vendredi 6 mars 2015

Rimes de saison. Plus ne suis ni ne serai ce que j’ai été

À Clément Marot



On m’a tout retapé le crépi et le toit
Et je suis presque neuf hormis grenier et cave
Mais nul ne me verra exprimer ma gaieté
Plus ne suis ni ne serai ce que j’ai été

Tout pourrait me lâcher et j’en reste pantois
Car craquent mes planchers sur mes poutres pouraves
J’ai trop bu trop dansé trop mangé trop fêté
Plus ne suis ni ne serai ce que j’ai été

Or dire comme neuf quel que soit le patois
Revient à plutôt vieux à deux doigts de l’épave
Trop d’heureuses veillées de matins hébétés
Plus ne suis ni ne serai ce que j’ai été

Tout jeune se fourvoie se croyant très matois
Le temple du Printemps voit choir son architrave
Le temps semblait sans fin aux vingt ans répétés
Plus ne suis ni ne serai ce que j’ai été



Rimes de saison. Et tout craque et tout casse et tout crisse

Hurlantes bourrasques au chant interminable
Fracassantes frasques d’un hiver discourtois
Quand tremblent les tuiles semblant quitter le toit
Quand chaque arbre alentour paraît déracinable

Je frissonne en mon lit tel un enfant sans voix
Et j’entends la furie d’éléments ingérables
Privée de feux la nuit me rend plus vénérable
Quand dormir je ne puis me retournant cent fois

Alors emmitouflé je saisis sur la table
Mon livre de chevet traînant depuis des mois
Et descends près du feu où je remets du bois
Lisant à la bougie un polar acceptable

Les flammes tremblotent à ce récit d’effroi
Tandis que s’amplifie le vent inépuisable
Les tueurs des romans plus que moi méprisables
Meublent mes insomnies chassant mon désarroi