lundi 23 décembre 2013

Sonnets. L’ivresse de l’abysse

Espérer dans le noir quand l’espoir paraît vain
Frémir au jour venu pour un absent sourire
S’enivrer d’une voix comme on savoure un vin 
Être saisi de fièvre et proche du délire

Rêver de conquérir un bibelot divin
Craindre l’airain barbare aux portes de l’empire    
Se trouver ballotté entre Olympe et ravin 
Aimer jusqu’au martyr l’emprise du vampire

Il faut être dément pour chérir le supplice
Qui jusqu’à la lie nous fait boire le calice      
Le ventre tout noué de l’incertain poison

Mais que vaudrait la vie sans cet amer délice
Quand le cœur est comblé par un soleil complice
Mieux nous chaut le regret que la froide raison
Equilibriste © Mapomme

vendredi 25 octobre 2013

Sonnets. Couronne d’algues

Verte est la couronne toute d’algues tressée
Que leur tend une main surgie du lac sans fond
Surtout ne parlez pas comme tant de gens font
De peur d’effaroucher cette main bleue dressée

Vers des gouffres profonds que jamais nul ne sonde
L’aquatique entité née dès l’Antiquité
Fuira loin des rumeurs et de l’humanité
Brûlant et émondant les forêts moribondes

Nous n’apercevrons plus par cet écart fautif
De belles dames nues sortant des eaux frileuses
Nymphes réincarnées sous les nues nubileuses

Avec la tête ornée d’un végétal motif
Nos cœurs ne battront pas la folle démesure
D’un onirique instant qui la grisaille azure
 Le bain © Mapomme
(avec l'aide de Waterhouse)

jeudi 24 octobre 2013

Sonnets. Cécité en cité

Plus aveugle qu’Œdipe en la cité déserte
J’ai arpenté la nuit sans trouver le repos
Sombres étaient les rues et les nuées inertes

Dans le dédale éteint tout près des entrepôts  
Longeant les quais du port assurant la desserte
Je vais au lieu d’où part un permanent troupeau

Ailleurs est comme ici un rêve mensonger
Où le mourant s’éteint sous d’analogues cieux
Les aubes féroces offrent des jours odieux
Nulle nuit ne parvient à leur donner congé 

Œdipe fut bien sot de se crever les yeux
La pointe des ciseaux il aurait dû plonger
Dans son cœur dévasté car ce qui l’a rongé
Avec la cécité ne quitta point les lieux
 Œdipe © Mapomme

mercredi 23 octobre 2013

Sonnets. Terra incognita

Que de certitudes sertissent nos discours
Tandis que nous voguons vaisseaux livrés à l’ire
De l’océan des jours trop occupés à lire
Dans les feux constellés un sibyllin secours

Allons ménestrier enchante donc ma cour
Tant d’astres ici-bas brillèrent et pâlirent  
Certains de leur sang-bleu jusqu’au fond du délire
Parents amis aimés aux arguments si courts

L’amour seul empêchait d’à jamais nous fâcher 
Car d’aucuns professaient que les sangs sont semblables
Quelque soit notre aspect qui seul peut le cacher

Vers la terre inconnue filant inébranlables
A quoi bon ces bordées de vains boulets lâchés 
Nous serons si l’un coule un chœur inconsolable
Palsembleu © Mapomme


Sonnets. La Pygma-lionne

Tu n’as jamais aimé un seul de mes amis
Aucun de mes amours ni mon côté bohème
Tu n’épargnais pas plus mes tous premiers poèmes
Quel crime abominable avaient-ils donc commis

Tu poussais la cigale à devenir fourmi
Chacun de nous récolte les pauvres grains qu’il sème
Et les pygma-lionnes créent d’accablants problèmes
À se montrer soumis on ne vit qu’à demi

Le mieux peut s’avérer le pire des travers
Car un destin subi offrira moins d’ivresse
Et nos années dès lors comportent quatre hivers

Je me suis enchaîné au labeur par paresse
Et ma muse indolente a négligé mes vers
J’ai mes amis malgré ces vertus pécheresses
 Poulet-frites © Mapomme

lundi 21 octobre 2013

Sonnets. Greffe

Si dans les temps futurs flanchait mon palpitant
Je voudrais qu’on regarde à bien choisir l’organe
Pas un cœur slave empli de ces langueurs tziganes
Qui se laisse bercer d’un spleen propre aux Gitans

Surtout épargnez-moi pour la paix de mon âme
Un cœur bien trop meurtri au tempo hésitant  
Traînant depuis mille ans sa croix de pénitent
La croix de la passion à l’embrasante flamme

Car j’ai déjà donné du côté cœur en peine 
Avec des souvenirs qu’on ne peut effacer
Donc pas de cœur blessé balancé à la benne 

Non greffez-moi un cœur vierge de tout passé
Mais pas de pierre La mécanique inhumaine 
D’un cœur dit d’artichaut m’a sans cesse angoissé  

Greffe © Mapomme



samedi 19 octobre 2013

Sonnets. Psyché et moi

J’ai discuté le bout de gras avec les dieux
Au sommet de l’Olympe comme au fond des abîmes
Le satyre a souri et la nymphe a gloussé
Devant le fol orgueil de ma simple demande

Je ne quémandais point des lendemains radieux
Juste immortaliser ce souffle qui m’anime
Le divin tribunal a semblé courroucé
D’entendre un piètre humain visant ses plates-bandes

On jugea mes propos insidieux et odieux
Sidérant sans détours l’assemblée unanime
Mon vœu d’éternité se trouva repoussé
Et l’insolent exclu jusqu’à d’autres calendes

L’amour de la beauté vient partout se nicher
Les dieux m’ont méprisé et accepté Psyché     
 Le jugement des dieux © Mapomme

vendredi 18 octobre 2013

Sonnets. L’ivresse de Noé

Noé est endormi ivre d’un prime vin
Du péril écarté de la vie revenue
Ayant trop bu ce jour du breuvage divin
Il présente au soleil d’impudiques chairs nues

Il est vêtu comme Ève ancêtre fort connue
Foulant d’un pas léger le primordial verger
Hélas elle a perdu sa vision ingénue
Connaissant Bien et Mal pour un seul fruit mangé

Depuis les humains vont avec l’esprit changé
Le venin du savoir tourmentant les pensées
Orphelins d’un jardin qui leur est étranger 
Honnies soient ces notions depuis lors dispensées

L’ivresse de Noé restitue l’innocence
Qu’efface le poison que nous nommons décence     
Ivresse de Noé © Mapomme 

jeudi 17 octobre 2013

Sonnets. Le siège des ténèbres

Pour qui a visité les noirs égouts fétides
Où l’onde des canaux charrie les déjections
En ce réseau hanté par des nochers cryptides
Rien n’est plus révulsant que l’horrible infection

Sous la terre enfouissant les matières putrides
Qui infestent nos corps de leur malédiction 
Faisant la joie des rats et mouches cantharides
Nous voulons oublier l’éternelle affliction

Mais le plus écœurant en ce lieu exécrable
N’est pas l’odeur immonde des plus vils excréments
Flottant dans les conduits dédale impénétrable

Dans nos esprits souillés de turpides tourments
Demeurent Rien ne peut expulser l’inexorable
Noirceur de nos pensées et de nos errements
D'égout © Mapomme


Sonnets. Tahorou

Tahorou le mutin sur le dos d’un requin
Franchit les flots marins vers de nouveaux rivages  
Son île ayant subi un ultime ravage
Semblable à la furie des bandes d’hellequins  

Par-delà l’infini désert des flots turquins
En quête d’un îlot aux floraisons sauvages
Il laissait le passé et sa vie de servage
Pour marcher sur un sol sans horizons mesquins 

Parvenu à son but il lâcha l’aileron
Découvrant l’île verte aux frissonnantes palmes 
Il bâtit un radeau et à coups d’aviron

Ramena tous les siens pour peupler l’île calme
Les chants de Tahorou répétés scelleront
Le mythe du mutin qu’on vénère et acclame
Tahoru © Mapomme 

mercredi 16 octobre 2013

Sonnets. L'Ouvreur des Portes

La mort ne serait rien sans mots de poésie
Rien qu’un terme fatal et un néant sans fond
Sans glorieux requiem rien qu’un tour de bouffon
Et de la morne vie la sublime hérésie

Le poète revêt de fines rêveries
Un simple instant de pleurs dépourvu de leçon 
Et fonde un au-delà dont nul n’avait soupçon
Bien loin des châtiments et autres moineries

L’Enfer est romantique et le démon tentant 
Les pécheurs sont punis en tableaux esthétiques
Où vont des processions aux tourments consentant 

Un Aède nous guide et vient énigmatique
En ouvreur des portes toujours nous présentant 
La Mort comme la clé d’un monde initiatique
 L'Ouvreur des Portes © Mapomme
(avec l'aide de Gustave Doré et du Louvre)

dimanche 13 octobre 2013

Sonnets. Le marcheur immobile

Il pleut sur les étangs et l’encrier est vide
Hier ressemble à demain et tous les chemins
Me ramènent au point de ce triste examen
À l’onde maussade sous les cieux impavides

Quel marcheur insensé sous les verts tamarins
S’en irait rechercher le tombeau des Sylphides
Avec la conviction que la vague perfide
A recouvert de boue tous les caveaux marins

Passé présent futur ne sont qu’un même instant
Nous répétant sans cesse une même journée
Vêtue différemment mais au schéma constant

La source s’est tarie et l’âme consternée
Ne peut que constater ce bilan attristant
Nous avançons toujours prisonnier du sordide   

Il pleut sur les étangs et l’encrier est vide
 Passé présent futur © Mapomme
(merci à Edward Burne-Jones pour ses contributions)

Sonnets. Le fol espoir du gnome

Dans l’antre d’un volcan des titans borgnes forgent
L’or d’impures monnaies et l’acier des poignards
Martelant le métal dont les grottes regorgent
Le monde s’en repaît tel un vil charognard

Un marais méphitique ou des mots vipérins
Suffisent au conflit et les combats m’obligent
À fondre les métaux des plus tranchants airains

Aux titans asservi je suis le gnome lige 
Errant par les boyaux des mondes souterrains
Dans l’ombre accablante je gémis et m’afflige

Là haut loin des parois dont je suis le bagnard 
L’horizon infini offre aux cœurs qui s’insurgent
Sous les cieux constellés des déserts campagnards
L’espoir de fuir enfin l’antre des métallurges    
 Le titan borgne © Mapomme
(avec l'aide de www.Bjorn Hurri.com)

samedi 12 octobre 2013

Sonnets. Les élus

À travers le désert errait le vieil ermite
Que suivait tout un groupe apatride et hagard  
Semblable au patriarche et sa tribu sémite
Quittant l’aride Éden sans un dernier regard  

Las d’être des tricards dans un pays ringard
Ils en avaient franchi les ultimes limites
Pénétrant dans l’enfer d’un soleil sans égards
Marchant dans la souffrance où se forgent les mythes

En tous lieux les vieillards passent pour être sages
Et à leur arbitrage on s’en remet sans peur 
Croyant que leur verbiage est un puissant message

Combien de ces troupes de nomades campeurs
Vers un monde meilleur recherchant le passage
Ont péri dans l’oubli des torrides vapeurs  
 Suivant le patriarche © Mapomme


Sonnets. Les ailleurs incertains

Sur son rose rocher l’enfant mire les flots
Jade et saphir virant en une blanche écume
C’est le chant de Neptune une ode d’amertume
Et le mantra marin étouffant les sanglots  

La brume à l’horizon apporte à ce tableau
La crainte d'un demain sans éclat sans volume
Où des titans captifs martèlent une enclume
Enchaînés nanisés dans un univers clos

Le roc qu’on voudrait fuir et l’ailleurs incertain
Font hésiter l’enfant devant l’onde indocile 
Il veut voir les palais ornés de travertin

Où les plus grands penseurs s’assemblent en concile
Que chamboulent souvent les bardes libertins
Dans la gangue du sol l’enfant se sent fossile  
 Horizons © Mapomme

vendredi 11 octobre 2013

Sonnets. Le songe de l’Atlante

Les fleuves porteront des millions de poissons
Crevant le ventre en l’air sous les nuées acides
Les forêts décharnées parcourues d’un frisson
Tendront leurs bras tremblants vers d’étoilées absides  

Les touffeurs alternées d’une sombre mousson
Suivront l’hiver glacé à l’air chargé d’oxydes
Avant les feux d’été pourriront les moissons
Les tribus éparses poursuivant leur suicide

Les âmes avides amassant des tas d’or
Verront leur empire subir l’ultime éclipse 
Et ils ne seront plus du monde les cadors

Car des lois de jadis l’humain fera l’ellipse
La civilisation des vains conquistadors
S’éteindra générant l’auto apocalypse
 Songe de l'Atlante © Mapomme

jeudi 10 octobre 2013

Sonnets. Éphémères rires

Comme feuilles mortes volent au vent les jours
Ce vent devant ma porte emmène les semaines
Égrène mes peines en ses lointains domaines
Automne frissonnant m’a transi pour toujours

Aucun épais manteau nul pull-over en laine
N’effacera le sort par un charme à rebours
Et je vais engourdi par les pluvieux faubourgs
Cherchant la lumière telle une ivre phalène 

Le corps le cœur trop lourds ne peuvent rattraper
Les feuilles envolées des plus brillants sourires 
Le vent tourbillonnant vient hélas les happer  

Et d’autres prisonniers dans les flaques pourrirent
Vite décomposés sans aucun rescapé
Jamais des jours perdus nos âmes ne guérirent
Éphémères rires © Mapomme 

mercredi 9 octobre 2013

Sonnets. Fiston

Fiston me dit la voix d’un sombre endroit surgie
Je n’avais plus ouï ce désuet surnom
Depuis des décennies tenu en léthargie
Quel que soit le chemin qu’un beau jour nous prenons 

Sorti tel un zombie sans nulle liturgie
D’un sol marécageux ce mémoriel limon
Ce surnom mort-vivant retrouve une énergie
L’extrayant du caveau et nous le ranimons 

Alors nous déplorons ce futur trépassé
Les propos complices conseils et confidences 
Qu’un surprenant décès est venu effacer 

S’achève l’âge d’or de la fausse abondance 
On devient orphelin d’un parent terrassé 
Et d’instants à venir dont on pleure l'absence
 Fiston © Mapomme

mardi 8 octobre 2013

Sonnets. Le tyran

Le pire des tyrans tuant et torturant
Jamais ne peut vaincre la volonté d’un sage
Même en le menaçant d’un savant dépeçage
Réitérant sans cesse un discours récurrent 

L’autocrate sanglant viendra des mois durant
Pour soumettre l’esprit par son puissant dressage
L’ironie du sage répond à son message
Car pour lui les tourments seront transfigurants 

Il existe pourtant un plus grand dictateur
Qui subjugue les cœurs les domine et les brise
Le despote absolu l’ultime prédateur

Il corrompt nos esprits soumis à son emprise
Plantant le drapeau noir du démon tentateur
Car perfide est l’amour qui toujours nous maîtrise
Tyran © Mapomme
(d'après Franck Frazzetta)

lundi 7 octobre 2013

Sonnets. L'antre sacré

C’est l’esprit du fauve tracé sur le rocher
Dans son œil scintille la voûte constellée
Qui rythme les saisons et qui vient décocher
Les éclairs lacérant la chair bleue flagellée 

L’homme-lion se dresse et semble s’approcher
De la plaine stellaire aux frontières scellées
Le contour du gibier à la cendre ébauché
Promet la profusion par l’énigme révélée

Le bison fertile les naseaux dans les seins
Pénètre dans l’antre de la Suprême Mère
Et les fruits jailliront comme un immense essaim

Les troupeaux s’accroîtront durant les nuits amères
La caverne sacrée couverte de dessins
Réunit Terre et Ciel en un couple éphémère
Antre sacré © Mapomme 

samedi 5 octobre 2013

Sonnets. Naufrage

Et le monde s’éveille avec un goût amer
Tandis que dans l’onde sombrent des corps sans vie
Dans l’ombre un dernier cri et une ultime envie
Quitter la barbarie en traversant la mer

On s’émeut de la mort d’un penseur mis aux fers
Mais on ne veut pas voir depuis des décennies
Tous ces peuples fuyant l’étau des tyrannies
Traversant le désert et laissant leur enfer

Sur la coque de noix vogue une grappe humaine
Au caprice des flots et à l’avidité 
Soumise et ballottée durant une semaine

La loi des faux édens aide à la cécité 
Et seul le nombre effraie plus que le phénomène
Trois jours le cœur en berne hélas sans méditer
Naufrage © Mapomme




Sonnets. Les destins évanouis

J’étais le dernier avec six deniers
Nul à renier et personne à vendre
Tout comme un Judas pour aller me pendre
Me pendre à ton cou au fond d’un grenier

Te prendre un baiser comme un braconnier
Plus rien à donner plus rien à attendre
Le ciel peut tonner et l’éclair descendre
Réduire en cendres notre marronnier

Avec le nocher le noir nautonier
Tu t’es promenée jusqu’à l’autre rive 
Où les arrivants restent prisonniers

Chaque excommunié de salut se prive
Plus une prière et plus d’aumôniers
Sur l’onde glacée l’égaré dérive
 L'autre rive © Mapomme

jeudi 3 octobre 2013

Sonnets. Janus

Sonneur monte au beffroi et carillonne encor
Que la cité sache ma joie dondon dondaine
Mais aussi mon effroi d’une perte soudaine
Qui naît dès que mon cœur bat pour un corps accort

Puisque la fleur éclose est promise à la mort
Même si l’émoi né ne cherche point fredaine
Pourquoi se leurrer de viles calembredaines
L’amour qui nous a mus cesse comme un trémor

La joie nous fait peine car rien n’est éternel
Et la rose éclose bientôt sera fanée
La passion consume tout pauvre amour charnel

La braise sera cendre et la fleur condamnée
J’apprécie le présent mais gémis solennel
Voyant dans l’avenir nos amours surannées
 Janus © Mapomme

mercredi 2 octobre 2013

Sonnets. La damoiselle de la forêt

Jugeant sans intérêts ce chemin de campagne
Je l’emprunte sans hésiter
Voilà une affaire sans tortuosité
À ce taux on sort le champagne
Et on peut acheter sans même visiter


Je n’ai pas regretté de solder mon épargne
Compter avec frilosité
Ne nous épargne rien ni maux à méditer
Ni les mots haineux ni la hargne

Le chemin m’amenant en une forêt noire
Où tu flânais en rêvassant 
Offrait un intérêt si j’en crois ma mémoire

Et j’allais le payer au taux de cent pour cent
Sans nul potentiel moratoire
 Damoiselle © Mapomme
(avec l'aide de Waterhouse)


mardi 1 octobre 2013

Sonnets. L’Éphernité

Les livres nous offrent la divine illusion
De l’éphémère éternité
Pouvoir franchir un siècle est chose rarissime

Combien de papyrus combien de parchemins
Et combien de grandes pensées
N’ont connu aucun lendemain
Nos esprits sont nourris de l’idée insensée

Voulant que les phrases sortant du lot commun
Soient à tout jamais encensées
L’inscription des marbres romains
Par les pillards du temps a été dispersée 

Le temps manie la dérision
S’il nous fait la faveur de nous voir édités
Perfide il gomme nos maximes 
 Éphernité © Mapomme

lundi 30 septembre 2013

Sonnets. La fin d’un temps

Le roi au bas du trône a perdu sa couronne
Sans prêtre est la cité sans maître est la maison
Et le temple agité tremble sur ses colonnes

Le pays vit soumis aux hommes sans raison
Le fruit pourrit sur l’arbre et le tocsin résonne
Les eaux vont dans les champs bien avant la saison

Le ciel est envahi d’un voile épais et sombre
Les sujets dans les rues errent abandonnés
On entend la rumeur des insubordonnés
Pillant violant tuant ne laissant que décombres 

Le pays tout entier succombe sous le nombre
Et l’ami de jadis se trouve soupçonné
Par l’appétit du gain l’ordre est désarçonné     
Car depuis trop longtemps nous vivons dans son ombre
 APOCALYPSE © Mapomme

Sonnets. Cassandre

Je suis le spectre errant d’orient jusqu’au ponant
L’épouse vierge hélas sauvée du temple en flammes
Quand le roi Ménélas put retrouver sa femme
Et quand je découvris Mycènes frissonnant

J’avais déjà prédit tous les malheurs troyens
Mais un funeste sort fit que les citoyens
Rirent de mes propos cependant prophétiques

Depuis je vais en vain par le monde étonnant
En tous lieux je préviens les assemblées d’un drame
Or nul ne veut savoir l’avenir qui se trame
Se fiant trop à la science aux savants grisonnants 

La voix de la Raison est quasi hérétique
Chacun la réfutant de façon frénétique
Et croyant voir surgir un ultime moyen
 Cassandre © Mapomme

dimanche 29 septembre 2013

Sonnets. Le soleil de minuit

Un soir que je dormais sur le divan bordeaux
Sans avoir pu poser un recueil poétique
Elle m’est apparue en vierge japhétique
Pour libérer mon cœur de cet ancien fardeau

Le front ceint d’un diadème aux ornements floraux
Me fixant sans un mot en muse prophétique
Elle extirpa soudain le passé pathétique
Au vent se dissipant dès les feux auroraux

Je revois ses cheveux aussi noirs que l’ébène
Et ses yeux envoûtants tels des gouffres profonds
Mais j’ai perdu ses traits dans la rumeur urbaine

Les fous cherchaient jadis chimères et griffons 
Sur mon divan j’attends une semblable aubaine
Or l’Idéal renie les rêves des bouffons      
Apparition © Mapomme

vendredi 27 septembre 2013

Sonnets. Sans solides liquidités


J’ai omis la photo dans un tiroir je crois
Dans le tiroir d’un mot ou bien d’un secrétaire
Fait dans un bois coupé tout au bout de la terre
Et qu’un vieil ébéniste de son travail adroit

A fait voici un siècle ou deux ou même trois
Je l’avais acheté chez un vil antiquaire
Malgré des finances que je dirais précaires
Il dort dans un dépôt assez sombre et étroit

La roue de la Fortune hélas monte et descend
Comme roue d’un moulin et comme la roulette
Si bien qu’on voit surgir des huissiers trop pressants

Déboulant un matin avec une mallette
Aussitôt leurs actes sont assez saisissants
Plus qu’un vieux meuble en bois la photo je regrette

Secrétaire © Mapomme

jeudi 26 septembre 2013

Sonnets. Veilleur de nuit

Je suis le veilleur de nuit
Guettant dans l’ombre sans bruit

Certains insomniaques ont tant peur de la mort
Qu’ils ne croient pas revoir l’aurore
Aux premiers feux du jour trouvant le cataphore
Tel un marin touchant au port

Le soleil verse l’ennui
Et tous nos rêves détruit

Tolérable est ce monde sitôt qu’il s’endort
Et j’aime alors ce qu’on abhorre
Je fuis les infusions des fourbes passiflores
L’obscur délivre un réconfort


Je vis quand la lune luit
Impassible et spectral fruit    

Veilleur de nuit © Mapomme

mercredi 25 septembre 2013

Sonnets. Cloche-pied

À cloche-pied j’ai emprunté
Le vieux sentier loin des écoles
L’esprit entier sans m’absinther
Sans un cahier sans pont d’Arcole

Le vert papier vient esquinter
Toute amitié et je décolle
Des beaux quartiers d’or trop teintés
Des tours d’acier sans protocole

 Hors du guêpier où j’ai pointé
Peu volontiers tout picrochole
Où sans pitié vous m’éreintez
Sans me soucier je caracole


Et l’âme enfin décontractée
Je m’en vais par la Voie Lactée

 Cloche-pied © Mapomme

mardi 24 septembre 2013

Sonnets. Larguons les amarres

Marins hissez la voile et remontez donc l’ancre
Dans le brouillard épais de vos mauvais tabacs
Vite garçon viens-t’en sonner le branle-bas
Car ce havre sans paix nous ronge tel un chancre

C’est un périple fou qu’il nous faut entreprendre
Sur l’océan d’encre pour l’ultime combat
Lassés de retrouver un triste et froid grabat
Où nulle étreinte amie ne vient plus nous attendre

Grimpez tous à la vergue et déployons les voiles
Sur les flots déchaînés naviguons et cherchons
Tout au fond d’un godet quelque cendre d’étoile

Sur le mat de beaupré tous à califourchon 
Défions l’ennui des jours et l’aileron du squale
Bourlinguons plein large et fi des coups de torchon    

 Vogue la galère © Mapomme


lundi 23 septembre 2013

Sonnets. Mosaïques

Il n’est pas de statue pas un seul monolithe
Comparable à nos cœurs composés de fragments
De pierres colorées qui indépendamment
Ne suggèrent pas plus qu’un morceau d’argilite

Notre esprit est semblable à une mosaïque
Dont des morceaux épars sont perçus des parents
Or sur la partition trois notes retenant
Quel musicien pourrait en saisir sa musique 

Nous sommes des instants joyeux poignants ou tristes
Des souvenirs d’enfants des plaies d’adolescents
Des élans spontanés des passions égoïstes 

Nul n’en a fait le tour vraiment à cent pour cent
Car nous sommes en fait de piètres mosaïstes 
N’exhibant en public que les fragments décents    

Mosaïques © Mapomme 


dimanche 22 septembre 2013

Sonnets. Le temple dévasté d’Hébé

C’est l’incendie de Rome aux neurones transmis
Le déclin d’un empire et la fin des orgies
Des banquets estivaux des longues léthargies
Quand l’électrum héliaque à l’horizon blêmit

Les cris des vandales les plus vils ennemis
Dont la furieuse armée des banquises surgie
Vient nous transir l’esprit sapant toute énergie
Sur le mont Palatin voient l’empire soumis 

C’est notre culture qu’on efface soudain
Le temple du savoir livré au feu barbare
Un musée égyptien pillé par les gredins

Comme Byzance et Troie la mémoire se barre
Privés de souvenirs nous devenons bredins 
Dans des brouillards sans fin le souverain s’égare   


Décadence © Mapomme 

Sonnets. Les hordes de l’automne

Automne fol automne aux forêts flamboyantes
Les braises de l’été aujourd’hui enterré
Illuminent encor les feuilles ondoyantes
Dans le vain tremblement d’appels réitérés 

Les ramures de jade hier si verdoyantes
Sous l’azur éternel d’un bleu inaltéré
Subissent le frisson des bises foudroyantes
Qui saisissent soudain tous les bois sidérés

Des cieux chargés de pluie à la mine de plomb
Nés au septentrion lancent leurs légions sombres
Des hordes barbares guidées par l’aquilon

Ainsi nos corps rongés crouleront sous le nombre
Quand nos cœurs subiront un automne félon 
Promesse future de ruines et décombres   

Horde © Mapomme 
(montage d'après Viking : battle for Asgard)

samedi 21 septembre 2013

Sonnets. Scotophobie

Je suis la fée du puits et le génie des granges
Le volet dans la nuit claquant fort sous le vent
Qui bat le mur en planche au-dessous de l’auvent
Qui balaie l’air frileux de vos rêves étranges

Je suis l’ogre des nuits et la dame-mésange
Spectre de vos chambres invisible souvent
Quand craque le parquet dans le calme éprouvant
Qui fait douter des cieux et du soutien des anges

Le démon sous le lit et Lilith de la cave
Qui transforme la paix en un furieux effroi 
Maître des cauchemars terrifiant les plus braves

Même au cœur de l’été votre sang devient froid 
Des chaînes de glaces vous figeant en esclaves
Je suis la peur d’enfant quand frémit le beffroi   

Scotophobie © Mapomme 

vendredi 20 septembre 2013

Sonnets. Les guetteurs de signes

Les quêteurs d’infime guettent le moindre signe
En vain le plus souvent car rien de motivant
Ne survient pour nourrir leur espoir captivant
Cependant les guetteurs jamais ne se résignent 

Dans l’étoile filante ou dans le chant d’un cygne
Dans le trèfle du pré ou l’orage arrivant
Ils scrutent le signe ce jour et les suivants
Qui s’en viendra chasser leur éternelle guigne

À trop attendre un train qui nullement n’arrive
Ces voyageurs figés demeurant sur le quai 
D’autres alternatives plus modestes se privent

Si nous devions quérir le meilleur des tickets 
Pour l’incertain festin sur l’onirique rive
Toujours nous resterions bannis d’autres banquets  

 No train today © Mapomme

jeudi 19 septembre 2013

Sonnets. Tissu de mensonge

Depuis cinq cent mille ans et les pithécanthropes 
De lente évolution en irrésolutions  
Les dévots en quête de vaine absolution
Ont prié le soleil en humains héliotropes

Quittant leurs oripeaux pour des tenues plus probes
Drapant leur peau d’un lin de dissimulation
Ils renient l’animal né des copulations
L’animal sommeillant sous la toge et la robe

Sous mon vernis mondain d’ex Homo Erectus
Me perdant en Java comme nombre de mâles 
J’adresse aux femelles mon plus charmant rictus

Nous tissons des habits camouflant les corps nus
Afin de dévoiler notre essence animale
Et pour imaginer le dessous sans dessus   


 Homo Erectus © Mapomme

lundi 16 septembre 2013

Sonnets. Jacaranda

Quand je bois du thé de Ceylan 
Avec des gestes empruntés et lents  
Dans l’ombre de la véranda
Face au vénérable jacaranda

Quand je lève la porcelaine
De ma tasse fleurie à moitié pleine
J’entends hurler la vie sauvage
Si loin de vos pacifiques rivages

Quand j’avale cette mixture
Sans risquer de prendre une autre biture      
Je pense alors à Miranda

J’ai depuis lors fait mon beurre en chemin
Sans souci pour mes lendemains
Mais mon ceylan est un amer breuvage
Jacaranda © Mapomme

vendredi 13 septembre 2013

Sonnets. Le sentier délaissé

Nous semons en chemin nos grandes espérances 
Forgées sur les braises des cœurs d’adolescents  
Nous étions en ce temps un pur-sang frémissant
Et lors des soirs de danse un vieux shaman en transes

Un mustang des prairies ivre de ses errances
Croyait à l’infini des plateaux rougissants
Cabré crinière au vent hennissant bondissant
Pour fuir les temps futurs truffés d’indifférence 

Le sentier d’autrefois entre chardons et ronces
A été délaissé pour le lisse béton     
Le confort asservit l’indompté qui renonce

Révérant le Progrès faux dieu des avortons
Qui face aux vraies questions nous laisse sans réponses
Et fait de l’étalon un attristant mouton   

Mustang © Mapomme


mardi 10 septembre 2013

Sonnets. Le lavoir

Sur le toit du lavoir nous passions nos vacances 
À parler des filles et des bals à venir
À fumer des clopes alors sans conséquences
Car nous étions jeunes et donc sans avenir

La Voie Lactée brillait de façon si intense
Qu’en étendant les bras on croyait la saisir
On discourait de rock sel de nos existences
Guidées par nos parents et contre nos désirs

Pour bâtir la mairie on a détruit soudain 
Le lavoir et son toit construction des plus laides     
Dont le béton trop brut provoquait le dédain

Mais il est des causes que contre tous on plaide
Mémorial des copains ce vestige anodin 
Était notre jeunesse en vain criant à l’aide

 Souvenir du lavoir © Mapomme


Sonnets. Le vieux four

Le vieux four en pierre tout près de la maison 
Durant vingt décennies donna bien des fournées
Qui peut sans se tromper de saison en saison 
En fournir le compte journée après journée

Four aux joints de glaise qu’on oublie sans raison
La question est parfois tournée et retournée
Tes frères disparaissent sans la moindre oraison
Ta mort inévitable est sans cesse ajournée

Mais il faut se garer au plus près de l’entrée 
Car dix mètres de plus sont dix mètres de trop     
Et les places manquent dans nos belles contrées

Les biscottes chassent tous nos pains ancestraux
Dont nos parents savaient les vertus démontrées
Le pic va t’effacer de nos plans cadastraux


Le vieux four © Mapomme