dimanche 20 décembre 2015

Rimes de saison. Binôme

Au bout de la vigne un arbre décharné
Vers l’azur délavé dresse son squelette
Sur une haute branche on croirait discerner  
 Un bois mort Mais en fait c’est un faucon qui guette

Les champs nus cultivés et les rangs désherbés
De la vigne qu’on taille et où un piaf volette
Retirant les sarments l’homme est trop absorbé
Courbé sur son travail tel un ermite en quête

Le rapace immobile en l’azur déserté
Observe les travaux de l’homme à la casquette
L’oiseau philosophe n’est plus déconcerté
Par le taiseux labeur d’un métier obsolète

Un pacte tacite toujours est conservé
Oiseau et paysan dans les faits se complètent
L’un de tout nuisible sait les champs préserver
L’autre par son labeur lui fait voir les belettes  

J’aperçois le faucon sur sa branche perché
Pèlerin revenant sans besoin de “saynète“
Méditant sur la cime à l’abri des archers  
Sur l’étonnant binôme animant la planète
 
 Binôme© Mapomme


samedi 19 décembre 2015

Rimes de saison. Anésidora

On a tous en poche d’anciens rêves froissés
Dont les ailes brisées rappellent la blessure
Dont la vie frénétique a tenté d’effacer
 La marque dans nos chairs à force de censure

Rescapés d’un naufrage on a vite embarqué
Sur un galion croisant sur une voie plus sûre
Où nos cœurs ne pourront jamais être marqués
Tenus loin du péril des féroces morsures

Avec l’aile brisée qui pourrait s’envoler
L’infirme au sol craint moins de l’aigle les griffures
Boiteux parmi les rats rêveur inconsolé
Il sent son cœur souillé par cette fange impure

Adieu la claire aurore et les cieux constellés
Nous saurons bien contre eux fabriquer des armures

On a tous bien caché dans un coffre scellé
Un avenir éteint dans un dernier murmure
 
Anésidora© Mapomme + Lefebvre


lundi 7 décembre 2015

Rimes de saison. Les soirs ultramarins

Il y a des soirs noirs comme un drapeau fasciste
Comme un drapeau d’ISIS ou le vol des corbeaux
Quand la démocratie cède à tous les racistes
Pour se prostituer aux délires verbaux

C’est un temple écroulé dont les statues se brisent
Et que sur le Pays commande le chaos
Les cieux enténébrés grondent et s’électrisent
Désertés par les dieux veillant sur nous là-haut

L’extrême a répondu au fiel radicaliste
À la haine la haine soudain vient faire écho
Nous sommes assourdis d’hymnes nationalistes  
Le juste est atterré par ces Cocoricos

Car les mauvais penchants hélas parfois persistent
Tant s’y laissent aller à l’ombre d’un drapeau
Quand si peu d’entre nous se dressent et résistent
Quand hurlent tous les loups que bavent les crapauds

Il est de sombres soirs où la nuit nous attriste
Car on la voit durer plus encor qu’à Oslo
Où au cœur de l’hiver six mois elle persiste
Quand on évoque l’aube avec des trémolos
 
 L'oubli est une trahison© Mapomme

dimanche 6 décembre 2015

Rimes de saison. Délaisser un passé pour un futur possible

À bien y réfléchir qu’est-ce qu’une frontière
Rien qu’un dessin tracé sur un bout de papier
Tout promeneur marchant dans un champ sans barrière
Peut franchir cette ligne en avançant le pied

D’un seul pas négligent sans enjambée entière
Comme on change d’année lors d’un bal coutumier
En une seconde dans l’orgie des lumières
Nouvel An nouvel âge en janvier le premier  

Dépaysé le marcheur regarde en arrière
C’est le même horizon sans point particulier
Sous le même ciel il voit les mêmes chaumières
Dans les prés alentours tout semble familier

Pourtant cette contrée n’est pas hospitalière
Pour le migrant laissant la place aux badamiers
Où l’on parlait dans l’ombre de cités singulières
Où celui qui vit mieux se plaît à jérémier

La frontière est le point où quittant sa tanière
On perd tout son passé pour prendre ses quartiers
Dans une vie nouvelle aux étranges manières
Qu’on prévoit meilleure pour tous ses héritiers
 
 Délaisser un passé© Mapomme


jeudi 3 décembre 2015

Rimes de saison. La Calavera Garbancera

Sur le carreau la mouche observe le jardin
Où les tremblants rayons d’une illusion la bercent
Comme les précédents ce jour semble anodin
Mais un sort exhumé sur l’hémisphère exerce

Sa funeste magie pour que ce jour soudain
Tel un sabre glacé s’abatte et la transperce
La mouche a bien senti malgré son vol badin
Que cette matinée s’avérera perverse

Tout d’un coup la voici renversée sur le dos
Elle veut se relever mais en est empêchée
Le temps attend son heure et ne fait nul cadeau
Sa servante sombre se tenait cachée

Pour venir délivrer l’insecte du fardeau
La mouche ne veut pas finir ainsi couchée
Puis qu’à la fin de l’acte on baisse le rideau   
Et que sa destinée se trouve ainsi tranchée

C’est un être vivant qui en vain se débat
Agitant ses pattes dans la cuisine vide
Comme cette mouche nous allons ici-bas
Ne pouvant face au glas demeurer impavides
 
 La Calavera Garbancera© Mapomme


dimanche 29 novembre 2015

Rimes de saison. Feuilles mortes

Vois les feuilles mortes tombent dans le silence
Et la vie continue comme coule un torrent
On croirait que tout n’est ici-bas qu’indifférence
Qu’est-ce qu’une feuille dans un bois proliférant

Des marcheurs aveugles en convoi continuent
Quand l’un d’eux tombe au sol et périt délaissé
Car il faut avancer sans larmes saugrenues
Sans cris inutiles pour un troupeau pressé

Le bruit des pas couvre l’éventuelle plainte
L’un n’est rien sans la troupe et seul compte demain
Le vent emporte hier effaçant toute empreinte
Survivre et demeurer sans songer à l’humain

J’ai toujours cheminé le nez dans les étoiles
Et les pieds dans la boue ignorant l’avenir
Vers un autre futur voulant mettre les voiles
De suivre le groupe j'aimerais m’abstenir

Un jour je tomberais à mon tour de la branche
Largué je ne pourrais que muer en humus
Il ne restera rien des jours noirs des nuits blanches
On tombe dans l’oubli et c’est le terminus
Feuilles mortes© Mapomme et B. Monginoux

Rimes de saison. L'endormi prévernal

Allons bel endormi quitte tes draps de neige
Et sur les branches nues fais fondre le cristal
Des lustres réfractant l’étonnant sortilège
D’un éclat auroral offrant son récital

Renais et quitte enfin ta torpeur sacrilège
Prolongeant le séjour d’un monde fantomal
Dont les demi-tons font de fades florilèges
Je voudrais un pinceau sans nul pigment hiémal

Laissant les sombres bords où Pluton tient son siège
Chasse ces ternes cieux pour l’azur virginal
Le brouillard hypnotique a refermé son piège
Qui sécrète en mon cœur son venin hivernal 

Seul l’espoir d’un regain du gouffre me protège
De ton retard ne naît aucun doute abyssal 
Du cycle des saisons je sais le lent cortège
Même si ton retard Printemps est colossal 
Endormi prévernal© Mapomme et Mimiami 



vendredi 27 novembre 2015

Rimes de saison. Pavoiser sans se pavaner

La liberté brandit un drapeau tricolore
Oriflamme et phare qui éclaire nos pas
Car au bout de la nuit l’or du jour va éclore
 Si notre élan commun ne se désunit pas

Pour rejeter des ténèbres le maléfice
Marchons sur les traces de nos hardis aînés
Risquant leur vie prêts à en faire sacrifice
Plutôt qu’aux limbes être un esprit enchaîné

Hier encor on marchait tout empli d’insouciance
En croyant que nos droits étaient un dû acquis
Fragiles sont ces fleurs tous prenons-en conscience
Car ce bouquet jadis fut durement conquis

Il n’est rien d'éternel et le temple éphémère
Dont stables nous pensions les antiques piliers
Se lézarde et tremble si gronde le tonnerre
Si l’on sape sa base à grands coups de bélier

Sommes-nous prêts à accepter que l’on nous prive
Du sel du quotidien à marcher dos courbé
Et à fermer les yeux sur toutes les dérives
Des non républicains aux cœurs exacerbés

Dont les violents propos sapent la forteresse
Où une longue paix nous berça d’illusions
Nous n’avons pas le droit de laisser par paresse
La haine générer les pires exclusions

La liberté montre la voie dans la grisaille
Tous unis par bien plus que la caste ou le sang
Frémissons pour nos vies craignons les représailles
Sans céder au pouvoir des schismes naissants

Nos droits sont un bastion Défendons ses murailles
Sinon le Vandale deviendra tout-puissant
Nous irons orphelins aux mornes funérailles
D’un monde révolu en troupeau vagissant
Liberté guidant le peuple© Mapomme et Delacroix


mercredi 25 novembre 2015

Rimes de saison. Le retour d’Eurydice

Qui n’a jamais connu un printemps en automne
Ce même après des jours où un sombre éclaireur
Clama l’imminence dans la campagne atone
 Du solsticial  hyver souverain des terreurs

Soudain d’une saison le cours de l’an avance
Comme si l’on buvait à la source des dieux
La mythique fontaine d’éternelle jouvence
Qu’en vain on a cherché en tout siècle en tous lieux

Le soleil revenu des enfers tel Orphée
Et la pure eau d’azur transmutent le plomb vil
Pesant sur nos âmes qui en sont étouffées
Irradiant d’or divin notre sinistre exil

On sait que ce printemps est un feu éphémère
Le phénix d’un seul jour par le feu consumé
L’ersatz d’éternité n’est rien qu’une chimère
Demain l’aube naîtra sur les champs embrumés

Mais ce printemps si bref de l’espoir est le germe
Dormant sous la terre durant les jours frileux
Et avec persistance en attendant leur terme
Pour fleurir sans fracas dès les premiers ciels bleus

Ce beau jour passager vient donc comme un indice
Un serment solennel fait aux désespérés 
Que des enfers glacés reviendra Eurydice
Que de notre tristesse on sera libéré 

Le retour d'Eurydice© Mapomme 


lundi 23 novembre 2015

Rimes de saison. La fange des crues soudaines

Parfois de façon brusque on peut subir la crue
Couvrant de sa fange tous les instants passés
Les photos des défunts des âmes disparues
 Que le limon furieux aimerait effacer

Soudain ce sont nos vies qui se voient parcourues
Par un torrent de boue par un flot de néant
Si la boue pollue tout il faut laver nos rues
Et chasser de nos cœurs les gouffres noirs béants

Au fond du trou survient une chose imprévue
Ainsi tous ces voisins hier indifférents
Quand nos vies se trouvaient loin d’être dépourvues
En plein tourment viendront en amis en parents

Il faut laver la fange d’une crue impromptue
Ne jamais se laisser submerger par l’instant
Notre instinct de survie sans cesse s’évertue
À songer que demain reviendra le printemps

Que la mélancolie ne soit jamais exclue
Regrettons un Éden dont on nous a chassés
La tristesse est toujours facteur de plus-value
Quand nous aurons quitté le jour d’hiver glacé

Les heures de bonheur s’en trouveront accrues
Si nos cœurs choisissent Tristesse de Chopin
C’est pour pouvoir goûter quand viendra la décrue
 La gaieté d’Offenbach et le temps des copains 
 La fange des crues soudaines© Mapomme


dimanche 22 novembre 2015

Rimes de saison. L’ire de Polyphème

De brusques bourrasques sont l’aveugle émondeur
Qui brise avec fureur quelques branches naissantes
Qui jamais ne verront des épis la blondeur
Quand juin trembleur frémit sa brise caressante 

Gisant sur le sol froid du sentier serpentant
Tels des soldats sans vie que semait l’Infortune
Sur tous les champs d’horreur lors des guerres d’antan
Fagotés ils feront des flambées opportunes

Ce bois mort ne verra jamais un seul bourgeon
Ni des feuilles verdir scintillant sous l’orage
Un arbre sans lignage un futur sans surgeon
Parce que le vent soufflait et qu’il passait sa rage  

Comme au matin brumeux lors d’un nième assaut
Des balles condamnaient au sortir des tranchées
De possibles futurs sans cris et sans tressauts
Quand d’autres percevraient sur eux leur fée penchée

Il n’est pas de destin et pas d’anges gardiens
Rien qu’un cyclope aveugle et furieux en son antre
Attrapant au hasard les marins achéens
Quand d’autres s’échappaient sans finir dans son ventre

Quant au vent né soudain et briseur de destin
Nul ne sait la raison des mortelles rafales
Sa violence est gratuite et ses choix indistincts
À l’instar des guerriers des sectes acéphales
L'ire de Polyphème© Mapomme 



samedi 21 novembre 2015

Rimes de saison. Multitude de Faust

Une cause peut-elle être de tout la cause
Ou sont-ce les humains par un travers commun
Qui en se voulant saints deviennent inhumains
 Trahissant toute cause au gré de leur psychose

Sur d’anciens manuscrits ils dissertent et glosent
Se prétendant dévots ils se muent en démons
Par le feu et le plomb livrant d’impies sermons
Car folie et orgueil prient les paupières closes

Comme on fait religion d’un homme sans croyance
L’homme providentiel dieu parmi les mortels
Qui nous fascine et met en nos têtes martel
Faisant d’un sanglant meurtre une noble vaillance  

En uniforme sombre une troupe parade
De tout sens critique l’esprit rincé vidé
En guerriers affidés prêts à tout trucider
Et le surhomme rit de cette mascarade

Pour un commun bien-être une armée pitoyable
Au lieu de vivre mieux préférera périr
De ce terrible mal nul ne pourra guérir
Cette idée me paraît simplement effroyable

Certains contrats masquent d’asservissantes clauses
Qu’on signe avec du sang en Faust des temps présents
Et nous perdons notre âme en restant complaisant
La cause tant vantée peut donc trahir la cause
Légions de Faust© Mapomme et Murnau


mercredi 18 novembre 2015

Rimes de saison. Perce-neige et jonquilles

Amis buvons un coup dans un bar un bistrot
Aux vivants et aux morts levons bien haut nos verres
Contre l’hiver lançant un brusque assaut sévère
 Profitons à nouveau de moments magistraux

Soyons plus forts encor que le roc face au vent
Afin que son action demeure dérisoire
Que la moindre avancée soit toujours illusoire
Même s’il est des jours risqués et éprouvants

Buvons de l’eau du vin une bière un café
Rions et soyons fous exposés aux terrasses
Du fruit d’or de la vie restons toujours voraces
Et n’hésitons jamais à rire et s’esclaffer  

L’hiver voudrait chasser la gaieté des cités
La transir la glacer la condamner à l’ombre
Abolir le partage n’en laisser que décombres
Que pèse sur nos vies un froid d’atrocités

Sitôt que le jour meurt en un éclat sanglant
L’hiver se fait mordant et voudrait nous soumettre
De nos libres esprits n’en faisons pas le maître
Qu’il n’aille point drapé d’un prestige aveuglant

L’hiver déchaînera ses frimas quelques temps
Et on grelottera sous notre couverture
Subissant de Borée sa longue dictature
In fine renaîtra triomphant le printemps  

Amis buvons un coup aujourd’hui comme avant
Avant qu'un vent battant ne glace les terrasses
Un stellaire manteau est un moment de grâce
 Nos verres levons haut aux morts et aux vivants

Perce-neige et jonquilles© Mapomme et Jef 


lundi 16 novembre 2015

Rimes de saison. Délivrez-nous du mal

Il est des jours curieux où le soleil rayonne
Dans le plus pur azur sans un souffle de vent
Pourtant un sentiment étrange et éprouvant
Rend notre esprit distrait Sans but il papillonne

Cette journée exquise à un vin est semblable
Robe rubis parfum divin plaisant beaucoup
Mais laissant en bouche un fâcheux arrière-goût
Altérant tout ce fiel survient sans préalables

Notre âme est occupée par des pensées mouvantes
Et sur rien l’attention ne pourra s’établir
Emplis de compassion submergés sans faiblir
Le drame nous écœure bien plus qu’il n’épouvante

Le glas a retenti au clocher de l’église
Il faut chasser des cœurs cette sourde fureur
Qui naît devant le crime et conduit à l’horreur
Si l’action n’est fondée sur aucune analyse

L’immense tentation il nous faudra combattre
Consistant à suivre le plus mauvais berger
Qui d’une ire sourde voudrait nous submerger
En ce monde le mal ne ferait que s’accroître

Il est des jours curieux où luit l’astre solaire
Où mieux vaut ne rien faire qu’agir trop vite et mal
Si nous laissions renaître en nos cœurs l’animal
Esclaves nous serions d’homicides colères
Délivrez-nous du mal © Mapomme  



samedi 14 novembre 2015

Rimes de saison. Automne écarlate

Ce soir le crépuscule a des tons écarlates
Et la rumeur lointaine à nos portes rugit
L’orage brusquement dans le quartier éclate     
Et les calmes trottoirs de tâches sont rougis

Ailleurs a débarqué ici au cœur des rues
Des âmes en colère ont amené l’enfer
Voulant le Paradis et les coquecigrues
Que vantent des prêcheurs par le feu et le fer

La rue semble si faible et les gens aux terrasses
Ne savent que goûter le plaisir de l’instant
Ils n’ont rien de martial ni épée ni cuirasse
Aucune qualité propre à des combattants

Timorés et vaincus ils rient devant un verre
Heureux de n’avoir pas à travailler demain
Et d’autres apprécient de modernes trouvères
Amer est le réveil et triste est le matin

On se trompe pourtant sur les cités paisibles
New York Londres Madrid ont déjà démontré
Que ces peuples posés sont aussi inflexibles
Devant la barbarie visant leurs libertés

jeudi 12 novembre 2015

Rimes de saison. Le démon de bibi

C’est un mauvais génie me dit mon cul béni
Celui qui voit tout rose ignorant les chloroses
Des forêts à l’automne et des ondées moroses    
Point tu ne dois ouïr ses propos Que nenni

Pourtant je suis ainsi quand je vois une rose
J’en perçois la beauté et le parfum subtil
Mais dans le même temps mon démon dit Plaît-il
La rose en son vase défraîchie se sclérose  

Profite de l’instant plaide mon saint esprit
Inspire le parfum et demeure en osmose
Avec le plaisir simple et aux métamorphoses
Que te dépeindra l’autre affiche ton mépris

Mes amis ont souri à ce tourment sans cause
En notre compagnie lorsque ta bouche a ri
On sent bien que ton cœur dans le fond est marri
Et jamais l’enjouement à ton esprit s’impose

Car ta mélancolie ne connaît nul répit
Ainsi tu fus conçu gai mais aussi morose
Et quand il fait soleil tu marches sous Pluviôse
Le bruit de l’horloge nullement s’assoupit

Entre aube et crépuscule ainsi je vais Tant pis 
L'homme qui ne rit plus © Mapomme 

mardi 10 novembre 2015

Rimes de saison. Les dieux temporels

Les palmiers s’élèvent à l’instar des suppliques
Mais les dieux ont péri aux cieux évaporés
Peinés sont les prieurs et les chœurs sans réplique
Ont bien des icônes du mythe à implorer

Les étoiles brillent bien qu’à présent éteintes
Dans la chambre noire leur souvenir survit
Même si les fervents n’y ont pas les mains jointes
En silence pourtant l’office y est servi

Sur la célèbre allée les fidèles défilent
Et la voie constellée sert à leurs processions
Où les prêtres impurs côtoient les cinéphiles
En passants silencieux de toutes confessions

Les dieux se consument à la poussière d’ange
Or les anges zélés brûlent par les deux bouts
La chandelle abusant de ce mélange étrange
Et quand l’astre s’éteint le sujet est tabou

À l’instar d’Icare les stars brûlent leurs ailes
En côtoyant ainsi les feux des projecteurs
 Sachant éphémère la dévotion nouvelle
Les dieux sont éternels Hélas pas les acteurs
Shining dead star © Mapomme 

lundi 9 novembre 2015

Rimes de saison. Le vallon des larmes de nuit

La nuit avait versé dans le vallon ses larmes
D’épaisses ténèbres Les cœurs s’y abreuvaient
Faisant trembler l’âme sous l’effet de ce charme
Jadis les amoureux enlacés s’y lovaient

Plus tard paraissait l’aube en ce lit de ténèbres
Que tous les chants de coq laissaient indifférent
Et l’ombre s’attardait plus alliée que funèbre
Offrant une heure en plus aux amants s’y terrant

D’automne suintent les branches dévêtues
Dont le froid imprègne les champignons jaillis
Telles des mouettes en session impromptue
À l’ombre du chêne dans le pré sans taillis

L’été a décampé par-delà les montagnes
Le lit de fougères son beau jade a perdu
Égaré sa fraîcheur son vert de cocagne
Il laisse les amants au froid des jours ardus

Où trouver le vallon ignoré de la lune
Quand sur les fougères règne l’éphernité
 D’un paradis d’ombre que nul feu n’importune
Où les serments brûlent leurs ailes tout l’été
Le vallon des larmes de nuit © Mapomme 

dimanche 8 novembre 2015

Rimes de saison. L’herbier mémoriel

J’ai un tiroir empli de printemps imprimés
Un herbier printanier de belles fleurs sauvages
Exhalant des parfums des verts prés sublimés
Poussant hors des serres rétives au servage

J’ai un esprit bourré de jeunes souvenirs
Qui telle une photo un instant restitue
Pourtant la vérité ne saurait y tenir
De notre lumière l’image est revêtue

Dans ce tiroir secret fleurit un chapelet
De printemps momifiés entre des pages blanches
Dont la forme séchée leur parfum rappelait

Mais l’authenticité d’un envolé dimanche
Qu’on aurait conservé dans le plus beau palais
Ne saurait persister entre ces quelques planches
Herbier mémoriel © Mapomme
avec l'aide ma famille Rovaji, coupeuse de jambes 

Rimes de saison. Campu santu

C’est un jardin muré tout resplendissant d’or
Et de mauves bouquets dans les vertes allées
Où le passé les yeux tout pesants d’oubli dort
Dans le calme infini d’une humide vallée

Les seules fleurs poussant en ce lieu retiré
Sont des croix oxydées et des tombeaux de marbre
Une fois l’an c’est peu pour venir soupirer
Sous l’ombrage calme que dispensent les arbres

C’est un funèbre album qui s’ouvre à nos regards
Un village englouti dans le pré d’Asphodèle
Des noms et des dates qu’on lit avec égard
Des parents des amis des anciens nos modèles

Dans l’eau virginale du Léthé tous ont bu
Et consommé les fleurs parmi les Lotophages
L’oubli est leur dîme l’imparable tribut
Un sommeil sans nul songe a payé leur passage

Bientôt nous en serons tremblants nus et glacés
Dans les brouillards épais de l’éternel novembre
 Nous aurons trépassés et serons effacés
Quand les pluies transiront nos âmes et nos membres 
Campu Santu © Mapomme

samedi 7 novembre 2015

Rimes de saison. Que sont nos amours devenues

Nos cœurs longtemps éteints d’ultime flambée rêvent
Et que l’été indien nous réchauffe les sangs
Oh nos amours d’antan se sont montrées si brèves
Que le feu les ramène en phénix renaissant

Plaçons nos corps transis devant la cheminée
Nul émoi ne saisit les mois frileux de l’an
Pas même un souvenir des jeux d’après-dinée
Ne pourrait éblouir nos esprits somnolents

Que le printemps revienne en instillant sa fièvre
En notre âme païenne et dans nos os dolents
Redevenus nigauds goûtons les phrases mièvres
Sans inquiéter l’ego par des mots désolants

La vie sent bien ce vide et s’est interrogée
Se montre-t-elle avide d’éprouver des tourments
Pour quitter le plateau par l'ardent apogée
D’un été en sachant que mentent les serments 
Nostalgie amoureuse © Mapomme
avec le concours de Christophe Honoré 


Rimes de saison. Doutes et regrets de saison

Le printemps hésitant tremble d’incertitude
Quêtant dans les écrits un sens à son chemin
Et un mythique Graal serti de fortitude    
Permettant d’affronter les brumes de demain

Pourquoi naissent les gens et pourquoi donc ils meurent
La vie s’arrête-t-elle après leur grand départ
Et faut-il notamment qu’en vain nos cœurs les pleurent
Invoquent tout printemps aux concepts épars

Depuis la falaise contre laquelle l’onde
S’écrase et éclate de colère écumant
Il mire l’infini des ténèbres profondes
Miroir révélateur d’un total dénuement

L’amour existe-t-il ou n’est-il que chimère
Un reflet stellaire sur l’océan dansant
La vague l’efface de son écume amère
À l’instar de la main pour la fumée d’encens

Les épis de printemps frémissent sous les doutes
Tandis que les hivers s’embrument de regrets
 Chaque saison voudrait voir ses fautes absoutes
Mais délaisse en chemin tout espoir de progrès
Doutes © Mapomme
avec le concours de Naomi Kawase


samedi 31 octobre 2015

Rimes de saison. Printemps hiémal

Il pleut comme en hiver et les boutons tardent
C’est pourtant l’époque de la primavera
Mais la saison sommeille et se montre testarde
Soleil oisif masqué nul donc ne te verra

Allons d’un rayon d’or perce enfin la muraille
Attristant les cités d’un manteau nocturnal
Révèle un pan d’azur irradiant la ferraille
La grisaille anormale en ce temps prévernal

Jeune j’étais semblable et j’allais dans la vie
Le cœur chargé de pluie inapte à tout printemps
Nul fruit fors un seul ne put me faire envie

Donc en mon automne j’espérais et j’attends
Que les journées d’avril ne soient point asservies
Aux armées hiémales à leurs pluies et l’autan

Avril hiémal © Mapomme
d'après photo de Jean Miaille 

vendredi 30 octobre 2015

Rimes de saison. Les cœurs changeants

L’hôtel abandonné aux murs blancs décatis
Près du fleuve aux flots verts à tout jamais somnole
Qui donc en cet endroit l’a sans raison bâti
Plus une auto n’y passe On a fermé l’école

Ses volets s’écaillent sous la lèpre des ans
Son enseigne est rongée par le lierre viride
La ronce a envahi le jardin si plaisant
 Comme sur un défunt les mouches cantharides

Non loin on voit l’étang temple des migrateurs
Où printemps comme été les oiseaux nidifient
Les humains s’entichent d’un nouvel équateur
Et leur attrait varie Insensé qui s’y fie  

L’hôtel jadis complet l’été ou hors-saison
Comme un cœur délaissé est vide et nostalgique
À l’abandon il n’est ni rime ni raison
Sinon qu’un jour l’objet perd son côté magique

Le silence s’installe au bord des vertes eaux
Le lierre et les ronces lentement envahissent
Le temple abandonné Seulement les oiseaux
Voient sur le bâtiment le drapeau blanc qu’on hisse

 Abandon © Mapomme et Anne Onyme

jeudi 29 octobre 2015

Rimes de saison. Soliloque vespéral

Les feuilles s’épandent tels des espoirs déçus
Dans les rousses forêts des feux crépusculaires
Quand un souffle glacé venu à notre insu
Produit ces semailles d’or si spectaculaires

Dans la chambre aux murs bleus ternis tristes et nus
Elle lève ses bras de façon singulière
Bredouillant la langue d’un pays inconnu
 Dans son lit pour toujours demeurant prisonnière

Elle hoche la tête avec l’air résolu
D’un savoir ancestral seule dépositaire
Revivant des moments à jamais révolus
Mais son discours sans fin reste un profond mystère

Dans le couloir passent des visiteurs intrus
Étrangers dépourvus de grâce coutumière
Qui la dévisagent en abjects malotrus
Tandis que l’ignore l’attendue infirmière

Parmi ces étrangers un homme est revenu
Qui se prétend son fils avec la mensongère
Audace des fourbes et ses discours tenus
L’agacent sans cesse car cet homme exagère

Elle l’ignore alors sans offrir un refus
Parlant à l’Invisible ami qu’elle vénère
Elle soliloque dans son jargon confus
Comme le font souvent bien des nonagénaires

Jamais le marinier ne reprend le dessus
Dans l’écume et la brume où vogue la galère
Les feuilles s’épandent tels des espoirs déçus
Dans les rousses forêts des feux crépusculaires
Soliloque © Mapomme et Anne Onyme



vendredi 16 octobre 2015

Rimes de saison. La fièvre du printemps

Boutons ne soyez point pressés
Que s’en vienne l’été aux soirées exaltantes
Quand le chaud sirocco viendra vous caresser
Près des nappes virevoltantes

Vous serez le serment tenu
Celui de la beauté dont l’ardente jeunesse
Nous laissait entrevoir hormis l’air ingénu
 Un apogée tout en finesse

Certes vous serez tous éclos
Et lâcherez alors de subtiles fragrances
Mais rien n’a survécu du vaste Camelot
Rien des bals ni des révérences

Pas un seul bout de mur restant
Sinon le souvenir errant dans nos mémoires
Le défunt souvenir persistant d’un instant
L’éternité du transitoire

N’ayez pas d’inutile émoi
À quoi sert de trembler quand se fane un pétale
Que laissera le temps de vous comme de moi
Il a enfoui des capitales

Goûtez tout instant des saisons
Qui passeront hélas à mon avis trop vite
Et mèneront enfin aux tristes oraisons
Ce terme jamais ne s’évite

Votre splendeur mène à nos morts
Et tout moment divin est un héraut funeste
Par la fatale plaie sans joie et sans remords
 S’écoule la vie qui nous reste

Boutons ne soyez point pressés
 Après l'impatience © Mapomme d'après Thomas Quine


samedi 19 septembre 2015

Rimes de saison. Le palais d’été est clos

Malgré le faste des décors
Le palais n’a plus de couleurs
Car les cœurs sont dans la douleur
Le Roi se meurt le Roi est mort

Sonnez buccins trompes et cors
Les courtisans désemparés
En silence ont longtemps pleuré
 S’en allant libres de tout mors

Le musicien loupe un accord
L’âme tremble comme un oiseau
Le vent glacé ploie les roseaux
Le pays ressent le trémor

Car le tocsin résonne encor
Et le ciel est plus noir que gris
Une heure historique s’écrit
Les jours nous versent leur remords

Le fils paraît hors du palais
Froid successeur au regard noir
Fils des langueurs venant au soir
Tout entouré de ses valets

Nous délaissant à notre sort
Le Roi mourait le Roi est mort


Palais en deuil © Mapomme et Anne Onyme


dimanche 13 septembre 2015

Rimes de saison. Orage septembrien

Entends Tonne l’orage et résonne sa rage
À l’aurore frileuse à la brusque fureur
Nous voici réveillés quand vibrent les vitrages
Et frissonnent nos corps tel un tremble pleureur

L’été livre un combat qui est perdu d’avance
Le roi soleil se meurt Les beaux jours sont défunts
Dans cette onde glacée il cherche sa jouvence
 Ce sursaut sera vain Tout règne a une fin

Tirons sur nous les draps lorsque gronde l’orage
Sous le coton d’Égypte en oiseaux frémissants
Attendons qu’il passe dépourvus de courage
Vers l’horizon marin ra s’évanouissant

Sur le toit on perçoit l’averse qui gargouille
Et nos corps grelottent en ces tout derniers jours
D’été où le vieux roi sur son trône bredouille
S’apprêtant à rejoindre un ténébreux séjour

Nergal le souterrain l’ardent dieu sumérien
Maître de tout trépas et des épidémies
Accueillera bientôt le roi qui s’anémie
Même si meurt l’orage en l’été septembrien
Le roi soleil se meurt © Mapomme

samedi 12 septembre 2015

Rimes de saison. La vigne nue

La vigne est sans grappes Donc ternit son feuillage
On voit les ceps noueux tels des vieux desséchés
À la toison blanchie pour leur dernier voyage
Sans éclat sans appas sans espoir de péché

Le soleil a perdu le feu de sa jeunesse
Vers le couchant son char se sent comme attiré
Par le néant charmeur des fatales faunesses
 La vendange est finie Le vin n’est pas tiré

L’automne est messager des humeurs nostalgiques
Quand nos pensées s’encrent d’un funèbre horizon
L’ombre envahit l’esprit chassant toute logique
Et tous les cœurs s’effraient sans aucune raison

La somme de détails nous chuchote à l’oreille
Vois donc le temps qu’il fait et les cieux ténébreux
Et la vie sans un port d'où l’espoir appareille
La cale toute emplie de songes valeureux

Le détail d’une vigne immense et toute nue
Alignant dans le champ les bataillons en rangs
Des soldats décatis d’une armée inconnue
Revenant dépouillés de rêves conquérants

La vigne est sans grappes Des nuées d’étourneaux
S’envolent vers le sud du Mezzogiorno

Vigne nue © d'après Anne Onyme 

dimanche 6 septembre 2015

Rimes de saison. Unjir

Le vent leur tord les bras sur les pentes rocheuses
Suppliciés décharnés par la force des ans
Subissant sans broncher l’aridité fâcheuse
Et le froid des hivers aux cieux terrorisants

Ils cherchent dans le sol leur maigre nourriture
Se contentant de peu sans jamais s’épancher
Toujours vers les nues qu’un bel été azure
 Ils remercient les dieux d’avoir pu s’étancher

J’ai cueilli sur leurs bras tel un marcheur antique
Des fruits blancs et mûrs dont je me suis repu
Cadeau trouvé au gré de mes pas erratiques
Que nul enclos privé n’avait interrompus

Nous fûmes bien heureux en des temps de disette   
De voir venir du Levant sans les dénigrer
Des voyageurs d’antan portant dans leur musette
Oliviers et figuiers tout aussi immigrés


 Unjir © Anne Onyme