vendredi 17 mai 2019

Acquarelles. Élégie de mars


C’était au mois de mars au début du printemps
Je ne sais ni le jour ni la ville à vrai dire
Sinon que ce moment fut des plus exaltants
En dépit du beau temps on ressentait l’empire
Des hordes attardées de l’Hyver persistant

Le promeneur perçoit le calme d’un étang
Sait-il ce que cachent les profondeurs placides ?
Car de secrets tourments dans tourbe des temps
Sont enfouis à jamais loin des eaux translucides
Que de douleurs taisant un mystère entêtant

Que s’était-il produit sous le soleil transi ?
Tu m’avais enlacé brusquement incertaine
D’un sibyllin chagrin ton cœur était saisi
Et j’étais le seul ange auprès de la fontaine
Qui entendît ta peine et j’en avais rosi

Sous ton pull angora j’ai senti sous mes doigts
Trembler ton corps fragile envahi par la peine
Je serais bien resté te serrant contre moi
Jusqu’à la fin des temps ô merveilleuse aubaine
Mais le fugace hélas ici-bas fait sa loi

C’était au mois de mars au début du printemps
Je ne sais en quel jour mais la chose est certaine
S’envolent en fumée les plus beaux des instants
Je sens encor ton corps en ces années lointaines
Le temps est maraudeur de tout nous délestant
Élégie de mars © Mapomme 
avec l'aide de John Carney

mardi 14 mai 2019

Nouveau siècle. Sermon des assiégés


Verrouillez les portes colmatez les fenêtres
Abaissez la herse et hissez le pont-levis
Il n’est pire péril que nous puissions connaître
Notre mode de vie peut nous être ravi

Des hordes ennemies grandement nous menacent
De leurs lointains pays survenant affamés 
Que nos archers soient prêts et nos gardes tenaces
Ils veulent tout nous prendre et tout nous réclamer

N’oyez nul orateur aveugle et pacifique 
Cadenassez les cœurs et fermez vos esprits
Avec l’envahisseur pas de liens adelphiques

Ainsi vont sermonnant les prêcheurs du mépris
Qui exhortent les foules à lorgner l’horrifique   
Mort de gens dont la vie n’a pas le moindre prix

Qu’ils crèvent sous nos yeux sans émouvoir nos cœurs
Pourvu que nous gardions l’illusion du bonheur
Sermon des assiégés © Mapomme



samedi 11 mai 2019

Acquarelles. L'Arinella


Avec la Simca 1000 on allait à la plage
Passer notre dimanche entier au bord de l’eau 
Ayant moins de douze ans j’étais un enfant sage
Que la mer fascinait en fils de matelot

On s’asseyait après avoir planté nos cannes
Dans le sable si fin et puis on attendait
Dans le chant des vagues berçant Corse et Toscane 
Voilà comment le jour doucement se perdait

Ancré dans le présent je songeais en journées
La Corse étant déjà sa troisième maison
Mon père regrettait ses plus jeunes années
Il avait dû deux fois se faire une raison

Par moments je sentais un brin de nostalgie
Quand il fixait le sud et les jours envolés
Douce-amère la vie est troublante élégie
De ses rêves perdus qui peut se consoler ?

Les regrets se berçaient du doux chant du silence
Que brisait le grelot d’une prise mordant
Quand la canne tremblait parfois avec violence
Un combat dont toujours le poisson est perdant

On prenait des sars des marbrés et des daurades
Des soles fréquemment des vives moins souvent
Enfant on est content on biche et on parade
Mais ce qui se débat est un être vivant

Le vent des ans emporte et la plage et le sable
Je ne sais où la canne et le fil sont rangés
Mais je suis saisi d’un spleen indéfinissable
Quand sole ou daurade je commence à manger
L'Arinella © Mapomme



vendredi 10 mai 2019

Acquarelles. Le front ceint de lucioles


Appuyé contre le mur d’un mal-être éternel
Dans la sombre impasse des amours moribondes
J’ai vomi mes années d’un mal obsessionnel
Auquel se soumettait mon âme vagabonde

Et j’allais orphelin d’un hymen supernel
La chimère absolue des natures fécondes
Sans cesse délaissant les remèdes charnels
Pour l’utopie sur laquelle les fous se fondent

Dis-moi morose esprit n’as-tu jamais commis
De regrettable erreur de mots peu diplomates
As-tu toujours été un exemplaire ami

Tu infligeas parfois de douloureux stigmates
Des épines couronnant ton cœur insoumis
Celui qui se croit saint masque en fait un primate

J’ai marché dans la nuit sous un ciel désolé
Laissant ainsi couler ma morne adolescence
Sans trouver la flamme propre à me consoler
J’ai avancé le cœur empli de réticences

Je ne pouvais aimer sans devoir reculer
Blessant peut-être un cœur mais sans malévolence
Repliant mes ailes de peur de les brûler
Toute flamme attise une extrême vigilance

Allons faux esprit saint qui se voudrait martyr
Jette aux grandes orties auréole et soutane
De cet état de peine il te faut bien sortir

Cesse donc d’adorer une fausse sultane
D’un chagrin cultivé il faut te départir
Lorgne le temps qui coule à l’ombre des platanes 
Le front ceint de lucioles © Mapomme