samedi 31 juillet 2021

Elégies. Tout poète pratique un art qu’il sait maudit

Jamais tu ne liras un seul de mes poèmes
Comme de tes passions je ne suis guère épris
J’ai délaissé l’excès d’alcools qu’Edgar Poe aime
Génie que son pays n’a jamais bien compris

J’aime vivre hors le monde une vie de bohême
Composant des rimes qui n’auront aucun prix
Car gencoder les arts est un sérieux problème
Le tarif des marchands est offense et mépris

Pour qu’un auteur soit lu lui faudrait-il se vendre
Prostituer ses mots ses gouts son Idéal
Et qu’un autodafé n’en laissât rien que cendres ?
D’un seigneur d’édition doit-il être un féal ?

D’un collier tout d’or fait on ne pourra attendre
Que de porter au cou la marque du métal

Tout poète pratique un art qu'il sait maudit © Mapomme

d'après Le pauvre poète de Carl Spitzweg

samedi 24 juillet 2021

Nouveau siècle. La flamme du moment dans le torrent des ans

Les ardents défenseurs de la Démocratie
S’emploient à imposer leurs propres conceptions
Aux maniables esprits par des acrobaties
Transformant en règle les moindres exceptions

Car toute République est sans cesse asservie
Aux suffrages du nombre ainsi que l’expression
De la foule qui gronde En vue de sa survie
Aujourd’hui on fait loi d’anciennes transgressions

Mais qu’est la liberté réduite en esclavage
Au bon vouloir d’un seul ou d’archipels menus
Sinon la tyrannie née de violents clivages ?

Il faut certes bannir tout décret saugrenu
Hors d’un temps limité contre un brusque ravage
Sans opposer pourtant un refus malvenu

La flamme du moment © Mapomme

mardi 20 juillet 2021

Nouveau siècle. La danse macabre des enfants oublieux

Si dans la fleur de l’âge on a fauché l’épi
Encor vert que j’étais la tête emplie de rêves
Ce fut pour un futur que j’allais sans répit
Risquer la peau d’un blé à la destinée brève

Ce fut aussi pour vous mes parents mes amis
Car si contre les flots pour atteindre la grève
Il faut lutter périr et rester insoumis
Dans l’incertain combat qu’on doit mener sans trêve

Tremblant sous le danger de mourir oublié
Simple nom d’or gravé sur une triste idole
Par les ans délavé sous un ciel supplicié

Ce n’était nullement pour qu’une farandole
De noceurs inconscients par nos serments liés
Chantonnent sur nos os d’effarantes paroles


Les enfants oublieux © Mapomme
d'après une danse macabre du Moyen Age

lundi 12 juillet 2021

Elégies. Laissez-moi donc goûter aux plaisirs de l’otium

Oisifs de tous pays asseyez-vous enfin !
Ce monde est un non-sens créant de fausses mues
Trompeuses nouveautés n’apaisant pas nos faims
Car nu va notre Espoir dont l’âme s’est émue

L’aspic laisse sa peau mais sans être un défunt
Son venin est actif et notre fin ardue
Puisqu’au jardin des croix n’existe aucun parfum
Mais des fleurs en plastoc laides et mal fichues

La tyrannie du nombre a soumis tout Esprit
Il faut marcher au pas au nom d’une Morale
Qui tourne au vent nouveau et qu’on suit à tout prix

L’opinion montre un cap qu’on répète en chorale
Et on vire de bord sans avoir rien compris
Car ces vents sont soumis aux ires humorales

Les plaisirs de l'otium © Mapomme

dimanche 11 juillet 2021

Elégies. Les branches émondées au gré d’un fol hasard

Sait-on d’où vient la vie et comment le hasard
Des branches élagua sans le moindre état d’âme ?
Le Monde était alors un infini bazar
Rythmé de tremblements d’éruptions et de drames

Des millions d’ébauches disparues sans égard
Ont égrené l’infime et l’incommensurable
Des monstres fabuleux l'esprit encor hagard
Tout empli de terreur gisent dessous les sables

Un simple astéroïde a changé les destins
Possibles me dit-on Des savants l’envisagent
Et nous le réfutons stupides philistins

Car un autre incident sans le moindre présage
Rayerait nos palais nos joies et nos festins
C’est Babel aboli des futurs paysages !

Les branches émondées... © Mapomme

Elégies. Une part de néant pour qui veut l’absolu

Pour Lacan l’Amour c’est offrir ce qu’on n’a pas
À qui n’en voudra pas La pensée m’est pénible !
Mais il faut avouer qu’on convie au repas
Quelqu’un sans s’assurer qu’il sera disponible

Tout humain porte en lui ceci jusqu’au trépas
Un grotesque Idéal tel un faix invisible
Qu’ado il concevait en avenir sympa
Et que tout autre voit comme un cadeau risible

On ne comprendra pas pourquoi un tel refus
De là naît la blessure à tout jamais ouverte
Qui rend notre avenir nébuleux et confus

Il faudra oublier au bar de la Fée Verte
Ce rêve tant nourri et qui jamais ne fut
L’amour préfabriqué n’est que chimère offerte

Offrir ce qu'on n'a pas... © Mapomme

samedi 10 juillet 2021

Nouveau Siècle. Au bûcher de Salem offrons tout penseur libre

Tous les Torquemada lâches inquisiteurs
Pointent d’un doigt sectaire et foudroient de leur haine
La différence honnie livrée à la Géhenne
Du Moloch des réseaux aveugles serviteurs
Comme une meute aboie cerbères tourmenteurs

L’ivresse du nombre rend la parole obscène
D’excréments corrompus par la pensée malsaine
Leurs gueules exhalant d’horribles puanteurs

Quand éructe la meute dans sa bêtise crasse
Sans joug l’Obstiné fend l’écumant Achéron
Méprisant les Harpies qui pourtant le pourchassent

Répondant au Haro ! les sombres lycaons
Sur le libre penseur se jetteront en masse

Il reste droit et fier sans même voir Charon


Au bûcher de Salem © Mapomme
À toutes celles et ceux que la Meute harcèle

vendredi 2 juillet 2021

Elégies. Part d’ombre et de lumière, où naîtra la frontière ?

Arrête de tourner ta bougie à la main !
Sans fin l’ombre se meut sous l’effet de la flamme
Mon visage est un mont soumis à l’examen
Dérobant ses démons au jour des matins calmes

Vois mon regard si pur et mes pensers sereins
Vierges de tout regret quand l’ombre y cèle un drame
De nos rêves aimant cruel briser les reins
Dans l’acide trempant la pointe du calame

Serais-je le Dandy fixant halluciné
Le troupeau des humains qui marchent au supplice
Quand le fouet claquant s’en vient les lanciner ?
Vers l’Abysse ils s’en vont comme on goûte au Délice

Arrête de tourner et de m’examiner
J’abhorre l’ambroisie autant que le calice

Portrait de Charles Baudelaire © Mapomme
d'après Emile Deroy (1844)