jeudi 31 mai 2012

Croisière. La saeta

En robe de bure les pieds quelquefois nus
Tous encapuchonnés et les deux mains gantées
Les pénitents portent dans un rite inconnu
Un pesant brancard par les rues accidentées

Durant douze heures suivant les nazaréens
Eclaireurs mystérieux encombrés d’un grand cierge
Impassibles et froids le port marmoréen
Dans la nuit de Séville ils promènent la Vierge

Mon fardeau accablant n’est hélas pas moins lourd
Que le pompeux brancard dans les rues de souffrance
Derrière des rires feints je le porte toujours
Mon air désinvolte n’est que de circonstance

 Bien sûr je n’irais pas jusqu’à défier les cieux
Pour l’âme de mes pensées si belle soit-elle
Comme ce gentilhomme un amant audacieux
Malheureux dépité par une damoiselle

Qui balança un verre et la statue frappa
Défigurant ainsi l’image de la Vierge
Je ne m'entrevois pas quels que soient ses appas
Enfermé pour dix ans pour un tel sacrilège

Je crains et j’admire cette sainte ferveur
J’ai laissé la mienne sur de lointaines rives
La foi en un sauveur a perdu sa saveur
Nul réconfort dans des prières sédatives

Je promène mon doute au milieu des clameurs
La saeta transperce les rues de Séville
D’un sanglot étranglé vibrant d’étranges chœurs
J’aurais préféré la profane séguedille

Mon cœur n’a pas besoin d’un morose miroir
Du curieux cortège de la Sainte Semaine
Dès demain l’Alcazar retrouvera l’espoir
La joie des guitares ses chants et moi ma peine

Etrange procession © Mapomme

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