dimanche 27 mai 2012

Croisière. Après avoir posté la lettre


Le pianiste joue un blues lent et souffreteux
Assis au noir comptoir ma seule compagnie
Est le barman en livrée à l’air vaniteux
Tout habité d’ennui de tics et de manies

Il entre une lumière pâle qui se perd
Par la baie à carreaux dans l’ombre de la salle
Et dans le piano-bar rien n’est clair ni apert
Bien qu’on y cherche une flamme paradoxale

Je peux boire des cocktails sans soif et sans fin
Je n’y trouve que le seul oubli de ma ligne
Dans la noirceur du bar quelques mentaux affins
Se meuvent et s’abreuvent sans pensées malignes

En quête d’avenir ou pleurant leur passé
Réunion d’isolés messe de solitaires
Noyons tous nos tourments dans des alcools glacés
Changeons la dépendance en rites délétères

Etouffons les regrets de ce qui ne fut pas
Mon voisin songe à sa vocation refoulée
Un enfant jamais né un douloureux trépas
Des corps dans les tranchées et des vies chamboulées

Pour ma part de mes pensées je veux abroger
Sur l’aile légère de l'ivresse naissante
Les maux et les passions qui viennent me ronger
Sur la plume complice entamons la descente

Noyons tous les chagrins dans des cocktails glacés
L'ivresse est la frontière invisible éphémère
Qu'il ne faudrait jamais par malheur dépasser
De peur de retourner sur les terres amères

Bientôt par le maquis j’irai dans l’air marin
Juguler l’écume des rudes crépuscules
Dans les libres senteurs du thym du romarin
Et des hellébores sorte de renoncules

Je croiserai comme toujours dans le salon
La jeune anglaise aux cheveux roux à la peau rose
Me regardant passer tel un bel étalon
Indécent appétit malgré son air morose

Chacun trouve du charme où d’autres n’en voient plus
Ce soir je vais céder sans bonté accomplie
Pour conserver l’ennui en mon seul cœur reclus
Il ne se partage pas Il se multiplie

Rien n’est clair ni apert © Mapomme

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