointains supplices
Ainsi sous cet aspect paisible et dégagé
Un vieil espoir repose en un oubli complice
 
L'étang change © Mapomme 


samedi 19 mars 2016

Sonnets. Les pavés gris

Sous les pavés gris il y a la plage
Des châteaux de sable et des billets doux
Des gages d’amour un bel espoir fou
La rumeur enfuie d’anciens attelages

Sur les pavés gris de nouveaux amants
Vont par le printemps jusqu’aux jours d’automne
Quand le vent balaie dans le ciel atone
L’encre délavée des plus beaux serments

Paris tout pavé rêve de campagne
Loin de ses hôtels ses palais dorés
On a importé pourtant la Bretagne

En pavés taillés comme autant de plages
Sans nul goéland venus déplorer
Les feuilles froissées des serments volages
 
Les pavés gris © Mapomme 


Sonnets. Révolutions

Un jour n’est qu’un tour Sept tours la semaine
Et un mauvais jour n’est qu’un mauvais tour
Et moi dans ma tour j’attends ton retour
Je compte ces jours qui à rien ne mènent

Notre Terre tourne autour du soleil
D’un jour à l’année jusqu’au jour de l’An
Le tour de mon monde en quatre-vingts ans
Les jours les années semblent tous pareils

Or tout ça s’explique en fait simplement
Car ce grand périple en forme d’ellipse
Vers le même point inlassablement

Ramène toujours à nos vains débuts
Et puis un beau jour enfin on s’éclipse
Un pendable tour nous met au rebut
 
Révolutions © Mapomme 


Fables. Le baudet, le bélier et la louve

Le monde est souvent fait d’un genre de héros,
Qui en tous lieux s’en vont dégoiser, critiquer.
Contre nos gouvernants, sans cesse ils crient haro,
Sans avoir nulle part, un seul jour, pratiqué.

Messire Girecoq, venu de sa province,
Grand donneur de leçons en diverses gazettes,
Contre les réformes et les édits du Prince,
Contre le statu quo, en ces temps de disette,
Se posait en arbitre et se voyait ministre,
Quand le seul mérite de cet âne savant,
Aux grandes oreilles et à mine sinistre,
Consistait simplement à tourner à tous vents.

Messer Morgamagnus, bélier d’un grand troupeau,
Rétif à tout chiffrage et aux économies,
S’en venait palabrer en vains et longs propos
Contre la finance, sa plus grande ennemie.
À grands coups de menton, il défiait les états,
Sans honte, dépeignant des lendemains nouveaux,
Promettant des prés verts à des bêlants bêtas,
Sans bourse délier : les brebis sont des veaux.

Dame Aliosodia, louve parmi les loups,
Héritant de la horde affamée et hurlante,
Qui vers des moutons noirs, au bêlement chelou,
Avait tourné ses crocs, sa prose virulente,
Déblatérait devant quelques tendres agneaux,
Cachant la dent pointue derrière un feint sourire.
Tout ce naïf cheptel ignorait les signaux,
Au bord du précipice, hurlait : “Vive l’Empire !

Car chacun, ici-bas, se fiera au baudet,
Au bélier ou au loup, s’il lui fait la promesse
De ne pas l’imposer, - c’est dire le dadais ! -,
En ne faisant payer que les seules altesses.
 
Baudet président ! © Mapomme 


Fables. Les grenouilles et leur maire

En un marais serein, vivaient des batraciens.
Ce lieu fort retiré de nul n’était connu,
Hormis des grenouilles et de quelques anciens.
Il fallait s’en aller par un chemin menu,
Sinuant sans jalons, par les sables mouvants.
Autant dire que nul ne se risquait par là.
Ce peuple coassant, d’un docte et vieux savant,
Crapaud très réfléchi, qui rarement parla,
Avait fait, autrefois, le maire de l’étang.
La paix et l'abondance en cet endroit régnait.
C'est en tout cas ce qu'un Thrace prétend.
Car le peuple amphibien aucun maux ne craignait.
Aussi savant qu’il fût, la mort vint le cueillir.
De grandes assemblées, par ajoncs et roseaux,
Dont tous les parlements peuvent s’enorgueillir,
Cherchaient un successeur de par ces mortes-eaux.
Lassé de ces débats, brisant le calme ambiant,
Un dieu de tous marais comme de tous lagons,
Envoya un crapaud aimable et souriant,
De la République le meilleur parangon.
Le voyant si serviable et en tous points cordial,
Certains le brocardent, rient de ses qualités,
Et chient sur le crâne du maire si jovial.
Voilà des assemblées qui, sans légalité,
Veulent un autre maire et dérangent les nuits
Du dieu qui supposait le problème réglé.
“Ce maire est bien trop mou et génère l’ennui“,
Coassent les tribuns presqu’à s’en étrangler.
Il remplace aussi sec le crapaud prévenant
Par un héron cendré qui se met à manger
La gent batracienne, sans cesse, à tout-venant,
Qui hurle et qui maudit l’emplumé étranger.
En secret, des forums demandent à nouveau
Qu’un maire moins cruel dirige les marais.
“Vous en aviez un bon qui faisait des travaux
Vous l’avez méprisé, le raillant sans arrêt.
Gardez-vous“, dit le dieu, “que vos croassements
N’en amènent un pire en ce pays ingrat.
Il pourrait s’avérer mille fois plus gourmand,
Ne laissant point le temps de devenir si gras.“
                                                                                     
Les gens sont ainsi faits en toutes les contrées :
Sifflant les gouvernants qui se montent affables,
Pour devoir accepter les folies orchestrées,
Comme nous l’a montré cette édifiante fable,
D’un horrible régime absolu et inique.
Veillez, si vous pouvez, à ne pas imiter
Ceux qui ont invoqué le démon tyrannique :
Grenouilles et crapauds l’auraient dû méditer.
Quand le héron, au soir, retourne en sa maison,
L’assemblée batracienne un dieu défunt supplie.
Elle aurait dû bénir la paix avec raison,
Au lieu d’aller gémir à l’heure des complies.
 

 Les grenouilles et leur maire © Mapomme

vendredi 18 mars 2016

Les 30 calamiteuses. Les fauves qui sommeillent

On moque en société les mœurs des indigènes
Barbares pour les cercles de la fine fleur
Des barbares selon les critères d’Athènes
Mais pas indigènes quand ils sont loin des leurs

Les salons de l’élite oublient que le vernis
S’écaille bien souvent dans l’Olympe de verre
Où l’appétit de l’or provoque le tournis
Quand le fauve renaît de son état larvaire

Le sauvage étouffé depuis des millénaires
Délaisse la prière pour des écus brûlants
Quitte à déposséder ses propres congénères

Souvent ses intérêts se font trop virulents  
Et pillent l’indigène en fauve sanguinaire
Pour dorer les salons des cercles opulents

Où l’on pourra moquer les mœurs des indigènes
 
Les fauves qui sommeillent © Mapomme 

mercredi 16 mars 2016

Les 30 calamiteuses. Immobilis in Mobile

Dans les rues mal famées pavées d’incertitudes
Les avenirs naissants zappent les lieux obscurs
Où nos éluites sans nulle fortitude
Prostituent les serments pour des palais impurs

Promesses de sauver les bastions égoïstes
Des empires croulant sous les vents turbulents
Quand les discours s’ornent de soupirs passéistes
Quand on craint le futur qu’il n’est plus stimulant

Passent des colporteurs vendant leur camelote
Des regrets dépassés et des rejets amers
Pour des marins pâlots que l’océan ballotte

Les coqs laids ergotent et s’estiment experts  
Prétendant caboter un bateau sans pilote 
Or ces vieux loups de bars n’ont jamais pris la mer   

Le progrès immobile est notre servitude
Et les rues affamées forgent les solitudes
 
Immobilis in Mobile © Mapomme 


mardi 15 mars 2016

Rimes de saison. Le Gros

Son surnom est le Gros pour trois kilos de trop
Ses amis sont cruels sans en avoir conscience
Les surnoms sont pesants même les rigolos
Répétés à l’envi ils ôtent la confiance

Le Gros pour trois kilos se voit comme un tonneau
Sans oser vérifier son poids sur sa balance
Haïssant les miroirs où ses abdominaux
Lui font toujours défaut mais bien moins qu’il le pense

Il n’ose pas vraiment aux récrés dans la cour
Parler à la fille qui hante ses pensées
Ses kilos pèsent lourd sur ses muets discours

Aussi se taira-t-il pour revenir blessé  
Dans sa chambre écrivant quelques poèmes courts 
Sans un instant oser ses secrets confesser

Son surnom est le Gros pour trois kilos de trop
 
Le Gros © Mapomme 


Les 30 calamiteuses. Les hyènes nous rongent

Les hyènes nous rongent le peu de gras du dos
Dévorent nos cerveaux lentement sans rien dire
Sucent en silence la moelle de nos os
Semaine après semaine et préparent bien pire

Les hyènes triomphent à l’encre des échos
Et lassés on renonce à ces verbaux délires
Qui dictent les pensées des anciens des ados
Limitant la révolte aux tags qu’on peut écrire

Les hyènes se bâfrent de tous nos héritages
Auxquels nous renonçons sans livrer de combat
Sans notaire assurant cet injuste partage

Or les chasseurs choisis rarement nous protègent
Nous livrant à leurs crocs nous tirant vers le bas
Les hyènes se moquent de nos piteux cortèges 
 
Les hyènes nous rongent © Mapomme 


lundi 14 mars 2016

Rimes de saison. Les rêves égarés

C’est un venin qui calme un moment le poison
Coulant dans les veines magma né d’un cratère
Engendré par le ventre embrasé de la terre
Quand tous les horizons mènent à des prisons

Sur un carton crasseux dans un squat délabré
S’injectant sa dose d’un Léthé illicite
Le chevaucheur d’oubli sous des cieux d’anthracite
S’envole loin des rues d’un monde enténébré

Ce dard chaud dans son bras mène au rêve égaré
Un jour abandonné pour une voie nouvelle
Éphémère envie d’un être désemparé

Allant beaucoup trop loin en quête d’absolu
Se cramant toujours plus le cœur et la cervelle
Il crèvera d’un fix à trente ans révolus  
 
 Les rêves égarés © Mapomme et Danny Boyle


Rimes de saison. Ivresse de l’amnésie

J’ai vomi comme un chien dans le caniveau sale
Le fiel d’espérances avalées au comptoir
Et parties en fumées dans le ciel de la salle
Où sont les étoiles et la beauté des soirs

À genoux à gémir dans le profond silence
En voulant ignorer l’origine du mal
Du vide qui me noue les tripes et la panse
Mais sans pouvoir combler cet espoir animal

Si je remplis mes nuits d’éphémère amnésie
Effaçant à l’alcool l’icône du passé
Je saisis la raison d’insensées frénésies

Des excès des week-end des cuites colossales
Qui comblent de néant un dossier à classer
Ressorti samedi dans le caniveau sale  
 
Ivresse de l'amnésie © Mapomme 


dimanche 13 mars 2016

Rimes de saison. Le nouveau monde

C’est un havre au Ponant qu’abordent les migrants
Un nouveau continent après un long voyage
Ils foulent une forêt aux acacias fragrants
Où le vent murmure son chant dans les feuillages

Les épis sont très hauts dans les immenses champs
Fertile est la terre verts sont les pâturages
Qu’offrent aux arrivants les vallées du couchant
La faim n’existe plus dans ce lieu sans orage

Quand je serais trop las de demeurer ici
J’aimerais m’éveiller quand la chaloupe touche
Ce nouveau continent des antiques récits

Le soleil s’y lève quand ailleurs il se couche
Et la vie y renaît quand celle-ci s’achève
J’aimerais vivement m’imprégner de ce rêve
 
 Le nouveau monde © Mapomme

samedi 12 mars 2016

Rimes de saison. Le printemps du crépuscule

Que coule le soleil sur mon cœur boréal
Et qu’ainsi ravivé un dernier feu l’enflamme
Que fondent les neiges qui glacent l’idéal
À sa source pure j’oublierais tous les blâmes

Les épreuves passées et les désillusions
Qui ternissent l’éclat des fugaces aurores
Tel un métal luisant subit la corrosion
D’une larme d’acide et qu’aucun feu ne dore

Qu’un ultime printemps fassent surgir les fleurs
Qui dans un herbier clos sommeillent desséchées
Prés du corps empaillé d’un bel oiseau siffleur
Pour que la vie renaisse et ne soit plus cachée

En ce cas je pourrais quitter le monde heureux
En ayant effacé l’indélébile marque
D’un précoce automne par des jours chaleureux
Et je me moquerais des vacheries des Parques
 
Le printemps du crépuscule © Mapomme 

vendredi 11 mars 2016

Les 30 calamiteuses. Je cherche un ogre

L’ogre écarlate est mort et les désespérés
Ne savent où trouver l’éclat d’un brin de paille
Dans la noirceur luisant qui pourrait éclairer  
Le silence des nuits et les jours de grisaille

La jarre de Pandore a vu s’enfuir ce brin
D’or et ne retient plus que l’angoisse et la crainte
Dès demain les maîtres seront les malandrins
Qui nous feront trimer tremblant sous la contrainte

L’excès sera le temple où les déshérités
Croiront voir le flambeau qui saura les défendre
Faisant fondre les fers de la précarité
Ne laissant des palais des repus que des cendres

Naîtront dans ces brouillards nombre d’ogres nouveaux  
Rendant les démunis plus empreints de détresse
Face aux haines nourries par tous ces faux dévots
Quand leurs rivaux suivront la perfide prêtresse 

Car lorsqu’un ogre meurt qu’il soit rouge ou bien vert
Il se fait un grand vide et nous supposons vivre
Libres ou libérés au cœur d’un monde ouvert
Or tout vide est comblé et aux ogres nous livre
 
Je cherche un ogre © Mapomme 



dimanche 6 mars 2016

Rimes de saison. Le seigneur des ronces

Je me pique souvent de savourer des mûres
Je me pique les doigts lors de cette moisson
Et j’aurais bien besoin de porter une armure  
Pour ne plus écouter persiflant sa chanson
Le merle me raillant dans l’ombre des ramures

Le seigneur des ronces picore les buissons
Il est dans son jardin et rit de mes blessures
Je m’écorche et il chante un air à sa façon
Gai de me voir peiner avec mes meurtrissures
Tel un ami moqueur qui nous fait la leçon

Absurde naufragé qu’un faux passé consume
Tes regrets sont poison qui gâte ton présent
Ce qui n’a pas été génère une amertume
Altérant ce qui est d’un venin déplaisant
Ce qui pourrait naître endosse un noir costume

Tu traverses la vie en blasé suffisant
Sur le flot des damnés rongé d’un spleen posthume
Tel un Atlas ployant sous un monde pesant
Tandis que le nocher canote sur l’écume
Et que tu dis tes vers aède ironisant

Tu m’ennuies beau merle clamai-je en me piquant
La vie est un maquis tout hérissé de ronces
Qui nous blessent les doigts d’aiguillons mordicants
Sitôt qu’on veut glaner des secrets la réponse
Un vrai sens à la vie un sens tout expliquant

Mange les baies sucrées et aux questions renonce
M’indique le merle sifflant son air plaisant
Le bilieux ne devient jamais seigneur des ronces
Nigaud profite donc de chaque instant présent
Doux-amers sont les fruits de cette vie absconse
 
Le seigneur des ronces © Mapomme