samedi 25 février 2017

Sonnets. Le Clerc et l'Étudiante


I
La Terre s’est ouverte au-dessous de nos pas
Mais le réel Enfer se trouve bien sur Terre
Car sans amour nos vies sont pires que trépas
Quand le dévot abuse d’un pouvoir délétère

Je menais une vie de clerc fort ambitieux   
Butinant en chemin les lèvres de ces dames
Je discourais de Dieu de ses saints et des cieux
Cherchant dans les baisers un terrestre dictame

La vie se plait souvent à troquer nos projets
Nous faisant rencontrer un ange fatidique
En un éclair changeant de nos pensées l’objet

Au buisson de Vénus une rose pudique
Vierge a été cueillie et pourtant me piégeait
Percé soudain du trait d’un Cupidon ludique


II
Les amants sans souci ne voient que leur bonheur
Et tandis qu’innocents des baisers ils butinent
Des corbeaux ténébreux affligeants sermonneurs
Sombre menace plane en bande calotine

Au jardin printanier cueillez le doux parfum
D’un amour juste éclos car il est éphémère
L’apogée est suivi d’une chute sans fin
Notre défunt amour erre en nôtre âme amère

Les corbeaux castrateurs depuis leur noir clocher
Se plaisent à briser les hyménées fragiles
Et mènent les amants au funeste nocher

Le bonheur est un roi sur un trône d’argile
Fuyez si vous voyez un vol sombre approcher
Il fondra droit sur vous malgré vos pieds agiles





III
Dieu créa Terre et Ciel mais l’homme fit l’Enfer
Un enfer triste et froid de jeûne et de prières
Un sanctuaire obscur aux lourdes croix de fer
Où les astres de joie nullement ne brillèrent

Châtré on me fit moine prêchant à Saint-Denis
En un couvent recluse ma bien-aimée fut nonne
Séparés et bannis pour notre enfant punis
La cloche des complies comme un tocsin résonne

Sous le marbre glacé je demeurais vingt ans
Rêvant des étreintes de ma plus tendre amie
Le tombeau réunit nos corps impénitents

En dépit des périls des marques d’infamie
Nos noms sont honorés par tous les cœurs constants
Symboles des passions vainqueur des avanies



IV
Qu’en Enfer brûlent ceux séparant les amants
Le Paradis n’est pas celui de nos églises
Car la charnelle ardeur mène au vrai firmament
Qu’on sache qu’Abélard a aimé Héloïse