mardi 27 juin 2023

Sonnets sertis. La raison endormie

Quelquefois la Raison s’assoupit par mégarde
Fatiguée de veiller en permanence au grain.

C’est alors que du fond des plus ténébreux âges
Des légions de démons que l’on croyait bannis
Jaillissent en essaims tel un premier présage
D’un chaos qui verrait tous les peuples punis.

S’il était dix raisons qui sur ce seul passage
Veilleraient tour à tour aucun démon soumis
N’aurait jamais besoin d’un surcroît de dressage
Parce qu’un guetteur hélas s’est soudain endormi.

On se réveille ainsi et tout n’est que désordre ;
Hier nous semble un rêve et d’affreux cauchemars
Ebranlent notre monde et sont prêts à le mordre

Comme un fruit bien juteux ; les voici goguenards
Prenant notre univers dans l'espoir de le tordre ;
Ils dressent en tous lieux d’atroces traquenards.

La garde n’est jamais une mission peinarde
Et la Raison se doit d'y veiller à tous crins.

La raison endormie © Mapomme
D'après Gustave Courbet

dimanche 25 juin 2023

Sonnets sertis. Un calme héroïne

À Maria Gentile

Peut-on se conformer à des ordres iniques ?
La conscience parfois ne pourra l’accepter.

On avait suspendu les corps de cinq rebelles
Près du couvent d’Oletta et fait interdiction
De les porter en terre ; à cet ordre infidèle
La fiancée de l’un d’eux malgré la punition

Mue par sa seule ardeur vive et compassionnelle 
L’inhuma dès la nuit ; saisi d’irritation
Le général jugea l’offense personnelle :
Maria dit l’avoir fait par simple dévotion

Et par respect aussi pour l’amour de sa vie ;
La calme jeune femme émut Jourda de Vaux
Dont l’âme de trouva par ses raisons ravie.

« On enterre nos morts : ce n’est pas bien nouveau !
Cette règle chez nous se voit toujours suivie ! »
Sur Antigone ayant lu de récents travaux

Il ne voulut rester dans toutes les chroniques
Comme un nouveau Créon à jamais détesté.
Une calme héroïne © Mapomme

samedi 24 juin 2023

Sonnets sertis. Ôter les notes tristes

La triste mandoline et la fourbe guitare
Gémissent tristement quels que soient nos accords.

C’est l’âme d’un violon slave et mélancolique
Pleurant le temps perdu dans le torrent des ans
Comme feuilles tombées fauves et faméliques
Que disperse un vent froid et chasse du présent.

Dans les feux septembraux les chants sont bucoliques
Et nos accords mineurs qu’un génie malfaisant
Souffle à l’âme envoûtée en ces mois chaotiques
Tonnent en Te Deum mille tracas pesants.

C’est pour cette raison que nous ôtons les cordes
Des instruments maudits car soumis sont nos doigts
Au démon Astaroth qui sans miséricorde

Veut pousser au suicide en ces longs mois de froid ;
Nos doigts sur l’instrument s’agitent et se tordent
Sans que sorte un seul son pour dispenser l’effroi.

Deux tristes baladins dont la raison se barre
Des muets instruments jouent toujours et encor.

Ôter les notes tristes © Mapomme
D'après André Derain

jeudi 22 juin 2023

Sonnets sertis. Un condamné au mors

Lorsque Socrate a bu une amère ciguë
Parmi ses disciples il attendit la mort.

On s’étonne du calme habitant le vieux sage :
L’opium était mêlé au douloureux poison ;
Il verrait si la mort n’est qu’un simple passage
Vers le monde abritant des génies à foison.

Ses questions aux tyrans s’avéraient un outrage 
Car ils n’appréciaient pas sa puissante Raison ;
De la moindre remarque ils prenaient donc ombrage
Craignant quelque printemps aux brusques floraisons.

Si on condamne un sage il deviendra légende
Et s’il vit s’accroîtra cet immense péril
Car le feu presqu’éteint couvera sous les cendres.

Croire un danger passé est hélas puéril
Puisque vivant ou mort le feu va se répandre :
Les tyrans le craignent de fin mars à avril.

La solution sera quoiqu’on fasse ambiguë
Puisqu'on ne soumet pas un condamné au mors.

Un condamné au mors © Mapomme
D'après Jacques-Louis David

Sonnets sertis. L’ennui rongeait Ulysse

Ulysse s’ennuyait de retour à Ithaque
Regrettant le voyage et le goût du danger.

Tout marin a vécu cette mélancolie
D’un périple achevé sur un désert mouvant ;
Naviguer peut sembler une extrême folie
Où il faudra lutter dans l’écume et les vents.

Pour le berger resté merveilleuse et jolie
Cette vie sur la terre ennuiera bien souvent
Le marin car la mort y est presqu’abolie
Et d’horizons nouveaux il ira en rêvant.

Hors du monde connu après un long périple
Qui peut se satisfaire des royaumes humains
Sans les mortels périls si variés si multiples ?

Le marin qui revient après un tel chemin
Des compagnons perdus ses seuls vrais condisciples
Sait que la mort l’attend aujourd’hui ou demain :

Tirésias a prédit qu’il mourrait sous l’attaque
D'un fils né de Circé qui lui est étranger.

Regrettant le voyage et le goût du danger © Mapomme
D'après John W. Waterhouse

mercredi 21 juin 2023

Sonnets sertis. Si dans l’eau du Léthé

Aux enfers la claire eau coule sans un remous
Et l’oubli bienfaisant à notre âme dispense.

Si on pouvait y boire effaçant les regrets
Que nous traînons toujours tintant comme des chaînes !
Ce serait sans conteste un immense progrès
Que d'apaiser nos nuits en cours ou bien prochaines.

Les désespoirs d’antan sont tels des fruits aigrets
Répandant dans nos cœurs l’amertume malsaine ;
Les tourments de jadis y tiennent leur congrès
Des repentirs jouant les plus tragiques scènes.

Dans le fond nous aimons ainsi nous flageller
Magnifier nos ratés qui sertissent nos vies
Médiocres se trouvant par ceux-ci constellés.

Souffrir nous permet d’être et notre âme ravie
Au jeu des tragédies a toujours excellé ;
De périr elle n’a – Dieu merci ! – nulle envie.

Pour la mort nous n’avons aucunement le goût
Et goûter au Léthé n'est pas la récompense.

Si dans l'eau du Léthé © Mapomme

lundi 19 juin 2023

Sonnets sertis. Une belle enveloppe

J’avais reçu ce jour une belle enveloppe
Luxueuse et épaisse au point de m’intriguer.

À vingt ans j’aurais pu espérer qu’une flamme
Se déclare en retour mais je n’y croyais plus
Ou bien que des amis sans que mon cœur les blâme
Quittent un oubli long qui m’a vraiment déplu.

Ce mot m’annonçait-t-il une suite de drames
Ou la fin du torrent qui toujours les exclut
Des puissants liens d’antan car sournois Chronos trame
Des plans pour les briser sans espoir de salut ?

Une belle enveloppe assurément renferme
Quelque noble message et non des mots falots ;
La profonde pensée probablement y germe.

Mais nul parfum de joie qui frise le sanglot !
Rien qu’une terne pub qui s’en vient mettre un terme
À l’espoir qui naissait et le débat est clos.

On voit de bel aspect quelques faux philanthropes
Qui n'ont qu'un vide immense à pouvoir prodiguer.

Une belle enveloppe © Mapomme

samedi 17 juin 2023

Sonnets sertis. Sans le moindre horizon

Il nous faudra porter le fardeau de nos fautes
Dont celui de rester inconscients des dangers.

Sur les monts du lointain où roulait le tonnerre
Sombres et sinistres les nues à pas félins
Enfantaient le chaos ; mille tocsins sonnèrent
Mais on rit de l’effroi des inquiets chapelains.

Pourquoi les scénarii quelque peu fictionnaires
Prévaudraient d’un seul coup où il faut être enclins
À suivre l’augure d’un savant visionnaire ?
« Troie en s’y refusant provoqua son déclin ! »

Mais en suivant Cassandre on déclenche une crise
Et on tire une croix sur nos menus plaisirs.
Qui donc aura envie d’aubes tristes et grises ?

Or les humains comblent le moindre des désirs
Et vivent désormais sous cette seule emprise :
S'il paraît une affaire ils veulent la saisir !

Nous faudra-t-il errer hirsutes internautes
Sur le Globe épuisé sans plus rien à manger ?

Nous faudra-t-il errer, hirsutes internautes ? © Mapomme
D'après Fernand Cormon

Sonnets sertis. Le prix de nos erreurs

Les livres saints content des mythes que l’humain
Sceptique par essence a pris pour des légendes.

Tout au fond d’un récit qu’on trouve en divers lieux
Se lovent des terreurs nées dans de sombres âges
Alors attribuant à d'inflexibles dieux
Une calamité ruinant un paysage.

On croit que rien n’est vrai et sans juste milieu
Notre esprit cartésien nullement n’envisage
Qu’un cataclysme ancien réel et très sérieux
A nourri la légende ainsi qu’on le présage.

Si l’interprétation des ancêtres lointains
Nous paraît erronée réelle est l’infortune
Des temples assyriens jusqu’au monde latin.

Si la fureur des flots n’est pas due à Neptune
La tempête est réelle et marque les destins ;
La légende est forgée car il en fallait une

Expliquant les malheurs par un péché commun.
Nos folies d'aujourd'hui aux déluges commandent.

Nos folies d'aujourd'hui aux déluges commandent © Mapomme
D'après Gustave Doré

mardi 13 juin 2023

Sonnets sertis. Privés du chant des vagues

Nous souviendrons-nous dans quelques décennies
De l’écho du ressac qui apaisait l’esprit ?

Nous aurons des photos de ces plaisirs fantômes
Lorsqu'infinis les flots atteignaient l’horizon ;
Nous relirons Ballard annonçant les symptômes
Des trésors qu’inconscients toujours nous maîtrisons.

Est-ce là l’héritage à laisser à nos mômes :
Des prairies asséchées par la folle irraison
Du profit immédiat ? Ce sable dans la paume
Fuira entre nos doigts s’il n’est plus de saisons.

Pompez et épuisez les richesses du monde
Pour l’aise d’un temps court condamnant le futur
À errer en troupeau que les regrets inondent.

Si seulement les cieux parfois étaient obscurs
Qu’il repleuve et que l’eau dans les fleuves abonde
Nous ne foulerions plus des déserts au sol dur !

Se pourrait-il encor qu’un esprit de génie
Empêche le Vivant de payer un tel prix ?

Privés du chant des vagues © Mapomme

dimanche 11 juin 2023

Sonnets sertis. L’écho de la guerre toujours recommencée

De la maison louée je n’ai nul souvenir
Si ce n’est des photos d’une vie envolée.

Pourtant je me souviens du bruit des hélicos
Patrouillant au-dessus dans un affreux vacarme ;
Les pales émettaient des sons inamicaux
Dont l’enfant de trois ans à chaque fois s’alarme.

Les matins subliment tous les cieux tropicaux :
L’azur et les palmiers avaient certes du charme
Mais quel abri offraient les murs de Jéricho ?
Les trompettes des morts sonnaient l’appel aux armes.

Depuis lors j’ai horreur de cet affreux boucan
Et que d’engins de mort imprégnant ma mémoire
Du Vietnam à l’Ukraine aux combats s’impliquant !

Pourtant je reconnais l’usage obligatoire
Qui sauve bien des vies ; le chiffre est éloquent
Mais le ciel d’Algérie a marqué mon histoire.

Quand vient cet hélico je ne puis m’abstenir :
A ce seul son frémit ma mémoire affolée.

L'écho de la guerre toujours recommencée © Mapomme

samedi 10 juin 2023

Sonnets sertis. Maudite page blanche !

Sa muse a griffonné un mot en toute hâte
Expliquant qu’elle allait ailleurs se ressourcer.

Prenant et relisant l’inopiné message
Il demeure confus quelque peu abattu ;
Il traversait dès lors un fort mauvais passage
Son génie aboli par l’exil impromptu.

Si sa muse envolée dépose ses bagages
Trop longtemps son élan sera interrompu ;
Déjà il a perdu son merveilleux langage
Et le choix des bons mots s’avère plus ardu.

Or l'éditeur attend et c’est la page blanche
Quand sur l'œuvre on fonde de saisissants espoirs :
Même chez les lecteurs la folie se déclenche.

Dépasser l'Everest ? Encor faut-il pouvoir !
La muse et l’écrivain pendant des jours y planchent
Et ils semblent soudain n’avoir plus ce savoir.

Muse ! trouve la source où jaillit délicate
La prose ou il faudra l'avance rembourser !
" 
Maudite page blanche ! © Mapomme
D'après Maria Andres

vendredi 9 juin 2023

Sonnets sertis. Un insidieux poison

Un mot suffit parfois pour dans l’âme instiller
Un insidieux poison que tout être redoute.

Tout perfide aimera voir le venin agir
Sachant qu’à chaque instant il pénètre et torture ;
Jamais plus son effet ne pourra s’assagir
Sitôt que dans l’esprit il trouve une ouverture.

L’anodine remarque éclot et vient régir
Les nuits qu’à nos démons elle livre en pâture ; 
Crâne envoûté entends ce monstre vil rugir
Quand flotte l’étendard marquant sa dictature !

La chose n’est pas sûre et pourtant quel tourment
Les tripes nous rongeant et faisant de nos rêves
D’horribles cauchemars nuit après nuit germant

Maudit fruits que le ver viendra ronger sans trêve
Car y règne le pire en dépit des serments ;
Si longue est la tempête et l’accalmie trop brève !

Par quel moyen le doute a pu se faufiler
Venant saper les murs et s'écrouler la voûte ?

Un insidieux poison © Mapomme
D'après Oliver Parker

jeudi 8 juin 2023

Sonnets sertis. Tragédies du présent

Dans un lointain passé faut-il toujours chercher
Au cœur d’un château sombre un drame inéluctable ?

Vengeance comme amour sont de puissants ressorts
Qui animent les cœurs les menant à leur perte ;
Dans la passion qui naît elle prend son essor
Pour trancher les destins d’une façon experte.

Les traditions l’orgueil un vertige de mort
La haine ou l’ambition seront les voies offertes
Pour qu’à terme le drame éclate sans effort
Puisque depuis longtemps sa voie était ouverte

Depuis l’Antiquité jusqu’aux siècles récents.
Même aux proches années l’astre sombre des âmes
Se repaît des tourments et se gorge de sang :

Voilà notre destin tremblant comme une flamme
Sous le vent éteignant le moindre amour naissant
Car n’est-ce pas l’offrande exigée par le drame ?

Toujours la tragédie naît d’un stupide archer :
Tirant trois traits il rend la fin inévitable.

Tragédies du présent © Mapomme
D'après Zeffirelli + Guédiguian

mercredi 7 juin 2023

Sonnets sertis. Humaines élégances

À Audrey et Eldred

La beauté abritant une âme des plus fourbes.

Des anges sont démons aux plaisirs dissolus
Se vautrant dans la boue les excès et le vice ;
D’autres plus élégants sans quête d’absolu 
Cœurs de noble lignée paraissent sans malice.

Les voyant on croirait que monstres résolus
Ils feignent d’être bons et toujours au service
D’une juste cause qui semble le salut
Des malheureux qu’ignore un silence complice.

Le temps passant on voit que nul mot n’était feint :
Leur carrière finie leurs luttes pour des causes
Pointe toute injustice et combattra la faim.

Se trouvant à l’arrêt ou très souvent sur pause
La star à ses soutiens n’aura jamais mis fin
Et sublime ressort de la métamorphose.

On les a vus germer en boutons délicats
Leur prestance admirant et parfois plus leurs courbes.

Humaines élégances © Mapomme
D'après William Wyler

mardi 6 juin 2023

Sonnets sertis. Tribulations et spleen

Ma fortune à seize ans consistait en lectures
Mais pas vraiment l’Espoir hélas intermittent.

Je ne vivais pas mal durant une période
Qu’on trouverait plus tard presque bénie des dieux ;
« C’était bien mieux avant ! » refrain très à la mode
Si l’on oublie la guerre et un vieux monde odieux.

J’avais ce que j’avais sans crainte et sans exode :
Pourquoi tous mes soupirs et mon spleen insidieux ?
Obtenant sans efforts ce bien-être commode
Je ne voyais le prix d’un âge aussi radieux.

Certe on peut faire mieux mais sans peine avoir pire
Puisque tout Âge d’or se montre fugitif
Et qu’ont croulé jadis les plus puissants empires.

Nul tueur engagé vif et expéditif
Pour soulager une âme écœurée qui soupire :
L’âge d’or a cessé sans effet positif.

Si King-Fo devint sage en cette conjoncture
Mon spleen resta tenace en mon coeur s'invitant.

Tribulations et spleen © Mapomme

lundi 5 juin 2023

Sonnets sertis. Faire le tour du Monde

Quel enfant n’a rêvé de franchir l’horizon
D’embrasser Terre et mers faisant le tour du Monde ?

Je ne me voyais pas restant tel Robinson
Prisonnier d’une île d’où partent des navires ;
J’aurais bondi de joie aussi gai qu’un pinson
Mais deux mauvais vaccins à ce but me ravirent.

Je n’ai pas une vie conçue à l’unisson
Du cher Phileas Fogg qui avait un empire :
Réglée comme un coucou – Non merci ! sans façon ! -
De la maison au club jusqu’à ce qu’il expire.

Ç’aurait pu être ça sans un vol audacieux ;
J’étais Passepartout qui sort de la routine
Pour sauver Aouda se montrant astucieux.

Voyager sans rien voir voilà à quoi s’obstinent
Dans des temples courant des nigauds insoucieux
Essaimant en tous lieux des kyrielles crétines.

Fogg avait sa routine en guise de prison
Mais vit les merveilles dont notre Terre abonde !

Faire le tour du Monde © Mapomme
D'après Le tour du monde en 80 jours
mini-série (3 épisodes) de 1989

Sonnets sertis. Ivresse des dangers

D’aussi loin que remonte assez confusément
Ma pensée je me vois vivant des aventures.

J’inventais un lointain perfide et hasardeux
Affrontant un désert des forêts luxuriantes
Tout héroïque endroit plutôt cauchemardeux
Loin des mornes cités aux aubes invariantes.

Les bédés et les films sans ces matins venteux
Avec des étendues vastes et tonifiantes
Subissaient un danger soudain calamiteux
Tandis qu'encor rôdait une mort terrifiante.

Je l’avais bien sentie qui planait sous l’azur
D’un véritable ailleurs sous sa pleine menace
Car passait l’hélico clamant que rien n’est sûr.

Est-ce cette tension que nul calme n’efface
Qui me faisait chercher des incertains futurs
Où je sortais vainqueur de dangers si tenaces ?

D’oniriques périls triompher aisément
Expliquerait-il seul ma rêveuse nature ?

Ivresse des dangers © Mapomme
D'après George Lucas et Steven Spielberg

dimanche 4 juin 2023

Sonnets sertis. Trouble dans l’onde bleue du regard pur de Jim

À James Stewart

L’Américain exquis dont le rêve est possible
Sans conteste était Jim jouant le maladroit.

L’Amérique semblait une terre promise
- Vision non partagée par Indiens comme noirs ;
Le Monde traversait une profonde crise
Et les écrans montraient les chemin de l’espoir.

Même sans couleur le ciné optimise
Le vieux monde enfantant un futur abattoir
Et l’Europe à genoux à des tyrans soumise ;
L’ultime fort tremblait sous leurs coups de boutoir.

Quand Jim est revenu de cette horrible guerre
Une ombre l’habitait : la mort des innocents
Avait chassé la joie qui l’irradiait naguère.

Aucune eau bénite ne peut laver le sang
Du mal fait pour le bien et ce mal nécessaire
Tourmentera le cœur sans fin l’avilissant.

Qui revient de l’enfer demeurant impassible
Et sans porter la croix d'héroïques effrois ?

Trouble dans l'onde bleue du regard pur de Jim © Mapomme
James Stewart n'a plus réussi à jouer des personnages purs et idéalistes,
mais a recherché des rôles d'êtres tourmentés,
se refusant à porter l'uniforme dans des films, bien que médaillé.

vendredi 2 juin 2023

Sonnets sertis. Un déjeuner sur l’herbe

À Nénette

Souvent on s’imagine un destin tout tracé
Tel un céleste arrêt qui est connu d’avance.

Dans mes jeunes années où j’allais sans mentor
J’espérais un futur sans trop oser y croire ;
Depuis peu affranchi j’avais le fâcheux tort
Ivre de liberté d’être un cuitard notoire.

Du côté des amours ne faisant nul effort
Le rêve était en panne à défaut d’une histoire
Ressemblant au dessein qui prendrait son essor ;
Les destins amoureux sont tant aléatoires !

Le hasard est étrange et même sinueux
Qui ferait l’objet d’un concours… de circonstances
Et de pétanque aussi ; garçon très vertueux

Sans doute avais-je alors gentillesse et prestance
Et sans en savoir rien un ton respectueux ?

Dans le bar d’une plage où je vins à passer
Mon déjeuner sur l'herbe : étrange providence.

Le déjeuner sur l'herbe © Mapomme
D'après Jean Renoir

Sonnets sertis. Dans la rumeur des vagues

La Normandie se voit depuis peu à la mode
Et ne pas s’y trouver serait assez vexant.

C’est pourquoi elle y vient avec un brin de zèle ;
Mais une fois là-bas un effroyable ennui
S’empare de son être et lui taille les ailes :
De ce lieu volontiers très vite elle aurait fui.

Mais fuir l’air des cités – exigence nouvelle -
Bien plus qu’une mode est le meilleur sauf-conduit
Pour des poumons atteints car la moindre parcelle
Crache le noir poison qu’une usine produit.

Venir en bord de mer a semblé l’antidote :
Combien elle regrette un temps si peu lointain
Où dans l’onde d’un fleuve à l’écart on barbote.

On tient presque salon dans un siège en rotin ;
Sur les mornes galets on babille on radote
Vêtues de dignité d’organdi de satin.

Ah ! sans cette pudeur qui leur tient lieu de code
Combien tremperaient nues dans les flots caressants !

Au bord de la mer © Pierre-Auguste Renoir (1883)

jeudi 1 juin 2023

Sonnets sertis. Secrets des vieilles pierres

Qui sait ce qui se cache au cœur des vieilles pierres ?
Quels ténébreux secrets dans le mutisme enfouis ?

Pour peu que l’on y pense on en tremble d’avance
Tant les couloirs obscurs ont connu de tourments
D’anormales fureurs d’odieuses connivences
De futiles complots d’un ancêtre dément !

Les vieux murs des maisons étouffèrent l’offense
Faite à ceux qui voulaient agir différemment
S’unir selon leur cœur ; la flamme sans défense
Étouffée n’aura pu resplendir ardemment.

Certains murs ont vu même infliger des blessures
Et le sol maculé par des tâches de sang ;
Leur épaisseur taisait les pires flétrissures.

À présent on croirait tous sévices absents
Tant les siècles coulant aideront la censure
Car qui veut d’un passé violent et indécent ?

Aussi on peut frémir si fermant les paupières
Se révèle un passé d'un âge évanoui.

Secrets des vieilles pierres © Mapomme