dimanche 29 juin 2014

Sonnets. Je vais marchant nu-pieds sur la braise des jours

Grises sont les aubes tristes à en pleurer
Et la nuit polaire nous paralyse l’âme
Pas d’horizon au loin où paraît une flamme
Faisant poindre un espoir si propre à nous leurrer

Allant par les villes tel l’oiseau apeuré
Quand sur les champs glacés le blizzard proclame
Son implacable empire dépourvus d’oriflamme
Nous sommes les hérauts dans l’ombre demeurés

Je quitterai pourtant cette vie à regret
Même si de l’Espoir elle n’est pas la fille
Même si l’avenir s’avère un fruit aigret

Chaque jour me perce d’une nouvelle aiguille
Tant il nous guide loin du bienfaisant Progrès
J’apprécie cette vie brodée de pacotille
Marcher sur les braises du jour © Mapomme 


dimanche 22 juin 2014

Sonnets. Le pourrissoir

Des minots jouent au foot sur une place en terre
Rêvant d’évoluer sur un herbeux terrain
Ils ne s’essoufflent pas et leurs jambes d’airain
Les portent sans faillir à l’instar des panthères

Ils oublient que le temps s’en vient rogner les rêves
Comme il use les corps il détruit les esprits
Car ce grand corrupteur a plus que vous compris 
Le prix qu’il faut payer sans un espoir de trêve

Pour avancer vers l’âge où tout paraît possible
Vous qui passez la porte laissez donc tout espoir
Abandonnez tout songe et oubliez vos dribbles

Sans joie sans gloire allez vers l’hideux pourrissoir
Où tels de vieux chiffons vos ailes indicibles
Seront papiers froissés jetés sur le trottoir

 Dribbles © Mapomme


Sonnets. Atropos

Recouvrez les miroirs et arrêtez l’horloge
Qu'aucune âme s’égare et que cesse le temps
La demeure connue de vos heureux printemps
Vous devient étrangère lorsque l’hiver y loge

Le balancier se tait comme le palpitant
Quand est tranché le fil auquel nul ne déroge
Qu’importe les amis et les nombreux éloges 
Des mots vides de sens dits par des récitants

La maison est silence et s’emplit de l’absence
À la nuit revenue vous errez égarés
Tel un oiseau pleurant de peur et d’impuissance

Après la tempête qui l’a désemparé
Recouvrez les miroirs et pleurez l’insouciance
Sages épigones au trône impréparés
Atropos © Mapomme

Sonnets. A l’ombre de l’orme

A l’ombre de l’orme dans la cour de l’hosto
Des fumeurs discutent et crachent des volutes
S’effilochant dans l’air en moins d’une minute
Leurs rires feints tintent tels de vibrants cristaux

Ils parlent des anciens comme ils étaient tantôt
Comme ils sont aujourd’hui égarés et hirsutes
Pleins d’incohérences et créant des disputes 
Au cœur de leurs chaos et délires mentaux

Les fumeurs recrachent des craintes exhumées
Vers le placide azur qui n’a cure des pleurs
A quoi bon exhaler de futiles fumées

Le destin s’en moque comme d’un cœur trembleur
Les vies sont semblables aux clopes consumées
Qu’on écrase soudain d’un geste sans ampleur

 A l'ombre de l'orme © Mapomme 


Sonnets. Appétit résurgent

J’ai faim d’espoirs j’ai faim d’envies
J’éprouve un appétit de lendemains meilleurs
À mordre à pleine dents à l’envi dans la vie
À croire au Progrès sans un brin de frayeur

Oui je frémis d’une fringale inassouvie
La conquête spatiale est chez le fossoyeur
Aux mômes d’aujourd’hui l’Aventure est ravie 
Et je veux d’un ici qui ne soit pas d’ailleurs

Après l’Âge d’or nous vivons l’Âge d’argent
Les rois sont détrônés par les grandes fortunes
Et d’éphémères stars brusquement émergeant

Se repaissent de gloire et se gavent de thunes
Rendez-moi l’appétit d’un espoir résurgent
Que l’ombre mercantile jamais n’importune
 Appétit résurgent © Mapomme
 avec l'aide de Reuters

Sonnets. Les prophètes (2)

De nouveaux prophètes vénèrent la Nature
Ils la préservent excluant l’Humanité
Sans songer un instant qu’elle peut péricliter
Des milliards d’âmes réclamant la nourriture

Devrons-nous sacrifier pâtures et cultures
Pour dix genévriers sublime vanité
Comme si l’homme ici n’était qu’inanité
Qu’il lui faille en hâte creuser sa sépulture

À qui veut l’entendre d’autres vont serinant  
Que rien ne va si mal madame la Marquise
Qu’on peut se rendormir sur tous les continents

Ils nient tout inquiétant recul de la banquise
Et le climat selon ces esprits éminents
Se situe tout à fait dans les normes requises
 Alarmant ou confiant © Mapomme

jeudi 12 juin 2014

Sonnets. Les prophètes (1)

Je hais tout prophète moderne et rétrograde
Champion de l’anathème et faiseur de combats
Comme si l’ambition qui commande ici-bas
Ne permettait pas d’outrepasser l’algarade

Les pires de ces messies défilent et paradent
Pour nous ôter tout droit au plus petit débat
Mystique ou sociétal Sonnant le branlebas
Les uns excommunient et les autres extradent

Chacun veut imposer sa propre liberté
Celle qui nous contraint et les esprits bâillonne
Au nom d’un grand danger dont il veut disserter

Ces beaux ces grands esprits sur les plateaux rayonnent
D’un soleil noir et froid qui vient nous alerter
En versant la ciguë d’une pensée brouillonne
Oui au Non, Non au Oui ! © Mapomme 


mercredi 11 juin 2014

Sonnets. Le néant quotidien

Les pas dans le sable que la vague nouvelle
Efface comme un avenir et ses espoirs
La présence retourne au néant sans surseoir
Le vorace néant qui chaque vie nivelle

Restera-t-il une algue une trace vénielle
De cette abolition des pas du promenoir
L’esprit du châtelain feu maître du manoir
Rêvant d’une Asie fausse et superficielle

Les dames au balcon dans le bleu de la nuit
La voûte constellée de clignements complices
Susceptibles de briser l’encre de l’ennui

L’aube aux lèvres roses délivre son supplice
La triste vérité surgissant d’aucun puits
La trop tangible aurore à l’atroce calice
Malédiction aurorale © Mapomme
avec la contribution de Gallen Kallela

mardi 10 juin 2014

Sonnets. Bois flotté

Sur la plage après la tempête
Le flâneur matinal a raflé un bois mort
Qu’il lance sans aucun remords
Pour amuser Médor qui dans l’eau fait trempette

Ce bois poli qu’un lambin jette
Autrefois garnissait un frémissant décor
Où voici peu de temps encor
La branche verdoyait avant d’être vergette

Combien de souvenirs passés
Blafardes images des plus fastes périodes
Vont au roc que la vague érode

Le suc des jours s’en va comme fut effacé
Celui du bois gisant cassé
Que l’écume a vomi au terme de l’exode

Cimetière marin © Mapomme  

Sonnets. Je veux une histoire grandiose et colossale

Effacez mon futur pardonnez mon présent
Concevez mon passé araignée tisserande
D’une toile en fil d’or faites-moi donc l’offrande  
Dépeignez un jadis sublime et séduisant

Brossez-moi un Antan d’un pinceau apaisant
Sur la toile enfantée que mes aubes soient grandes
Inouïes et rêvées Tissez-m’en des guirlandes
Surtout n’effacez pas mes aïeux paysans

Car mon passé m’ennuie sans relief et sans bruit
Fait de vains reniements et de nuits abyssales
Tout un empilement puant de mauvais fruits

Gravons le doux mensonge au lieu d’aurores sales
Sur mon tombeau glacé tout de marbre construit
Je veux une histoire grandiose et colossale

Tisseuse de toile de maître © Mapomme