dimanche 23 octobre 2016

Vers sots. Cierge, mon marri !

Mes compliments belle marquise
Revêtue d’un noble tissu

Vos paroles sont fort exquises  
Cher voltaire du peuple issu
Essayez-les sur la duchesse
Ses ans se contentent de peu

Marquise sans votre richesse
Qui aimerait votre air pompeux
Votre ancêtre était un crapaud
Qu’on maria à une bergère

Désobligeants sont vos propos
Voltaire sans cesse exagère
À lécher le cul des puissants
Vous finirez chaise percée

Et vous m’a dit un confident
Dans la débauche êtes versée
Sur vous tous les hommes s’allongent
Comme les couples libertins

Ô meubles bavards je vous plonge
Dans le noir Je sors et j’éteins
 
Cierge mon marri © Mapomme


Rimes de saison. La bougie

Le vent mauvais a soufflé
La flamme de la bougie
La bougie de triste cire
Dont la flamme vacillait

Nos pleurs il faut camoufler
Et nos mirettes rougies
Tout chagrin il faut occire
Tout feu d’elle se taillait

On a vu d’autres chandelles
S’éteindre avant l’aube ainsi
Mais elle avait tant duré
Qu’on lui donnait deux semaines

Qui donc se souviendra d’elle
Nous aurons d’autres soucis
Sans joie on peut l’augurer
Mais sûrement pas sans peine
 La bougie © Mapomme
Avec l'aide de deux Madeleine de G. de la Tour


samedi 22 octobre 2016

Rimes de saison. Ermitage

Des semaines durant dans la maison déserte
J’ai décrit le néant à compter de minuit
Car la nuit seule écoute et sait combien l’ennui
Naît de la multitude et des tablées disertes

Parfois le vent d’hiver d’un concerto de branches
Déchirait le silence offrant son souffle aux vers
J’étais au Thornfield-Hall de Fairfax Rochester
Du monde retiré seigneur de mes nuits blanches

Si je fuyais ainsi les papotages diurnes
C’était qu’il y manquait mes amis les plus chers
Mes parents préférés et j’affrontais l’hiver
Sans pouvoir mettre au clou mon humeur taciturne

Ces départs m’effrayaient car ils traçaient un signe
Je serai la brebis dans le troupeau bêlant
Une fourmi servile en sa colonne allant
Déposer son offrande à des Mammons insignes

Ô Nuit ma muse écoute et mon âme soulage
Huit lustres ont passé huit époques du cens
Et je ne peux trouver à nos vies quelque sens
En ton ermitage nos vies sont moins volages 
Ermitage © Mapomme 

Sonnets. El Dorado

Morpho de l’Amazone ivre d’El Dorado
Égaré dans la jungle et dévoré d’envie
Le poison jivaro réduit ta pauvre vie 
Par-delà le cours d’eau au végétal rideau

Ignorant la beauté des chants purs des oiseaux 
Et des nouveaux décors au cœur de ta folie
Loin de la canopée ta flamme est abolie
Dans le Jardin du Diable et de ses mortes-eaux

Le mirage nous mène à un funeste sort
La quête d’un Pôle d’une terre inconnue
L’ennui d’une limite à l’éternel essor

Tel je fus tourmenté de fièvres continues
Pauvre orpailleur sans ciel constellé d’un brin d’or
Que sont dans le torrent mes amours advenues
El Dorado © Mapomme


dimanche 16 octobre 2016

Sonnets. Un diamant dans la boue

On cherche sans succès l’amour ou l’amitié 
Taillés dans un granit défiant tous les orages
Sans voir aucun diamant dans la boue du sentier
Du temps les sentiments subissent les outrages

Sans viscérale foi sur le marbre des croix
On vient fleurir l’absence et la perte funeste
Sur le tombeau muet jamais l’impie ne croit
À la paix d’un ailleurs que rien ne manifeste

Pauvres moines mendiants allant par le chemin
Quêter l'éclat parfait des jeunes espérances
Autant chercher d’hiver la fleur d’or du jasmin

J’envie ces pèlerins qui dans l’itinérance   
Le ventre vide au soir croient encor que demain
Une écuelle emplie chassera leurs souffrances
Un diamant dans la boue © Mapomme 


samedi 15 octobre 2016

Sonnets. Fuir l’ivresse du nombre et le néant de l’ombre

Tout jeune j’ai vécu dans la paix des campagnes 
Dans le morne tempo des jours se répétant
J’arpentais dépité un sentier peu tentant 
Par un herbage plat qui m’était presqu’un bagne

J’ai connu les cités immenses et sans âme
Où s’éclairaient les pics songes iridescents
Des montagnes d’acier quand le flot des passants
Dans l’ombre des géants cherchait quelque sésame

Par ce néant vomi j’ai fui vers d’autres rives
Un espace grandiose à l’horizon lointain
Sans foule égocide qui d’essence nous prive

Alors j’ai retrouvé l’éclat adamantin 
De la sereine aurore affranchie des dérives
Du nombre vacuitaire engendrant des pantins
Fuir l'ivresse du nombre... © Mapomme



vendredi 14 octobre 2016

Sonnets. Le serment des Voraces

À Ken Loach


Les tapis déroulez et que les orgues tonnent
Exaltant les fastes des palais chargés d’ors
Les tableaux et statues ornant les corridors 
Sont le fruit des larcins d’une élite gloutonne

Pour plus accumuler il suffit qu’on ordonne
Qu’on rapine en taxant ceux qui suent sous l’effort  
Pour remplir à vomir les vastes coffres-forts
Des goinfres gueule ouverte à l’instar des gorgones

Un baronnet d’empire au blason tout récent
Aime assez marteler aux manants qu’il débauche
Qu’eux seuls sont les fautifs des erreurs du puissant

Il ne les emploie plus car pour s’emplir les poches
Il trouve ailleurs des serfs trimant pour vingt pour cent
Les manants sont gourmands voilà ce qu’il reproche
 Le serment des Voraces © Mapomme
d'après Honoré Daumier

jeudi 13 octobre 2016

Sonnets. Le tambour menant les spectres

Une peau humaine tendue sur un tambour
Mène en rythme au massacre une armée de fantômes
Barbare humanité qui chemine à rebours 
L’hystérie collective est ton sanglant symptôme

Qu’on batte le tambour qu’on rase murs et tours
Qu’on égorge tremblants ceux qui prient sous les dômes
Ivre le peuple va inassouvi vautour
En s’aspergeant de sang comme on s’enduit d’un baume

Martelez l’hallali au tréfonds de la nuit
Dans l’hécatombe humaine exaucez l’épouvante
Pour vomir de mépris sitôt que l’aube luit

L’idolâtre tambour mène une armée fervente
Spectres d’anges déchus aux principes enfuis
Car l’horreur reviendra aux ténèbres suivantes
Le tambour menant les spectres © Mapomme

mercredi 12 octobre 2016

Sonnets. Trahison du futur

On voudrait survivre dans toutes les mémoires
Poète ou simple ami par les siens remarqué
Même sans récolter quelque titre de gloire
Echappant au néant par son nom évoqué

Insuffisant sera le portrait des histoires
Qu’invoquent les amis aux réunions d’été
C’est un trop lisse à-plat qu’étale l’auditoire
Sans ce relief qui seul mène à la vérité

Il manque la part d’ombre et celle de lumière
Car on aime cacher le ridicule éclat
Des élans ingénus et des bonnes manières

Comme l’obscur honteux jamais ne révéla
L’animal souverain de nos pulsions premières
On va trahi dans les limbes sachant cela 
Trahison du futur © Mapomme 
 Avec l'aide de Rahotep



mardi 11 octobre 2016

Sonnets. Francesca Maria

Elle racontait souvent des fragments du passé
Une histoire en péril au bord du précipice
Combien d’Homère ont vu leurs récits effacés
Et l’on perdit les mots des odes fondatrices

Toujours les temps jadis d’oubli sont menacés   
S’ils n’ont été gravés au mur d’un édifice
Le récit nous captive et sitôt retracé
Par la voix et le geste on le croit des abysses

Sauvé Seuls demeurent quelques menus fragments
Du flot furieux des ans subissant les dommages
Se dissipe et l’on perd l’ultime testament

Maudit scribe oublieux ne rendant nul hommage
De ton calame oisif aux dits de grand-maman
Comment donc rassembler les confuses images
Francesca Maria © Mapomme 


lundi 10 octobre 2016

Sonnets. Kyrnos

C’est la montagne-mer entre vent et écume
L’écho d’azur où vont tritons comme dauphins
Le granit soupirant d’espérances posthumes
Et les myrtes mêlant aux genêts leur parfum

C’est le poids du passé des rancœurs des coutumes  
Une trame tissée de regrets des défunts
Du sang et des drames l’épée contre la plume
Et un chant pour prier que la nuit prenne fin

Ce sont des souvenirs gravés dans chaque pierre
Ceux que l’on a vécus et ceux qui sont contés 
La maison ancestrale où s’accroche le lierre 

C’est un imaginaire et la réalité
Un rêve sur la grève un dessin de poussière
Que la vague ou le vent s’en viennent déliter
Kyrnos © Mapomme 


dimanche 9 octobre 2016

Sonnets. L’ivresse de Léthé

J’ai bu des soirs entiers mon courage à deux mains
Avalant l’élixir de l’oubli sans limites
Car l’avenir radieux n’est rien d’autre qu’un mythe

Sans cesse le bonheur est remis à demain

Si encor on trouvait une peau de satin
Pour croire à la douceur d’un trop bref armistice
Pour puiser dans des yeux les serments d’un solstice
Pour achever l’hyver et renaître au matin

L’eau rouge du limon et la crue en été
Ramenant l’Âge d’Or d’une saison unique
Avant qu’un dieu jaloux semeur d’iniquité
Créât le froid la faim sans jardin édénique
La mort et la guerre richesse et pauvreté

Je bois non la ciguë mais l’oubli hédonique
L'ivresse de Léthé © Mapomme
 avec un coup de paluche de Cranach L'ancien
  


Sonnets. Labyrinthes sans issue

Les hommes se plaisent à dresser des barrières
Entre eux La religion la langue la couleur
Ou toute altérité motif d’humeurs guerrières
L’humanité se plaît à causer ses douleurs

Près du chaudron haineux en leurs années premières
Les enfants apprennent de mauvaises valeurs  
Loin de l’enseignement du Siècle des Lumières
Allant sur un chemin d’interdits de malheur

On prescrit aux enfants où choisir leurs amis
Où trouver leur amour selon les origines
Faute de quoi ils sont à tout jamais bannis
On ne mélange pas cassoulet et tajine

Sur le chemin du cœur un dédale de murs
Dressent des interdits aux élans les plus purs

 Labyrinthes sans issue © Mapomme

samedi 8 octobre 2016

Sonnets. Lande

La mer est tourmentée Le vent bat la falaise
Seraient-ce les embruns ou un regret salé
Qui brille sur sa joue tel un secret malaise
Seul le vent d’automne sait où s’en sont allés

Les balades d’antan entre pins et mélèzes
Ou sur la lande à deux vers l’horizon voilé  
De dansantes brumes dans la campagne anglaise
Le vent d’automne a vu l’instant inégalé

D’un espoir né soudain d’un regard trop fugace
L’été l’a emporté et la lande est en deuil
Des souvenirs gisant dans la mer des sargasses

Si fragile est l’espoir qu’il sombre au moindre écueil
L’autre demeure ici dans le brouillard qui glace
Est-ce un embrun salé ou une larme à l’œil
 Lande © Mapomme


samedi 1 octobre 2016

Sonnets. Fleur du désert

À W.D.


Funeste est le désert et rares sont ses fleurs
Celles qui croissent là sont dotées d’une envie
De vivre et de se voir à ce milieu ravies
Car on veut les tailler pour leur plus grand malheur

En dépit des périls elles trouveront ailleurs
Un terreau plus fertile et une épaule amie
Loin de la barbarie que jamais on n’oublie
Bien qu’ayant pu se faire un avenir meilleur

Sublimes sont ces fleurs et de grâce comblées
Leur beauté intérieure irradie leur regard
Si bien que leur splendeur s’en trouvera doublée

Dans le ciel du désert puisant leur joie sans fard
Leurs iris scintillent d’étoiles assemblées
Que des dieux trop blasés boivent comme un nectar
 Fleur du désert © Mapomme


samedi 24 septembre 2016

Sonnets. L’ancolie des forêts

On regrette souvent un souvenir précis
Image magnifiée dont la perte est figée
Dans l’herbier mémoriel pensée ou bien souci
Dont la senteur n’a pu y demeurer piégée

Au détour des pages on trouve un spécimen
D’un ordinaire instant pris avec négligence   
Pourtant l’instantané montre un sincère hymen
Sans bruit et sans fureur à la calme émergence

Perdu au beau milieu d’orchidées de jasmins
D’hibiscus de lotus une ancolie sauvage
Ramassée par hasard sur le bord du chemin

Paraissait déparer l’exotique archivage
Je l’avais cueillie sans le moindre examen
Puisque ne venant pas de très lointains rivages 
Ancolie des forêts © Mapomme 

jeudi 22 septembre 2016

Sonnets. Janus bifrons

1 I’m free

J’ai quitté leur maison choisissant mon chemin
Et je vibre de joie d’aller seul enfin libre
Vivre ma vie c’est ça Un nouvel équilibre
Sans les liens du passé ni la peur de demain

Voyez je vole libre et je côtoie l’azur
Tel un bourdon d’été naviguant d’un vol ivre  
Sans ordre à recevoir mon être se sent vivre
Sans mendier l’illusion d’un avenir bien sûr

Jusqu’ici j’ai subi d’un fleuve le cours lent
Or je veux affronter les vagues et l’écume
Sur l’abysse marine bourlinguer en tremblant

C’est un parfum de mort que chaque marin hume
Pour percevoir la vie dans ses veines coulant
Comme l’ange ressent le gouffre sous sa plume


2 Le prêtre pur

Le temps est maraudeur car il nous fait les poches
En douce chapardant les souvenirs plaisants
Pour dérober l’image encor vive d’un proche
Nous laissant dédaigneux la monnaie du présent

J’ai horreur d’avancer sans grandes espérances
Sitôt que l’on foule le monde ténébreux
Des terres nouvelles chaque jour n’est qu’errance
Où croissent les chagrins sur un sentier scabreux

Les aubes s’embrument de pensées nostalgiques
Et l’on voudrait souvent marcher à reculons
En défiant le bon sens l’ordre chronologique

Et retrouver le temps où un simple ballon
Valait mille gadgets des temps technologiques
Remplaçant nos plumes par des ailes de plomb

 Janus bifrons © Mapomme

3 Les deux visages de Janus

Je suis Janus le dieu du passage et des portes
Représenté bifrons car je vois le passé
Mais aussi le futur et les destins tracés
Je suis maître du temps et des époques mortes

Je ne peux réprimer les soupirs sur la perte  
D’un temps qui a coulé en sable entre mes doigts
Et si l’aube nouvelle excita l’autre moi 
J’y vois aussi la mort et des landes désertes

Mon dualisme a fait que figé je demeure
Célébrant l’an nouveau et son progrès promis
Mais pleurant l’an passé et les choses qui meurent

Car le temps arrache les parents les amis
Et tout futur meilleur qu’on agite est un leurre
Je voudrais pourtant voir germiner ses semis

dimanche 11 septembre 2016

Sonnets. L’horloge chronicide

C’est un pays pluvieux qui dilue tous les rêves
Le Temps est déglingué car hier suit demain
Aujourd'hui se scinde en picosecondes brèves
Le présent en tyran impose le chemin

Demain s’avérait vaste et hier si ténu
Le présent s’est figé à cette immense table
Où nous buvons le thé amer d’un jour connu
Qui répète sans fin son cours inévitable

Nous mangeons nous buvons et nous meublons le vide
D’un verbe illusoire qui donne l’impression
Que nos vies sont comblées et nos nuits impavides

D’inassouvies envies crèvent de soumission
Sans aiguille l’horloge aide l’oubli perfide
Et dans ce temps figé que devient la passion
Montre sans aiguille © Mapomme 

samedi 28 mai 2016

Sonnets. Dans les plaines vides de sens

On s’échine à chasser nos obscures pensées
Taillant l’herbe folle de désirs insoumis
Traçant des chemins droits sans courbes insensées
Les galbes ébauchant des élans ennemis

Au bull nous entamons la jungle inexplorée
Car les fruits sauvages des esprits sont bannis
Une plate étendue vierge donc déflorée
Voilà le morne aspect d’un destin aplani

Nous discernons les monts lointains et enneigés
Cet empire interdit des dieux des temps antiques
Dont le pouvoir païen par nous fut abrégé

L’herbe repousse hélas nos souhaits extatiques
D’un vœu de sainteté toujours désagrégé
Nous chassons sans cesse des ardeurs sabbatiques
 
Dans les plaines vides de sens © Mapomme 


Sonnets. Jours de relâche

Une canne oubliée un fauteuil inoccupé
Les doubles volets clos et la télé muette
L’image pieuse au pied d’Éros en statuette
Un vieux meuble qui craque dont l’écho vient duper

La mémoire qui sait que le temps vient happer
Les récits d’un Antan où les joies la tempête
Pétrissaient les destins sans tambour ni trompettes
Dans l’argile des espoirs comblés ou bien râpés

Les chansons se sont tues près du vieux canapé
Vestiges mémoriels des soirs dansants des fêtes
Ces phares qui brillaient dans la nuit des défaites

À la porte d’entrée en vain on peut frapper
Les trois coups du début de la farce imparfaite
Vides sont les fauteuils de poussière drapés
 
 Jours de relâche © Mapomme

mardi 24 mai 2016

Sonnets. Camera obscura

Photo du temps perdu d’un beau jour de printemps
Quand rire était aisé sous un ciel sans nuages
Dans le T-shirt lapis qu’alors tu aimais tant
Délavé car tout s’use et on en perd l’usage

Je ne retrouve plus ce fragment d’un instant
Et je le cherche en vain dans mes sacs de voyage
Vers l’amer va le temps avec lui emportant
Tout ce qu’on a aimé nos beaux livres d’images

Qu’on a gravés à l’encre en couleur dans nos cœurs
Couleurs gaies de l’espoir que l’averse délave
D’une ondée adverse dispersant le marqueur

Dans le miroir de nuit on demeure l’esclave
De la photo perdue d’un bel avril menteur
Oubliée dans l’octobre humide d’une cave
 
Camera obscura © Mapomme 

samedi 21 mai 2016

Sonnets. Au rythme doux des vagues

Son corps pâle se cabre au rythme doux des vagues
Vagues de désir vague et des langueurs d’ailleurs
Des îles et des cieux sans horloge de Prague  
Sous les vents caressant des lendemains meilleurs

Ses yeux clos sous les flots vers les tropiques vaquent
Au gré de son esprit affranchi des frayeurs
Elle a quitté le nid et ses sombres cloaques
Pour suivre enfin le fil d’un instinct vadrouilleur

Par-delà la frontière emprisonnant les rêves
Des humains enchaînés sous l’obscur plomb du ciel
Pleurant l’or des soleils et la blancheur des grèves

Elle a laissé enfin les feux artificiels
Dans les flots libérée dansant avec les algues
Son corps pâle se cabre au rythme doux des vagues
 
Dansant avec les algues © Mapomme 


dimanche 1 mai 2016

Les 30 calamiteuses. Mortelles Tropiques

Le monde indifférent gronde de ses fureurs
Tandis qu’en nos prés verts la quiétude on savoure
Ici nos seuls combats se livrent sans horreur
Défendant un acquis avec peu de bravoure

Ailleurs rien n’est acquis sans ordre et liberté
Car les armes dictent leurs décrets sanguinaires
Depuis l’arc ancestral jusqu’au flingue importé
Ivres semeurs de mort depuis des millénaires  

On s’émeut au J.T. d’un quartier en pétard
Pour des autos brûlées pour des vitres brisées
Puis on passe au dessert car on est en retard
Insensible aux listes de mort banalisée

Les échos du canon ne nous parviennent pas
La guerre est si lointaine et donc peu inquiétante
Pas de quoi s’émouvoir ni gâcher nos repas
La vie ne vaut rien dans ces zones fourmillantes

Un gamin est tombé la face contre terre
Un PK à la main c’est la faute aux affaires
Un gamin est tombé loin des réseaux sociaux
Il n’a pas lu Voltaire il n’a pas lu Rousseau
 
Mortelles Tropiques © Mapomme 

samedi 30 avril 2016

Rimes de saison. Méditations de la tortue

Le fil de la pensée en ce monde agité
Dans les transports publics rend les rêves communs 
Les décors défilent pied au plancher comme un
Tableau abstrait tournant avec vélocité

Je marche chaque jour promeneur nonchalant
Spectateur assidu des changements infimes
De la nature mouvante et je trouve sublime
La feuille de chêne sur sa branche tremblant 

Au pas de la tortue je forge des images
Bouquets de mots sertis en des tons assortis
Taiseux dans le calme flâneur introverti
Perscrutant une idée sans cesse en braconnage

En lézard au soleil la lenteur m’avantage
Et l’empressé stressé passe à tombeaux ouverts
En loupant l’épervier partant du chêne vert
Les feuilles frissonnant tout près de l’ermitage

Le pas offre le temps de la méditation
À la tortue qui sort un jour de sa coquille
Et qui se carapate au milieu des jonquilles
Le pas exorcise l’emprise des passions
 
 Méditations de la tortue © Mapomme

samedi 23 avril 2016

Rimes de saison. Élévation

L’épervier s’élance dans l’air l’aile pesante
Avant de rejoindre l’azur immaculé
Comme lui le rêve s'escrime à décoller
Puis gonfle ses voiles vers les cimes grisantes

Où soufflent les brises fraîches et parfumées
Exhalées des rives de benjoin de santal
Tandis que s’étale  de verre et de métal
La ville aux tristes rues lits des vies embrumées  

Loin sous nos corps légers en pieuvre minuscule
Dont les tentacules ne peuvent menacer
Celui qui vers l’Éther aura pu s’élancer
Pour voir l’ersatz de vie aux désirs ridicules

Et ainsi a saisi l’irraison qui régit
Le navrant quotidien sans espoir de navire
Pour apaiser le spleen qui dans nos têtes vire
Sans horizon nouveau que le soleil rougit

Mais comme l’épervier laisse l’apesanteur
Le rêve s’interrompt et sur le sol se pose
Abandonnant l’ivresse et nos cœurs se nécrosent
Oubliant de l’ambre l’inégalée senteur
 
Élévation © Mapomme 


mardi 19 avril 2016

Rimes de saison. L’éphémérité de l’effet mérité

Parfois dans la quiétude on rencontre la grâce
Avec rien à ôter et rien à ajouter
Plume en équilibre indélébile trace   
Ignorant sur l’instant cette félicité

Vespéral silence rêveur sur la terrasse
Dans le chant des oiseaux qui encensent l’été
Avec le lac placide et la vue qui embrasse  
Les vergers de la plaine aux bataillons fruités  

Ou un film affalé sur le vieux canapé
Avec deux trois amis en avalant sur place
Une pizza livrée et sans jamais zapper
En oubliant l’heure qui discrètement passe

On ne comprend qu’après lorsqu'on se trouve happé
Par le morne ordinaire et le spleen qui nous glacent
Que l’envolé moment ne peut se rattraper  
Que la grisaille on doit souffrir de guerre lasse  

La furtive magie sitôt sentie s’efface
La conscience détruit l’éphémère beauté
 
L'effet mérité © Mapomme  

dimanche 17 avril 2016

Rimes de saison. Le monde est un matou dormant sur un coussin

En boule est le monde ce ronronnant matou
Mais il ne rêve plus et les dangers oublie
Il manque un aiguillon pour l’éveiller sur tout   
Pour sans cesse piquer sa conscience affaiblie

Il est des érudits des savants reconnus
Agitant les drapeaux d’aubes d’Apocalypse
Leurs discours trop abscons n’effraient pas l’ingénu  
Rétif à l’antithèse et à la paralipse  

Les besogneux de l’art pour joindre les deux bouts
Ne doivent pas raser un public indocile
On ne peut attendre  de les voir vent debout
Dénoncer la folie d’un sommeil imbécile

L’artiste seul pourra en usant de beauté
Celle d’une photo d’un tableau d’un poème
Questionner le dormeur le faisant sursauter
Pour éviter l’instant de la chute suprême

Sans beauté nul n’entend les chutes rugissant
Mais le chant des sirènes
Le monde ne sent pas l’Abîme menaçant
Où son dédain l’entraîne
 
Le chant des sirènes © Mapomme 

jeudi 14 avril 2016

Les 30 calamiteuses. Il suffit du refus d’un homme encor debout

Rien ne sert de brûler les poubelles des rues
Si croissent les ordures bien grasses et repues
Rien ne sert de hurler face aux murs élevés  
Sans percer cet abcès qui nous fera crever

Sans un grand horloger l’horloge se déglingue
La violence du fric et la fureur des flingues
Font résonner l’orage au cœur de nos cités  
Brisant le mensonge de la félicité

Les enragés sans cap nous frappent nous molestent
Ayons la plume prête et trouvons les mots lestes
Les arts sont des armes et la rime un rempart
Plantons dans les esprits nos idées tel un dard  

Levons nos poings serrés sans lâcher notre plume
Pour que frappent nos mots plus pesants qu’une enclume
Il suffit du cliché d’un seul homme dressé
Pour que l’Espoir brisé cesse de régresser

Il suffit d’un refus et sa flamme s’allume
 
Un seul homme debout...© Mapomme 


dimanche 3 avril 2016

Les 30 calamiteuses. Sous nos yeux insoucieux

Sous le bruit de nos pas la fourmi creuse et trime
Sans un rai de soleil un ciel à conjurer
Sans un écrit sublime ou la magie des rimes
Sans les constellations pour le temps mesurer

Tandis qu’en dieux mortels nous foulons les alpages
Leur vie n’est que labeur dépourvue de plaisir
Sans rêves de clippers de vaillants équipages
Sur l’abysse apaisant un périlleux désir

Tout un peuple est exclu des brises parfumées
Provenant des prairies des champs et des vergers
Pas d’horizon lointain de montagne embrumée
Mais l’odeur de terre qui vient les submerger  

Nous allons insouciants dans l’herbe ensoleillée
Habillés à bas prix car triment les fourmis
À l’abri des regards leurs peines mal payées
L’égoïsme a soumis nos esprits endormis
 
 Sous nos yeux insoucieux © Mapomme

samedi 2 avril 2016

Rimes de saison. Sans le nectar de la Mer de lait

Le bleu lapis décroît en brumes vespérales
À l’heure où on l’effeuille en pétales d’espoir
La brise de terre sous les nues sidérales
Fait frémir l’herbe folle en apsara du soir

Les oiseaux font silence et vient l’heure paisible
De la méditation du bilan quotidien
Sans pyrite du jour dont l’éclat d’or risible
Aveugle l’empressé sous les feux méridiens

Souvent quand l’ombre va sans bruit à la lisière
Du jour et de la nuit encre en l’eau diluant
Sa noirceur infinie je regarde en arrière
Les pétales pourris d’espoirs non concluants

Les années ont creusé des ornières profondes
Que les soleils des jours au grand jamais n’inondent
Nos monuments déserts sont couverts d’or immonde
Te souviens-tu du miel des aubes Rosamonde
 
Sans le nectar de la Mer de lait © Mapomme 


vendredi 1 avril 2016

Rimes de saison. Ondée purificatrice

Si seulement la pluie pouvait laver la Terre
Et la mélancolie infondée de nos cœurs
Pluie céleste versée d’aériens baptistères
Chassant des songes vains les amères liqueurs

Que nos édens perdus nos espoirs de Cythère
L’Âge d’Or qu’ont vanté d’antiques chroniqueurs
Comme une fange ôtée par la pluie salutaire
Quittent nos peaux souillées par ces mondes truqueurs

Nous avons tant gâché d’instants si importants
En ombres sans substance et en reflets trompeurs
Que nous devons bénir cet orage éclatant
Qui lavera l’esprit d’inutiles torpeurs
 
En chassant nos démons aux années résistant
Nous verrions le présent délivrés de nos peurs

Si seulement la pluie pouvait laver nos cœurs
 
 Ondée purificatrice © Mapomme

Sonnets. Pluies d’avril

Il pleut dans le jardin Une pluie de printemps
Pleurant en onde triste Oh larme sur la vitre
Comme un saumon revient vers les premiers chapitres
À contrejour contrecourant et contretemps

Je buvais un café au mois d’avril pluvieux
Attendant ta venue j’écrivais un poème
Dans les habits marins d’un faux Corto bohème
Dont les rêves d’ailleurs s’arrêtaient au port-vieux

Je ne me voyais pas quarante années plus tard
Buvant un café seul en ma propre demeure
Un jour d’avril semblable et sans divin retard
Pour me faire patienter un triste après-midi

Les battements de cœur avec les ans se meurent
Et les espoirs d’avril sont à jamais maudits
 
 Pluies d'Avril © Mapomme


samedi 26 mars 2016

Sonnets. Rencontres fortuites

Je croise assez souvent des gens intéressants
Dont la conversation est un instant de grâce
Leur voix leurs mots sensés laissent en moi leurs traces
Quand ils sont emportés par le flot incessant

Puis je reprends le cours insipide des jours
À subir des fâcheux et les dix plaies d’Égypte
Cet agaçant essaim suçant jusqu’en la crypte
La moelle de nos vies en ce mortel séjour

Que n’a-t-on des bateaux chargé les importuns
Pour les mander au loin vers des îles désertes
Où ils s’assommeraient de leur vain baratin

Pour ne plus les ouïr les yeux je clos alors
Je m’enferme en mon âme à la mémoire offerte
Des bons moments fortuits ouvrant le livre d’or
 
Les dix plaies de l'Egypte © Mapomme


Les 30 calamiteuses. Jour d’avant Pâques

Dix heures du matin Des coups de feu résonnent
Des coups de feu festifs pour la célébration
Très méridionale qui chaque fois m’étonne
Lorsque des voisins fêtent la Résurrection

Si seulement nos morts par une aveugle lame
Cruellement tranchés bien avant les moissons
Pouvaient ressusciter depuis l’enfer des drames
Et sécher les larmes que pour eux nous versons

Notre repas pascal serait bien plus allègre 
En voyant revenir les blés fauchés trop tôt
Meilleur serait le gras après ces jours de maigre

Le vin de nos verres chassant nos lamentos
N’aurait pas de faux-goût un je-ne-sais-quoi d’aigre 
Un lourd soupçon du deuil des blés fauchés trop tôt
 
Le jour d'avant Pâques © Mapomme