vendredi 31 mars 2023

Incantations. Pourquoi le superflu ?

Darwin s’interrogeait concernant la musique
Sur sa nécessité pour les premiers humains.

Pourquoi peindre une fresque au fond d’une caverne ?
Pourquoi sculpter la pierre ou bien faire un bijou ?
Quel besoin impérieux sans cesse nous gouverne
Quand nous pouvions rester cousins des sapajous ?

Je ne puis à coup sûr éclairer sa lanterne
Ne pouvant professer des théories sur tout ;
La musique apparaît quand l’homme se prosterne
Devant des dieux puissants qui prennent soin de nous.

Contre le désespoir le sacré est utile
Quand la flûte est la voix s’élevant vers les cieux :
Et sans lui tous les arts auraient été futiles.

Le chant est pour l’humain un trait d’union précieux ;
Peinture et poésie sont l’évasion subtile
Permettant d’occuper tous nos instants ocieux.

Qui se satisferait des seuls plaisirs basiques
Sans le rêve et l'émoi ou l'odeur du jasmin ?

Pourquoi le superflu ? © Mapomme
D'après un documentaire de Pascal Goblot

jeudi 30 mars 2023

Incantations. Aveugle à la beauté

Parfois on traverse des moments très confus
Aveugle à la beauté offerte à notre vue.

Comme tous j’ai connu un chaos déprimant
Où j’avançais rongé par la mélancolie
Et je m’y complaisais à mon seul détriment
Me délectant alors de ma sombre folie.

En ça je m’appliquais un cruel châtiment
Me châtiant sans crime ni possible embellie ;
À quoi bon les regrets ou les ressentiments
Et les serments muets dont nul ne me délie ?

Des beautés nouvelles s’offrant à mon regard
Je ne pouvais rien voir replié sur moi-même
Pour elles ne montrant le plus infime égard.

Être à ce point aveugle est un sérieux problème
Qui me privait de joies et je flânais hagard
Dans l’imposant tumulte où naît chaque aube blême.

Aveugle à la beauté vivant dans le refus
On le quitte en raison d'une cause imprévue.

Aveugle à la beauté © Mapomme

mercredi 29 mars 2023

Incantations. En attendant la pluie

Toute jeunesse espère un possible miracle
Qu’ambroisie et nectar soient servis à l’envi.

Mais toujours leur venue au proche lendemain
Se voyait reportée de façon insidieuse ;
Or on nous assurait qu’elle était en chemin.

Les journées sont passées longues et fastidieuses
Sans qu’on fît de l’espoir un plus mûr examen ;
Pourtant l'aube déçue rendra l’attente odieuse
Sans la myrrhe et l’encens sans parfum du jasmin.

Ces futurs sont hélas enfants de la chimère
Nuages dissipés au plus bénin des vents
Dont la seule extinction rend les aubes amères.

Nous voulons nous lever chaque matin rêvant
Quand bien même l’espoir serait chose éphémère
Guettant quelque nuage en l’azur arrivant.

Toute pluie annoncée par quelque fol oracle
Dans le désert brûlé nous l'attendrons ravis.
En attendant la pluie © Mapomme

Incantations. Danseuse végétale

Parfois un arbre prend une étonnante forme
Et devient un totem des âges très lointains.

Une almée tropicale est figée dans sa danse
Par un céleste sort comme autrefois Daphné
Transformée en laurier grâce à la providence
Évitant d’Apollon l’amour trop passionné.

Mais c’est un baobab en cette circonstance
Que les tropiques ont ainsi proportionnés :
C’est le vent qui pétrit durant son existence 
Sa forme et l’a contraint à se contorsionner.

On trouve des statues d’époques ténébreuses
Nous laissant circonspects sur l’interprétation
Qu’on pourrait leur donner car étant peu nombreuses.

Fertilité déesse ou quelque invocation
D’abondance à venir ; beauté semblant affreuse
Au regard des canons des plus riches nations.

Mais qu’importent les lois qui ont fondé ces normes
Quand nous charment les arts australs ou levantins.

Une almée tropicale © Mapomme

lundi 27 mars 2023

Incantations. Le mauvais écolier

Avec l’âge on a droit à des termes anciens
Qui semblaient engloutis dans un brouillard très dense.

On se retrouve un jour passant un examen
Et la note reçue aura des conséquences
Qui nous fera traiter comme de grands gamins
Comptant vite rentrer chez eux pour des vacances.

Qui se voyait au lit sans savoir si demain
Il reprendrait le cours de sa frêle existence ?
On comprend vite alors que c’est un long chemin
Où notre vie marie joies avec pénitences.

On songe à l’adage qu’on veut croire romain :
C’est le corps qui se gâte et non les temps qui changent
Et l’on prend pour sagesse un tas de lieux communs.

Si jeune on l’affligea le corps sur nous se venge :
Des douleurs se font jour des pieds jusques aux mains
Et il faut surveiller ce qu’on sirote ou mange.

On est à l’examen l’écolier béotien
Bonnet d'âne implorant la haute providence.

Le mauvais écolier © Mapomme

dimanche 26 mars 2023

Incantations. Villa des soliloques

‌J’entame assez souvent de passionnants débats
Où je défends bien sûr mes convictions intimes.

Ces discours demandant un silence complet
Confrontent constamment ma pomme avec moi-même ;
Lorsque je soliloque ai-je l’air d’un simplet 
Hostile aux positions enflammées et extrêmes ?

Un tracassin m’envoie un redondant couplet
Exigeant l’impossible chantant la même antienne ;
Je marmonne un discours dont je sais qu’il déplaît
Au plaideur récurrent dont la plainte est ancienne.

Vainqueur à chaque fois je vais soliloquant
Attaquant les moulins qui à tout vent s’excitent
Et qui s’obstineront faute d’être éloquents.

Tout jeune j’ai bien ri d’un ancien qui récite
Sa plaidoirie muette exutoire fréquent
Quand des tracas anciens tout à coup ressuscitent.

Me voilà ces temps-ci dans un de ces combats
Où tenace un fâcheux mène un baroud ultime.

Villa des soliloques © Mapomme

samedi 25 mars 2023

Incantations. Morphée livre un message

Si nos jours diffèrent dans leur répétition
Semblables sont les nuits malgré leurs différences.

Sous l’emprise des rêves que m’inspirait Morphée
Je m'éveillai soudain trouvant un sens profond
À ces paradoxes tenant du don des fées
De saisir l’oracle que tous les dieux nous font.

Chacun sait qu’en sommeil une voix étouffée
Murmure à notre esprit sitôt que nous rêvons
Ce que n’a pu confier le malheureux Orphée
Foudroyé par les dieux comme nous le savons.

Il était pourtant vrai que les jours se répètent
Sans être identiques à nos jours précédents 
Et leur monotonie n’est pas chose secrète.

Nous faisons rarement quelque songe obsédant
Et varieront nos nuits car nous viendront en tête
Semeurs de cailloux blancs divers dieux nous aidant.

Nos songes sont l'objet de la précognition
D'un Morphée inspirant la divine ingérence.

Morphée livre un message © Mapomme
Avec l'aide de Puvis de Chavannes et de E. Hillemacher

vendredi 24 mars 2023

Incantations. Aux franges du sommeil

Aux franges du sommeil bien des vers j’ai conçu
Sans stylo sans papier sans clavier pour écrire.

Autour de moi tout dort et dehors pas un bruit :
En rêveur éveillé je n’ai rien d’autre à faire
Si ce n’est marmonner sans me soucier d’autrui
Chose qu’entre toutes ma nature préfère.

Mais avant de cueillir une idée comme un fruit
Elle devra mûrir car la lenteur s’avère
Une phase obligée ; trop de hâte détruit
L’onirique étincelle inspirant le trouvère.

Cette lumière a-t-elle éveillé les oiseaux ?
Ils chantent en tout cas dans l’arbre sous la chambre
Entamant ce qu’on peut qualifier de scherzo

Le seul son non-gênant de janvier à décembre.
Si j’écris en silence ce bref intermezzo
Peut même a contrario m’aider à me détendre.

Les rives du sommeil et ce chant par-dessus
Dans un rêve éveillé dix-huit rimes m'offrirent.

Aux franges du sommeil © Mapomme
D'après Windsor McCay

Incantations. Toute flamme s’éteint

La passion n’a qu’un temps comme au printemps les fleurs
S’éteignant sans un bruit à l’instar des bougies.

Qu’est devenu ce feu qui nos cœurs consumait ?
Le parfum d’un bouquet jour après jour s’étiole
Et le muguet se fane avant la fin de mai
Où tombent asséchés ses deux mourants pétioles.

On croyait que le feu ne s’éteindrait jamais
Flamme que dans le temple au pied de son idole
Un prêtre de Vénus chaque jour ranimait
Et où des pèlerins apportaient leur obole.

Seul un cœur d’artichaut flambera mille fois
Inconstant sur l’objet pour que la passion vive
Qu’il chérit sans avoir en l’amour quelque foi.

Je suis d’un autre bois et sans flambées hâtives
En vieux loup des forêts hors des amours grivois
J’ai le défaut d’avoir la passion exclusive.

Aussi le temps passant dès l’automne trembleur
Pleurent sous les cieux gris les passions assagies.
Toute flamme s'éteint © Mapomme
D'après Ridley Scott

jeudi 23 mars 2023

Incantations. Tel Atlas sous le Globe

Comme bien des jeunes j’avais fumé de l’herbe
Mais j’ai vite arrêté ce rituel malsain.

Si j’allais comme Atlas écrasé par le Globe
Un joint me soulageait sans m’ôter le fardeau ;
En mutant tout ado bien qu’ayant l’esprit probe
Se sent l’âme écrasée cent fois plus que le dos.

Je voyais s’enfoncer une faune interlope
Qui naviguait sans cap sur un frêle radeau ;
Persistant le mal-être en nous se développe
Pris dans le no man’s land où s’égare un ado.

Un poète a décrit la vision d’une époque
Accolant paradis avec artificiels ;
Pour moi je n’ai rien vu de ce qu’il y évoque.

Si j’ai vu l’artifice où donc était le ciel
Car persiste l’enfer qui du damné se moque ?
Pas un lopin d’Éden ou de bonheur partiel

Hors d’un rêve à deux sous nulle extase superbe :
Jeune Atlas courbe-toi sous ce poids assassin !

Tel Atlas sous le Globe © Mapomme
D'après un tableau de Giovanni Guercino

Incantations. J’aime traîner la nuit

À Jim Jarmusch 

J’aime traîner la nuit dans les rues vêtues d’ombre
L’ombre les éclairant d’un mystère profond.

Le silence est alors une angoisse apaisante
Vecteur de la pensée qui peut alors planer ;
La nuit peut nous noyer mais s’avérer plaisante
Et que d’idées je vais dans le néant glaner.

Le jour est brouhaha une hystérie grisante
Fiévreuse agitation d’un peuple déchaîné
Qui frénétique court les rues électrisantes :
Dans la ville endormie la nuit j’aime traîner.

J’erre tel un vampire en quête d’une idée
Dans l’artère assoiffé où je plante mes dents
Car muette est la rue de la foule vidée.

Celle-ci a horreur du silence obsédant
Alors qu'il me nourrit d’inventions débridées ;
Or l’ombre m’éclaire dans ma quête m’aidant.

Je traîne dans les rues hors du bruit et du nombre
Ne voulant pas dormir comme les autres font.

J'aime traîner la nuit © Mapomme


mercredi 22 mars 2023

Incantations. Loin de l’ire des rues

L’orage des canons et la folie des rues
Ont cessé dans Paris où la ville est en paix.

Aujourd’hui le soleil réchauffe la nature
Et les cœurs avec elle en ce dimanche heureux ;
La foule avait détruit bâtiments et peintures
Et voyait dans sa rage un acte valeureux.

L’héritage commun qu’on livra en pâture
A-t-il offert un mieux à tous les miséreux ?
Il reste heureusement après cette aventure
Un lieu qu’a épargné ce torrent coléreux.

Le bois et sa cascade à l’écho qui m’enchante
Où je pourrais sans mal passer des jours entiers
Car son sublime aria calme une âme impatiente.

Je suis venue très tôt en suivant le sentier
Songeant aux efforts vains des ministres qui mentent
Voulant de l’Empereur effacer les chantiers.

Tout pouvoir peut conter bien des coquecigrues
L'Histoire chassera tous ces brouillards épais.

Loin de l'ire des rues © Mapomme

mardi 21 mars 2023

Incantations. Une douce vengeance

Peut-on sortir indemne après d’affreux surnoms
De ces lieux où devrait régner l’intelligence ?

Ont nourri son talent de véraces blessures ;
Il faut souffrir et être aux enfers descendu
Pour qu’écorchée sa voix ait cette tessiture.

Les dadais des promos aux esprits corrompus
Au fer rouge ont marqué une âme tendre et pure ;
Ces astres ont brillé d’un éclat impromptu
S’éteignant aussitôt car manquant de culture.

Or des rumeurs bruissaient dans tout le Landerneau :
Les temps avaient changé soudain protestataires
N’écoutant plus la messe affidée des journaux.

Ceux qui l’accablèrent d’un humour délétère
Ont rejoint les convois des cercles infernaux
Des inconnus rongés par les vers sous la terre.

Diva elle est entrée au mondial panthéon
Ce qui constituera une douce vengeance

Une douce vengeance © Mapomme

lundi 20 mars 2023

Incantations. Quand la fête s’achève

Le bal va s’achever et l’aube est toute proche ;
C’est l’heure où le rêve d’amertume a le goût.

Certes j’ai pu danser et suer en musique
En semblant m’amuser sur des rythmes festifs ;
Comme l’amour la danse est quasi extatique
Héritage tribal s’avérant suggestif.

Tous deux nous épuisent d’un point de vue physique
Et ont – avouons-le ! - un aspect subjectif ;
Leur approche nous rend frémissants frénétiques
Et leur fin est vécue tel un spleen effectif.

Les tout derniers grognards épuisent leurs cartouches
Buvant un dernier coup refusant d’abdiquer
Et retourner vaincus après les escarmouches.

Mais on range les chaises pour mieux nous indiquer
Que la fête est finie et que sur notre couche
Il serait enfin temps de vouloir rappliquer.

Oui ! La teuf est finie ! Je bâille et me décroche
La mâchoire épuisé ayant mal de partout.

Quand la fête s'achève © Mapomme

Incantations. L’art de l’émoi humain

Une bonne photo sait capturer l’instant
Du fugace éternel en arrêtant le temps.

Quel est donc le secret pour saisir la magie
De l’émotion sincère ou la douce affection ?
L’intense vérité jamais ne se plagie :
Elle est le naturel de la vie en action.

L’artiste est complice dans l’émotion ravie
Du sujet partageant l’intime connexion ;
Il s’agit de capter car furtive est la vie
Un moment de grâce sans nulle réflexion.

Un baiser sur un banc ou quelque ombre chinoise
Une danse gitane ou bien la fin d’un bal
Quand déçue la danseuse en demeure pantoise.

Ses regrets réprimés sans leur masque verbal
Ne sont plus la maison que de joie on pavoise ;
Son spleen transparaît insondable et total.

La torpeur de la nuit donne sa consistance
Aux émois dont cet art révèle l'existence.

L'émotion d'un instant © Sabine Weiss (1924-2021)

dimanche 19 mars 2023

Incantations. Empli d'un triste espoir

On rencontre un regard qui au nôtre ressemble
Empli d’un triste espoir que rien ne peut combler.

Si sa bouche a souri pensifs sont ses yeux
De brouillards inondés d’une mélancolie
Par moments déchirée par l’éclair facétieux
Qui témoigne d’un spleen de joyeuse folie.

Hélas ! elle a goûté le philtre si captieux
Que Circé a extrait du suc de l’ancolie ;
Or l’amour est un puits aux serments fallacieux
Et son charme verra ses vertus abolies.

Dans la voûte azurée ou constellée de nuit
Quel secret est lové qui son mal-être explique ?
Tant d’humains croient y voir un remède à l’ennui.

Demeure impassible de nos vaines suppliques
Les hauteurs éthérées où les bonheurs ont fui
Font naître des regards creux et mélancoliques.

Dans la muette nuit où tant d’étoiles tremblent
Certaines ont brillé d'un éclat redoublé.

Empli d'un triste © Mapomme

samedi 18 mars 2023

Incantations. De grandioses desseins

Passent les décennies faisant de nos espoirs
Une œuvre balbutiée par un gauche ébauchoir.

Toujours on traînera avec nous le dépit
D’avoir d'amples désirs offerts en sacrifice ;
À Florence on peut voir un projet décrépi :
Le Palais Non-fini malheureux édifice

Qui reste à tout jamais un rêve inabouti
Victime d’on ne sait quel puissant maléfice.
Il est dans le désert des espoirs engloutis
Des villes dont jamais les projets s’accomplissent.

Lorsque nous ébauchions de grandioses desseins
Jugeant que nous manquions d’un telle envergure
Des sages n’ont offert aux rêves leur blanc-seing.

Quels idiots nous fûmes d’écouter ces augures
Racornissant nos vies à leurs moyens succincts
Car leur futur nous offre une pâle figure.

Nos espoirs ne cherchaient une orgueilleuse gloire
Mais de combler un vœu qui hante nos mémoires.

Rêves inaboutis © Mapomme

lundi 13 mars 2023

Incantations. L'odeur et la saveur restent encor longtemps

Titre inspiré de Marcel Proust

Parfois pour se trouver il faudra s’égarer
Au milieu du maquis aux rochers bigarrés.

La ville désertée je partis en campagne
Dans la brume octobrale almée des châtaigniers ;
Près des bogues au sol dans le vent des montagnes
Je traquais un trésor désormais dédaigné.

La châtaigne grillée revigorante éloigne
La tyrannie du spleen dont j’étais imprégné ;
Madeleine agreste la mémoire elle soigne
Exilant ce despote ayant par trop régné.

Il n’est pas de plaisirs s’avérant sans épine
Et les bogues les font sans exception payer ;
Je me livrais ainsi à la fausse rapine

Puisque les sangliers n’ont jamais monnayé
Leurs nocturnes repas accomplis en sourdine :
D’un marron chaud renaît l’enfant émerveillé.

C’est en changeant de voie que ma vie effarée
Retrouva son chemin au futur préparée.

La châtaigne grillée pour madeleine agreste © Mapomme

Incantations. Fugace souvenir des Qui Morituri

Nourrissant au matin des rêves peu constants.

L’automne agonisait et sur l’aile d’un rêve
L’un de nous devisait ébauchant un projet
D’un groupe musical durant l’attente brève
Et chacun sur le nom soudain s’interrogeait.

La caserne-lycée où nous étions élèves
De tels espoirs naissants sans doute regorgeait ;
Nous pensions à la plume et non l’airain du glaive
Car du courant pop-rock l'avenir se forgeait.

Je ne sais plus trop qui en allumant sa clope
Nous proposa le nom de Qui morituri ;
Au rêve un nom suffit pour que le cœur galope

Surtout si le projet n’a pas vraiment mûri
Car il faut bien qu’au fond chacun le développe :
De quoi savait jouer chacun des ahuris ?

La sonnerie d’entrée retentit bien stridente
Et l'on n'évoqua plus l'idée inévidente.
Les Qui Morituri © Mapomme

samedi 11 mars 2023

Incantations. Le vin nouveau des maux

Ils ont quitté le nid vers des cieux plus cléments
Et tout seul au café je traîne obstinément.

J’aurais aussi bien pu m’envoler partir loin
Mais ces drôles d’oiseaux plus de six mois émigrent
Et je n’en éprouvais aucun profond besoin
Sans être de ces gens qui d’autres lieux dénigrent.

Ils étaient tous partis semés aux quatre coins :
Je n’aurais retrouvé de l’assemblée allègre
Que des membres épars : qui aurais-je rejoint
Des membres d’Osiris ? Une troupe trop maigre.

En terrasse au café j’errais irrésolu
D’amertume rongé songeant que rien ne dure
Et que les temps jadis se trouvaient révolus.

Je me plongeais en vain dans de saines lectures
Sans pouvoir y trouver le bonheur absolu :
Il faudrait à ce spleen de célestes ruptures.

Du fait de la langueur que nos membres ressentent
Chacun porte le deuil des amis qui s'absentent.

Le vin nouveau des maux © Mapomme

vendredi 10 mars 2023

Incantations. Premiers battements d’ailes

Un moment important peut paraître anodin
Se voyant sur l’instant perçu avec dédain.

Plus tard on se souvient de virées à la plage
Et de ces nuits passées autour d’un feu de camp ;
Lors du premier envol le joyeux assemblage
N’estimait pas l’instant comme étant conséquent.

On décollait pourtant promettant d’être sages
De nos ailes battant sans discours éloquents
Les feux mourant du soir d’un rite de passage
Et les flammes dansaient les astres invoquant.

On a ri et chanté aux accords de ma gratte
Dans les derniers rayons sur nous venant mourir ;
Au moindre petit couac cette assemblée ingrate

Du coupable riait et venait le pourrir.
On sortait du pâté du pain et du picrate
Puis le feu nous sommait de daigner le nourrir.

Sous les astres nageant les tritons et ondines
Phosphoraient dans les flots jouant d'humeur badine.

Autour d'un feu de camp © Mapomme

jeudi 9 mars 2023

Incantations. Tel Noé sous la treille

Portefaix d’un destin qu’autre j’aurais voulu
J’ai cherché un Éden où trouver le salut.

Dans des alcools puissants j’ai espéré dissoudre
La profonde asthénie dévorant mon humeur
Mais j’errais égaré comme ayant pris la foudre
Dans la ville envahie de rage et de rumeurs.

Sur le limon d’antan peu de rêves vont sourdre :
Après la crue de mai le moindre épi se meurt
Et tournent mes ailes sans un seul grain à moudre.
Ai-je été dans ce champ un si piètre semeur ?

Pressez un autre grain et offrez-moi l’ivresse
Pour l’entrave défaire allégeant du géant
Le globe si pesant qui tous les jours m’oppresse.

Il me faut échapper à l’abîme béant
Et dans le vin trouver une once d’allégresse
Quitte à être ivre enfin et choir sur mon séant.

Portefaix écrasé de mes lèvres goulues
Je cherche dans le vin l'amnésie absolue.

Tel Noé sous la treille © Mapomme
D'après André Devambez

mardi 7 mars 2023

Incantations. Par-delà l'Océan

J’aurais dû au printemps empreint de confusion
Partir sans remâcher mes maigres illusions.

Par-delà l’Océan brille un soleil nouveau
Inondant plaine aride ou jungle luxuriante ;
Peu me chaut le cadre s’il offre à mon cerveau
De vierges horizons sertis d'aubes brillantes.

En demeurant ici dans le rite dévot
D’un quotidien tissé de règles invariantes
Les douces libations des repas estivaux
Me versent par moments une joie pétillante.

L’inédit tout empli de parfums enivrants
De saveurs inconnues s’offrira à ma bouche
Et flattera mes sens des froids me délivrant.

La visuelle orgie de cet ailleurs me touche
Et je crains d’oublier l’horizon enfiévrant ;
Aussitôt sur la feuille avec soin je le couche.

Aux ruines du passé qui tant me conditionne
Je tournerai le dos vers ce qui m'émotionne.

Aux ruines du passé je tournerai le dos © Mapomme

lundi 6 mars 2023

Incantations. Un monde où les actions abolissent les rêves

Une folie soudaine a frappé les esprits
Dès mille-huit-cents : l’amour ! qui du coup eut un prix.

Il a fallu guérir la fièvre romantique
En injectant l’argent dans les jeunes unions
Et les bourses dorées devinrent le cantique
Des noces à venir le baume anti-guignon.

On épousait la dot sans passion hérétique
Ou du promis jugeant de sa situation
Se leurrant d’illusions qu’on voulait prophétiques ;
Peu stable est l’avenir pris au pouls des nations.

Tirésias n’étant plus que d’espoirs sur le sable 
Par la vague effacés dans les remous des ans
Sapant les avenirs les plus impérissables !

Que de cadets partis leurs rêves se brisant
Sur les récifs mesquins des calculs haïssables
Ont prospecté au loin d’utopies se grisant !

Des romans sont fondés sur ces amours punies
Et d'un amer retour des riches colonies.
Les mortes espérances © Mapomme

dimanche 5 mars 2023

Incantations. Suffoquant de chagrin

Le chêne immémorial a chu avec fracas
Ayant pourtant fait face à d’abondants tracas.

Certe il était coriace et se montrait stoïque
Prenant toujours sur lui s’il essuyait un grain ;
Ses proches devinaient que son masque héroïque
Cachait bien des tourments et de profonds chagrins.

Mais la lettre reçue de façon prosaïque
Annonçait l’indicible auquel nul ne s’astreint ;
C’est l’horreur absolue un martyre archaïque
Car le décès d’un proche aux larmes nous contraint.

N’étant pas de ce bois elle se fit violence
Puis après quatre pas s’écroulant à genoux
Le cœur comme arraché suffoquant en silence

L’air lui manquait soudain et tout lui semblait flou ;
Une atroce douleur et un désir immense
De périr à l’instant pour qu’enfin cesse tout.

On a vu des spectres qui du monde s’effacent
Aussitôt qu'un parent ou l'âme sœur trépasse.

Suffoquant de chagrin © Mapomme
D'après Bright Star de Jane Campion

samedi 4 mars 2023

Incantations. L’attraction des contraires

Deux pôles nord d’aimant se repoussent sans fin
Et d’un pôle contraire auront toujours grand-faim.

Parlerait-on toujours sans les fresques sublimes
Des chasseurs de Lascaux ou des rois disparus ?
Des tragiques combats comme des sombres crimes
Sans les chants d’Homère qu’aurions-nous su ou cru ?

Or nos temps fort épris de salaire et de prime
Voient en l’artiste pauvre un simple malotru 
Un stupide flemmard qui cherche en vain des rimes ;
Ils envisagent l’art en hobby incongru.

Aussi s’étonne-t-on qu’une femme sensée
S’éprenne d’un poète un peintre sans le sou
Dont les maigres rentrées pour l’art sont dépensées.

Quelle attraction la lie à cet être au-dessous
De son milieu aisé ? En l'apprenant fiancée
Les deux cercles prieront que ce lien soit dissous.

L’amant comme l’aimant vers l’opposé incline :
Esprit plus que Raison fait que l'amour domine.

L'attration des contraires © Mapomme
Inspiré d'un film deJane Campion

Incantations. L’ultime feu stellaire

‌Aux rives d'Italie il fuit la froide amante
Dont les baisers glacés de spasmes le tourmentent.

Ses poumons n'en pourront au grand jamais guérir
Comme si l'Aquilon enfanté des tempêtes
S'acharnait sur son corps voulant le faire périr ;
Ce vent sournois nourrit des vindictes secrètes.

Serait-il un savant qu’on puisse aller quérir
Ou même un rebouteux fut-il analphabète
Et demi-charlatan pouvant le secourir
Puisqu’il n’existe pas de décoction secrète ?

De ses sous-bois venteux et des neiges d’hiver
Il est parti trop tard la veste bien trop fine
Quand la rigueur transperce un rêveur peu couvert.

L’artiste a pour malheur sans nulle aide divine
De n’avoir que son don et bien trop de revers :
La Fortune aux marchands désormais se destine.

Pour qui exerce un art les froids cruellement
Empêchent de briller l'étoile au firmament.

L'ultime feu stellaire © Mapomme
D'après des images de Jane Campion

vendredi 3 mars 2023

Incantations. Pique-nique en forêt

On partait à vélo faire un tour en campagne
Pourvu qu’un doux soleil alors nous accompagne.

Accrochés aux guidons les paniers étaient pleins
De poulet froid de pain de pâté et fromage ;
La radio jargonnait l’oracle sibyllin
Quand son prêtre au printemps présidait à l’hommage.

Entendant ce devin tous deux étions enclins
À partir en forêt comme en pèlerinage ;
Dans nos poches percées plus un seul fifrelin
Ce qui était alors des jeunes l’apanage.

Loin du bruit des cités notre humeur nous menait
Vers un pré ombragé près d’une bergerie
Par un chemin fleurant la mirthe et le genêt.

Ombre et lumière offraient au lieu sa féérie
Tandis que sur le plaid au frais on déjeunait
Sans alors de nos plats compter les calories.

Puis mûrissant hélas de l’argent nous gagnons
Et jugeons ces plaisirs dignes des Cro-Magnons.

A vélo en forêt © Mapomme

jeudi 2 mars 2023

Incantations. De l'infime on fait fi

Éprouvant le tourment qui fait trembler les fleurs
La beauté éphémère avait versé des pleurs.

Est connue des savants scrutant l’immense vide ;
De l’infime on fait fi et c’est là tout l’ennui
Car qui devant l’oubli peut rester impavide ?

Les fleurs d’un seul printemps dépérissent sans bruit :
Demain qui se souvient de leur beauté limpide ?
D'elle en effet le Temps vieux maraudeur détruit
Les sublimes couleurs qu’il rendra insipide.

Elle se savait promise à un même destin
Dans le jardin d’avril se livrant à la prose
Sous sa fertile plume imaginant d’instinct

Des récits dépeignant des avenirs moroses
Où l’espoir du matin avant le soir s’éteint
Et où le quotidien lentement se sclérose.

« Est-ce ainsi que les gens fleurissent et puis meurent ? »
Pensa-t-elle en rentrant dans sa froide demeure.

Sous sa fertile plume © Mapomme