samedi 10 août 2024

Élégies. La terre à nos semelles

On croit quitter une île : on l’emporte avec soi,
Car elle est en nous-même, ainsi qu’un tatouage ;
Plus on s’éloigne, un jour, et plus on s’aperçoit
Qu’on traîne le maquis durant tous nos voyages.

On parle la langue de la région qu’on fuit,
Comme pour raccourcir l’effroyable distance
D'elle nous séparant ; si rien ne la réduit,
Rien ne l’accroît non plus, car née de la constance.

On a fui la famille, afin de vivre enfin,
Mais comment l’effacer ? Elle hante nos pensées ;
Le passé est un roi qui n’est jamais défunt :
Tant de souvenances y sont ensemencées.

On connaît un bonheur, habité de langueur,
Plante dont la racine est lointaine et profonde ;
Ce mal irraisonné ne perd jamais vigueur
Et reste un abîme que nul nocher ne sonde.

Tout ce qu’on veut quitter, un passé douloureux,
Famille ou une île, s’accroît avec l’absence ;
Le mal qu’on voulait fuir devient plus vigoureux
Et les liens étouffants affirment leur puissance.
La terre à nos semelles © Mapomme
d'après Winslow Homer

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