samedi 25 janvier 2014

Sonnets. La nouvelle Alexandrie

Le ministre du roi le fier Jérimiscour
Le plus brillant esprit qu’ait connu notre Terre
Ne pouvait supporter que de savants discours
Tout jargon agaçait le morgant dignitaire

Un jour il décida avec toute la cour
D’œuvrer à la venue des universitaires    
Chassant les besogneux au charabia si court
Artisans paysans tout le pays quittèrent

Menés à la frontière avec le cœur fort lourd 
Sans pouvoir décoder ce décret délétère     
Sur leurs champs on bâtit des maisons et des tours

Le pays dépérit sans biens alimentaires
Point on ne se nourrit de langues de velours 
Et pour Jérimiscour ce fut un grand mystère   
Culture sans agri © Mapomme


jeudi 23 janvier 2014

Sonnets. Le promontoire du rêveur

La Liberté n’est rien qu’un concept illusoire
Bon nombre d’entre nous voudraient bien demeurer
Assis sur un rocher regardant écœurés  
L’humaine société tels des vers infusoires

Rampe ce tas grouillant sans aucun exutoire
Se regroupant parfois pour pouvoir se leurrer    
D’un mot trop imprécis ne faisant qu’effleurer
Les esprits si soumis au terme incantatoire

Les cœurs libres formant ce troupeau bigarré 
Oublient le cliquetis des fers rédhibitoires      
Enchaîné terrassé va le peuple égaré

Ces impies rappellent au rêveur péremptoire
Qu’il serait mort sans eux maigre et désemparé
Victime de l’hiver sur son vain promontoire
Le promontoire du rêveur © Mapomme 

samedi 18 janvier 2014

Sonnets. L’épouvantail

Par le feu et le fer il ravage tout rêve
L’épouvantail L’épouvantail
Car surgissant soudain de l’ombre d’un portail 
Tous nos ballons d'enfant il crève

Son regard nous transperce en tous lieux et sans trêve
Il entrevoit chaque détail    
Va donc cohorte humaine à l’instar du bétail
Par la morne allée des drèves

Par les cités enfouies les paradis perdus 
Dans les rangs des champs de lavande     
Il surgit et nos cœurs par le froid sont mordus

Aussitôt la peur nous commande
Tout s’obscurcit tout est ardu
Et ce rêve maudit met notre âme à l’amende
 L'épouvantail © Mapomme

Sonnets. Le Roi-délire

Abandonné de tous s’en va le Roi-délire
Par la lande venteuse et sous un sombre ciel
Que n’a-t-il avec lui un sublime oiseau-lyre 
Pour chanter ses malheurs tel un barde essentiel

Le pays bat de l’aile et qui voudrait élire
Domicile en ces lieux sans roi providentiel    
Parti à tire-d’aile aux aubes où pâlirent
Des astres nous versant un jour artificiel

Nul ne prend sous son aile un souverain mendiant
Qui a coupé en deux son blanc manteau d’hermine     
Qui pourra le chauffer après cet expédient

Il a chassé sa fille et béni la vermine
Car il perdit l’esprit répudiant l’obédient
Et sous l’aile d’un fou le pays crie famine
 Roi-délire © Mapomme

vendredi 17 janvier 2014

Sonnets. Les rois sans couronne

Les monarques volent par les prés démocrates
Dans leur manteau de feu qui sacre le printemps
Sans couronne ni sceptre ils butinent un temps 
Brigandant le nectar comme on boit un picrate  

Je hais pourtant les rois et les vains autocrates
Se dressant sur leur trône où ils se croient Titans    
Pourtant ces tyrans-ci sont bien plus méritants
Et jamais n’offriraient de ciguë à Socrate

Ces souverains zélés se comptent par millions 
En chaque point du globe ils tiennent des antennes     
Toujours en mouvement et sans nul roupillon

Rien que dans ce pré vert j’en vois une centaine
Gracieux et aériens comme tout papillon
Qui paraissent toujours courir la prétantaine 
 Monarque © Mapomme

dimanche 12 janvier 2014

Sonnets. Ils tirent sur la corde

À Jacques Prévert


Je ne peux pas me pendre et j’en suis bien confus
Sans cesse une fillette a besoin de la corde
Pour jouer et sauter quand mon chagrin déborde 
Je ne veux l’attrister par un brutal refus

Puis la lavandière se tenant à l’affût 
Son linge veut étendre après qu’elle le torde    
Jouant seul hameçon auquel toujours je morde
Sur la corde sensible ou faisant du raffut

Au musicien il manque une corde au violon 
Une corde à son arc à quelque sagittaire     
Une corde vocale à un grand baryton

Pourtant la corde est raide et si j’étais violent
J’enverrais dans les cordes ceux qui s’agitèrent
M’empêchant de me pendre à un beau nœud coulant

Ce qui était pourtant tout à fait dans mes cordes  
 Deburau © Mapomme (colorisation)
(merci à Marcel Carné)

samedi 4 janvier 2014

Sonnets. La changeante constance

Les années déroulent leur cours perpétuel
Et pourtant parsemé de divines surprises
Un long torrent de jours suivant le rituel
Fait d’aubes radieuses et de sombres traîtrises  

L’onde va vers l’aval mais son cycle annuel
Ramène à sa source sans la moindre maîtrise  
L’eau nous portant à son rythme continuel
Nous croquerons pommes puis fraises et cerises 

Redécouvrant émerveillés d’anciens plaisirs
Les pierres d’un temple serviront aux églises     
Où nous aurons honte de nos défunts désirs

Pourtant à l’An nouveau nous verrons l’aube grise
Et la mélancolie s’en viendra nous saisir
Car les soleils d’antan sont éteints quoi qu’on dise 
Quatre saisons © Mapomme
(with a little help from Mucha)