dimanche 28 mars 2021

Elégies. Je voudrais vous offrir tous mes bouquets verbaux

Je voudrais vous offrir tous mes bouquets verbaux
Que mes mots odorants jamais ne se flétrissent
Comme un fugace instant qui ne serait que beau
Mais éveillant au cœur d’anciennes cicatrices

À quoi bon quelques vers exhumés d’un tombeau
Si ne naissait en vous la douleur fondatrice
D’un mal irrémédiable allumant le flambeau
D’un déchirant espoir d’une ode invocatrice ?

Si résonnent des mots dans nos cœurs éblouis
De la perte sentant le feu inextinguible
Enfouie tel un coffret scintillant de louis
Inoxydable est l’or et le mal indicible

Si mes mots vous rendaient heureux épanouis
Précieux pour dissiper nos fautes rémissibles


Je voudrais vous offrir... © Mapomme

Elégies. Suivre un vent du large tout embaumé d’épices

Allons ! Hissez la voile et qu’elle claque au vent
Prenez donc le large loin des terres connues
Qu’incertain soit le cap sans guide nous sauvant
Puisque la Vérité par nul n’est détenue

Libres quittons le port sans amarre entravant
Le rêve d’un ailleurs belle attente ingénue
Nos esprits sont blasés par les doctes savants
Raillant des attentes leur semblant saugrenues

Si nombreux sont partis pour un havre incertain
La plupart des quêtes ont fini dans l’Abysse
Déroutées sous l’effet d’un vent inopportun
Pris dans des tempêtes de funestes auspices

Le phare de l’espoir ne s’étant pas éteint
Sentez ce vent d’ailleurs tout embaumé d’épices !


La plupart des quêtes ont fini dans l'Abysse © Mapomme
Avec l'aide de Jason deCaires Taylor

samedi 27 mars 2021

Elégies. Mensonge d’aujourd’hui est vérité demain

Les vainqueurs d’aujourd’hui récrivent notre histoire
Demain s’ils sont vaincus d’autres la broderont
Et tout comme eux faisant le froid réquisitoire
Du pouvoir terrassé ils le galvauderont

César avait dépeint depuis son écritoire
De barbares Gaulois grossiers et fanfarons
Dont l’inculture était pour lui rédhibitoire
Ont-ils eu les défauts dont nous nous effarons ?

Du limon du passé des historiens déterrent
Des artéfacts en or qui montrent le revers
Qu’ont cachés les vainqueurs aux écrits délétères
Mais à la vérité notre esprit s’est ouvert

Napoléon fut-il un fichu va-t-en-guerre
Ou subit-il des rois tous les conflits divers
Ne pouvant supporter que règne un prolétaire ?


Qu'aurait écrit un Vercingétorix vainqueur ? © Mapomme

dimanche 21 mars 2021

Elégies. Un monde où l’action n’est pas la sœur du rêve

Merci à C. B.

Si l’avenir m’effraie le passé me fascine
Comment est né le monde ? Qu’y avait-il avant ?
D’où l’homme est-il venu ? Quelles sont nos racines ?
Rarement s’accordent les différents savants

D’un faux progrès hélas mes voisins me bassinent
Sans paraître il nous met des chaînes entravant
Nos esprits souffreteux qu’un gadget hallucine
Casqué d’un plat à barbe sus aux moulins à vent !

Pourtant notre passé sans cesse nous alerte
Comment naît un tyran nous menant aux combats
Si nous nous soumettons allons la tête offerte
Car si on sort du rang une lame s’abat

Oublieux de l’Histoire allons à notre perte
L’illusion du progrès mettant le monde à bas

Le passé ressassons sans tirer de leçons © Mapomme
d'après Gustave Doré

samedi 20 mars 2021

Elégies. Suivre Little Nemo au pays du sommeil

Enfant j’ai découvert un plus puissant rêveur
Errant en son sommeil au royaume onirique
Du souverain Morphée le couvrant de faveurs
Le réveil s’avérait peu fantasmagorique

Un calme médecin contait avec ferveur
La vie d’un détective en terres britanniques
Ou j’allais par le monde étant simple suiveur
D’un héros au destin cruel et tyrannique

J’ai voyagé ainsi sur tous les continents
Dans les siècles passés vivant des aventures
Issu d’un temps concret où l’argent dominant
À tout rêve imposait sa morne dictature

Sur la page vierge le songe est pertinent
D’où naîtront des récits par la seule écriture
J’extrais du noir limon des cristaux fascinants
Des gemmes d’ébauches dépouillées de ratures

Le rêveur s’éveille lorsqu’enfin il s’endort
Et lorsque son clipper quitte libre le port


Suivre Little Nemo © Mapomme

mercredi 17 mars 2021

Elégies. Tout revêtus de nuit iront les anonymes

Si parfois d’un auteur resteront des écrits
L’anonyme est promis à l’oubli des abysses
Glacés et ténébreux sans larmes et sans cris
Soudain néantisé ultime préjudice !

Du souvenir commun l’inconnu est proscrit
Les salauds les gentils boiront l’amer calice
De l’éternelle nuit sans qu’on fasse le tri
Entre ivraie et bon grain entre fiel et délice

Mais on se souviendra des êtres de fiction
Sortis droit du récit d’une œuvre fort prisée

Quand le peuple de l’ombre ira dans l’affliction
Le savoir envolé l’espérance brisée
Englouti par l’oubli sombre malédiction
Loin du monde vivant dont l’âme s’est grisée


L'anonyme est promis à l'oubli des abysses © Mapomme
avec l'aide de Gustave Doré

mardi 16 mars 2021

Elégies. On se sent bien souvent orphelin en pensée

Voir une conviction armée d'élocution
Que de la sienne au fond on sent proche parente
Qui sape sans faiblir dans une discussion
Des idées paraissant en tout point effarantes

On apprécie cet autre pour sa résolution
Luttant sans coup férir contre l’incohérente
Doctrine qu’on nous vend comme une évolution
Et qui n’est que revanche et haine sidérantes

Aussi quand l’autre parle on est moins orphelin
Et plus un naufragé sur une île déserte
Dont l’idée ne vaut pas le moindre fifrelin
Puisqu’on entend l’écho de sa pensée diserte

Car la sournoiserie sous des airs patelins
Scie les démocraties les menant à leur perte

Par bonheur on se trouve un jour moins orphelin

On est moins orphelin © Mapomme

dimanche 14 mars 2021

Elégies. Les dieux pour s’amuser se rient à nos dépens

Pour s’amuser les dieux jouent avec nos faiblesses
Frêles humains sans âme et sans plus de raison
Par ce jeu nous montrant qu’ils ont peu de noblesse
Nous ferions mieux au fond d’honorer nos maisons

Dans l’antre de Vulcain ils testent la souplesse
D’armes qu’ils fourbissent en faisant livraison
Pour exciter la rage au service d'altesses
Et pour fêter la trêve avec des pendaisons

Aussi quand vient la paix l’espace entre deux guerres
Ils versent en nos cœurs l’étrange admiration
Qui nous emplit de vide et qu’on ne comble guère

D’un être on s’éprendra submergé de passion
Les dieux se rient encor de nos amours vulgaires
Et déçus il faudra du sang notre ration

Il faut chasser ces dieux quand ils parlent de guerre


Les dieux se rient à nos dépens © Mapomme
avec l'aide de Waterhouse et de Boorman

samedi 13 mars 2021

Elégies. Mes lèvres ont gardé le péché pris des vôtres

Allons tel un navire ivres de liberté
Sur l’océan paisible ou submergés d’écume
Peu importe les vents pouvant déconcerter
Ne lâchons pas la barre en un flot d’amertume

Allons voiles claquant éblouis de fierté
Tel un aigle royal dont frémissent les plumes
Survolant les cimes dans l’azur déserté
Plus haut que les autres ne volent de coutume

Même si on s’échoue sur d’anodins récifs
Mornes et grisâtres sombrant dans la routine
Quand s’éteint la passion de nos cœurs excessifs
Loin des soleils radieux des amours florentines

Reste le voyage vivace et progressif
Vers l’aube inexplorée des rives ponantines

De ton corps je saurais tous les versets lascifs
De de tes lèvres douces les péchés qu’on butine


Vers l'aube inexplorée des rives ponantines © Mapomme

dimanche 7 mars 2021

Elégies. Il faut béatifier les moines d’Épicure

Il est étrange de songer qu’en bon épicurien
Je dois toutes mes joies à la vie monastique
Or les Bénédictins ne jouissaient de rien
Car Prie et travaille n’a rien d’orgiastique

Nombre d’abbayes aux temps des Capétiens
Changèrent le pays de façon méthodique
Défrichant leurs terrains couverts de bois anciens
Chassant la famine qui semblait fatidique

Ils ont créé des vins des fromages des liqueurs
Qu’on retrouve aux repas le dimanche en famille
Comme ils ont propagé pour l’esprit et le cœur
Le savoir des Anciens de Bavière en Castille

Hédoniste je bois à ces moines semeurs
En lisant un poème au frais sous la charmille


Il faut béatifier les moines d'Epicure © Mapomme

Elégies. Plus long est le chemin sans un Virgile ami

On éprouve parfois un sentiment confus
Qui ressemble à l’amour mais qui n’est que toquade
Belle rose tentant l’adolescent qu’on fut
Lorsqu’un regard furtif vient porter l’estocade

On a martel en tête en raison d’un refus
Quand on ouvrit son cœur à l’ombre des arcades
Un mauvais ange en nous d’un rien fit un raffut
Entretenant un spleen durant une décade

C’est un poison amer chaque jour instillé
Transformant un élan en ardeur transcendante
Mandant en son enfer le galant exilé
Qui y séjournera plus que ne le fit Dante

Tout ça n’est que chimère en quelques vers stylés
Meublant tout vide avril d’une épreuve obsédante


Dans l'enfer d'un avril le songe d'une idylle © Mapomme
avec l'aide de Gustave Doré

samedi 6 mars 2021

Elégies. La traversée est longue et semée de tempêtes

Affronter la tempête et retrouver doux vent
C’est là qu’est le plaisir de toute traversée
L’ego n’est pas flatté si un flot peu mouvant
Vient la coque frôler trop mollement bercée

Il faut sortir vainqueur d’un duel éprouvant
Après avoir subi la violence exercée
Pour apprécier la paix alors que trop souvent
Nous voguons égarés et l’âme transpercée

Entre une rive et l’autre on guette dans les cieux
Le signe présageant la tempête future
Puisqu’il n’est d’avenir sans un temps capricieux
Que nous sommes promis aux tourments par nature

Le calme il faut chérir comme rare et précieux
Et voir dans les tracas sourdre des aventures

Nous voguons égarés et l'âme transpercée © Mapomme

jeudi 4 mars 2021

Elégies. Le charme souverain d’un bois simple et serein

L’ombre des châtaigniers repose mon esprit
Tandis que la lumière à travers les ramures
Verse un jour étouffé sur un fourré surpris
Que parvienne un rayon tel un mourant murmure

Ce lieu fort silencieux est mon plus sûr abri
Entrecoupé d’un chant venu comme césure
Pour porter à la paix un salutaire bris
Nuage accentuant un ciel pur qu’il azure

Le calme revenu on l’apprécie vraiment
Comme s’il ponctuait un éternel vacarme
Importunes rumeurs qui vont en s’essaimant
Qui de guerre lasse nous font rendre les armes

Ce sous-bois m’attire à l’instar d’un aimant
La Nature exerçant le plus puissant des charmes

L'ombre des châtaigniers repose mon esprit © Mapomme


mardi 2 mars 2021

Elégies. Le naufrage annoncé vers l’abysse turbide

Quel ange malfaisant plane dans l’ombre amère
Pour qu’amis et parents succombent à son sort ?
De quel gouffre oublié où niche un mal primaire
A-t-il pu s’envoler et prendre son essor ?

Ses propos susurrés leurs esprits enflammèrent
Et d’eux il s’empara sans un extrême effort
Combien de fiers galions sans raison s’abîmèrent
Sur des récifs masqués sous un vent de bâbord ?

Quel mal peut les ronger au tréfonds de leur être
Qu’on ne puisse exprimer aux siens limpidement ?

En outre leurs propos ne laissent rien paraître
Bien qu'un regard trahisse un abyssal tourment
Nous spectateurs d’un mal qui s’en vient les soumettre
Voyons leur frêle esquif en la mer s’abîmant


Le redouté naufrage © Mapomme
avec l'aide d'Edvard Munch