jeudi 26 septembre 2019

Acquarelles. Quand d’un souhait naît la pénitence

Bien des fois j’ai rêvé qu’au matin immortel
Sur moi la Mort n’aurait plus la moindre emprise
J’irais ainsi béni sans temples ni autels
À l’Olympe accédant sans doute par méprise

Je vivrais sans souci en mâchant du bétel
Assis sous un arbre que fait frémir la brise  
Et regardant passer les jours tel un cheptel
Des journées sans saveur car là est la traîtrise

Que vaudrait une vie sans l’effroi absolu
De la perdre à l’instant avant même son terme ?
Comme si un nombre nous était dévolu !   

Condamnés à la vie à perpétuité et ferme
Combien faudrait-il d’ans pour perdre tout influx  
Et pour qu’en nous l’idée d’y mettre fin ne germe ?
Immortel © Mapomme avec l'aide de Gallen-Kallela  


Acquarelles. La paille et l'apôtre

Sur un ânon juché un vaillant paladin
Allait l’épée dressée et toute scintillante
Tandis que le suivait un replet baladin
Sur un rose goret à la truffe brillante

Derrière eux cheminait un troupeau citadin
Armée dépenaillée turbulente et bruyante 
Qui cancanait de tout sur un ton fort badin
Cette parlote étant assez peu sémillante

Une crue passagère avait broyé le pont
Le paladin hardi voulut passer quand même
Les flots encor gonflés noyèrent le fripon

Ainsi on voit souvent quelques guerriers suprêmes
Coiffé d’épis de paille et non point d’un or blond
Mener un niais troupeau vers des périls extrêmes 
 
 Donkey John © Mapomme


samedi 21 septembre 2019

Acquarelles. Artemisia et Holopherne

Grande est l’Injustice qui marche de concert
Avec la calomnie sa fidèle servante
Car alors tout procès la victime dessert
La sentence au final s’avérant décevante

Mensonge et Fourberie du soupçon sont les serfs
Se livrant à leur tâche avec des joies ferventes
Et offrant tout entier à la meute le cerf
Il faut se repaître de cette proie vivante

Des torchons se plaisent à salir l’innocent
Et aux fauves lecteurs livreront en pâture
La victime d’un crime au lieu de l’offensant

Une femme jadis s’est vengée en peinture
Par l’épée de Judith son violeur punissant
Seul l’Art intemporel punit les forfaitures 
Judith et Holopherne © Mapomme d'après Artemisia Gentileschi


mercredi 18 septembre 2019

Acquarelles. Sous le Pausilippe


J’ai visité dans l’ombre en gardant les yeux clos
Le tombeau bien celé sous l’altière colline
J’entendais le bruit sourd du ressac lourd des flots
Scintillant des éclats d’une Lune opaline

Si l’écume est d’argent l’onde est d’un noir profond
Au calme en surface répond le trouble abîme
Qu’en silence agitent Apophis et Typhon

En ce lieu se trouve le terme des sanglots
Où cessent les douleurs d’une vie sibylline
Toi qui guidas l’Aède après de vains complots
Verse sur mon chagrin un doigt de mescaline

Le bonheur est le fard du mal-être qu’on grime
Qu’importent le sourire et les jeux de bouffon
Le cœur demeure obscur malgré l’éclair des rimes
Tombeau de Virgile © Mapomme d'après Bouguereau et Courtois




dimanche 15 septembre 2019

Acquarelles. Muse musarde

Ma muse a musardé tout l’été sur la plage
Ou buvait l’apéro chaque soir au couchant
Telle une cigale dont nous berçait le chant
Si sa peau brunissait blanche restait la page

Je demeurais reclus enfermé à l’étage
Dans les vapeurs d’alcool quelque idée recherchant
Or la touffeur du jour asséchant tous les champs
Tarissait mes idées et m’ôtait tout langage

Finies les baignades et privée d’agapes
Ma muse a déprimé et a tourné en rond
La gaieté est stérile et même elle handicape
L’artiste qui en vain se cognera le front

Nulle Athéna n’en sort quand bien même il se frappe
Rien n’est plus inspirant que de voir l’Achéron
 Rimeur et sa Muse © Mapomme d'après Ingres


Acquarelles. Princes d'un arpent

Mon jardin est pentu Je l’ai laissé ainsi
Nombre de mes voisins transforment et terrassent
La Nature du monde en un but très précis
Ils veulent de leur vie nous laisser une trace

Princes de leur arpent voilà leur seul souci
Y dresser quelques murs et aplanir l’espace
Comme ces anciens rois érigeant sans merci
Palais et avenues sans omettre les places

Mais de ces monuments maisons d’éternité
Le temps vient effacer la trace d’une écume
Ruinant les vains travaux empreints de fatuité

Le monde creuse fore et les forêts allume
D’un appétit féroce il met l’humanité
Au bord d’un gouffre où dort un futur d’amertume
 Princes d'un arpent © Mapomme




samedi 14 septembre 2019

Acquarelles. Dogme


Avoir des opinions et savoir les défendre
Ne peut qu’être admiré par tous les citoyens
Les ériger en dogme et refuser d’entendre
Un autre point de vue est le pire moyen

Qui génère le schisme et ne laisse que cendres
Car il ne reste rien des Grecs et des Troyens
Un vieux monde s’accroche et ne veux rien comprendre
Tandis que le nouveau rejette ses doyens

Sans cesse on inonde les rues de régiments
Qui se croient tout le Peuple et en son nom s’indignent
Rejetant une loi issue d’un parlement

S’affrontent les factions dont les hérauts trépignent
C’est la loi du plus fort qui brise tout ciment
De notre société la vraie tumeur maligne 
 Dogme © Mapomme

mardi 10 septembre 2019

Acquarelles. Regrets Versatiles

Dans mes jeunes années sans cesse il me tardait
D’embarquer et quitter les rives insouciantes
Vers l’indécis lointain que l’esprit regardait
En voyage exaltant dans ma quête inconsciente

Dans ce temps à venir mon cœur se hasardait
À forger des aubes radieuses et flamboyantes
Sur ces vierges contrées mon esprit musardait
Traversant des forêts denses et chatoyantes

J’y trouverais c’est sûr de terribles typhons
Des chagrins et des joies des revers et des gloires
Et j’y affronterais chimères et griffons

Tout pourvu de changer Qu’importe les déboires !
Ne plus être un enfant rongé d’ennui profond
Jamais ne décidant du cours de son histoire
Sur ces vierges contrées © Mapomme 

dimanche 8 septembre 2019

Acquarelles. Flamme de jadis


J’ai aimé autrefois d’une passion sans bornes
Et je me suis senti vivant d’un feu ardent
Jusqu’alors les journées me semblaient toutes mornes   
Et tous mes avenirs tellement emmerdants

Il faut avoir senti ses veines embrasées  
D’une fièvre inconnue et son cœur débordant 
Espérer son ombre derrière les croisées 
Mais l’Espoir est un jeu dont on est grand perdant

Hélas on perd bien plus quand cessent les chimères
Quand nous cueillons des fruits sur un chemin tracé  
Non sauvages ces baies trop souvent sont amères

Sans peine on les trouve sur un parcours sensé
Sans joie sont les honneurs colifichets sommaires  
Car l’Amour valait mieux qu’un cursus embrassé 
Fièvre de jadis © Mapomme 
d'après Brueghel le jeune et Rubens


Acquarelles. Genèse d’un monde

Le poète admirait le peintre dessinant
Sur le vierge néant de sa toile encor pure
L’esquisse d’un monde projet hallucinant  
Tracée fiévreusement d’une main pourtant sûre

À l’instar d’un démiurge on peint l’inexistant
Sans qu’on sache d’où vient la force créatrice 
Tout comme le poète ignore sur l’instant
D’où sourd le flot de mots sinon des cicatrices

Imperceptibles maux jamais ne guérissant
L’aède et le peintre voient un monde encor vierge  
Vide intolérable que leurs esprits puissants
Comblent avec l’aide d’un démon qu’ils hébergent

L’artiste a ce pouvoir d’un souffle jaillissant 
Et même immobile sans arrêt il gamberge
 Génèse d'un monde © Mapomme

samedi 7 septembre 2019

Acquarelles. Moloch


Prenez donc une femme ou bien un homme bon  
Et inoculez-lui le plus terrible germe
Altérant un cerveau le livrant au démon
Qui à la retenue s’en ira mettre un terme

De mâtine à complies courant à grand trotton 
Livrer son évangile allant de ferme en ferme
Le possédé ne craint ni l’ail ni le bâton
Qui lui rosse le dos et bleuit l’épiderme

Ces jérémies nous crient que grand est le danger 
Qu’aveugles nous allons droit vers le précipice  
Qu’en soldats nous devons derrière eux nous ranger
Certains se fient alors à ces tristes auspices

Enivrés de pouvoir et voulant tout changer 
Menons ces candidats sans délai à l’hospice
Moloch © Mapomme





Acquarelles. Le pastel restitue des fragments édéniques

Sonnet composé pour introduire l’exposition de pastels

Les domaines secrets des tritons et sirènes 
Bercent le sable qu’ici on nomme a rena
Et la Mer Tyrrhénienne est seule souveraine
Des rives marines de la Costa Serena.

Telle une cathédrale à différents instants,
Chaque plage est pareille et pourtant dissemblable ; 
Les courants et l’écume, artistes persistants,
Y plantent des roseaux et modèlent le sable.

On dit qu’un dieu jaloux brisa en mille miettes
Le paradis perdu des temps de l’Âge d’Or ; 
En fosse marine, la déesse Athéna

Pensa avoir trouvé la meilleure oubliette. 
Navrée, l’onde les prit les ramenant au bord :
Ces plages sont nommées la Costa Serena. 
 Fragments édéniques © Danielle Lastrajoli

Réminiscences. Hors des états si vils

Se non è Véro, è ben trovato

Il est des parentés qui priment sur le sang 
Tellement visibles que les autres y croient
On a beau expliquer à ce flot incessant
Qui nous tient pour cousins que chacun se fourvoie

L’erreur persiste et signe enjouant nos étés
Alors nous inventions un “presque-cousinage“ 
Nouveau lien choisi inconnue parenté
Forme d’abdication riant du voisinage  

Voilà comme on devient des cousins par le cœur
Parce qu’en effet l’idée nous était trop plaisante  
D’abord nous nous lancions quelques clins d’œil moqueurs

Puis la vague émoussant la boutade amusante
Hors de l’État-Civil le temps cet escroqueur
A su forger un lien de façon permanente
Hors des états si vils




Acquarelles. Tout parfum éventé perdra de sa senteur


Aidez votre prochain disent les Écrits Saints 
De reconnaissance n’en attendez aucune
Recevant en retour parfois quelque rancune 
Car nos frères humains ont d’étranges desseins

Un service rendu à l’instar d’un parfum
S’efface avec le temps et perd de sa fragrance 
Souvent son souvenir jaillit telle une offense
Nous voici battus froid par l’ami ou l’affin

Être votre obligé c’est se sentir contraint
Le service espéré la gratitude inspire 
Et une fois reçu s’éteindra cet entrain

Aidez votre prochain tout en craignant le pire 
Car plus l’aide est grande plus il sera chagrin
Le redevable ingrat d’amertume transpire
Parfum éventé © Mapomme 

Acquarelles. Presque du miel

La crasse hypocrisie abhorre le succès
D’un voisin trop brillant pour des personnes ternes
Des propos venimeux clament avec excès
La haine déployant ses racines internes

On voit partout œuvrer les furies de l’amer
Des réseaux asociaux ou réunies dans l’ombre
Ne pouvant rien bâtir elles vouent aux enfers
Ceux qui des œuvres créent sans être de leur nombre

D’un palais on oublie le peuple bâtisseur
Pourtant chacun connaît les méfaits des Vandales
Ne tirant qu’une gloire de vils démolisseurs

On méprise les arts qui versent lait et miel
La veule coterie aux vies antipodales
Ne sait rien qu’éructer son plus acide fiel
La Calomnie © Sandro Botticelli

Acquarelles. Amère est l’eau de l’été


Dans la coupe versons cette année écoulée
Pour la lever au ciel des joies sans lendemain
Dans la ruine oubliée d’utopies éboulées
Par d’obscurs méandres d’un sentier qu’on dit vain

Buvons à ce qu’on perd en croyant qu’on y gagne
Et croquons goulûment dans l’aumône des jours
D’une joie synthétique qu’on nous vend pour cocagne
Au matin nous irons sans envies sans amour

Car il faut bien manger même de la bouillasse
Et occuper nos vies à gaver des Crésus
En rêvant nous aussi d’avoir de la caillasse

D’exploiter des espoirs sur des airs d’orémus
Surtout si les haillons sont loin de nos paroisses
Versons l’amer nectar infusé de lotus
Amère est l'eau de l'été © Mapomme 

vendredi 17 mai 2019

Acquarelles. Élégie de mars


C’était au mois de mars au début du printemps
Je ne sais ni le jour ni la ville à vrai dire
Sinon que ce moment fut des plus exaltants
En dépit du beau temps on ressentait l’empire
Des hordes attardées de l’Hyver persistant

Le promeneur perçoit le calme d’un étang
Sait-il ce que cachent les profondeurs placides ?
Car de secrets tourments dans tourbe des temps
Sont enfouis à jamais loin des eaux translucides
Que de douleurs taisant un mystère entêtant

Que s’était-il produit sous le soleil transi ?
Tu m’avais enlacé brusquement incertaine
D’un sibyllin chagrin ton cœur était saisi
Et j’étais le seul ange auprès de la fontaine
Qui entendît ta peine et j’en avais rosi

Sous ton pull angora j’ai senti sous mes doigts
Trembler ton corps fragile envahi par la peine
Je serais bien resté te serrant contre moi
Jusqu’à la fin des temps ô merveilleuse aubaine
Mais le fugace hélas ici-bas fait sa loi

C’était au mois de mars au début du printemps
Je ne sais en quel jour mais la chose est certaine
S’envolent en fumée les plus beaux des instants
Je sens encor ton corps en ces années lointaines
Le temps est maraudeur de tout nous délestant
Élégie de mars © Mapomme 
avec l'aide de John Carney

mardi 14 mai 2019

Nouveau siècle. Sermon des assiégés


Verrouillez les portes colmatez les fenêtres
Abaissez la herse et hissez le pont-levis
Il n’est pire péril que nous puissions connaître
Notre mode de vie peut nous être ravi

Des hordes ennemies grandement nous menacent
De leurs lointains pays survenant affamés 
Que nos archers soient prêts et nos gardes tenaces
Ils veulent tout nous prendre et tout nous réclamer

N’oyez nul orateur aveugle et pacifique 
Cadenassez les cœurs et fermez vos esprits
Avec l’envahisseur pas de liens adelphiques

Ainsi vont sermonnant les prêcheurs du mépris
Qui exhortent les foules à lorgner l’horrifique   
Mort de gens dont la vie n’a pas le moindre prix

Qu’ils crèvent sous nos yeux sans émouvoir nos cœurs
Pourvu que nous gardions l’illusion du bonheur
Sermon des assiégés © Mapomme



samedi 11 mai 2019

Acquarelles. L'Arinella


Avec la Simca 1000 on allait à la plage
Passer notre dimanche entier au bord de l’eau 
Ayant moins de douze ans j’étais un enfant sage
Que la mer fascinait en fils de matelot

On s’asseyait après avoir planté nos cannes
Dans le sable si fin et puis on attendait
Dans le chant des vagues berçant Corse et Toscane 
Voilà comment le jour doucement se perdait

Ancré dans le présent je songeais en journées
La Corse étant déjà sa troisième maison
Mon père regrettait ses plus jeunes années
Il avait dû deux fois se faire une raison

Par moments je sentais un brin de nostalgie
Quand il fixait le sud et les jours envolés
Douce-amère la vie est troublante élégie
De ses rêves perdus qui peut se consoler ?

Les regrets se berçaient du doux chant du silence
Que brisait le grelot d’une prise mordant
Quand la canne tremblait parfois avec violence
Un combat dont toujours le poisson est perdant

On prenait des sars des marbrés et des daurades
Des soles fréquemment des vives moins souvent
Enfant on est content on biche et on parade
Mais ce qui se débat est un être vivant

Le vent des ans emporte et la plage et le sable
Je ne sais où la canne et le fil sont rangés
Mais je suis saisi d’un spleen indéfinissable
Quand sole ou daurade je commence à manger
L'Arinella © Mapomme



vendredi 10 mai 2019

Acquarelles. Le front ceint de lucioles


Appuyé contre le mur d’un mal-être éternel
Dans la sombre impasse des amours moribondes
J’ai vomi mes années d’un mal obsessionnel
Auquel se soumettait mon âme vagabonde

Et j’allais orphelin d’un hymen supernel
La chimère absolue des natures fécondes
Sans cesse délaissant les remèdes charnels
Pour l’utopie sur laquelle les fous se fondent

Dis-moi morose esprit n’as-tu jamais commis
De regrettable erreur de mots peu diplomates
As-tu toujours été un exemplaire ami

Tu infligeas parfois de douloureux stigmates
Des épines couronnant ton cœur insoumis
Celui qui se croit saint masque en fait un primate

J’ai marché dans la nuit sous un ciel désolé
Laissant ainsi couler ma morne adolescence
Sans trouver la flamme propre à me consoler
J’ai avancé le cœur empli de réticences

Je ne pouvais aimer sans devoir reculer
Blessant peut-être un cœur mais sans malévolence
Repliant mes ailes de peur de les brûler
Toute flamme attise une extrême vigilance

Allons faux esprit saint qui se voudrait martyr
Jette aux grandes orties auréole et soutane
De cet état de peine il te faut bien sortir

Cesse donc d’adorer une fausse sultane
D’un chagrin cultivé il faut te départir
Lorgne le temps qui coule à l’ombre des platanes 
Le front ceint de lucioles © Mapomme 


samedi 27 avril 2019

Nouveau siècle. La roue de l’Infortune géographique


Ce qui fait le plus mal quand on est sans argent
C’est de voir les friqués vivant dans l’opulence
Tout leur luxe étalant lorsque les indigents
Manquent du nécessaire et vont dans le silence

Ils n'ont la poche emplie que de rêve et d’espoir
Quand la nuit fait briller des myriades d’étoiles
Des milliards de soleils qui combattent le noir
Où tout gonflé de foi demain dresse la voile 

Demain sera pourtant comme aujourd’hui chagrin
Il faudra affronter la tempête et l’écume
Et endurer des jours les invariables grains
Quand le pont est noyé par des flots d’amertume

Il est pourtant des lieux qui voient des affamés
Trimant pour presque rien et qui sans cesse en crèvent
Pour eux nos indigents seraient presque à blâmer
Car eux au moins disposent du luxe des rêves

Nous sans cuiller d’argent sommes privilégiés
Car lorsque nous voyons l’eau envahir la cale 
Nous fermons l’écoutille fuyant nous réfugier
Sans même percevoir la misère qui râle 

Et l’amnésie aidant nous battons le pavé
En clamant haut et fort nos maigres infortunes
La géographie seule a pu nous préserver
De simplement survivre et non vouloir des thunes

Le Monde est trop peuplé et nous surconsommons
Pourtant nous voudrions avoir un max d’artiche
Soumis de corps et d’âme à l’infernal Mammon
Du tourment du fretin le langoustier se fiche

Ce qui fait le plus mal quand on est sans espoir
C’est de voir les nantis ignorer les silences
Ne voyant qu’exotisme en d’arides mouroirs
Où la malnutrition passe pour indolence
Du tourment du fretin le langoustier se fiche © Mapomme


lundi 22 avril 2019

Stances. Banni Spinoza et la recherche de la joie


Il s’en alla maudit par sa communauté
Maudit pour l’éternité et privé de famille
Maudit où qu’il aille car il avait douté
Des miracles divins qui chaque foi habille

Car une aveugle foi il ne put embrasser
Toute sa jeunesse lui fut soudain ravie
Pour que son passage ici-bas fût effacé
Que jamais il ne soit fait mention de sa vie

Tous ceux qui à l’oubli crurent le condamner
Dans l’oubli sont entrés en habit d’infâmie
Pour avoir négligé de savoir pardonner
Et omettant d’offrir une indulgence amie

Dans la honte ils iront au fer rouge marqués
Alors qu’il est entré parmi les philosophes
Qui n’ont jamais plié et jamais bifurqué
Quand fulmine la foule et qu’elle l’apostrophe

Issu de la contrée parsemée d’épineux
Il savait que guérit la sanglante blessure 
De l’exclusion des siens et des propos haineux
Auxquels le temps délivre une rémission sûre

Chacun doit parcourir un douloureux chemin
D’épines parsemé qui griffent et nous piquent
Le sage a su tirer des travers des humains
La vérité joyeuse en guise de topique
Les épines du banni © d'après une gravure




samedi 20 avril 2019

Nouveau siècle. Aux appétits privés enfin faisons barrage !


Le bien public est vendu à l’encan
Le monde s’est mué en vaste enchère
On ne sait trop pourquoi ni depuis quand
 Quels sont les traîtres qui la déclenchèrent

Cette folie s’empare des esprits
Sans que de vrais leaders ne la dénoncent
Tous biens et services auraient un prix
Mais les questions demeurent sans réponse

Ce qu’on réplique est insatisfaisant
On parle de budgets à l’équilibre
On ne voit que les comptes du présent
Et on passe les budgets au calibre

Vendons bradons l’ancestrale maison
Pour tout claquer en restos et voyages
Vendons soldons jusqu’à la déraison
Pour un instant livrons tout au pillage

Puis un jour nos enfants demanderont
Qu’avez-vous fait des ancestraux domaines
Troquant un pur-sang contre un percheron
Flambant l’héritage en peu de semaines

Le monde entier est livré aux lobbys
Tout serait livré aux profits rapides
Un beau jour nous serons tout ébaubis
De voir à quel point nous fûmes stupides

Nous avons le devoir de refuser
Cette planétaire rapinerie
Ne restons pas lâches et médusés
Livrant nos pays à la braderie

Le bien public est vendu à l’encan
C’est l’héritage et le fuit de l’épargne
Serons-nous ad vitam inconséquents
Ou saurons-nous faire montre de hargne 
La part du gâteau © Mapomme




Nouveau siècle. Sous le regard des Inimmortels


Dans le vide elle tombe sous nos yeux incrédules
Comme vers la tranchée tombèrent les soldats
Comme du fil tendu chuta le funambule
Qui voulait tant sauver la belle Esmeralda

Aux deux sœurs de septembre à son insu on songe
Qui s’effondrèrent en poussière avec fracas
Le Monde vit que la Paix était un mensonge
Qu’il rêvait sans mesure en fumant son houka

C’est un royal château un parlement en flammes
Une bibliothèque un trésor de savoir
La foi de bâtisseurs qui s’élève et proclame
Tout le génie humain qui seul peut émouvoir

Aussi quand l’un d’entre eux soudainement succombe
Nous devenons mortels faibles découragés
Dans la nuit embrasée la flèche soudain tombe
Effaçant l’empreinte des règnes passagers

C’est l’Histoire outragée se révélant fragile
Telle la mémoire des vieillards tremblotants  
La maison d’un ancêtre plus qu’un Évangile
Et la lutte sans fin contre l’effet du Temps

Certe on rebâtira ce sublime édifice
Mais on aura compris que c’est un long combat
Contre l’armée des ans aux puissants maléfices
Qui fera s’écrouler tout rêve avec fracas 
La maison d'un Ancêtre © Mapomme +Sipa

vendredi 12 avril 2019

A l'encre du néant. Trop ce n'est pas assez...


Si seulement j’allais par les rues du présent
En y trouvant l’éclat des choses envolées
Mais jamais je ne goûte à un instant plaisant
Mon âme demeure sans cesse inconsolée

Il n’est pire douleur qu’une douleur sans nom
Et je ne sais quel manque en tyran me tenaille
Non loin d’Agrigente le temple de Junon
Proclame de l’orgueil la vaine bataille

À trop vouloir on perd les plus simples saveurs
Le pain avec du beurre ou la crêpe encor chaude
Vers le lointain passé on se tourne rêveur
Jadis y fabrique des souvenirs en fraude

On emplit la maison de choses sans valeur
Y cherchant le plaisir des babioles nouvelles
Redoutons cependant l’absence de malheur
Et de mélancolie stimulant nos cervelles

Car si l’on avait tout et donc plus nul désir
La vie serait soudain insipide et facile  
Le ferment de l’espoir provient du déplaisir
Non de la vacuité qui élit domicile

Dans l’esprit des navrés déjà tout possédant
Et qui n’attendent rien sinon la plénitude
Un bonheur est plus plein plus vaste et obsédant
Si de l’espoir on fait la fructueuse étude
Non loin d'Agrigente le temple de Junon © Mapomme


A l'encre du néant. Philinharmonie


Ce soir-là près du feu musardaient mes pensées
Sans rime ni raison dans un ultime éclat
Du jour quand je voyais l’étang paisible et plat    
Telle une vie parfaite et même trop sensée

L’ai-je rêvé ou bien vécu
Venant d’on ne sait où germa une musique
Et le silence fut vaincu
La tyrannique paix des jours anesthésiques

Des notes égrenées et parfois aigrelettes
D’un sortilège étrange apaisaient mon esprit
Dissonance harmonieuse et mélopée simplette
Aux accords imparfaits le cœur fut soudain pris

L’ai-je rêvé ou bien vécu
J’étais bercé charmé par des notes acides
Et agacé par les aigus
Qui secouaient le cours des destinées placides

On apprécie parfois quelque amertume honnie
Bonbon acidulé et étrange orangeat  
Mon cœur se complut en cette inharmonie
Ce cœur qu’un désaccord autrefois dérangea

L’ai-je rêvé ou bien vécu
J’aimais cet amer fruit mélodie désunie
Discord à tomber sur le cul
De toute inharmonie peut naître l’harmonie
Inharmonie © Mapomme