mercredi 28 février 2024

Sonnets sertis. L’amour en son palais

Nul n'a su déchiffrer la mystérieuse langue
Révélant les secrets d'un amour ingénu.

Les mots sont l’instrument de diverses musiques,
Servant le libertin, aux frivoles passions,
Comme l’amour aveugle ou l’élan romantique,
Qui brûlent d’obtenir un mot de compassion.

L’ivresse libertine est avant tout physique,
Changeant toujours d’objet pour sa satisfaction ;
La profonde passion semble presque mystique,
Car qui peut expliquer comment naît l’attraction ?

Tout au long d’une vie, l’amour a cent facettes
Et nos jeunes printemps se montrent libertins,
Passant de fleur en fleur, à moins de naître ascète.

Las des frivolités et des jeux incertains,
On ne prend plus plaisir aux ébats de conquête,
Mais goûtant les tourments d'un possible festin.

Aussi, on veut extraire un diamant de sa gangue,
Pour le voir scintiller de reflets inconnus.

L'amour en son palais © d'après Jean-Honoré Fragonard

vendredi 23 février 2024

Estrambots. Les mal-être des temps

Des tourments permanents, tel l'assaut d'une horde,
Viennent en plein sommeil, l’interrompant soudain ;
Ces troupes barbares briseront la concorde
D’un peuple pour lequel ils n’auront que dédain.

Pourquoi quand tout va bien, se referment les portes ?
Un rythme fou soumet la vie des citadins :
Même sans durs labeurs, les tensions ils supportent,
Pris entre bien et mal, le diable en leur jardin.

Par la fenêtre ouverte, entre de la lumière,
S'égarant dans l'ombre d'un éden de ciment.
Oh ! si loin se trouvent les aurores premières,

Et tous font des travaux, obscurs et déprimants,
Dans des opérations qu’ils pensent régulières,
Mais dont le but s’avère à leur seul détriment.

Les mal-être des temps sont des glaires pour l’âme,
Pour des gens encagés, pris dans une volière,
Qui ont vu s’éteindre leur intérieure flamme.

Les mal-être des temps © d'après Arthur Hugues

Estrambots. Souviens-toi du passé !

Le passé me suivait dans mon rêve éveillé,
Me chargeant des péchés d’une vie très lointaine,
Et telle une Érinye voulant faire payer
Au vieil adolescent sa rudesse certaine.

« Souviens-toi ! », disait-elle, afin de m’ennuyer,
« D’une ancienne rupture et de ta voix hautaine !
C’est un manque de tact qu’on ne peut oublier
Et qui prend de l’ampleur, passé la soixantaine ! »

Le passé disait vrai : avec le poids des ans,
On voit ses dix-sept ans et leur inconséquence,
Car on agirait mieux, de par les temps présents.

« Crois-tu que suffirait ta pompeuse éloquence,
Faisant d’un mal un bien ? Toujours est déplaisant
De voir brisé un rêve, et ce, quoi que tu penses ! »

Sans raison, on repense à ce qu’on a mal fait ;
Il est de vieux regrets que nul baume ne panse,
Lorsque, de nos erreurs, on ne sait les effets.

" Souviens-toi du passé ! " © Mapomme
D'après William-Adolphe Bouguereau, Ernest Anders et Caspar Friedrich

jeudi 22 février 2024

Estrambots. Doutes et certitudes

La certitude agit tel un violent poison,
Alors qu’un doute emplit l’âme de tolérance ;
La première citée fait florès à foison,
Tandis que le second plonge dans des errances.

La dogmatique foi assure sans raison
Que l’autre camp se leurre et vit dans l’ignorance ;
Les doutes, quant à eux, ne sont plus de saison,
Car il faut en tout point montrer de l’assurance.

Or, l’hésitation mène à des gouffres sans fond,
Paralysant l’action qui devrait nous conduire
En dehors de l’abîme où les desseins se font.

Le doute ne pourra aucunement séduire
Et l’assurance habite un suffisant bouffon
Qui ne propose rien que de tout déconstruire.

Si je pouvais verser sur ma perplexité,
Un brin de conviction, ça ne pourrait me nuire ;
Est-ce un défaut d'agir, en ayant médité ?

Doutes et certitudes © Mapomme
D'après Eleanor Fortescue-Brickdale

Sonnets sertis. Saisis par le vertige

Au bord du précipice, enivrés d'un vertige,
Par le vide, horrifiés, nous sommes attirés.

D’un avril révolu ont pâli les essences
Et, soumis à mi-mai à de puissants parfums,
Lorsque des sentiments soudain prennent naissance,
Se consume l’esprit des nouveaux séraphins.

De l’ivresse des fleurs, nous perdons la conscience,
Saisis du vertige de nos nouvelles faims ;
Ainsi qu’une ivre abeille, on frémit d’impatience,
Butinant un nectar à l’instar d’un or fin.

Que de fleurs en ce pré, où une nous captive,
Ni par sa fragrance, ni l’éclat de son teint,
Mais par sa douce voix à la grâce effective.

On hésite, d’un coup, face au troublant destin ;
L’affinité perçue sera-t-elle élective
Et devra-t-on se fier à son captieux instinct ?

Du temple des amours demeurent les vestiges,
Mais sont fanées les fleurs des espoirs expirés.

Saisis par le vertige © Mapomme
D'après John William Waterhouse et Claude Monet

mercredi 14 février 2024

Estrambots. Les mots en possession

Si blafarde est la page, obscur est l’encrier
Et l’éclatante idée de nuages se couvre ;
C’est une damnation qui me fera crier,
Au moment où je crois qu’un ravissant jour s’ouvre.

Les saints, puis les démons, chaque fois j’ai prié :
En dépit de l’hostie et en dépit du soufre,
En tout lieu, mon appel semble inapproprié ;
Plus je supplie le ciel, plus j’approche du gouffre.

J’ai changé l’encrier qui subissait ce sort,
L’encre et puis le papier, en désespoir de cause,
Sans qu’un écrit joyeux prît enfin son essor.

Aussitôt que j’écris, je suis pris de psychose
Et, face au mauvais œil, je reste sans ressort ;
Les mots en procession s’assombrissent sans pause.

L’azur pur s’obscurcit et les âmes aussi,
Car les termes joyeux s’enchaînent sous hypnose,
Grimaçant et rendant indécis mes récits.

Les mots en possession © Mapomme
D'après Francisco de Goya

Sonnets sertis. Le jardin sur la mer

Des piliers se dressent en orgues minéraux
Vers des cieux attendant quelque vaine supplique.

À côté du palais, on cueille encor les fleurs
Du jardin sur la mer, tout près de la lectrice
Assoupie par le chant d’un gai merle siffleur,
Par l’écho des vagues, constantes tentatrices.

En lisant, quelquefois, elle a versé des pleurs,
En raison de l’ennui, venu tel un caprice,
Un manque non fondé, mais prenant de l’ampleur ;
Dormir est le remède aux fièvres expiatrices.

Le jardin parfumé est joliment fleuri
Et le chant des oiseaux dispense la quiétude ;
Mais la mer étale de nul mal ne guérit,

Surtout en refusant d’en accomplir l’étude ;
Parfois, plus qu’un bonheur, ce tourment on chérit
Et même on le regarde avec mansuétude.

Du calme naît le mal, car ne vient nul héraut,
Porteur d’un feu nouveau qui, sur la paix, l’applique.

Le jardin sur la mer © Mapomme
D'après John William Waterhouse et John Leighton

mardi 13 février 2024

Estrambots. Expression de douleur

L’étrange contorsion exprimait la douleur,
Positionnant les bras ainsi qu’une danseuse
D’un ballet actuel ; or, ce profond malheur
Possédait cinq siècles, issu d’une œuvre pieuse.

Le corps se tordait donc, sans excès de pâleur,
Comme s’il suffoquait : la muette pleureuse
Étouffait sa peine, estimée sans valeur,
Mais la voyait trahie bien qu’étant silencieuse.

Ôtée de ce tableau, elle aurait pu danser,
De son deuil exprimant toute la tragédie,
Qui torturait son corps et surtout ses pensers.

Dans son être, en entier, le tourment irradie
Commandant ses gestes, qui semblent insensés :
Face au deuil, se peut-il qu'ainsi on remédie ?

À l’annulaire, elle porte un fin bijou en or,
Dont nul n'est assuré de ce qu’il signifie :
Un haut statut social ou autre chose encor ?

Expression de douleur © Mapomme
d'après Rogier van der Weyden et Pina Bausch

Estrambots. Les savantes tisseuses

Savantes tisseuses, disciples d’Arachné,
Depuis votre atelier, tissez-nous belle vie !
Tissez-nous des liens portant à leur acmé
Les plaisirs, les passions de nos âmes ravies !

Tissez des nuages roses ou safranés,
Du fil des doux rêves, dont la pluie purifie
Nos esprits dissolus et nos cœurs affamés,
Dont les sombres envies souvent nous pétrifient !

Entrelacez les fils et tressez tous les liens
Qui revêtent les gens de généreux principes,
Les portant à choisir les prémices du bien !

Sans ce fil conducteur, tout être se dissipe,
Paumé dans les limbes du morne quotidien,
Car, par ces liens tissés, de l’ombre on s’émancipe.

Patientes tisseuses, connaissant le métier,
Qui très discrètement travaillez en équipe,
Assemblez par vos fils notre monde en entier !

Les savantes tisseuses © Mapomme
d'après Diego Vélasquez et Frederic Leighton

lundi 12 février 2024

Sonnets sertis. Les plaisirs de la mer

À mi-chemin d’octobre, je pense à mes étés,
Si proches et lointains, à des années-lumière.

Si le printemps revient, il en est, par malheur,
Un qui demeurera à jamais hors d’atteinte !
Coexistent, parfois, les neiges et la chaleur,
Quand quatre hémisphères combinent joies et plaintes.

En mes étés d’antan, aux joyeuses couleurs,
J’allais au bord de mer, sans la moindre contrainte ;
Je goûtais aux plaisirs, - quelquefois aux douleurs -,
Des bains dans l’eau salée et des brèves étreintes.

Il me faudrait un cric pour me voir à nouveau
Plonger dans les flots clairs d’une paisible crique,
En compagnie d’amis, sous les feux estivaux.

Me voir sur la plage marque un jour historique
Et on m’acclamerait, sous de fervents bravos
Et des vivats nourris, peut-être pléthoriques.

Ma peau craint du soleil les feux à satiété
Quand un spleen me chasse loin de mes joies premières.

Les plaisirs de la mer © Jules Scalbert

Sonnets sertis. La lande tourmentée

Tel un furieux coursier, le vent court sur la lande,
Sous un ciel élégiaque au camaïeu de gris.

Triste à perte de vue, s'égarant dans des brumes
Estompant l’horizon, la lande rendrait fou
L’esprit sain, s’il en est, sous la morne amertume
Qui s’avère infinie, vernissée d’alquifoux.

Le vent démesuré sur la bruyère écume,
Tourmentant les esprits qui demeurent debout ;
Il fausse leur raison, soufflée comme une plume,
Et enfle les passions, les sentiments tabous.

Ainsi qu’une banshie, pleurant devant la porte,
Il sait que la passion, jusqu’à la déraison,
En haine se muera si l’ardeur est trop forte.

Ce vent, ce maudit vent, chante au seuil des maisons
Souffle son oraison des sombres amours mortes,
Quand l’aversion relaie d’âpres inclinaisons.

La tempête a scandé les passions de légende
Qui, même après la mort, gouverne un cœur aigri.

La lande tourmentée © Mapomme

L'alquifoux est le sulfure de plomb naturel, utilisé en poterie.

La banshie (ou banshee) est une fée du folklore irlandais, dont le cri annonçait une mort imminente.

Sonnets sertis. Quand tôt vient le printemps

Quand revient le printemps, sans que l’hiver finisse,
Dans le jardin frileux les merles sont surpris.

Mate, belle endormie, le soleil qui colore
L’horizon imprécis d’un feu matutinal !
En février, vois-tu les fleurs qui vont éclore,
Figeant précocement un hiver peu normal ?

La campagne et le ciel, qu’un éclat naissant dore
D’orange et de violet, prend un ton prévernal,
À coup sûr présageant qu’en avance la flore
Égaiera le pré vert d’un matin hivernal.

Pour voir cette splendeur, dois-je briser ton songe,
Ma douce ayant trouvé le sommeil aussi tard ?
En effet, quelquefois, la soirée se prolonge,

Car nous avons vécu une nuit de fêtards.
Sitôt couchée, Hypnos dans le sommeil te plonge,
Quand je reste éveillé, à l’instar d’un nuitard,

Car me vient une rime, éternel maléfice ;
Je vois l'aurore ainsi, quand je la retranscris.

Quand tôt vient le printemps © Mapomme
d'après Louis-Jean-François Lagrenée

dimanche 11 février 2024

Sonnets sertis. Si coule la Seine

Oh ! coule la Seine, comme coule temps,
L’onde toujours semblable et aussi peu la même.

Où sont les évadés des quartiers de Paris,
Qui, sur l’île Seguin, profitaient du dimanche ?
Leur flot, avec les ans, peu à peu s’est tari,
Car on ne trouve plus d’ombrages sous les branches.

Ces repas campagnards ont soudain dépéri,
Car le progrès survient et voilà que tout change,
Chassant tous ces instants, profondément chéris ;
Se dressent des chantiers d’usines qui dérangent.

Disparue la forêt, envolés les repas,
Où des couples chantaient aux tablées en goguette :
Usines et studios ont signé leur trépas.

Des champêtres loisirs, un monstre hideux guette
Tous les prés verdoyants et, sans même un débat,
Tel un essaim s’abat en terrain de conquête.

Si coule la Seine, promeneurs pénitents,
Regrettons ces dimanches, seul jour qu’au fond on aime.

Si coule la Seine © Mapomme
d'après Jules Scalbert

samedi 10 février 2024

Estrambots. Jadis sous le boisseau

Mémoire sélective, animal capricieux,
Repeins-tu le passé de couleurs insincères ?
Jadis se voit tissé d’un velours prestigieux,
Mais toi, le tisserand, tu agis en faussaire.

Magnifié de la sorte, autrefois paraît mieux,
En dépit du racisme et des multiples guerres,
Quand le monde tremblait, face aux dangers sérieux
De puissances au bord d’un conflit nucléaire.

L’illettrisme en tous lieux et la rapacité
Des colonisateurs, ainsi que la famine,
N’offraient pas le tableau de la félicité.

Le passé contrefait, à présent nous fascine,
Mais, oublieux esprit, c’est bien la vérité
Que ce faux si grossier sans relâche assassine !

On voit d’affreux secrets, sur la voie du progrès,
Lorsque, hors du boisseau, une flamme illumine ;
Le silence d'antan nourrit seul tes regrets.

Jadis sous le boisseau © Mapomme

vendredi 9 février 2024

Estrambots. À l’aune du temps long

Des fois, ivre d’espoir, l’esprit à tire-d’aile,
Vers l’azur infini, du rose bariolé
Des matinales nues qu’un vent léger modèle,
Veut effleurer des cieux calmes et inviolés.

Tout nous paraît si triste, englués sur la Terre
Dans la boue quotidienne inondée de laideurs,
Car on ne voit qu’elle, dans l'info délétère,
Commentée à l’envi par d’aveugles plaideurs.

Sitôt que vers l’azur, immaculé, limpide,
On regarde le monde à l’aune du temps long,
Son horizon n’est plus couvert de flots turpides ;

On voit notre passé et ses siècles de plomb,
Où les humains marnaient sous des patrons cupides,
Dans labeur rythmé par les marteaux-pilons. 

Depuis l’azur, on voit les siècles qui s’écoulent,
Et notre évolution, à perte d’horizon,
Où le progrès parvient jusqu’aux lointaines foules.

A l'aune du temps long © Mapomme
d'après des tableaux et un film,

dimanche 4 février 2024

Estrambots. L’épiphanie du livre

Comment bercer tes jours, sans livre, enfant rêveur,
Sans l’exquise invention, la seule qui t’enivre,
T’emmenant vers des rives inconnues aux saveurs,
Aux parfums d’évasion, tel un Virgile à suivre ?

Or, c’est l’imprimerie qui devint ce sauveur,
Ton ouvreur des chemins, diffusant tant de livres,
Qui, plus qu’un manuscrit, obtinrent les faveurs
Des lecteurs qui voulaient mille aventures vivre.

Après la religion, puis de nouveaux savoirs,
Le roman fut pour toi d’un tout autre calibre,
Par le rêve accordant un tout nouveau pouvoir,

Celui de voyager, de rendre l’esprit libre,
Sur tous les continents, de taille à se mouvoir
Jusqu’aux rives du Nil, depuis celles du Tibre.

C’était merveille enfin que de s’aventurer
Avec les Mohicans, d’avoir le cœur qui vibre,
Frisson qu’un livre seul est apte à procurer.
L'épiphanie du livre © Mapomme
d'après un vitrail à Corbeil-Essonnes,
au conservatoire de musique et de danse Claude Debussy

samedi 3 février 2024

Estrambots. Si plus de deux mille ans...

Si demain notre amour était pris dans la tourbe,
Serait-il à jamais préservé du déclin ?
J’ai vu une momie, qui de Chronos le fourbe
A su jouer le Temps aux desseins sibyllins.

Si aux assauts constants, la passion restait sourde
Et le charme initial jouait toujours à plein,
Qu’au lieu de dépérir, empêtré dans la bourbe,
Cet amour résistait aux plans du dieu malin,

Ce serait merveilleux, ne crois-tu pas, chère âme,
Si plus de trois mille ans après l’âge d’airain,
Quand tombent les tyrans, brûlait toujours la flamme,

Qui fit naître en nos cœurs cet amour souverain ?
Partout le dieu mauvais, sur le monde proclame
Son éternel pouvoir : je demeure serein.

Dans le jardin fleuri, messieurs et gentes dames,
Sans cueillir la rose, humez son doux parfum,
Sans que le temps ne vienne et son ardeur entame.

Si plus de deux mille ans... © Mapomme
d'après la momie de Tollund

vendredi 2 février 2024

Estrambots. Au-delà des fortifs

Au-delà des fortifs, en dehors de Paris,
Des bidonvilles laids à la splendeur font tâche :
Les pauvres y pansent leurs rêves dépéris.

Le progrès est fêté et le siècle nouveau,
Dans un constant essor, s’enivre de promesses ;
Mais, treize heures par jour, on s’épuise en travaux,
Lorsque seuls les patrons connaissent la richesse.

Quand bien même elle est ample, ils ne paient pas d’impôts :
C’est bien la Belle Époque et, pour eux, l’allégresse,
Car l’ouvrier s’épuise et eux ont le repos ;
Aux bourgeois les plaisirs, aux autres la détresse.

Dans les bidonvilles, se groupent les exclus,
Vivant extramuros ; la misère s’y cache,
Des ouvriers perclus, qui ne travaillent plus,

Des femmes mal payées, pour une même tâche,
Des bandes de voyous, au crime résolus,
Se battant par quartier, et nommés les Apaches.

Au-delà des fortifs © Mapomme

Si ce temps vous rappelle, un chouïa le présent, vous verrez que les siècles passent et que seules la couleur et la religion changent, mais que les maux demeurent, puisque ces bidonvilles étaient habités par des personnes qui ne pouvaient se payer les loyers trop élevés d'un Paris trop chicos.

jeudi 1 février 2024

Estrambots. Un feu dans les ténèbres

Un pâle feu résiste en la profonde nuit,
Vacillant, par moments, sous l’effet d’une brise ;
L’humanité supplie l’étincelle qui luit
De ne pas vaciller : l’idée la terrorise.

Au cœur des ténèbres, l’écho du moindre bruit
Peut trahir le danger de mauvaises surprises ;
Le fruit de longs efforts se trouverait détruit,
Par l’hostile violence issue d’une traîtrise.

Durant cet âge obscur, l’homme livre un combat
Pour ne pas disparaître, entretenant la flamme
De l’impérieux espoir de survivre ici-bas.

C’est la tribu livrée aux hivers qui l’affament
Et la lignée au bord du meurtre ou du trépas,
Subissant le déclin, la disette et ses drames.

Que luise un pâle feu, tel un gage divin,
En dépit des tourments, qui viendraient et proclament
Que ce combat sans fin ne s’avère pas vain.

Un feu dans les ténèbres © Mapomme
d'après Jean-Jacques Annaud