dimanche 23 octobre 2016

Vers sots. Cierge, mon marri !

Mes compliments belle marquise
Revêtue d’un noble tissu

Vos paroles sont fort exquises  
Cher voltaire du peuple issu
Essayez-les sur la duchesse
Ses ans se contentent de peu

Marquise sans votre richesse
Qui aimerait votre air pompeux
Votre ancêtre était un crapaud
Qu’on maria à une bergère

Désobligeants sont vos propos
Voltaire sans cesse exagère
À lécher le cul des puissants
Vous finirez chaise percée

Et vous m’a dit un confident
Dans la débauche êtes versée
Sur vous tous les hommes s’allongent
Comme les couples libertins

Ô meubles bavards je vous plonge
Dans le noir Je sors et j’éteins
 
Cierge mon marri © Mapomme


Rimes de saison. La bougie

Le vent mauvais a soufflé
La flamme de la bougie
La bougie de triste cire
Dont la flamme vacillait

Nos pleurs il faut camoufler
Et nos mirettes rougies
Tout chagrin il faut occire
Tout feu d’elle se taillait

On a vu d’autres chandelles
S’éteindre avant l’aube ainsi
Mais elle avait tant duré
Qu’on lui donnait deux semaines

Qui donc se souviendra d’elle
Nous aurons d’autres soucis
Sans joie on peut l’augurer
Mais sûrement pas sans peine
 La bougie © Mapomme
Avec l'aide de deux Madeleine de G. de la Tour


samedi 22 octobre 2016

Rimes de saison. Ermitage

Des semaines durant dans la maison déserte
J’ai décrit le néant à compter de minuit
Car la nuit seule écoute et sait combien l’ennui
Naît de la multitude et des tablées disertes

Parfois le vent d’hiver d’un concerto de branches
Déchirait le silence offrant son souffle aux vers
J’étais au Thornfield-Hall de Fairfax Rochester
Du monde retiré seigneur de mes nuits blanches

Si je fuyais ainsi les papotages diurnes
C’était qu’il y manquait mes amis les plus chers
Mes parents préférés et j’affrontais l’hiver
Sans pouvoir mettre au clou mon humeur taciturne

Ces départs m’effrayaient car ils traçaient un signe
Je serai la brebis dans le troupeau bêlant
Une fourmi servile en sa colonne allant
Déposer son offrande à des Mammons insignes

Ô Nuit ma muse écoute et mon âme soulage
Huit lustres ont passé huit époques du cens
Et je ne peux trouver à nos vies quelque sens
En ton ermitage nos vies sont moins volages 
Ermitage © Mapomme 

Sonnets. El Dorado

Morpho de l’Amazone ivre d’El Dorado
Égaré dans la jungle et dévoré d’envie
Le poison jivaro réduit ta pauvre vie 
Par-delà le cours d’eau au végétal rideau

Ignorant la beauté des chants purs des oiseaux 
Et des nouveaux décors au cœur de ta folie
Loin de la canopée ta flamme est abolie
Dans le Jardin du Diable et de ses mortes-eaux

Le mirage nous mène à un funeste sort
La quête d’un Pôle d’une terre inconnue
L’ennui d’une limite à l’éternel essor

Tel je fus tourmenté de fièvres continues
Pauvre orpailleur sans ciel constellé d’un brin d’or
Que sont dans le torrent mes amours advenues
El Dorado © Mapomme


dimanche 16 octobre 2016

Sonnets. Un diamant dans la boue

On cherche sans succès l’amour ou l’amitié 
Taillés dans un granit défiant tous les orages
Sans voir aucun diamant dans la boue du sentier
Du temps les sentiments subissent les outrages

Sans viscérale foi sur le marbre des croix
On vient fleurir l’absence et la perte funeste
Sur le tombeau muet jamais l’impie ne croit
À la paix d’un ailleurs que rien ne manifeste

Pauvres moines mendiants allant par le chemin
Quêter l'éclat parfait des jeunes espérances
Autant chercher d’hiver la fleur d’or du jasmin

J’envie ces pèlerins qui dans l’itinérance   
Le ventre vide au soir croient encor que demain
Une écuelle emplie chassera leurs souffrances
Un diamant dans la boue © Mapomme 


samedi 15 octobre 2016

Sonnets. Fuir l’ivresse du nombre et le néant de l’ombre

Tout jeune j’ai vécu dans la paix des campagnes 
Dans le morne tempo des jours se répétant
J’arpentais dépité un sentier peu tentant 
Par un herbage plat qui m’était presqu’un bagne

J’ai connu les cités immenses et sans âme
Où s’éclairaient les pics songes iridescents
Des montagnes d’acier quand le flot des passants
Dans l’ombre des géants cherchait quelque sésame

Par ce néant vomi j’ai fui vers d’autres rives
Un espace grandiose à l’horizon lointain
Sans foule égocide qui d’essence nous prive

Alors j’ai retrouvé l’éclat adamantin 
De la sereine aurore affranchie des dérives
Du nombre vacuitaire engendrant des pantins
Fuir l'ivresse du nombre... © Mapomme



vendredi 14 octobre 2016

Sonnets. Le serment des Voraces

À Ken Loach


Les tapis déroulez et que les orgues tonnent
Exaltant les fastes des palais chargés d’ors
Les tableaux et statues ornant les corridors 
Sont le fruit des larcins d’une élite gloutonne

Pour plus accumuler il suffit qu’on ordonne
Qu’on rapine en taxant ceux qui suent sous l’effort  
Pour remplir à vomir les vastes coffres-forts
Des goinfres gueule ouverte à l’instar des gorgones

Un baronnet d’empire au blason tout récent
Aime assez marteler aux manants qu’il débauche
Qu’eux seuls sont les fautifs des erreurs du puissant

Il ne les emploie plus car pour s’emplir les poches
Il trouve ailleurs des serfs trimant pour vingt pour cent
Les manants sont gourmands voilà ce qu’il reproche
 Le serment des Voraces © Mapomme
d'après Honoré Daumier

jeudi 13 octobre 2016

Sonnets. Le tambour menant les spectres

Une peau humaine tendue sur un tambour
Mène en rythme au massacre une armée de fantômes
Barbare humanité qui chemine à rebours 
L’hystérie collective est ton sanglant symptôme

Qu’on batte le tambour qu’on rase murs et tours
Qu’on égorge tremblants ceux qui prient sous les dômes
Ivre le peuple va inassouvi vautour
En s’aspergeant de sang comme on s’enduit d’un baume

Martelez l’hallali au tréfonds de la nuit
Dans l’hécatombe humaine exaucez l’épouvante
Pour vomir de mépris sitôt que l’aube luit

L’idolâtre tambour mène une armée fervente
Spectres d’anges déchus aux principes enfuis
Car l’horreur reviendra aux ténèbres suivantes
Le tambour menant les spectres © Mapomme

mercredi 12 octobre 2016

Sonnets. Trahison du futur

On voudrait survivre dans toutes les mémoires
Poète ou simple ami par les siens remarqué
Même sans récolter quelque titre de gloire
Echappant au néant par son nom évoqué

Insuffisant sera le portrait des histoires
Qu’invoquent les amis aux réunions d’été
C’est un trop lisse à-plat qu’étale l’auditoire
Sans ce relief qui seul mène à la vérité

Il manque la part d’ombre et celle de lumière
Car on aime cacher le ridicule éclat
Des élans ingénus et des bonnes manières

Comme l’obscur honteux jamais ne révéla
L’animal souverain de nos pulsions premières
On va trahi dans les limbes sachant cela 
Trahison du futur © Mapomme 
 Avec l'aide de Rahotep



mardi 11 octobre 2016

Sonnets. Francesca Maria

Elle racontait souvent des fragments du passé
Une histoire en péril au bord du précipice
Combien d’Homère ont vu leurs récits effacés
Et l’on perdit les mots des odes fondatrices

Toujours les temps jadis d’oubli sont menacés   
S’ils n’ont été gravés au mur d’un édifice
Le récit nous captive et sitôt retracé
Par la voix et le geste on le croit des abysses

Sauvé Seuls demeurent quelques menus fragments
Du flot furieux des ans subissant les dommages
Se dissipe et l’on perd l’ultime testament

Maudit scribe oublieux ne rendant nul hommage
De ton calame oisif aux dits de grand-maman
Comment donc rassembler les confuses images
Francesca Maria © Mapomme 


lundi 10 octobre 2016

Sonnets. Kyrnos

C’est la montagne-mer entre vent et écume
L’écho d’azur où vont tritons comme dauphins
Le granit soupirant d’espérances posthumes
Et les myrtes mêlant aux genêts leur parfum

C’est le poids du passé des rancœurs des coutumes  
Une trame tissée de regrets des défunts
Du sang et des drames l’épée contre la plume
Et un chant pour prier que la nuit prenne fin

Ce sont des souvenirs gravés dans chaque pierre
Ceux que l’on a vécus et ceux qui sont contés 
La maison ancestrale où s’accroche le lierre 

C’est un imaginaire et la réalité
Un rêve sur la grève un dessin de poussière
Que la vague ou le vent s’en viennent déliter
Kyrnos © Mapomme 


dimanche 9 octobre 2016

Sonnets. L’ivresse de Léthé

J’ai bu des soirs entiers mon courage à deux mains
Avalant l’élixir de l’oubli sans limites
Car l’avenir radieux n’est rien d’autre qu’un mythe

Sans cesse le bonheur est remis à demain

Si encor on trouvait une peau de satin
Pour croire à la douceur d’un trop bref armistice
Pour puiser dans des yeux les serments d’un solstice
Pour achever l’hyver et renaître au matin

L’eau rouge du limon et la crue en été
Ramenant l’Âge d’Or d’une saison unique
Avant qu’un dieu jaloux semeur d’iniquité
Créât le froid la faim sans jardin édénique
La mort et la guerre richesse et pauvreté

Je bois non la ciguë mais l’oubli hédonique
L'ivresse de Léthé © Mapomme
 avec un coup de paluche de Cranach L'ancien
  


Sonnets. Labyrinthes sans issue

Les hommes se plaisent à dresser des barrières
Entre eux La religion la langue la couleur
Ou toute altérité motif d’humeurs guerrières
L’humanité se plaît à causer ses douleurs

Près du chaudron haineux en leurs années premières
Les enfants apprennent de mauvaises valeurs  
Loin de l’enseignement du Siècle des Lumières
Allant sur un chemin d’interdits de malheur

On prescrit aux enfants où choisir leurs amis
Où trouver leur amour selon les origines
Faute de quoi ils sont à tout jamais bannis
On ne mélange pas cassoulet et tajine

Sur le chemin du cœur un dédale de murs
Dressent des interdits aux élans les plus purs

 Labyrinthes sans issue © Mapomme

samedi 8 octobre 2016

Sonnets. Lande

La mer est tourmentée Le vent bat la falaise
Seraient-ce les embruns ou un regret salé
Qui brille sur sa joue tel un secret malaise
Seul le vent d’automne sait où s’en sont allés

Les balades d’antan entre pins et mélèzes
Ou sur la lande à deux vers l’horizon voilé  
De dansantes brumes dans la campagne anglaise
Le vent d’automne a vu l’instant inégalé

D’un espoir né soudain d’un regard trop fugace
L’été l’a emporté et la lande est en deuil
Des souvenirs gisant dans la mer des sargasses

Si fragile est l’espoir qu’il sombre au moindre écueil
L’autre demeure ici dans le brouillard qui glace
Est-ce un embrun salé ou une larme à l’œil
 Lande © Mapomme


samedi 1 octobre 2016

Sonnets. Fleur du désert

À W.D.


Funeste est le désert et rares sont ses fleurs
Celles qui croissent là sont dotées d’une envie
De vivre et de se voir à ce milieu ravies
Car on veut les tailler pour leur plus grand malheur

En dépit des périls elles trouveront ailleurs
Un terreau plus fertile et une épaule amie
Loin de la barbarie que jamais on n’oublie
Bien qu’ayant pu se faire un avenir meilleur

Sublimes sont ces fleurs et de grâce comblées
Leur beauté intérieure irradie leur regard
Si bien que leur splendeur s’en trouvera doublée

Dans le ciel du désert puisant leur joie sans fard
Leurs iris scintillent d’étoiles assemblées
Que des dieux trop blasés boivent comme un nectar
 Fleur du désert © Mapomme