lundi 30 septembre 2013

Sonnets. La fin d’un temps

Le roi au bas du trône a perdu sa couronne
Sans prêtre est la cité sans maître est la maison
Et le temple agité tremble sur ses colonnes

Le pays vit soumis aux hommes sans raison
Le fruit pourrit sur l’arbre et le tocsin résonne
Les eaux vont dans les champs bien avant la saison

Le ciel est envahi d’un voile épais et sombre
Les sujets dans les rues errent abandonnés
On entend la rumeur des insubordonnés
Pillant violant tuant ne laissant que décombres 

Le pays tout entier succombe sous le nombre
Et l’ami de jadis se trouve soupçonné
Par l’appétit du gain l’ordre est désarçonné     
Car depuis trop longtemps nous vivons dans son ombre
 APOCALYPSE © Mapomme

Sonnets. Cassandre

Je suis le spectre errant d’orient jusqu’au ponant
L’épouse vierge hélas sauvée du temple en flammes
Quand le roi Ménélas put retrouver sa femme
Et quand je découvris Mycènes frissonnant

J’avais déjà prédit tous les malheurs troyens
Mais un funeste sort fit que les citoyens
Rirent de mes propos cependant prophétiques

Depuis je vais en vain par le monde étonnant
En tous lieux je préviens les assemblées d’un drame
Or nul ne veut savoir l’avenir qui se trame
Se fiant trop à la science aux savants grisonnants 

La voix de la Raison est quasi hérétique
Chacun la réfutant de façon frénétique
Et croyant voir surgir un ultime moyen
 Cassandre © Mapomme

dimanche 29 septembre 2013

Sonnets. Le soleil de minuit

Un soir que je dormais sur le divan bordeaux
Sans avoir pu poser un recueil poétique
Elle m’est apparue en vierge japhétique
Pour libérer mon cœur de cet ancien fardeau

Le front ceint d’un diadème aux ornements floraux
Me fixant sans un mot en muse prophétique
Elle extirpa soudain le passé pathétique
Au vent se dissipant dès les feux auroraux

Je revois ses cheveux aussi noirs que l’ébène
Et ses yeux envoûtants tels des gouffres profonds
Mais j’ai perdu ses traits dans la rumeur urbaine

Les fous cherchaient jadis chimères et griffons 
Sur mon divan j’attends une semblable aubaine
Or l’Idéal renie les rêves des bouffons      
Apparition © Mapomme

vendredi 27 septembre 2013

Sonnets. Sans solides liquidités


J’ai omis la photo dans un tiroir je crois
Dans le tiroir d’un mot ou bien d’un secrétaire
Fait dans un bois coupé tout au bout de la terre
Et qu’un vieil ébéniste de son travail adroit

A fait voici un siècle ou deux ou même trois
Je l’avais acheté chez un vil antiquaire
Malgré des finances que je dirais précaires
Il dort dans un dépôt assez sombre et étroit

La roue de la Fortune hélas monte et descend
Comme roue d’un moulin et comme la roulette
Si bien qu’on voit surgir des huissiers trop pressants

Déboulant un matin avec une mallette
Aussitôt leurs actes sont assez saisissants
Plus qu’un vieux meuble en bois la photo je regrette

Secrétaire © Mapomme

jeudi 26 septembre 2013

Sonnets. Veilleur de nuit

Je suis le veilleur de nuit
Guettant dans l’ombre sans bruit

Certains insomniaques ont tant peur de la mort
Qu’ils ne croient pas revoir l’aurore
Aux premiers feux du jour trouvant le cataphore
Tel un marin touchant au port

Le soleil verse l’ennui
Et tous nos rêves détruit

Tolérable est ce monde sitôt qu’il s’endort
Et j’aime alors ce qu’on abhorre
Je fuis les infusions des fourbes passiflores
L’obscur délivre un réconfort


Je vis quand la lune luit
Impassible et spectral fruit    

Veilleur de nuit © Mapomme

mercredi 25 septembre 2013

Sonnets. Cloche-pied

À cloche-pied j’ai emprunté
Le vieux sentier loin des écoles
L’esprit entier sans m’absinther
Sans un cahier sans pont d’Arcole

Le vert papier vient esquinter
Toute amitié et je décolle
Des beaux quartiers d’or trop teintés
Des tours d’acier sans protocole

 Hors du guêpier où j’ai pointé
Peu volontiers tout picrochole
Où sans pitié vous m’éreintez
Sans me soucier je caracole


Et l’âme enfin décontractée
Je m’en vais par la Voie Lactée

 Cloche-pied © Mapomme

mardi 24 septembre 2013

Sonnets. Larguons les amarres

Marins hissez la voile et remontez donc l’ancre
Dans le brouillard épais de vos mauvais tabacs
Vite garçon viens-t’en sonner le branle-bas
Car ce havre sans paix nous ronge tel un chancre

C’est un périple fou qu’il nous faut entreprendre
Sur l’océan d’encre pour l’ultime combat
Lassés de retrouver un triste et froid grabat
Où nulle étreinte amie ne vient plus nous attendre

Grimpez tous à la vergue et déployons les voiles
Sur les flots déchaînés naviguons et cherchons
Tout au fond d’un godet quelque cendre d’étoile

Sur le mat de beaupré tous à califourchon 
Défions l’ennui des jours et l’aileron du squale
Bourlinguons plein large et fi des coups de torchon    

 Vogue la galère © Mapomme


lundi 23 septembre 2013

Sonnets. Mosaïques

Il n’est pas de statue pas un seul monolithe
Comparable à nos cœurs composés de fragments
De pierres colorées qui indépendamment
Ne suggèrent pas plus qu’un morceau d’argilite

Notre esprit est semblable à une mosaïque
Dont des morceaux épars sont perçus des parents
Or sur la partition trois notes retenant
Quel musicien pourrait en saisir sa musique 

Nous sommes des instants joyeux poignants ou tristes
Des souvenirs d’enfants des plaies d’adolescents
Des élans spontanés des passions égoïstes 

Nul n’en a fait le tour vraiment à cent pour cent
Car nous sommes en fait de piètres mosaïstes 
N’exhibant en public que les fragments décents    

Mosaïques © Mapomme 


dimanche 22 septembre 2013

Sonnets. Le temple dévasté d’Hébé

C’est l’incendie de Rome aux neurones transmis
Le déclin d’un empire et la fin des orgies
Des banquets estivaux des longues léthargies
Quand l’électrum héliaque à l’horizon blêmit

Les cris des vandales les plus vils ennemis
Dont la furieuse armée des banquises surgie
Vient nous transir l’esprit sapant toute énergie
Sur le mont Palatin voient l’empire soumis 

C’est notre culture qu’on efface soudain
Le temple du savoir livré au feu barbare
Un musée égyptien pillé par les gredins

Comme Byzance et Troie la mémoire se barre
Privés de souvenirs nous devenons bredins 
Dans des brouillards sans fin le souverain s’égare   


Décadence © Mapomme 

Sonnets. Les hordes de l’automne

Automne fol automne aux forêts flamboyantes
Les braises de l’été aujourd’hui enterré
Illuminent encor les feuilles ondoyantes
Dans le vain tremblement d’appels réitérés 

Les ramures de jade hier si verdoyantes
Sous l’azur éternel d’un bleu inaltéré
Subissent le frisson des bises foudroyantes
Qui saisissent soudain tous les bois sidérés

Des cieux chargés de pluie à la mine de plomb
Nés au septentrion lancent leurs légions sombres
Des hordes barbares guidées par l’aquilon

Ainsi nos corps rongés crouleront sous le nombre
Quand nos cœurs subiront un automne félon 
Promesse future de ruines et décombres   

Horde © Mapomme 
(montage d'après Viking : battle for Asgard)

samedi 21 septembre 2013

Sonnets. Scotophobie

Je suis la fée du puits et le génie des granges
Le volet dans la nuit claquant fort sous le vent
Qui bat le mur en planche au-dessous de l’auvent
Qui balaie l’air frileux de vos rêves étranges

Je suis l’ogre des nuits et la dame-mésange
Spectre de vos chambres invisible souvent
Quand craque le parquet dans le calme éprouvant
Qui fait douter des cieux et du soutien des anges

Le démon sous le lit et Lilith de la cave
Qui transforme la paix en un furieux effroi 
Maître des cauchemars terrifiant les plus braves

Même au cœur de l’été votre sang devient froid 
Des chaînes de glaces vous figeant en esclaves
Je suis la peur d’enfant quand frémit le beffroi   

Scotophobie © Mapomme 

vendredi 20 septembre 2013

Sonnets. Les guetteurs de signes

Les quêteurs d’infime guettent le moindre signe
En vain le plus souvent car rien de motivant
Ne survient pour nourrir leur espoir captivant
Cependant les guetteurs jamais ne se résignent 

Dans l’étoile filante ou dans le chant d’un cygne
Dans le trèfle du pré ou l’orage arrivant
Ils scrutent le signe ce jour et les suivants
Qui s’en viendra chasser leur éternelle guigne

À trop attendre un train qui nullement n’arrive
Ces voyageurs figés demeurant sur le quai 
D’autres alternatives plus modestes se privent

Si nous devions quérir le meilleur des tickets 
Pour l’incertain festin sur l’onirique rive
Toujours nous resterions bannis d’autres banquets  

 No train today © Mapomme

jeudi 19 septembre 2013

Sonnets. Tissu de mensonge

Depuis cinq cent mille ans et les pithécanthropes 
De lente évolution en irrésolutions  
Les dévots en quête de vaine absolution
Ont prié le soleil en humains héliotropes

Quittant leurs oripeaux pour des tenues plus probes
Drapant leur peau d’un lin de dissimulation
Ils renient l’animal né des copulations
L’animal sommeillant sous la toge et la robe

Sous mon vernis mondain d’ex Homo Erectus
Me perdant en Java comme nombre de mâles 
J’adresse aux femelles mon plus charmant rictus

Nous tissons des habits camouflant les corps nus
Afin de dévoiler notre essence animale
Et pour imaginer le dessous sans dessus   


 Homo Erectus © Mapomme

lundi 16 septembre 2013

Sonnets. Jacaranda

Quand je bois du thé de Ceylan 
Avec des gestes empruntés et lents  
Dans l’ombre de la véranda
Face au vénérable jacaranda

Quand je lève la porcelaine
De ma tasse fleurie à moitié pleine
J’entends hurler la vie sauvage
Si loin de vos pacifiques rivages

Quand j’avale cette mixture
Sans risquer de prendre une autre biture      
Je pense alors à Miranda

J’ai depuis lors fait mon beurre en chemin
Sans souci pour mes lendemains
Mais mon ceylan est un amer breuvage
Jacaranda © Mapomme

vendredi 13 septembre 2013

Sonnets. Le sentier délaissé

Nous semons en chemin nos grandes espérances 
Forgées sur les braises des cœurs d’adolescents  
Nous étions en ce temps un pur-sang frémissant
Et lors des soirs de danse un vieux shaman en transes

Un mustang des prairies ivre de ses errances
Croyait à l’infini des plateaux rougissants
Cabré crinière au vent hennissant bondissant
Pour fuir les temps futurs truffés d’indifférence 

Le sentier d’autrefois entre chardons et ronces
A été délaissé pour le lisse béton     
Le confort asservit l’indompté qui renonce

Révérant le Progrès faux dieu des avortons
Qui face aux vraies questions nous laisse sans réponses
Et fait de l’étalon un attristant mouton   

Mustang © Mapomme


mardi 10 septembre 2013

Sonnets. Le lavoir

Sur le toit du lavoir nous passions nos vacances 
À parler des filles et des bals à venir
À fumer des clopes alors sans conséquences
Car nous étions jeunes et donc sans avenir

La Voie Lactée brillait de façon si intense
Qu’en étendant les bras on croyait la saisir
On discourait de rock sel de nos existences
Guidées par nos parents et contre nos désirs

Pour bâtir la mairie on a détruit soudain 
Le lavoir et son toit construction des plus laides     
Dont le béton trop brut provoquait le dédain

Mais il est des causes que contre tous on plaide
Mémorial des copains ce vestige anodin 
Était notre jeunesse en vain criant à l’aide

 Souvenir du lavoir © Mapomme


Sonnets. Le vieux four

Le vieux four en pierre tout près de la maison 
Durant vingt décennies donna bien des fournées
Qui peut sans se tromper de saison en saison 
En fournir le compte journée après journée

Four aux joints de glaise qu’on oublie sans raison
La question est parfois tournée et retournée
Tes frères disparaissent sans la moindre oraison
Ta mort inévitable est sans cesse ajournée

Mais il faut se garer au plus près de l’entrée 
Car dix mètres de plus sont dix mètres de trop     
Et les places manquent dans nos belles contrées

Les biscottes chassent tous nos pains ancestraux
Dont nos parents savaient les vertus démontrées
Le pic va t’effacer de nos plans cadastraux


Le vieux four © Mapomme

lundi 9 septembre 2013

Sonnets. Tout se dilue dans le verbe

Il n’y avait qu’un chef bien avant l’écriture 
Et une seule voix pour choisir un chemin
On ne pouvait cacher sous quelque fioriture 
La plus petite erreur prise en un tournemain

Pas d’écrits moins de mots pas de littérature
Pour transformer la bourde en un décret commun    
Si on ne trouvait plus la moindre nourriture
Comment donc l’expliquer au sein d’un groupe humain

A présent notre monde est plein de décideurs 
Qui triturent les faits et accusent les autres     
Que de voix contraires et pas un seul leader

Les glaces fondent mais selon nos apôtres
Ca n’affecterait pas nos vies en profondeur  
On ne l’aurait pas cru à l'âge de l’épeautre


 Evolution © Mapomme

dimanche 8 septembre 2013

Sonnets. Les gâte-rêves

C’est un beau jour d’été sans vent sans pluie sans rien
Rien que les cigales en tant qu’adoratrices
Divines d’Amon-Rê aux chants si aériens 
De nos repas festifs discrètes spectatrices

Sur la table en chêne jambon corse et melon
Apportent la note d’insouciance légère    
C’est alors que toujours mouches plus que frelons
Viennent gâter l’instant d’extase passagère

On voudrait les tuer et les pulvériser 
Pour trouver à nouveau l’onirique utopie     
Que leur vol agaçant osa ici briser

Quand nous touchons la grâce nous voyons arriver
Ces voisins chicaneurs portant photocopies
Mouches des tribunaux qu’on ne peut esquiver


 Dirty Flytox © Mapomme

Sonnets. Roc

José sur son rocher contemple le maquis
Arbousiers cistes blancs chênes et fougères
C’est un temple secret que son parfum suggère 
Monde rétif souvent soumis jamais conquis

José s’emplit l’esprit de ce tableau exquis
Car l’humaine conquête est toujours passagère   
D’ici ont disparu paysans et bergères
N’en subsiste à présent que photos et croquis

Champs de blés châtaigniers vignes et oliviers 
Ont été engloutis par la saignée des guerres    
Le village n’est plus ce bouillonnant vivier 

Quelques fragments épars dans l’esprit de José
Survivent quelquefois En l’honneur de naguère
Morose il lève alors son verre de rosé 

 Au passé toujours présent ! © Mapomme 

samedi 7 septembre 2013

Sonnets. L’aveugle et le phare

Dans le chant des oiseaux le sourd voudrait entendre
Devant l’océan bleu l’aveugle voudrait voir
Le muet aimerait murmurer des mots tendres 
Chacun réclame en fait ce qu’il ne peut avoir

Je ne suis pas vraiment différent de ces gens
Qualifiant l’univers d’horrible purgatoire 
Dans le noir et la boue j’avance en pataugeant
Et devant le néant j’aimerais pouvoir croire

Mais je ne vois là-bas qu’un abîme béant 
Je n’entends rien sinon un lancinant silence   
N’usant que des termes d’un miteux mécréant 

Comme j’envie celui qui dans les turbulences
Discerne enfin un phare au loin sur l’océan 
Lueur récompensant sa grande vigilance



 L'aveugle et le phare © Mapomme

Question : Est-ce parce qu'il a les yeux bandés qu'il est aveugle 
ou bien a-t-il les yeux bandés parce qu'il est aveugle ?

vendredi 6 septembre 2013

Sonnets. L’inertie des prudents

Partout on commémore en honorant les morts
Et de ventripotents présidents de passage
Clament Plus jamais ça et parlent de remords 
Au monde entier lançant un très puissant message

Partout semant la mort massacrant en cascades
Se moquent les tyrans de ces trop creux discours 
Sachant qu’à l’O.N.U. de couloirs en arcades
Chacun chiffre le coût de son précieux concours

Tous les Plus jamais ça se comptent en euros
Et les économies poussent à l’inertie   
Car on découvre alors qu’un conflit est chérot 

Or tandis qu’on hésite agissent les bourreaux
On tergiverse au nom de la démocratie 
Et le glaive du juste reste dans son fourreau



La force d'inertie © Mapomme 

Sonnets. Ruine dans le désert

Mon corps est un temple englouti par les sables
Plus un seul prêtre pur n’officie en son cœur
Et n’y résonnent plus des fidèles le chœur
J’apparais aujourd’hui piteux et misérable

Le fronton a perdu tous ses ors et ses marbres
Les glyphes sans couleurs se fondent dans le grès 
Hymnes sans nul attrait négligés sans regret
Les fresques délavées ont un aspect macabre

Qui peut imaginer en voyant ces vestiges
La ferveur de jadis quand s’élevaient les chants
Depuis la cour bondée et parée de prestige

Mon reflet au miroir ne me rend plus justice  
J’y vois un étranger au ventre effarouchant
La ruine a dévasté cette belle bâtisse



 Ruine dans le désert © Mapomme

Sonnets. Il Rinascimento

J’ai toujours jalousé la mue de la Nature
Après la pluie les froids les arbres décharnés
Un beau soleil suffit pour enfin discerner
Les plus fervents serments des floraisons futures

Des fleurs et des feuilles rehaussent les ramures
A jurer que l’hiver n’a jamais existé
Qu’un délire a conçu les frimas attristés
Où alors nous lisions de funestes augures

De beaux après-midi ont habillé les arbres
Déjà l’herbe jaunie aussitôt reverdit 
L’azur vierge effaçant les horizons de marbre

Pourquoi ne pouvons-nous sur les champs de l’absence
Verser l’eau de nos pleurs et qu’espoir interdit 
Le soleil de nos cœurs aide à la renaissance



Il Rinascimentu © Mapomme 

jeudi 5 septembre 2013

Sonnets. Luna gibbosa

La lune est gibbeuse Comment toucher sa bosse
Pour mieux nous porter chance en ces temps incertains
J’ai beau fermer un œil pour créer l’illusion
Dans la nuit advenue je ne trompe personne

Pas même mon autre œil qui voit la lune atroce
Tristement mutilé d’un regard enfantin  
Dans tous les beaux quartiers s’offrant à sa vision
Le si sage Aristote hélas toujours raisonne

Il voit l’ombre attestée de la Terre bien ronde
La Sainte Inquisition tracasse les savants  
Contredisant la Bible et quelque platitude

Par bonheur les enfants de par le vaste monde
Voient la lune d’argent aux fenêtres rêvant 
D’y marcher une nuit sans doctes certitudes



Lune gibbeuse © Mapomme

Sonnets. Versatilité hémisphérique

Par-delà l’horizon ligne brisée des monts
Le soleil a plongé en nous laissant dans l’ombre
Le spectre du village est semblable aux décombres
Causés par une guerre et ses affreux démons

Je rêve de flambée frissonnant sans raison
Dans la maison sans bruit où mon cœur vagabonde 
L’hiver est trépassé Pourtant un froid immonde
Me transperce les os sans qu’il soit de saison

Tout au bout du Monde le soleil s’est levé
Dans un autre hémisphère et sur d’autres contrées  
Il fait jour Il fait bon C’est un moment rêvé

Donc à ma sombre humeur répond un cœur ravi 
Mon esprit est un globe aux jungles empêtrées 
Aux aubes d’aquarelle et aux nuits de lavis




Paradoxe hémisphérique © Mapomme

mercredi 4 septembre 2013

La tarentule

Une araignée m’a mordu par deux fois
Et son venin s’est instillé en moi.
Je vais fiévreux, sans envie et sans flamme,
Car un mortel poison me ronge l’âme.

Sans fin, san fin, je rêve en mon séjour
De l’araignée, qui depuis bien des jours
A pris mon cœur, tout au fond de sa toile,
La dentelle de sa mortelle étoile.

Depuis mon âme ne sait plus que penser :
Dansez, dansez, mes chers amis dansez
La tarentelle, au soir par les ruelles.
Chassez, chassez, la morsure cruelle

Et que des chants accompagnent vos danses ;
Que le tambour mette mon mal en transe,
Et chasse enfin le venin qui me tient.
Car chacun sait d’où la langueur me vient.

Dansez pour moi la folle tarentelle
Qui chassera la trop belle à l’ombrelle.
Je ne l’ai vue que deux fois en passant
Et depuis lors, mon mal est incessant.





La tarentelle © Mapomme

Sonnets. Pèlerinage

Qui donc n’a cheminé en quête du passé
Pèlerin d’un été marchant sans coquillage
Sans songer que des Huns y avaient fait pillage
Tout y est transformé chamboulé fracassé

Car les hordes du temps les jours y ont lancé
Et les mois et les ans pires que les Vandales
Qu’y peut un malheureux pèlerin en sandales
Le pieux lieu d’un baiser s’y retrouve offensé

Tous les prés sont bâtis et les vieux mas rasés
La colline est semée de maisons trop semblables
Et les bords du ruisseau se trouvent déboisés

Un gros cube en ciment chasse la ruine aimable
Nous voici étrangers voyageurs déphasés
Ce bâti a détruit nos beaux châteaux de sable




Vestiges du passé © Mapomme

Sonnets. Le fruit sauvage

On voudrait savourer toujours des fruits sucrés
Gorgés de l’or des jours d’un azur sans orage
Des fruits nourris d’été maintenant le mirage
Qu’aucun équinoxe n’y souille le sacré

Tout promeneur connait par les chemins ocrés
Ces arbres surprenants portant des fruits sauvages
Cadeaux de la Nature à l’acide breuvage
Qu’hier encor sans doute on aurait exécré

Ces drupes et ces baies mêlent le suc acide
Au nectar bien sucré l’enfer et le divin
Les journées maussades et les soleils placides

La vie offre ce goût piquant d’un nouveau vin
Ivresse de taverne oh si loin de l’abside
Qui nous promet le ciel et nous mène au ravin




Les fruits sauvages © Mapomme

mardi 3 septembre 2013

Sonnets. La vélocité de l’arbre

L’ermite en son désert vers l’azur immuable
S’interrogeait sur lui et sur le changement
De marbre restons-nous sans nul dérangement
Ou nos jeunes désirs seraient-ils peu durables

Ascète si disert souviens-toi du bocage
On y voit quelquefois un arbrisseau naissant
Semblable chaque jour soumis à un blocage
Dit à l’anachorète un poète en passant

Pars tout au bout du monde et restes-y vingt ans
Puis reviens au bocage et cherches-y ton arbre
Tu le trouveras grand vieilli de vingt printemps

Ainsi nous faisons tous nous estimant constants
Nourris du même sol non gravés dans le marbre
Nous croissons sous les cieux sans destin persistant




La vélocité de l'arbre © Mapomme

Sonnets. Le bonheur disparait à sa naissance

Hier je t’ai donné un baiser passionné
Et de lèvre à lèvre tu as bu ma pauvre âme
Puis dans la froide nuit aux douze coups sonnés
Tu partis en sifflant par les rues de Paname

La lune pleine a ri comme un ivrogne rond
Sur les pavés d’argent tel un dandy qui fume
Vampire inassouvi né des caveaux profonds
Tu exhalas mon âme en des anneaux de brume

Le bonheur qu’est-ce donc Qui en détient la clé
Tous les jours se suivent perles que l’on enfile
D’un inégal collier à l’aspect trop bâclé

Le bonheur est fumée qu’on exhale et exile
Jamais il n’exista jusqu’au baiser volé
Depuis lors j’ai perdu ce bonheur indocile



Bonheur mort-né © Mapomme

Sonnets. La rose trémière

Les étoiles tremblent l’or des années-lumière
Versant nuit après nuit sur le rempart des monts
La vie après la mort les posthumes sermons
Bouteilles à la mer de nos aubes premières

Où te rends-tu bergère à la rose trémière
Ombre marchant dans l’ombre à l’instar d’un démon
Nymphe nimbée d’argent que d’emblée nous aimons
En soupirant depuis notre pauvre chaumière

Tu vas d’un pas léger de ton corps provoquant
Par les sommets carmins le corail magmatique
Savamment dessiné par l’essaim galactique

Bastilles qui jadis jaillirent d’un volcan
A quoi rêves-tu donc ombre fantomatique
Allant par le maquis aux fleurs aromatiques


Bergère à la rose trémière © Mapomme

Sonnets. Les Sobres Anonymes

La vie réelle est imparfaite
Buvons l’eau du Léthé pour entrer dans l’oubli
Et pour voir ce monde aboli
Dans la quête absolue de l’éternelle fête


Divin loufiat emplis mon verre
D’un vin couleur rubis pour priser la rondeur 
Et l’ivresse des profondeurs
Chassant le froid d’hiver effaçant le calvaire

La nuit est mon domaine et toute aube ma peine
Dont l’or dispense un triste feu  
Dans l’humaine rumeur vois donc la coupe est pleine

Comme la vermine sort d’un antre baveux
Le flot des Sobres Anonymes 
Répand sur nos rêves l’ombre du désaveu




Fiesta © Mapomme