Plus on avance en âge et moins beaux sont les ans
On perd de vieux amis par nos poches trouées
De tous nos parents chers peu répondent présents
Triste émondeur le temps brise l’union nouée
Aussi chaque an nouveau lance sur les brisants
La flotte des alliés qui loupe une bouée
Perdant des passagers par les grands fonds gisant
À chaque année naissant l’espérance est flouée
Qu’y a-t-il d’étrange car rien n’est infini
Rien fors le temps qui coule et change seul un nombre
À l’an nouveau les maux ne seront pas bannis
Prenant lentement l’eau notre navire sombre
Et par nous l’avenir de blâme est agoni
Tout jeune y lit l’espoir quand nous ne voyons qu’ombre
jeudi 31 décembre 2020
Elégies. Quand le vieil an est clos, un nouvel an éclot
mercredi 30 décembre 2020
Elégies. Piètre pêcheur ne prend que du menu fretin
On laisse pour le moins filer mille destins
Que le cœur timoré le plus souvent ignore
Et on quitte affamé la table d’un festin
Sans entrevoir les mets que les autres dévorent
Comment notre moral ne serait pas atteint
En croisant un chemin que jamais on n’explore ?
On marche sans ressort dès le petit matin
Dans la grisaille allant sur la voie qu’on déplore
Si passe une belle âme et qu’on la laisse aller
Fragile papillon aux ailes polychromes
Qui se perd dans le flot comme nous trimballé
C’est l’ami ou l’amour un possible binôme
L’éventuel futur un instant dévoilé
Qui hante nos regrets avec tous nos fantômes
mardi 29 décembre 2020
Nouveau Siècle. Pour plus d’Égalité consacrons son contraire
Être étranger chez soi ne plus s’y reconnaître
Est bien le pire exil qu’on ait à endurer
Que fait-on du bien-vivre ainsi que du bien-être ?
Écrits et opéras sont ainsi censurés
Amoureux de la langue allons-nous tout admettre
Et voir des zélateurs venant défigurer
Un patrimoine entier où des toiles de maître
À l’oubli sont livrées ? Quel monde en augurer ?
Un mode de pensée venu d’Outre-Atlantique
S’ingère dans nos vies alors que nous craignons
L’invasion d’un Orient aux vues théocratiques
Par peur d’être changés toujours nous enfreignons
Les fondements sacrés de notre République
Pour plus d’Égalité qu'en sots nous restreignons
lundi 28 décembre 2020
Elégies. Les regrets du larron
Bijou Romantique quel était ton secret ?
Quels tourments t’agitaient que je n’ai su connaître
J’ignorais alors que naîtraient les regrets
Me grisant des émois qui enflammaient mon être
On n’a pas un grand cœur quand on a dix-sept ans
Et le vertige effraie car il veut nous soumettre
Si esclave on se sent on n’est guère appétent
De se voir enchaîner par l’amour notre Maître
En enfant capricieux on fuit ce cœur offert
Détruisant le jouet d’un hymen authentique
Par la peur de sentir à ses poignets des fers
Que l'autre m'envahisse m'apparut traumatique
Surtout si tôt après avoir déjà souffert
Refrénant tout effort mon Bijou Romantique
d'après John William Waterhouse
dimanche 27 décembre 2020
Elégies. Les longues nuits d’hiver et le beau jour d’été
I
Vois donc ce cœur blessé et cette plaie qui saigne
Le sang clair de l’espoir en un flot continu
Coule vers le ruisseau dès lors qu’on le dédaigne
À quoi sert cet espoir quand il est malvenu ?
II
Jeune homme prends ton temps et traverse un désert
Sois-y l’anachorète en ta longue disette
Où l’oubli te guérit poète si disert
De la passion nourrie pour ta belle grisette
Tu vivras sept années après ce vif revers
Dans l’ombre où ton rire ne sera que risette
Et ces sept ans n’auront chacun que quatre hivers
Anesthésiant ton cœur à force d’anisettes
En ombre tu iras parmi tous les vivants
Werther des temps nouveaux mais sans revoir ta Lotte
Un brin de pâle espoir sans cesse cultivant
En quel mois débuta la longue nuit falote
Des plaisants feux du jours sept années te privant ?
Dans l’ombre t’apparut un espoir qui tremblote
III
Vois donc ce bel espoir qui dormait sous la sphaigne
Qu’on croyait inhumé près d’un arbre chenu
En cendres ce phénix quand des rayons l’atteignent
Renaît en un instant en un charme inconnu
IV
Très souvent le destin rit de l’appréhension
On peut passer sept ans à esquiver la vie
Mais elle déjouera toutes nos préventions
Faisant entrer le jour sans qu’on en ait envie
Rien ne se passe en fait comme nous le pensions
Car dans la pénombre la nuit nous est ravie
On entre dans un bar sans autre prétention
Que de voir en avril une soif assouvie
Le jour se perd dans l’ombre où la serveuse attend
Elle est jeune et fraîche comme la bière brune
On boit et on parle pour mieux passer le temps
Comme nous la bière recèle une amertume
Mais la jeune femme respire le printemps
Sa gaieté pétillante est sa seule fortune
V
Elle a sans le savoir la clef d’un grand mystère
On va rester trois mois sans jamais la revoir
L’hiver sans oripeaux perd ses brumes austères
Et à l'été l’espoir retrouve son pouvoir
samedi 26 décembre 2020
Elégies. Traversant sans nul but la forêt de cyprès
Au gré lent de mes pas je composais des vers
Dans la sombre forêt de cyprès d’Italie
Ces arbres hauts et droits quand tout va de travers
Calment un cœur offert à la mélancolie
Du haut de mes seize ans il était tendre et vert
Et passionné bien sûr aimant à la folie
Tout en bas du chemin au cœur d’un triste hiver
Toute espérance fut par un « Non » abolie
J’ignorais qu’un chagrin s’avérait un trésor
Que le vers se repaît des tourments qui consument
Et qu’à la guérison plus fort on en ressort
Dans la sombre forêt parfois drapée de brume
Se perd le droit chemin et l’on aurait bien tort
De laisser tout espoir quand nous guérit la plume
vendredi 25 décembre 2020
Elégies. L’éphémère beauté d’un ado spleenétique
J’ai trouvé la photo faite contre mon gré
Pour un dossier scolaire en plusieurs exemplaires
Je n’avais nullement envie de m’intégrer
Et je montrais combien ça pouvait me déplaire
Ma veste noire en sky mon polo col roulé
Affublaient mes seize ans d’un air atrabilaire
Car tous mes beaux espoirs venaient de s’écrouler
Peignant les horizons de feux crépusculaires
J’avais sans le savoir à cet instant précis
L’éphémère beauté qu’un tourment nous confère
L’avenir désormais paraissait indécis
Lorsque le spleen nous prend on ne peut s’en défaire
Car ce corbeau lugubre augure un noir récit
Passe notre jeunesse et l’ennui prolifère
Elégies. Miroir, mon beau miroir, nul ne se trouve beau
Maudite soit Vénus et damné Appolon
D’avoir été parfaits faisant naître un complexe
En voyant leur portrait que point nous n’égalons
Le nôtre est déprécié Tel est l’humain réflexe
Sans être vraiment laids à jamais nous collons
Le label d’imparfait qui rend l’autre perplexe
Pour la paupière tombante ou pour un nez trop long
Nous faisant nous haïr de tout âge et tout sexe
Sans paraître Vulcain hors du Beau absolu
Dont revues et écrans sans cesse nous inondent
Dans l’ombre nous marchons d’un pas irrésolu
Il est des mannequins adulés par le monde
Qui se voient des défauts qu’on trouve farfelus
À l’instar d’inconnus qui se jugent immondes
jeudi 24 décembre 2020
Nouveau Siècle. Derrière la façade où est la vérité ?
Qui peut dire qu’il connaît vraiment une maison
En voyant simplement la façade exhibée ?
La quiétude perçue l'est-elle avec raison
Sans autre vérité par les murs absorbée ?
Il est bien des secrets que chacun nous taisons
Et nul n’a la tête d’auréole nimbée
Par l’illusion bercés toujours nous nous plaisons
Sans voir le signe clair qui devrait alerter
Nous croyons au sourire et la traître apparence
Du plausible bonheur qui vient réconforter
Le sordide réel de la proche souffrance
Brise un rêve commun qu’il vient soudain heurter
Un corps inanimé souligne nos carences
dimanche 20 décembre 2020
Elégies. Elle allait d’un pas lourd vers une morne vie
Elle allait d’un pas lourd d'espoirs inaccomplis
Sa vie jusqu’à présent était sous une brume
Exhalaison couvrant un champ de fleurs rempli
Et masquant la beauté sous un drap d’amertume
Chaque rêve a sombré dans un profond oubli
Avec les épaves que nul soleil n'exhume
Dans l’abîme confus des souhaits abolis
Comme le vent mauvais emportera ma plume
Enfant elle ignorait les murs qu’on dresserait
Afin de la mener vers une morne vie
"Pour son bien " disait-on car bientôt cesseraient
Les songes puérils dont se flétrit l’envie
Sur la voie des parents sans le moindre intérêt
Elle irait d’un pas lourd à jamais asservie
d'après "Barley Fields on the Other Side of the Mountain"
samedi 19 décembre 2020
Nouveau siècle. La nouvelle rage attaque les esprits
On voit partout des gens qui hurlent enragés
Prétendant en baver et être des victimes
Sur les réseaux le mal semble se propager
Cette opinion a-t-elle un motif légitime ?
Le poison des esprits est hélas partagé
Même par des sujets tenus en haute estime
Défilant dans les rues pour leurs droits outragés
Voilà bien ce qu’ils croient en leur conscience intime
Ils pensent n’être point traités en tant qu’égaux
Ce fort ressentiment les pousse à la violence
Au lieu de contester par les moyens légaux
Ils choisissent le feu et le pavé qu’on lance
Ce n’est en vérité qu’un problème d’égo
Préférant au verdict vindicte et virulence
Nouveau siècle. Que nul Tancrède n’aille affronter sa Clorinde
Les excès de tous bords dominent notre monde
Qui s’enivre de foi et court vers le ravin
Il s’abrutit de lois d’où naissent quelques frondes
Que ne s’enivre-t-il de ripaille et de vin ?
Jadis un chevalier durant une croisade
Surprit une ennemie par un hasard savant
À la source buvant une franche rasade
Uniquement armée d’un regard captivant
Que le présent désarme et Clorinde et Tancrède
Pour qu’en paix des amants suivent leur religion
Vivant une passion où règnera l’entr’aide
Le monde irait bien mieux si nous nous obligions
À combattre l’excès plus un mal qu’un remède
Qui pousse des démons à lever des légions
samedi 12 décembre 2020
Elégies. Dans le gouffre profond où s’achève le temps (1)
I
Je veux peindre des cieux terriblement sublimes
Leurs nuages jamais ne seront supérieurs
À ceux qu’a façonnés le vent rageur des cimes
Aux flammes j’ai livré le ciel d’un barbouilleur
L’air iodé inhalé ravissait mes narines
Et cruel inspirait un appétit d’ailleurs
Les abysses pourprés des profondeurs marines
Ont sitôt tempéré mes espoirs d’orpailleur
Les reflets sont trompeurs pour qui cherche dans l’onde
La battée n’y trouvant que l’illusion de l’or
Paillettes dans des flots que le soleil inonde
Pour quelque vil éclat dois-je braver dès lors
Un gouffre d’amertume et parcourir le monde
Pour ramener une once du piètre similor ?
II
Si l’or de l’illusion n’a pu te dérouter
Ô quêteur d’infini dans l’espace et l’écume
Peut-être la rumeur des immenses cités
Saura-t-elle apaiser ta naissante amertume ?
III
Las du théâtre abstrus d’un bataillon furieux
Qui veut qu’on le bastonne afin de mieux s’en plaindre
Je fuis cette rumeur de tout désert curieux
Car le vertige urbain me semble plus à craindre
La métropole gronde d’un chahut victorieux
Où la pensée ne peut jamais croître et atteindre
Les voûtes éthérées et les sommets glorieux
Le volubile essaim vient aussitôt éteindre
La moindre des idées qui pourrait s’éveiller
Et sur l’aile éclosant verse un plomb délétère
« De lorgner vers l’Azur c’est le prix à payer
Ne peux-tu donc rester cloué sur cette terre
Au lieu de côtoyer les monts ensoleillés ?
Tout rimeur est puni d'aller en solitaire
IV
Si tu veux fuir les rues sans emboîter le pas
Loin d’une destinée par trop conventionnelle
Pour conserver ton cap sers-toi de ton compas
Hors des cercles repais ta quête obsessionnelle
Elégies. Dans le gouffre profond où s’achève le temps (2)
V
Un sidéral abysse où des étoiles clignent
Dans le vide étiolé comme moi dans l’ennui
Qui espère en ces feux d’imperceptibles signes
Perscrutant dans la mer un Inconnu fortuit
Car amère est la vie comme chair d’une guigne
C’est pour ça que le spleen est très souvent gratuit
Il quête en vain un port qui paraisse plus digne
Ni espace ni mer ne peuvent étancher
L’espoir d’enfin trouver hors des terres connues
L’originelle envie qu’il faut réenclencher
Où s’est-elle égarée ? Qu’est-elle devenue ?
Sur l’obscur océan je me suis donc penché
Et je l’ai pourchassée en vain jusques aux nues
VI
Pourquoi ne pas plonger pour aller au-delà
Et confirmer ainsi ton impie postulat
VII
Nous sommes tous des nains qui se veulent géants
Le courage nous manque au bord du précipice
Quand un lâche espoir devant le gouffre béant
Où s’achève le temps livre un sournois auspice
Esprit pétri de crainte en penseur fainéant
Pourquoi es-tu saisi d’un effroi peu propice ?
Celui d’avoir tout faux et qu’au fond du Néant
La fin soit un début ultime maléfice !
mercredi 9 décembre 2020
Elégie. Le temps où on avait le temps
Mon esprit enfantin s’imprimait des senteurs
Arômes de cuisine ou parfums d’une époque
Où chacun s’accordait le droit à la lenteur
Parfois l’un d’eux renaît et aussitôt m’évoque
La soupe mijotant en démon tentateur
Ma grand-mère penchée sans tablier ni toque
Surveillant la marmite au fumet enchanteur
De nos jours on se hâte et du goût on se moque
Bien sûr il y avait de repoussants relents
Comme le pot de chambre où macérait l’urine
Je préfère oublier ce fumet pestilent
Et garder les parfums qui flattent les narines
Éphémère est l’âge de ces plats succulents
Maraudeur le temps nous roule dans la farine
mardi 8 décembre 2020
Elégie. Dans l’espoir de revoir des aubes de santal
Aurons-nous à nouveau le miel et puis le lait
La liberté d’aller flâner parmi la foule
Visiter un musée rêver dans un palais
Et manger au resto des frites et des moules ?
Reverrons-nous la plage assis sur les galets
Dans une anse du Cap dans l’écume des houles ?
Nous enfilons les jours identiques et laids
Le temps s’est arrêté et nulle heure ne coule
L’absurde se révèle à l’esprit effrayé
C’est celui de la vie que tout un peuple mène
Où nous volons fétus par le vent balayés
Navrante est devenue la condition humaine
Si nous voulons un jour cette chute enrayer
Saurons-nous préserver la belle Paix Romaine ?
dimanche 6 décembre 2020
Elégie. Le plus beau jour du monde est sans doute aujourd’hui
Le plus beau jour du monde est sans doute aujourd’hui
Car c’est celui qu’on vit même s’il paraît moche ;
Nous avons ramassé des souvenirs enfuis
À remplir des herbiers à s’en bourrer les poches.
Mais il faut savourer même avec un ciel gris
Ce jour qui semble inscrit dans une année atroce ?
" Hier était bien mieux !" dit notre esprit aigri
Balloté par le cours d’une énergie féroce.
Dans l’herbier nous voyons toujours avec regrets
En oubliant la boue qui sertit toute grâce
Un merveilleux moment extrait d’un jour aigret.
Cet instant a laissé l’indélébile trace ;
C’est pourquoi aujourd’hui nous promet quelque attrait :
Il sera laid le jour d’aller en terre grasse.
samedi 5 décembre 2020
Elégie. Nous oublions les morts que nos âmes chérissent
Nous oublions les morts pour ne pas succomber
À l’obsédant remords qui envahit nos âmes
Et plante dans les cœurs son funeste oriflamme
Quand sous terre l’Espoir vient se catacomber
Oubliant nos échecs vécus comme des drames
Pour ne pas en souffrir on veut les prohiber
On aimerait tant voir ce poison inhibé
Nul n’a trouvé hélas d’occulte pentagramme
Les plaies nous ont tanné le cuir comme l’esprit
Et depuis nous savons que les amours périssent
Et qu’il faut des émois toujours payer le prix
Car le temps les brise pris d’un furieux caprice
Mais comprenons enfin sans en être surpris :
Les peines sont des joies que nos âmes chérissent