samedi 30 avril 2022

Amères Chroniques. Rien ne se crée sur Terre où tout est éprouvé

Il n’est pas d’invention qui ne soit enfantée
Sur des milliards d’années de lente évolution ;
Par l’avide appétit la Terre est violentée
Éventrée et livrée à une exécution.

Campagnes et cités sans fin sont cimentées
Aux rues néonisées de lumen pollution ;
L’opinion sait tout ça mais fort désorientée
Reste sur cette voie sans autre solution.

Si tous les bâtiments imitaient la Nature
Avec des rues ombrées de couverts végétaux
Luminescentes voies et sobre architecture

La Terre irait bien mieux. Nos intérêts vitaux
Tanguent au bord du gouffre et l’humain immature
Snobe un point capital mais pas les capitaux.

Au bord du gouffre © Mapomme

Élégies. Vieille rosse en son pré

Vieille rosse en son pré cherchant une herbe tendre
Je traîne sur mon dos un bât de souvenirs.
Hors des espoirs fanés je n’ai rien à attendre :
Je ne puis que fléchir certes point rajeunir.

On m’a abandonné près de mornes méandres
Sous des eucalyptus censés tout assainir ;
J’aimerais ressortir poulain prêt à hennir.

Mais les flammes des jours assez peu débonnaires
Entament mon vieux cuir et mes os douloureux
Et la mélancolie est vile tortionnaire.

Ce que le fleuve emporte en son flot vigoureux
- Que tempêtent les cieux que claque le tonnerre -
Ne peut plus revenir : adieu jours savoureux !

Je regarde vers l’est : l’horizon visionnaire
Conte un terne avenir fait de temps rigoureux.

Vieille rosse en son pré © Mapomme

vendredi 29 avril 2022

Amères Chroniques. Un incendie barbare embrase l’innocence

On a longtemps vécu au sein de l’insouciance
Sous des cieux d’azur pur sans orages lointains
Tout allant pour le mieux sous l’aile de la Science ;
Ne restent que ruines du fier Mont Palatin.

Les espoirs qu’a semé l’aube à la renaissance
Dépeignaient l’avenir qu’on tenait pour certain ;
Arts et progrès extraits d’exquise quintessence
Ont depuis enivré nos esprits enfantins.

Puis un jour anodin le rêve se fracasse
Parce qu’il était trop beau pour de sots tâcherons
Que la joie dans nos yeux désappointe et tracasse.

Alors ils feront tout et tels des bûcherons
À la hache abattront l’espoir trop perspicace
Arbre monté aux cieux qu’heureux ils coucheront.

Loin de la barbarie prostrés sur l’Aventin
Nous verrons s'embraser la défunte innocence.
Un incendie barbare embrase l'innocence © Mapomme

mercredi 27 avril 2022

Amères Chroniques. Dans le lit de la rue coule un torrent de haine

L’ultime tragédie nourrit l’imaginaire :
Des guerres jaillissant d’héroïques romans
Et du film aux héros tout d’abord ordinaires
Que désormais connaît un peuple en les nommant.

Puis fini le roman ce conflit sanguinaire
Est bien vite oublié et on ne sait comment
Est née cette folie ; quel propos liminaire
Mit le feu à la poudre à un factieux moment.

On oublie les héros leurs dernières paroles
Les rêves les menant au feu sacrificiel
Quand le danger crachait d’infectes fumeroles.

On oublie la folie du chef providentiel
Vociférant sa haine en longues banderoles
De la gloire nimbée de feux artificiels.

Ce monstre c’était toi ô peuple démentiel
Que ronge ses erreurs - incurable vérole !
Coule un torrent de haine (1934) © Mapomme

lundi 25 avril 2022

Amères Chroniques. La faim que rien n’efface

Qui a connu la faim jamais plus ne l’oublie
Pas plus qu’un père absent la guerre ou bien la mort.
Ces plaies aucunement ne seront abolies ;
Même libre elle sent la torture du mors.

Les chaînes du passé incessamment la lient
Des fantômes hantant les ruines du remords ;
La splendeur d’une étoile accablée et pâlie
Apporte-t-elle encor un brin de réconfort ?

Dans un rire un regard habite une tristesse
Car le bonheur trouvé ne pourra empêcher
Qu’il s’enfuit frémissant la prenant de vitesse.

Consoler la misère est un chaste péché
Puisqu’au fond d’elle-même avec délicatesse
Une enfant affamée persiste à s'accrocher.
La faim que rien n'efface © Mapomme

dimanche 24 avril 2022

Amères Chroniques. Le mensonge est aisé s’il disculpe un puissant

Quand l’innocent est pris dans un fol engrenage
Rien ne peut le sauver pas plus diables que saints.
Dans l’écume entraîné à grand-peine il surnage
Cherchant l’air de la vie sans nul autre dessein.

Le hasard pernicieux livre un pur personnage
À la rage du peuple allant tel un essaim
Bourdonnant de fureur et ivre de carnage :
Qu’importe la raison si sonne le tocsin.

Pour sauver un ministre on livre un capitaine
Et la Grande Muette approuve un tel verdict ;
La haine court les rues tel un Croquemitaine
Faisant du vertueux un malheureux convict.

J’ai connu la rigueur sur l’île moins lointaine
Sondant ce que Dreyfus a connu en plus strict.
Le mensonge est aisé s'il disculpe un puissant © Mapomme
d'après Meyer pour le Petit Journal 13.01.1895

samedi 23 avril 2022

Élégies. Tel un gardien du temple

Chez moi je garde tout le mauvais et le bon
L’ancien et le récent vieilles lettres et livres.
C’est comme si le temps n’était plus vagabond
Et que tout conserver allait m’aider à vivre.

La vie est un torrent où les ans furibonds
Coulent entre mes doigts indomptables et ivres.
Stocker les souvenirs les instants moribonds
M’en rend maître apparent libre ou non de poursuivre.

Du grenier à la cave un amas de papiers
Somnole dans l’oubli voulant simplement dire :
« J’ai vécu ces moments même vieil estropié
Et autrefois leurs ors dans mes yeux resplendirent ! »

Sur des vieux souvenirs un ancien équipier
Livre un si laid récit qu'il me fait le maudire.
Du grenier à la cave un amas de papiers © Mapomme

vendredi 22 avril 2022

Amères Chroniques. Maîtres de l’illusion

Du mal peut naître un bien de l’ombre un feu solaire ;
Tout mensonge comporte un peu de vérité
Et l’évidence cache une visée moins claire ;
Qui dans le vrai se croit du faux a hérité.

Chacun aimerait tant que les glaces polaires
Cessent enfin de fondre avec célérité ;
Il est pourtant un fait qui ne peut que déplaire :
La Terre a jadis nuit sans qu’on l’ait mérité.

Un volcan répandra un nuage de cendres
Modifiant pour longtemps tous les courants marins.
Il n’est pas de Césars et pas plus d’Alexandre
Maîtrisant tout sur Terre : que des vains tartarins.

Écoutons cependant les modernes cassandres
Qui ne pourront dompter les chaos souterrains.
Les chaos souterrains © Mapomme

jeudi 21 avril 2022

Amères Chroniques. Jeunes Atlas portant tout le poids de la Terre

École de demain de quoi sera-t-il fait ?
On apprend aux enfants la peur et la détresse
À l’âge où on jouait sans songer aux effets
Chamboulant la Nature. Or maîtres et maîtresses

Accablent de soucis ces jeunes portefaix
Marchant le dos courbé dépouillés d’allégresse ;
Au même âge impatients on rêvait et piaffait
De vivre un avenir tout empli d’allégresse.

Éveiller les esprits montrer qu’on est acteur
D’un immense théâtre avec un obscur rôle
Mais voir de l’ample scène un bien maigre secteur
Leur vend le rêve vain d’en avoir le contrôle.

Apprends-leur à agir sur certains des facteurs
Mais laisse-leur le goût de rire aux choses drôles.

La Croisade des Enfants © Mapomme
d'après Martin Papirowski

mercredi 20 avril 2022

Amères Chroniques. L’obscur paraît au jour

En tout être se love une pulsion obscure
Qui demeure ignorée tel un fauve assoupi
Dans un antre profond. Son absence procure
Le sentiment trompeur d’un éternel répit.

Ici-bas nulle paix n’est permanente et sûre
Et l’instinct carnassier germe tel un épi
Quand l’animal bondit pour porter sa morsure
Fatale sur la proie d’un sauvage dépit.

La barbarie dormait dans l’encre de l’abîme
Sombre qui n’est perçu qu’aux seuls feux du soleil ;
On voit l’obscur au jour déchirant sa victime.

Les ténèbres semblant dans un profond sommeil
Habitent l’ange pur dans ses secrets intimes ;
Toujours il nous faut craindre un imprévu réveil.

L'obscur paraît au jour © Le Caravage

mardi 19 avril 2022

Élégies. Peindre une fleur flétrie

Une épouse artiste ne peut peindre un portrait
Car d’âme dépourvue : comment saisir la flamme
Qui seul anime un homme et en fait son attrait ?
« Peignez plutôt des fleurs ! » disait Ingres aux femmes.

Représenter des fruits des champs ou des forêts
- Mais surtout pas un nu indécent et infâme -
Sont de chastes sujets seuls dignes d’intérêt
Qu’un esprit féminin honnêtement réclame.

Heureusement pour nous brisant les interdits
Des femmes ont sculpté et tracé d’autres thèmes
En révolutionnant les arts d’un cœur hardi.

Il faut parfois du temps pour abattre un système
Où de rampants complots sont mûrement ourdis
Pour que la peintre expose iris et hélianthèmes.

Repas aux iris flétris © Mapomme
d'après Marie Bracquemond

Amères Chroniques. L’effroi hantant nos rêves

C’est une crainte sombre au sein des rêves clairs
Un espoir de bonheur qu’on fabrique à la chaîne
Un bonheur qu’assignent à la plume des clercs
Et qui va nous lier pour les années prochaines.

Une blanche maison se dressant vers les airs
Une terrasse à l’ombre avec vue sur la plaine
Un jardin qui jadis n'était rien qu'un désert
Et des enfants qui jouent criant à gorge pleine.

Mais la peur de tout perdre avec la récession
Le chômage un divorce ou bien encor la guerre ;
Un effroi qui nous hante et frise l’obsession.

Souvent quand nous rions lors d’apéros grégaires
Dans l’ombre de l’acquis se love l’impression
Qu'on pourrait se trouver plus pauvres que naguère.
L'effroi hantant nos rêves © Mapomme
d'après Romaine Brooks

lundi 18 avril 2022

Élégies. Œuvres en maison closes

Pauvres Muses voyez : les Arts se prostituent !
Ôtés des ateliers pour de cossus salons
Méprisant la beauté sans cesse ils instituent
La valeur mercantile en seul maître-étalon.

Fouettons les marchands qui souvent s’habituent
À encombrer le temple où badauds nous allons
Où le prix compte plus et l’émotion est tue ;
Le laid devient le beau et d’or sont ses galons.

La riche déraison pour un tableau enflamme
Comme si un shaman au pouvoir envoûtant
Poussait le milliardaire à une enchère infâme.

Quand crève l'affamé dans l'oubli dégoûtant
Ce sont tous ces abus que les journaux acclament.
Une chose m’intrigue en ces temps déroutant :

Pourquoi voit-on si peu d’œuvres de peintres femmes ?
Remises et recoins en regorgent pourtant.
Pourquoi voit-on si peu d'œuvres de peintres femmes ? © Mapomme
d'après Suzanne Valadon

dimanche 17 avril 2022

Élégies. Visible et invisible

Visible ou invisible : où est la vérité ?
Quelle âme n’aurait pas sa face ténébreuse ?
Portrait quand je te vois montrer ta nudité
Je cherche en ton regard une expression fiévreuse

Une angoisse profonde ou la témérité.
De ma quête les voies changeantes et nombreuses
Me font investiguer quelque timidité
Ou quelque avidité d’une ombre dévoreuse.

Vénus ou courtisane épouse sans soupirs
Ou bacchante éperdue de nuits de démesure
Quel secret dans tes yeux est apte à s’assoupir.

Quel voile embrume un bois qu’un proche été azure ?
Quelle force dans l’ombre est venue se tapir
Source de blessures de muettes brisures ?

Visible et invisible © Mapomme
d'après Edouard Manet

samedi 16 avril 2022

Amères Chroniques. Vers l’Abîme incertain

Né du limon fécond tel un phénix des cendres
Cycliquement paraît un sauveur nimbé d’or
La poitrine gonflée du mensonge de rendre
Le prestige envolé des rois conquistadors.

Son casque n’est en fait qu’un simple pot de chambre
Et les moulins l’envoient valser dans le décor ;
Se relevant meurtri il se tâte les membres
Et n’a que contusions sur l’ensemble du corps.

Couronné tel un roi le front orné d’épines
Des ronces il surgit tel un vivant martyr
Et sous son front sanglant un regard l’hallucine.

Peuple déconcerté inclinant à sortir
Des chemins de raison dès qu’un tribun fascine
À sa folie doit-on toujours se convertir ?

Vers l'Abîme incertain © Mapomme
d'après Jean-Léon Gérôme

jeudi 14 avril 2022

Élégies. Chien se mordant la queue

Quiconque a chassé Dieu s’est livré au hasard
Lequel fait prendre peur et quérir d’autres maîtres ;
La République seule étant un vrai bazar
Au progrès et la science il fallut se soumettre.

Mais les savants ne sont souvent que des thésards
Apprenant tout sur tout et semblant peu connaître ;
Le progrès asservit et nous restent les arts
Qui pour toute âme sont les ultimes fenêtres.

De l’art au désespoir il y a vraiment peu :
Or il faut un espoir comme raison de vivre
Dans la Nation servie par des discours pompeux.

Dans les pas d’un tyran on voit des peuples suivre
Une hasardeuse voie dans le sauve-qui-peut
Ou alors prier Dieu qui du hasard délivre.

Le fruit du hasard © Mapomme

Élégies. Sous le pommier d’Éden

On a passé vingt ans à trimer tels des chiens
Et sortis du boulot en joyeuses picoles
À taper le carton en duo cézannien
Sans le sérieux figé des vieux maîtres d’école.

Nous avons eu le bol se crevant au turbin
D’être de vrais amis doctes dans la déconne
De vivre en harmonie loin des centres urbains
Piquant à Cyrano sa faconde gasconne.

Sous le pont d’Aléria comme eaux coulent les ans
Féaux du temps sournois qui à pas feutrés sapent
Printemps été santé dont on nous fit présent.

Nous fûmes séparés par un fourbe satrape
Tout vêtu de vertu aux abus se plaisant ;
Puis la Camarde un jour à notre porte frappe…

Sous le pommier d’Éden mon pote âgé dors-tu ?
Souffre-t-on nos excès ? Admet-on nos vertus ?

Sous le pommier d'Eden © Mapomme
d'après Paul Cézanne

mercredi 13 avril 2022

Élégies. Siècle si infécond, vainement je te rime !

Je suis un paysan à l’échine voûtée
Harassé par les ans et les constants labours
Qui sème des idées hélas non écoutées
Vilipendées bridées et prises à rebours.

Mais stérile est le champ où l’eau s’est écoulée
Où sans cesse bêchant l’âme et le dos bien lourds
Chaque jour je trime soumis aux giboulées
Pour semer des rimes ; mais les cieux restent sourds.

Parfois la glaise colle à la pioche et la bêche
Par l’alcool picrochole et l’entrain en déclin ;
Je m’abîme les mains sur le manche trop rêche
Et reprends le chemin de rêves orphelin.

Moi l’amer laboureur je rime comme on prêche
Infécond discoureur sous des cieux sibyllins.
Siècle si infécond, vainement je te rime © Mapomme

mardi 12 avril 2022

Amères Chroniques. À force d’hamburgers nous épuiserons l’eau

Tout arbre est un shaman de pluie l’invocateur ;
Une forêt qui meurt concourt à notre perte
Entraînant un effet vaste et dessiccateur
Sur la terre privée de sa canopée verte.

L’élevage intensif — diable exterminateur
Fera pomper les eaux comme une mine ouverte
Sous l’horrible appétit de vils profanateurs
Épuisant la richesse aux seuls profits offerte.

Puis de vastes déserts pour dix mille ans à sec
Laisseront des humains aveugles et stupides
Juger l’absurdité de ce tragique échec.

Errant sans nul espoir d’une source limpide
Et mesurant le poids de l’abus de bifteck
Ils verront s'éteindre l'humanité cupide.

A force d'hamburgers... © Mapomme

dimanche 10 avril 2022

Amères Chroniques. Il manquera toujours un des douze travaux

Le peuple est une hydre qui adore abhorrer
Une idole pâlie qui attisait sa flamme
Et sur ses choix d’antan il préfère ignorer
Qu’il a seul mérité l’ensemble de ses blâmes.

Un versatile enfant aime détériorer
Le jouet que vantait l’obsédante réclame ;
Son quotidien croit-il sera amélioré
Par un gadget nouveau tel un baume sur l’âme.

Comment apprivoiser un monstre aussi changeant
Dont la tête coupée repoussera sans cesse
Dans l’absurde combat vain et décourageant ?

Il lui faut du nouveau qu’aussitôt il rabaisse
Et cherche dans l’ancien s’il n’est rien d’émergent
Que huit têtes sur neuf très promptement délaissent.

Rien ne satisfait l’hydre et tout est dérangeant :
Si notre monde avance il juge qu'il régresse.

Il manquera toujours... © Mapomme
d'après Gustave Moreau et Louis Jacquesson de la Chevreuse

samedi 9 avril 2022

Élégies. Gloire à l’ardent Nadar, né Félix Tournachon !

Le soleil ou la nuit voilent de profusion
Car un jour sans ombre n’est plus que platitude
Et l’inverse un tyran régnant par l’exclusion
L’empire de l’obscur ôtant nos certitudes.

Sculpte-t-on jour et nuit par magique illusion
Comme au marbre on donne gloire ou turpitude ?
Au temps où la photo faisait son intrusion
Le modeste amateur mimait l’exactitude.

Puis un dessinateur las de tous ces clichés
Singeant des artistes sans profondeur ni flamme
Voulut leur donner vie en allant dénicher
Dans l’éclat d’un regard leurs espoirs et leurs drames.

Jouant d’ombre et lumière excluant de tricher
De nos génies d’antan Nadar sut montrer l’âme.

Sarah Bernard à l'âge de 20 ans © Mapomme
d'après la photo de Félix Nadar

Amères Chroniques. Nous savons qu’ils savent que nous savons qu’ils mentent

(Titre emprunté à Alexandre Soljénitsyne)

Les réseaux asociaux qui relient les esprits
Enchaînent la pensée à de sombres chapelles
Et pour la vérité ont le plus grand mépris
Semant des boniments sur le Net à la pelle.

Le vrai est-il bien vrai ? Tout ce qu’on nous décrit
Serait-il illusion qu’un pouvoir nous martèle ?
Ce doute est instillé sans arrêt et sans cris
Par de cyniques posts qui aux bobards s’attèlent.

Convaincre est inutile alors qu’il faut semer
Simplement le soupçon par le flot des mensonges
Cancer des convictions qu’il cherche à entamer.

Cet acide violent d’un jour sur l’autre ronge
L’acier démocratique et s’en vient proclamer
Qu'un tyran chasserait la brume où on nous plonge !

Nous savons qu'ils savent que nous savons... © Mapomme

vendredi 8 avril 2022

Élégies. Sous le charme du suc d’une pensée d’amour

Quel est ce charme obscur rendant clinquant un cuistre
Et quel suc sur l’œil clos fait aimer le nigaud
Qui méprisant le luth préfèrerait le cistre ?
On l’a vu opérer à tire-larigot

Sur Roxane entichée d’un béotien sinistre
Inapte à composer de simples madrigaux
Dont les seuls points de vue ont un bourgeois registre
Misogyne et formel qu’apprécient les nigauds.

Esseulé sur une île où le cœur robinsonne
Je ne veux Vendredi mais quelque Titania
Fée des songes de nuit pour combler ma personne ;
Mais la voilà charmée sous l’asinomania.

La vie est vraiment songe et si l’esprit raisonne
Le cœur est un rébus : triple âne qui le nia !

Sous le charme du suc d'une pensée d'amour  © Mapomme
d' après un tableau de Paul Gervais

jeudi 7 avril 2022

Amères Chroniques. La conscience amollie

On s’habitue à tout à la bêtise humaine
À des peuples repus mais toujours mécontents
Râleurs invétérés impies catéchumènes
Dont les couplets nous sont connus depuis longtemps.

Ils se croient omniscients pointus en tout domaine
Et coucous dans le nid n’ont jamais leur comptant ;
Les décennies passant grandit ce phénomène :
Tout subside apporté navre par son montant.

L’égoïsme ronchon a-t-il toujours sa place ?
Quand tonne le canon au tout proche horizon
Regarder son nombril est alors dégueulasse
Aux souffrances d’autrui s’avérant trahison.

La conscience amollie que cette guerre lasse
Ne peut plus espérer la moindre guérison.

La conscience amollie © Mapomme

mercredi 6 avril 2022

Amères Chroniques. Printemps, quand viendras-tu ?

La ténébrosité bruissante de fureur
Dans le vol onirique — oh ! la fugace trêve
Quand se terre en les bois quelque oiseau murmureur.

Dans les champs printaniers des fleurs attrape-rêves
Se parent d’éclats d’or — soleils avant-coureurs
Sur les brins d’émeraude où nos espoirs s’élèvent
Illuminant enfin un morne avril pleureur.

À quoi riment nos vies rythmées de longues crises ?
L’hiver n’en finit pas et nous désespérons
De voir le temps filer sans aucune maîtrise.

Car nous riches d’espoirs lassés nous obérons
De radieux horizons accablés d’aubes grises ;
Pourtant sur l’étang plane insouciant un héron.

Printemps quand viendras-tu pour qu’enfin s’électrisent
L'azur comme nos yeux sans canons ni clairon ?

Printemps, quand viendras-tu ? © Mapomme

mardi 5 avril 2022

Amères Chroniques. Les phalanges barbares

On condamne un tyran qui use de violence
Pour s’emparer du bien possédé par autrui.
Le pays justifie l’acte avec insolence
Se fichant de laisser bourgs et cités détruits.

En d’autres temps bien sûr dans le plus grand silence
On prit des colonies leurs plus merveilleux fruits ;
Ça prouve simplement qu’une ample vigilance
S’impose à la razzia par force ou à bas bruit.

Des mouvements violents menés par les extrêmes
De Trente-Quatre à ce jour rêvent de renverser
Les élus désignés par un vote suprême.

Les peuples trop souvent préfèrent se bercer
Du rêve de pouvoir se gouverner eux-mêmes :
Un pouvoir dilué se peut-il exercer ?

D’autant que peuple ingrat nous aurions un problème :
Remplir de notre État le grand tonneau percé.

Les phalanges barbares © Mapomme

lundi 4 avril 2022

Amères Chroniques. D'où viennent ces ténèbres ?

On croit trouver pour tout quelque voie rationnelle
Expliquant le chemin menant au vil excès :
Cette quête est pour nous quasi obsessionnelle
Qui tiendrait à crever à tout jamais l’abcès.

Comment peut-on quitter la flamme originelle
Pour la noirceur profonde et l’oubli des versets
En se livrant soudain aux furies criminelles
Pour tuer un semblable sans forme de procès ?

On oublie trop souvent que tout agneau en horde
Deviendra sans faillir aussi cruel qu’un loup
Qui par force vivait un rêve de concorde.

Le nombre est malfaisant et le troupeau jaloux
Diluant ses péchés et sa miséricorde
Notion dont le contour dans l'ombre devient flou.
D'où viennent ces ténèbres ?  © Mapomme

dimanche 3 avril 2022

Amères Chroniques. Charles, puis-je encor être ivre de poésie ?

Muse comment tremper ma plume dans du sang
Et pouvoir m’enivrer de vaine poésie
Quand je subis la vue du spectacle indécent
De civils abattus dont mon âme est saisie ?

Comment trouver un sens aux spectacles récents
De charniers découverts véritable hérésie
Quand on croyait éteint un enfer renaissant ?
Quand des hordes sans frein tuent avec frénésie ?

Il faut donc se pincer pour croire à ce qu’on voit
Car un pays des arts pille viole assassine
Quand la meute jaillit des enfers par convois.

Pourrait-on de ce mal extirper les racines
Les ôter de la Terre et brûler leurs pavois ?
Renaîtra-t-il des fous que ces horreurs fascinent ?

Charles, puis-je encor être ivre de poésie ?  © Mapomme
d' après une huile de Gustave Doré

Amères Chroniques. Tandis que les champs brûlent

Au bord du précipice un chat tutoie le vide
Certain de son adresse au mépris des dangers ;
Sa face fait songer à ces sphinx impavides
Bordant l’immense allée où on les a rangés.

Devant lui la souris s’écrie : « Au raticide ! »
Et sans un prompt secours sent qu’on va la manger ;
À l’orée du trépas — il faut être lucide
Peu lui chaut que plus tard on vienne la venger.

Dans la grange le chat fait tomber une lampe
Et le feu enflamme les planches et le foin ;
Comme brûlent les champs notre matou décampe
Et s’enfuit mécontent au plus vite au plus loin.

Mais un capibara rongeur d’une autre trempe
S’en vient croquer le chat et des souris prend soin.

Lorsqu’un danger nous met un flingue sur la tempe
Il nous faut du secours et non pas des témoins.

Tandis que les champs brûlent © Mapomme

samedi 2 avril 2022

Amères Chroniques. Hantise des dodus

Dès qu’une crise pointe et qu’on sort du traintrain
Les supers sont soudain envahis de zombies ;
Craignant de se trouver demain dans le pétrin
Les rayons sont vidés par la meute ébaubie.

On se voit dans le mois à une diète astreint
Se ruant sur le lait l’huile et autres lubies ;
À des rationnements s’imaginant contraint
L’Occident a du manque une sainte phobie.

Alors le vernis craque et revient l’animal
Prêt à se déchirer pour du papier toilette
Et sans raison versant un long flot lacrymal.

La chambre des amis bourrée de ces emplettes
Devient un entrepôt dans un effroi primal
Des pénuries hantant nos sociétés replètes.

Hantise des dodus © Mapomme

vendredi 1 avril 2022

Amères Chroniques. À la foire du Trône

Tous les bonimenteurs à la Foire du Trône
Vous promettent la lune et de beaux avenirs
Des baumes guérit-tout des remèdes qu’ils prônent
Où on rase gratis dont il faut s’abstenir.

Tous ces beaux lendemains dont rutilent les chromes
Sont des crédits cachés qui viendront pour punir
Des enfants qui paieront des dogmes sans arôme
Sur Terre revenant sans jamais alunir.

Il est fort consternant de voir dans la relève
Parmi les prétendants à une succession
Figurer d’un tyran les trois meilleurs élèves.

À la foire on oublie dans la vaine obsession
D’encor plus dépenser que notre monde en crève
Et que l'aveuglement finit en récession.
A la foire du Trône © Mapomme