vendredi 25 octobre 2013

Sonnets. Couronne d’algues

Verte est la couronne toute d’algues tressée
Que leur tend une main surgie du lac sans fond
Surtout ne parlez pas comme tant de gens font
De peur d’effaroucher cette main bleue dressée

Vers des gouffres profonds que jamais nul ne sonde
L’aquatique entité née dès l’Antiquité
Fuira loin des rumeurs et de l’humanité
Brûlant et émondant les forêts moribondes

Nous n’apercevrons plus par cet écart fautif
De belles dames nues sortant des eaux frileuses
Nymphes réincarnées sous les nues nubileuses

Avec la tête ornée d’un végétal motif
Nos cœurs ne battront pas la folle démesure
D’un onirique instant qui la grisaille azure
 Le bain © Mapomme
(avec l'aide de Waterhouse)

jeudi 24 octobre 2013

Sonnets. Cécité en cité

Plus aveugle qu’Œdipe en la cité déserte
J’ai arpenté la nuit sans trouver le repos
Sombres étaient les rues et les nuées inertes

Dans le dédale éteint tout près des entrepôts  
Longeant les quais du port assurant la desserte
Je vais au lieu d’où part un permanent troupeau

Ailleurs est comme ici un rêve mensonger
Où le mourant s’éteint sous d’analogues cieux
Les aubes féroces offrent des jours odieux
Nulle nuit ne parvient à leur donner congé 

Œdipe fut bien sot de se crever les yeux
La pointe des ciseaux il aurait dû plonger
Dans son cœur dévasté car ce qui l’a rongé
Avec la cécité ne quitta point les lieux
 Œdipe © Mapomme

mercredi 23 octobre 2013

Sonnets. Terra incognita

Que de certitudes sertissent nos discours
Tandis que nous voguons vaisseaux livrés à l’ire
De l’océan des jours trop occupés à lire
Dans les feux constellés un sibyllin secours

Allons ménestrier enchante donc ma cour
Tant d’astres ici-bas brillèrent et pâlirent  
Certains de leur sang-bleu jusqu’au fond du délire
Parents amis aimés aux arguments si courts

L’amour seul empêchait d’à jamais nous fâcher 
Car d’aucuns professaient que les sangs sont semblables
Quelque soit notre aspect qui seul peut le cacher

Vers la terre inconnue filant inébranlables
A quoi bon ces bordées de vains boulets lâchés 
Nous serons si l’un coule un chœur inconsolable
Palsembleu © Mapomme


Sonnets. La Pygma-lionne

Tu n’as jamais aimé un seul de mes amis
Aucun de mes amours ni mon côté bohème
Tu n’épargnais pas plus mes tous premiers poèmes
Quel crime abominable avaient-ils donc commis

Tu poussais la cigale à devenir fourmi
Chacun de nous récolte les pauvres grains qu’il sème
Et les pygma-lionnes créent d’accablants problèmes
À se montrer soumis on ne vit qu’à demi

Le mieux peut s’avérer le pire des travers
Car un destin subi offrira moins d’ivresse
Et nos années dès lors comportent quatre hivers

Je me suis enchaîné au labeur par paresse
Et ma muse indolente a négligé mes vers
J’ai mes amis malgré ces vertus pécheresses
 Poulet-frites © Mapomme

lundi 21 octobre 2013

Sonnets. Greffe

Si dans les temps futurs flanchait mon palpitant
Je voudrais qu’on regarde à bien choisir l’organe
Pas un cœur slave empli de ces langueurs tziganes
Qui se laisse bercer d’un spleen propre aux Gitans

Surtout épargnez-moi pour la paix de mon âme
Un cœur bien trop meurtri au tempo hésitant  
Traînant depuis mille ans sa croix de pénitent
La croix de la passion à l’embrasante flamme

Car j’ai déjà donné du côté cœur en peine 
Avec des souvenirs qu’on ne peut effacer
Donc pas de cœur blessé balancé à la benne 

Non greffez-moi un cœur vierge de tout passé
Mais pas de pierre La mécanique inhumaine 
D’un cœur dit d’artichaut m’a sans cesse angoissé  

Greffe © Mapomme



samedi 19 octobre 2013

Sonnets. Psyché et moi

J’ai discuté le bout de gras avec les dieux
Au sommet de l’Olympe comme au fond des abîmes
Le satyre a souri et la nymphe a gloussé
Devant le fol orgueil de ma simple demande

Je ne quémandais point des lendemains radieux
Juste immortaliser ce souffle qui m’anime
Le divin tribunal a semblé courroucé
D’entendre un piètre humain visant ses plates-bandes

On jugea mes propos insidieux et odieux
Sidérant sans détours l’assemblée unanime
Mon vœu d’éternité se trouva repoussé
Et l’insolent exclu jusqu’à d’autres calendes

L’amour de la beauté vient partout se nicher
Les dieux m’ont méprisé et accepté Psyché     
 Le jugement des dieux © Mapomme

vendredi 18 octobre 2013

Sonnets. L’ivresse de Noé

Noé est endormi ivre d’un prime vin
Du péril écarté de la vie revenue
Ayant trop bu ce jour du breuvage divin
Il présente au soleil d’impudiques chairs nues

Il est vêtu comme Ève ancêtre fort connue
Foulant d’un pas léger le primordial verger
Hélas elle a perdu sa vision ingénue
Connaissant Bien et Mal pour un seul fruit mangé

Depuis les humains vont avec l’esprit changé
Le venin du savoir tourmentant les pensées
Orphelins d’un jardin qui leur est étranger 
Honnies soient ces notions depuis lors dispensées

L’ivresse de Noé restitue l’innocence
Qu’efface le poison que nous nommons décence     
Ivresse de Noé © Mapomme 

jeudi 17 octobre 2013

Sonnets. Le siège des ténèbres

Pour qui a visité les noirs égouts fétides
Où l’onde des canaux charrie les déjections
En ce réseau hanté par des nochers cryptides
Rien n’est plus révulsant que l’horrible infection

Sous la terre enfouissant les matières putrides
Qui infestent nos corps de leur malédiction 
Faisant la joie des rats et mouches cantharides
Nous voulons oublier l’éternelle affliction

Mais le plus écœurant en ce lieu exécrable
N’est pas l’odeur immonde des plus vils excréments
Flottant dans les conduits dédale impénétrable

Dans nos esprits souillés de turpides tourments
Demeurent Rien ne peut expulser l’inexorable
Noirceur de nos pensées et de nos errements
D'égout © Mapomme


Sonnets. Tahorou

Tahorou le mutin sur le dos d’un requin
Franchit les flots marins vers de nouveaux rivages  
Son île ayant subi un ultime ravage
Semblable à la furie des bandes d’hellequins  

Par-delà l’infini désert des flots turquins
En quête d’un îlot aux floraisons sauvages
Il laissait le passé et sa vie de servage
Pour marcher sur un sol sans horizons mesquins 

Parvenu à son but il lâcha l’aileron
Découvrant l’île verte aux frissonnantes palmes 
Il bâtit un radeau et à coups d’aviron

Ramena tous les siens pour peupler l’île calme
Les chants de Tahorou répétés scelleront
Le mythe du mutin qu’on vénère et acclame
Tahoru © Mapomme 

mercredi 16 octobre 2013

Sonnets. L'Ouvreur des Portes

La mort ne serait rien sans mots de poésie
Rien qu’un terme fatal et un néant sans fond
Sans glorieux requiem rien qu’un tour de bouffon
Et de la morne vie la sublime hérésie

Le poète revêt de fines rêveries
Un simple instant de pleurs dépourvu de leçon 
Et fonde un au-delà dont nul n’avait soupçon
Bien loin des châtiments et autres moineries

L’Enfer est romantique et le démon tentant 
Les pécheurs sont punis en tableaux esthétiques
Où vont des processions aux tourments consentant 

Un Aède nous guide et vient énigmatique
En ouvreur des portes toujours nous présentant 
La Mort comme la clé d’un monde initiatique
 L'Ouvreur des Portes © Mapomme
(avec l'aide de Gustave Doré et du Louvre)

dimanche 13 octobre 2013

Sonnets. Le marcheur immobile

Il pleut sur les étangs et l’encrier est vide
Hier ressemble à demain et tous les chemins
Me ramènent au point de ce triste examen
À l’onde maussade sous les cieux impavides

Quel marcheur insensé sous les verts tamarins
S’en irait rechercher le tombeau des Sylphides
Avec la conviction que la vague perfide
A recouvert de boue tous les caveaux marins

Passé présent futur ne sont qu’un même instant
Nous répétant sans cesse une même journée
Vêtue différemment mais au schéma constant

La source s’est tarie et l’âme consternée
Ne peut que constater ce bilan attristant
Nous avançons toujours prisonnier du sordide   

Il pleut sur les étangs et l’encrier est vide
 Passé présent futur © Mapomme
(merci à Edward Burne-Jones pour ses contributions)

Sonnets. Le fol espoir du gnome

Dans l’antre d’un volcan des titans borgnes forgent
L’or d’impures monnaies et l’acier des poignards
Martelant le métal dont les grottes regorgent
Le monde s’en repaît tel un vil charognard

Un marais méphitique ou des mots vipérins
Suffisent au conflit et les combats m’obligent
À fondre les métaux des plus tranchants airains

Aux titans asservi je suis le gnome lige 
Errant par les boyaux des mondes souterrains
Dans l’ombre accablante je gémis et m’afflige

Là haut loin des parois dont je suis le bagnard 
L’horizon infini offre aux cœurs qui s’insurgent
Sous les cieux constellés des déserts campagnards
L’espoir de fuir enfin l’antre des métallurges    
 Le titan borgne © Mapomme
(avec l'aide de www.Bjorn Hurri.com)

samedi 12 octobre 2013

Sonnets. Les élus

À travers le désert errait le vieil ermite
Que suivait tout un groupe apatride et hagard  
Semblable au patriarche et sa tribu sémite
Quittant l’aride Éden sans un dernier regard  

Las d’être des tricards dans un pays ringard
Ils en avaient franchi les ultimes limites
Pénétrant dans l’enfer d’un soleil sans égards
Marchant dans la souffrance où se forgent les mythes

En tous lieux les vieillards passent pour être sages
Et à leur arbitrage on s’en remet sans peur 
Croyant que leur verbiage est un puissant message

Combien de ces troupes de nomades campeurs
Vers un monde meilleur recherchant le passage
Ont péri dans l’oubli des torrides vapeurs  
 Suivant le patriarche © Mapomme


Sonnets. Les ailleurs incertains

Sur son rose rocher l’enfant mire les flots
Jade et saphir virant en une blanche écume
C’est le chant de Neptune une ode d’amertume
Et le mantra marin étouffant les sanglots  

La brume à l’horizon apporte à ce tableau
La crainte d'un demain sans éclat sans volume
Où des titans captifs martèlent une enclume
Enchaînés nanisés dans un univers clos

Le roc qu’on voudrait fuir et l’ailleurs incertain
Font hésiter l’enfant devant l’onde indocile 
Il veut voir les palais ornés de travertin

Où les plus grands penseurs s’assemblent en concile
Que chamboulent souvent les bardes libertins
Dans la gangue du sol l’enfant se sent fossile  
 Horizons © Mapomme

vendredi 11 octobre 2013

Sonnets. Le songe de l’Atlante

Les fleuves porteront des millions de poissons
Crevant le ventre en l’air sous les nuées acides
Les forêts décharnées parcourues d’un frisson
Tendront leurs bras tremblants vers d’étoilées absides  

Les touffeurs alternées d’une sombre mousson
Suivront l’hiver glacé à l’air chargé d’oxydes
Avant les feux d’été pourriront les moissons
Les tribus éparses poursuivant leur suicide

Les âmes avides amassant des tas d’or
Verront leur empire subir l’ultime éclipse 
Et ils ne seront plus du monde les cadors

Car des lois de jadis l’humain fera l’ellipse
La civilisation des vains conquistadors
S’éteindra générant l’auto apocalypse
 Songe de l'Atlante © Mapomme

jeudi 10 octobre 2013

Sonnets. Éphémères rires

Comme feuilles mortes volent au vent les jours
Ce vent devant ma porte emmène les semaines
Égrène mes peines en ses lointains domaines
Automne frissonnant m’a transi pour toujours

Aucun épais manteau nul pull-over en laine
N’effacera le sort par un charme à rebours
Et je vais engourdi par les pluvieux faubourgs
Cherchant la lumière telle une ivre phalène 

Le corps le cœur trop lourds ne peuvent rattraper
Les feuilles envolées des plus brillants sourires 
Le vent tourbillonnant vient hélas les happer  

Et d’autres prisonniers dans les flaques pourrirent
Vite décomposés sans aucun rescapé
Jamais des jours perdus nos âmes ne guérirent
Éphémères rires © Mapomme 

mercredi 9 octobre 2013

Sonnets. Fiston

Fiston me dit la voix d’un sombre endroit surgie
Je n’avais plus ouï ce désuet surnom
Depuis des décennies tenu en léthargie
Quel que soit le chemin qu’un beau jour nous prenons 

Sorti tel un zombie sans nulle liturgie
D’un sol marécageux ce mémoriel limon
Ce surnom mort-vivant retrouve une énergie
L’extrayant du caveau et nous le ranimons 

Alors nous déplorons ce futur trépassé
Les propos complices conseils et confidences 
Qu’un surprenant décès est venu effacer 

S’achève l’âge d’or de la fausse abondance 
On devient orphelin d’un parent terrassé 
Et d’instants à venir dont on pleure l'absence
 Fiston © Mapomme

mardi 8 octobre 2013

Sonnets. Le tyran

Le pire des tyrans tuant et torturant
Jamais ne peut vaincre la volonté d’un sage
Même en le menaçant d’un savant dépeçage
Réitérant sans cesse un discours récurrent 

L’autocrate sanglant viendra des mois durant
Pour soumettre l’esprit par son puissant dressage
L’ironie du sage répond à son message
Car pour lui les tourments seront transfigurants 

Il existe pourtant un plus grand dictateur
Qui subjugue les cœurs les domine et les brise
Le despote absolu l’ultime prédateur

Il corrompt nos esprits soumis à son emprise
Plantant le drapeau noir du démon tentateur
Car perfide est l’amour qui toujours nous maîtrise
Tyran © Mapomme
(d'après Franck Frazzetta)

lundi 7 octobre 2013

Sonnets. L'antre sacré

C’est l’esprit du fauve tracé sur le rocher
Dans son œil scintille la voûte constellée
Qui rythme les saisons et qui vient décocher
Les éclairs lacérant la chair bleue flagellée 

L’homme-lion se dresse et semble s’approcher
De la plaine stellaire aux frontières scellées
Le contour du gibier à la cendre ébauché
Promet la profusion par l’énigme révélée

Le bison fertile les naseaux dans les seins
Pénètre dans l’antre de la Suprême Mère
Et les fruits jailliront comme un immense essaim

Les troupeaux s’accroîtront durant les nuits amères
La caverne sacrée couverte de dessins
Réunit Terre et Ciel en un couple éphémère
Antre sacré © Mapomme 

samedi 5 octobre 2013

Sonnets. Naufrage

Et le monde s’éveille avec un goût amer
Tandis que dans l’onde sombrent des corps sans vie
Dans l’ombre un dernier cri et une ultime envie
Quitter la barbarie en traversant la mer

On s’émeut de la mort d’un penseur mis aux fers
Mais on ne veut pas voir depuis des décennies
Tous ces peuples fuyant l’étau des tyrannies
Traversant le désert et laissant leur enfer

Sur la coque de noix vogue une grappe humaine
Au caprice des flots et à l’avidité 
Soumise et ballottée durant une semaine

La loi des faux édens aide à la cécité 
Et seul le nombre effraie plus que le phénomène
Trois jours le cœur en berne hélas sans méditer
Naufrage © Mapomme




Sonnets. Les destins évanouis

J’étais le dernier avec six deniers
Nul à renier et personne à vendre
Tout comme un Judas pour aller me pendre
Me pendre à ton cou au fond d’un grenier

Te prendre un baiser comme un braconnier
Plus rien à donner plus rien à attendre
Le ciel peut tonner et l’éclair descendre
Réduire en cendres notre marronnier

Avec le nocher le noir nautonier
Tu t’es promenée jusqu’à l’autre rive 
Où les arrivants restent prisonniers

Chaque excommunié de salut se prive
Plus une prière et plus d’aumôniers
Sur l’onde glacée l’égaré dérive
 L'autre rive © Mapomme

jeudi 3 octobre 2013

Sonnets. Janus

Sonneur monte au beffroi et carillonne encor
Que la cité sache ma joie dondon dondaine
Mais aussi mon effroi d’une perte soudaine
Qui naît dès que mon cœur bat pour un corps accort

Puisque la fleur éclose est promise à la mort
Même si l’émoi né ne cherche point fredaine
Pourquoi se leurrer de viles calembredaines
L’amour qui nous a mus cesse comme un trémor

La joie nous fait peine car rien n’est éternel
Et la rose éclose bientôt sera fanée
La passion consume tout pauvre amour charnel

La braise sera cendre et la fleur condamnée
J’apprécie le présent mais gémis solennel
Voyant dans l’avenir nos amours surannées
 Janus © Mapomme

mercredi 2 octobre 2013

Sonnets. La damoiselle de la forêt

Jugeant sans intérêts ce chemin de campagne
Je l’emprunte sans hésiter
Voilà une affaire sans tortuosité
À ce taux on sort le champagne
Et on peut acheter sans même visiter


Je n’ai pas regretté de solder mon épargne
Compter avec frilosité
Ne nous épargne rien ni maux à méditer
Ni les mots haineux ni la hargne

Le chemin m’amenant en une forêt noire
Où tu flânais en rêvassant 
Offrait un intérêt si j’en crois ma mémoire

Et j’allais le payer au taux de cent pour cent
Sans nul potentiel moratoire
 Damoiselle © Mapomme
(avec l'aide de Waterhouse)


mardi 1 octobre 2013

Sonnets. L’Éphernité

Les livres nous offrent la divine illusion
De l’éphémère éternité
Pouvoir franchir un siècle est chose rarissime

Combien de papyrus combien de parchemins
Et combien de grandes pensées
N’ont connu aucun lendemain
Nos esprits sont nourris de l’idée insensée

Voulant que les phrases sortant du lot commun
Soient à tout jamais encensées
L’inscription des marbres romains
Par les pillards du temps a été dispersée 

Le temps manie la dérision
S’il nous fait la faveur de nous voir édités
Perfide il gomme nos maximes 
 Éphernité © Mapomme