vendredi 30 août 2024

Promenades. Sur le sentier marchant

Sur le sentier marchant, on se vide la tête
De toutes les pensées parasitant l'esprit :
La caboche s'égare en d'inutiles quêtes
Et des secrets sans fond, demeurant incompris.

Là, parmi les buissons, tout redevient limpide,
Dans les feux de l'été, loin du vacarme humain,
Car d'ineptes discours, sur un thème insipide,
Contrarient la pensée qui se perd en chemin.

Les oiseaux mélodieux et la brise légère
S'avèrent propices à la méditation,
Parmi les châtaigniers et les vertes fougères,
Des foules effaçant la vaine agitation.

Qui n'a jamais senti la beauté du silence
Ne peut réaliser le bienfait absolu
D'une telle quiétude et l'atroce violence
Du brouhaha auquel le monde est résolu !

Bien sûr, on apprécie d'agréables tablées,
D'amis de notre choix, durant de bons repas :
Mais, par moment, il faut, quand l'âme est accablée, 
Fuir d'ineptes quidams aux vues qu'on n'aime pas !
Sur le sentier marchant © Mapomme

jeudi 29 août 2024

Promenades. Le grand convalescent

 Hier, en empruntant le chemin forestier,
J'ai vu un châtaignier quelque peu invalide,
Dont des branches pendaient, tel un membre estropié
Dépourvu de vigueur, le tronc pourtant solide.

Un bout de celui-ci semblait un peu noirci,
Bien que ses feuilles soient intégralement vertes ;
Un ancien incendie le laissa en sursis,
Car de troncs calcinés la pente était couverte.

Pauvre ami végétal épargné par la mort,
Tu ne sais pas pourquoi la Parque te fit grâce :
Je ne le sais pas plus, moi dont l'étonnant sort
Me fit frôler l'enfer et m'en laissa des traces !

Deux vertèbres brisées, du métal dans mon cou,
Et une cicatrice égayant ma poitrine
Rappellent que la faux m'a frôlé par deux coups,
N'ayant pas ces jours-là une humeur très chagrine.

Mon frère végétal, comme moi résilient,
Nous faillîmes deux fois quitter cette existence :
Est-il en ce bas monde un mystère nous liant 
Ou quelque ange gardien nous portant assistance ?
Le grand convalescent © Mapomme

Élégies. Ensemencer de rêves

De rêves, j'ensemence un champ semblant stérile,
Car, à toute utopie, le limon est rétif ;
La glèbe s'y refuse et se veut infertile,
Chassant cet étranger, reçu sans nul motif.

Belle est la chimère, mais le champ, terre à terre,
Ne voudra l'apprécier à sa juste valeur :
Mon labeur reste vain, par un profond mystère,
Comme portant en soi les germes du malheur.

J'aimerais que l'espoir y croisse et puis nourrisse
Les esprits racornis ayant téter le sein
De la froide patrie ; les rêves dépérissent
Sur les champs endurcis, rétifs à leurs desseins.

En leurs sillons parvient la semence onirique
Et bien trop peu d'épis ne croîtront in fine ;
La récolte aux temps chauds n'aura rien d'historique :
Quelques grains me laissant triste et enfariné.

Les mots sont trop légers pour de sublimes rêves
Et les vents des mois froids les emportent au loin :
La récolte d'espoirs s'avérant bien trop brève, 
À peine pourrons-nous en faire tout un foin.
Ensemencer de rêves © Mapomme

mercredi 28 août 2024

Élégies. Voyager sans bouger

Le monde se complaît à toujours s'agiter,
Afin de décrocher quelque nouveau mirage :
Il s'épuise, s'essouffle et revient dépité
Pour n'avoir pu cueillir que des rumeurs d'orage.

Loin des échos furieux des moteurs rugissants,
Il est un coin d'éden que la folie ignore,
Où l'on ne veut plus être un corps nous régissant,
Mais un subtile esprit qu'un farniente améliore.

Quelquefois on entend, le spécifique cri
Des milans dans l'éther, ou le chat qui réclame
Sa pâtée à l'instant, où charmé par l'écrit
D'un auteur inconnu, l'esprit enfin s'enflamme.

Quand commande un félin, l'apaiser est le mieux,
Si l'on veut replonger dans la magie intense
D'une plume subtile ayant frôlé les cieux
Et qui offre à l'esprit sa divine pitance.

À cet instant précis, n'existe plus le corps
Qui s'élève au-dessus de la coquille humaine :
On trouve au sein d'une œuvre un puissant réconfort 
Qui devient l'ambroisie qui vers l'Olympe mène.
Voyager sans bouger © Danièle Lastrajoli

mardi 27 août 2024

Élégies. Quand vient le crépuscule

Un ciel crépusculaire pousse à mieux réfléchir
Sur le sens de la vie et sur nos turpitudes :
Qu'avons-nous accompli, hormis de s'enrichir 
Sur le plan financier et peu par nos études ?

Après l'azur teinté de lapis-lazuli,
Les nues étaient diaprées d'opale et d'améthyste,
Lors du fugace instant où le soleil pâlit ;
Le ciel alors revêt une palette triste.

Le jour agonisant prend d'instables couleurs,
Rendant l'instant précieux, comme fut éphémère
 L'aile d'un papillon ; une sourde douleur
S'empare de notre être et rend cette heure amère.

C'est l'heure du bilan, hélas sans concession,
Lorsque sont susurrées des vérités suprêmes !
Un spleen irraisonné de nous prend possession,
Énonçant la sentence de ce moment extrême.

"Qu'as-tu fait de ta vie, pauvre cœur automnal,
Jadis rasséréné par de vaines prouesses ?
Tout n'était qu'illusion !" L'instant sérotinal
Rendait l'ombre tragique et frivole la liesse !
Quand vient le crépuscule © Mapomme

Élégies. Notre vie est un songe

Notre vie est un songe, un tissu de mensonges,
Un théâtre d'ombres dont nous sommes témoins  ;
Toujours le doute affreux de son acide ronge
La certitude frêle et pure, néanmoins.

S'il était dans la nuit un phare qui nous guide !
Mais tout semble pareil, le bon et le mauvais,
Quand nul mentor ne vient, dans la noirceur perfide,
Montrer le seul chemin qui du gouffre sauvait.

Tout choix est ambigu et mène à l'infortune,
Ou bien à l'euphorie se drapant d'inconnu ;
 La nuit se voit privée des feux de clair de lune
Et tous nous tâtonnons, aimables ingénus.

Tout se réduit alors à quelques choix binaires
Qui rendent le destin quelque peu incertain,
D'où naissent des futurs souvent imaginaires,
Dont très peu s'avèrent franchement opportuns.

Illusion d'un vrai choix, notre vie est un songe
Où, de nuit, nous suivons un être mystérieux ;
Dans l'encre du néant, ce nautonier nous plonge,
Et le doute nourrit son secours impérieux. 
Notre vie est un songe 2024 © Mapomme
Avec l'aide des Wachowski

jeudi 22 août 2024

Promenades. L’étonnant noisetier

Si croulent les maisons, la vie jaillit des ruines,
De façon étonnante et la nature y croît ;
La maison d’à côté, sous des pluies assassines,
Reçut pierres et eau, d’un vestige sans toit.

Perdu dans un procès où l’assureur traînaille,
Son toit et ses planchers ne furent rebâtis ;
On aurait pu penser que sur cette pagaille,
De pierres entourée, rien ne serait sorti.

Un noisetier a crû au fil des décennies,
Clamant la primauté de la vie sur la mort ;
 La nature possède un étonnant génie
À l’existence offrant un tout nouvel essor.

Un autre arbuste a crû sur la terre et les pierres,
À des mètres de là et, au-dessus de lui,
On peut voir le crépi, sur une face entière,
Alors que les planchers ont tous été détruits.

Des chèvres y quérant rameaux comme feuillages,
S’aventurent souvent, quand rien ne pousse autour ;
Les disparates blocs traversent bien les âges,
Et le mortier permet aux brins de voir le jour.
L'étonnant noisetier © Mapomme

mercredi 21 août 2024

Élégies. Un invité surprise

Nous mangions, le quatre août, un peu avant midi,
Sur la grande terrasse, au-dessus du barrage ;
Soudain, le fauconneau, dans un vol inédit,
S’en vint droit sur chacun des gens de l’entourage.

Très incroyable fut cet instant truculent,
Où l’animal et l’homme un instant cohabitent ;
L’émouvante confiance est un vrai stimulant,
Car l’alliance du jour s’avérait inédite.

Fauconneau, tu t’en vins sur mon épaule itou,
Becquetant mon t-shirt en cet instant bizarre ;
 Du bec, tu chatouillais la base de mon cou,
In petto, je savais que l’instant était rare.

Car très prochainement, tu hanterais le ciel,
Tout en l’agrémentant de ton vol spécifique
Qu’on dit du saint-esprit, à ta chasse essentiel,
Et que j’avais trouvé, autrefois, magnifique.

Très bientôt, loin de nous, suivant ton naturel,
Libre et émancipé, tu mènerais ta vie,
Mais l’instant survivrait, quasi exceptionnel,
Ton âme demeurant toujours non asservie.
Un invité surprise © Mapomme

Promenades. Annapurna perso

Tout au bout de la route, une barrière en bois,
Et au-delà commence un sentier qui musarde
Vers l’aimable maquis ; plus loin, semant l’effroi,
S’élève Sant’Appianu, où bien peu se hasardent.

Il semble caresser de son sommet les cieux
Et un long cumulus qui, paisible, y navigue ;
Le mont flingue l’ardeur du marcheur prétentieux
Qui croit en triompher sans une ample fatigue.

Plus modeste, j’avais, sur un vague conseil,
Sur le Monte Picciolu lancé une offensive ;
 Mais un douteux chemin d’un effort sans pareil
Se paie d’une suée constante et intensive !

Aussi, Sant’Appianu resta l’Annapurna,
Le mythique sommet qu’il faut que l’on respecte ;
On ne s’y colle pas sans l’aide d’un Sherpa,
Sans une condition qui soit plus que correcte

C’est pourquoi j’ai gardé, tel un trésor secret,
L’inaccessible but qu’en songe je caresse ;
Plus passent les ans et moins je me sens prêt,
Car le rêve affermit, dans le cœur, la paresse.
Annapurna © Mapomme

mardi 20 août 2024

Promenades. Notre église romane

J’ai traîné mes guêtres jusqu’à la vieille église,
Que je n’avais plus vue depuis pas mal de temps ;
Entre nos doigts les ans, telle une onde insoumise,
À l’automne ont mené depuis notre printemps.

Les ronces ont cerné les ruines délaissées
Et je n’y puis trouver les sentiers d’autrefois ;
L’empreinte du berger a été remplacée
Par celles des chasseurs, en un tout autre endroit.

D’un côté, c’est bien mieux que le maquis protège 
Un lieu d’où fut tiré un âne inopportun,
 Qui se trouva coincé, dirais-je, par le siège,
Pour manger un chardon en guise de festin !

J’ai vu le village, depuis cette éminence,
 Constatant à quel point il avait pu changer ;
Ce regard sans regrets, qu’un revenant lui lance,
Est heureux de noter qu’il s’est bien arrangé.

Église de jadis, si mon cœur cauchemarde,
C’est qu’un millier d’autres se trouvent en péril :
Très peu bénéficient d’un plan de sauvegarde,
Pour des motifs, je trouve, amplement puérils !
Notre église romane © Mapomme

Élégies. Jour de pluie estivale

Il pleuvait ; les gouttes serpentaient lentement
Sur le pare-brise ; du soleil et l’ondée,
Après des semaines sans un pleuviotement,
Je regardais cette eau si longtemps quémandée.

Affluant vers le bas, ces gouttes musardant,
Rendaient impressionniste un tableau ordinaire ;
L’insignifiant parking, quelque peu emmerdant,
Teintait de gris l’attente à chaque fois amère.

En ce jour, tout changeait, car l’aspect incertain
Offrait à mon regard une image comique ;
 Des passants presque abstraits traçaient dans le matin,
Vaguement déformés dans leur course rythmique !

Dans un lieu fort connu, je me sentis ailleurs,
 Rêvassant tel un môme, au moment d’un orage,
Calfeutré au salon, quand des cieux chamailleurs
Sur la vitre expédiaient chaque goutte avec rage.

Soixante années plus tôt, par un après-midi,
Quand le grenier semé de seaux, de casseroles,
Recueillait l’eau coulant par le toit de jadis ; 
Voilà ce qu’on revoit, dans l’auto, sans parole !
Jour de pluie en été © Mapomme

lundi 19 août 2024

Promenades. Les spectres végétaux

Au bas de la colline, empruntant le sentier,
J’ai vu, les bras dressés, en guise de supplique,
Les spectres végétaux d’arbustes presque entiers,
Calcinés par un feu dont ils sont les reliques.

Calvaire de la pente où la vie disparut,
Saisie par l’incendie, lors de grandes bourrasques ;
La beauté de ces lieux, dont j’étais tant féru,
Fut effacée d’un coup par un destin fantasque.

Tels au gibet pendus et livrés aux corbeaux,
Des suppliciés d’antan effrayant les mémoires,
 Voici les corps figés, effroyables et beaux,
D’un maquis exhibant ses victimes notoires !

Signez-vous en passant, par ce lieu verdissant
 Avec peine, aux buissons roussissant en partie !
À l’oubli des malheurs, le monde est réticent :
La nature à ses maux demeure introvertie.

Nous-mêmes, porte-croix, les trimbalons de nuit,
Quand on ne peut les voir et par suite nous plaindre ;
Camouflons chaque plaie, que nul n’en soit instruit :
Il est des incendies que l’on n’a su éteindre !
Les spectres végétaux © Mapomme

dimanche 18 août 2024

Élégies. Gigantocumulus

Un nuage géant a surgi des flots bleus,
Tel un Pantagruel entre Italie et Corse ;
Fond-il en peu de temps, si par malheur il pleut,
Et peut-il perdre ainsi l’essentiel de sa force ?

S’il se fâchait d’un coup, des éclairs déclenchant,
Serait-il, par malheur, un gigantesque orage ?
Que d’ondées sur nos dos, à torrents s’épanchant,
 Pour un nuage empli d’une soudaine rage !

Gigantocumulus, n’allez que sur la mer,
Craignant les fortes crues comme la sécheresse,
 La seconde laissant l’agriculteur amer,
L’autre est pour l’assuré un objet de détresse !

Restez jusqu’à la taille en l’abysse profond,
 Manifestant en mer vos violentes colères,
Puisque l’on y craint moins les ires d’un typhon,
Sauf à y naviguer toujours sur des galères !

Ne pourriez-vous plutôt à flots vous diviser,
Résolvant sécheresse en empêchant les crues ? 
Ce serait un apport abondamment prisé,
Aux problèmes de tous la solution congrue !
Gigantocumulus © Mapomme
Avec l'aide de Goya

Promenades. Le quêteur d’infinis

Qui étais-tu, rocher, triste et désœuvré.
Regardant vers les nues, les insondables nues ?
Que quêtais-tu aux cieux, le regard enivré
Par l’infinie beauté des régions inconnues ?

Rocher immémoriel, par les siècles bâti,
Façonné par les pluies, je n’étais pas ébauche
Que tu te trouvais là, dans le maquis blotti,
 Au bas de la pente, vers le nord, sur la gauche !

Ton regard attristé savait ton souhait vain,
Vers l’infini sans borne et donc inaccessible,
 Domaine éblouissant des grands desseins divins,
Depuis neuf cent mille ans demeurant indicibles.

Les nuages passaient, sur ta face pissant
 Les fureurs des saisons souvent irrationnelles ;
Puis, le ciel était bleu, ou bien s’obscurcissant,
Champ semé d’étoiles d’une ère originelle.

Les siècles t’usent, roc, et tu disparaîtras,
Tandis que dans le ciel seront ces astérismes,
Sans qu’il soit possible d’apporter au contrat
Une disposition parant ce cataclysme !
Le quêteur d'infinis © Mapomme

Élégies. Marchez en procession !

Marchez en procession ! Les cloches carillonnent,
Dans la vie, dans la mort, dans les rues des cités ;
Dante a vu les damnés qui, sans fin, processionnent,
En enfer pour subir bien des atrocités.

Dans le village, allez et faites pénitence,
Car nul n’est sans péché, au cœur des processions ! 
Les vices de ces temps truffent nos existences,
 Dont l’envie, de notre être a tant pris possession.

Signez-vous, pour ce jour, et la mine contrite,
Tête basse, en rêvant, regardez les pavés ;
 Songez à vos erreurs et vos maigres mérites,
Vos principes et mœurs quelquefois dépravés.

Qui sait si ces sermons, qu’en prêche on vous assène,
 N’entravent vos désirs de jours plus audacieux ?
Chapelets ou chaînes, la morale malsaine
Des bigots n’est pas plus qu’un mirage des cieux.

Marchez en procession, la mine pateline,
En songeant aux absents qui manquent à l’appel ;
Puis, ce soir, lors du bal, sous la lune ivoirine,
Vivez la simple joie d’un bal traditionnel !
Marchez en procession © Mapomme

samedi 17 août 2024

Élégies. Dans la forêt obscure

Parfois on reste en vie sans demeurer soi-même,
Soit en vivant heureux, mille fois plus gourmand,
Le cœur et l'âme pris de sentiments extrêmes,
Se croyant immortel après l’effarement.

Mais, on survit aussi, apeuré et fragile,
Tel un héros mythique redevenu enfant,
Qui craint une forêt sans amical Virgile
 Qui, des maux de l’enfer, un poète défend.

Bien plus qu’à mi-chemin des ténèbres puissantes,
Leur seule obscurité habite le regard
 De l’égaré qui sait que la pente est glissante,
Qu’elle rend hors-la-vie et à jamais tricard.

La vigueur et l’envie en demeurent gelées,
 Cet hiver jusqu’aux os vient en fatal héraut,
Avec son avant-garde inflexible et zélée,
D’un vieux corps réduisant la défense à zéro.

Quand vient le soir, affreux, à la forêt semblable,
Où s’égara soudain un poète autrefois,
Cet endroit est un gouffre, un néant effroyable,
Un verdict boréal sans potentiel pourvoi.
Dans la forêt obscure © Mapomme
avec l'aide d'Ivan Shishkin et Antonio Cotti

Promenades. Les fleurs de népita

Souviens-toi, vieil enfant, du pré où les abeilles
Bourdonnaient, butinant les fleurs de népita ;
Tu pouvais demeurer devant cette merveille
Du labeur suscitant un digne éméritat !

Les fougères en août demeuraient encor vertes,
Et séchaient en hiver, malgré ce qu’avait dit
Une prof de géo, très néophyte, certes,
 Car le climat de Corse l’aurait donc interdit !?

Tu as toujours aimé la beauté bucolique
De ces rustiques fleurs des terrains rocailleux,
 Lesquels sont tapissés d’une herbe famélique,
La népita naissant d’un charme merveilleux.

Souviens-t’en, vieil enfant, très féru de mystères !
 Tu étais fasciné par la simple beauté
Des rochers affleurant la pente, sous la terre,
Et les chemins étroits des jeunes libertés :

Courir par le village, à fleur de canicule,
S’égratigner parfois, sans vraiment s’affoler, 
Être petit, sans doute, mais un petit Hercule,
Tu étais prêt à tout pour vivre et rigoler !
Les fleurs de Népita © Mapomme

vendredi 16 août 2024

Élégies. Le canari d’Harold

Harold se morfondait devant la grille close
De l’usine, attendant qu’elle daigne s’ouvrir ;
Ses collègues parlaient de mille et mille choses,
D’un conflit où un peuple allait encor souffrir.

Lui pensait simplement à son rayon solaire,
Un canari offert par un parent défunt ;
Il consacrait beaucoup de son maigre salaire,
 Et l’informait de tout ; l’oiseau chantait sans fin.

Devant son poste enfin, d’un acier propre et lisse,
Défilaient les pièces fabriquées mornement ;
 Des écrous, des boulons, des petites hélices,
D’un nouveau ventilo, du moins pour le moment.

À la pause repas, il songea que ces pièces
 Pourraient très bien servir sur un drone assassin ;
On parlait de la guerre et d’un tyran en liesse,
Après avoir frappé blessés et médecins.

Les sanglantes infos de guerre et d’incendies,
Résonnaient dans le bus, bondé comme toujours ;
On s’habitue à tout, aux maintes tragédies,
Qui tombent chaque jour, bien qu’on y reste sourd.

Harold grimpa enfin, les marches quatre à quatre 
Vers son morose appart, au papier peint pourri ;
D’atroces nouvelles persistaient à s’abattre :
À genoux, il pleurait son défunt canari.
Le canari d'Harold © Mapomme
Avec l'aide de Peder Severin Kroyer

Promenades. Si loin des flots du Rhin

Albéric, pauvre fou, qu’attends-tu pétrifié
Parmi les lentisques, les genêts et le myrte,
Si loin des flots du Rhin, tout amour sacrifié
Pour posséder un or, symbole de ta perte ?

Sur la pente rocheuse, on ne trouve aucun or
Et pas un brin d’amour, le cœur cerné de ronces ;
Où sont les vierges bleues qui trémoussaient leur corps ? 
 À ton cœur il fallut qu’à jamais tu renonces.

La convoitise entraîne en chacun l’appétit,
Tout trésor transitant en des mains différentes ;
 Le posséder rend fou et le cœur pervertit,
Puis le perdre affolit, nous laissant l’âme errante.

De son pouvoir on use et l’on crée la rancœur,
 Car chacun prétendra qu’à cet or il mérite,
Lançant de longs combats sans qu’en sorte vainqueur
Un cœur l’éparpillant, qui donc s’en déshérite.

As-tu trouvé ici, la paix du dénuement,
Parmi les trois carrières de calcaire ou de pierre, 
Et le maquis où vont l’été continûment
Des chèvres dont l’or vert est la quête première ?
Si loin des flots du Rhin © Mapomme

jeudi 15 août 2024

Promenades. Le génie bienfaisant

Génie, loin de chez toi, veilles-tu, bienfaisant,
Sur les vieux châtaigniers et l’aérien domaine
Où règnent les milans, dans l’azur s'exerçant
À suivre les courants, en remuant à peine ?

Veille, en roc incarné, sur notre quotidien,
Éloignant tous les maux qui très souvent nous guettent,
Car tant de sorts mauvais, depuis les temps anciens, 
 Sont jetés contre nous, avec ou sans baguette.

Vinrent des occupants, de toute éternité,
Car l’île était, pour eux, un enjeu stratégique
 Et il fallut subir l’ample cupidité
Des raids barbaresques, de façon périodique.

Par un retournement du sort assez curieux,
 Des captifs ottomans sauvèrent ont pu sauver des flammes,
Les enfants, les femmes, d’un incendie furieux,
Quand les hommes, au front, subissaient tant de drames.

Bès, qu’es-tu venu faire aussi loin de chez toi ?
Suivis-tu les Romains de retour de l’Égypte,
 Quand celle-ci était affaiblie dans sa foi ?
Veille bien sur Chiatra qui, pour moi, le mérite !
Le génie bienfaisant © Mapomme

Promenades. Le triste souverain

Ce rocher de Chiatra montre un souverain triste
Qui songe à son passé de beauté et grandeur ;
Frissonnent sous le vent les genêts et les cistes,
Tel un regret frémit les yeux baignés de pleurs. 

Plus grande est la perte, plus la larme est amère,
Dit un chant phocéen ou sans doute troyen ; 
Malgré tout son éclat, tout règne est éphémère, 
 Même si, des pouvoirs, il serait le doyen.

Du rocher, des larmes ont été déversées,
Qui rejoignent la mer, que fondent les regrets
 Des dynasties tombées pour être dispersées,
Pour n’en laisser qu’un fruit dont le goût est aigret.

Souverain façonné par les pluies ou les hommes,
 Un jour laid, chacun perd chimères et passion !
On se réveille, alors, après un profond somme,
Le cœur d’un doute empli et de consternation.

Puissant dépossédé fixant le crépuscule,
Là où rougeoient les monts assombris de tourments,
 Chaque humain a vécu l’instant où tout bascule,
L’avenir, les yeux clos, à jamais s’endormant !
Le triste souverain © Mapomme

mercredi 14 août 2024

Élégies. Entre nuit et matin

J’aime assez cet instant, entre nuit et matin,
Quand un feu maladif rend les choses confuses ;
Tout n’est qu’une abstraction, un à-plat indistinct,
Des couleurs appliquées sans un blanc de céruse. 

Souvent les sentiments naissent sans vrais contours,
Sans qu’on les ait ourdis bien longtemps à l’avance ; 
Est-ce un sublime, un grand, un éternel amour, 
 Un feu de pacotille sans nulle survivance ?

On s’enflamme et pourtant ce béguin est obscur :
D’où vient-il, maraudeur, pour rançonner notre âme ?
 Ses desseins sont-ils clairs, hors des calculs impurs,
Car d’avance on ne sait ce qu’un vil esprit trame ?!

Ce matin, c’est le jour, sous forme d’un à-plat,
 Où rien n’est préconçu, sans l’ombre d’une esquisse ;
Journée, que seras-tu, maussade ou pur éclat ?
Quel devin prédira ton déroulé d’office ?

Depuis mon insomnie, m’apparaît un matin,
Esquisse au jour naissant, hors de toute idée-force ;
 C’est l’exquise beauté d’un projet incertain,
Avant l’aube portant bien des rêves en Corse.
Entre nuit et matin © Mapomme

Promenades. Ulysse et la chouette

Lorsque j’étais gamin, à Chiatra, en été,
J’observais des rochers aux formes insolites ;
L’un d’eux me fit songer à un héros sculpté,
Que deux mille ans de pluies très lentement délitent. 

Je m’étais convaincu que Grecs ou Romains,
Taillèrent dans le roc le visage d’Ulysse ; 
Près de son front volait un oiseau très commun :  
La chouette chevêche à l’extrême malice.

Ulysse et Athéna, quoi de plus fabuleux
Que l’illustre duo d’un poème mythique ?
 Le trouver face à moi serait miraculeux,
Car il berça les chœurs des chants les plus antiques.

Je n’avais pas onze ans, mais ce vivant récit
 Avait nourri mon cœur d’une puissante flamme ;
Il défia dieux et Mort, sur les flots indécis,
Pour demeurer mortel, revenant vers sa femme.

Ceint de chênes-lièges et de verts arbousiers,
Je vis le roi errant en Méditerranée ;
 Du bon sens d’Athéna, il a bénéficié,
Et on sculpta le roc voici deux mille années.
Ulysse et la chouette © Mapomme

Élégies. Un rêveur de 15 ans

Avez-vous déjà vu émerger des abysses
Des cachalots au loin ? Lorsque j’étais gamin,
J’en voyais très souvent qui sur les flots bleus glissent ;
Je m’arrêtais alors, rêvant sur le chemin.

Au large de Bastia, quand j’allais au lycée,
Venant des Capucins, pour aller à l’Octroi,
Je me disais qu’Ulysse, au cours de l’Odyssée,
Les voyant de trop près, en conçut de l’effroi.

De loin, leur dimension, plutôt majestueuse,
Inspirait le respect a tout chétif humain ;
 Je blâmais la folie, bien irrespectueuse,
Du capitaine Achab, méritant son destin.

Plus proches des rives et d’humeur plus ludique,
 Des groupes de dauphins bondissaient hors des flots ;
Étais-je en un roman néo julesvernique,
À bord d’un steamer croisant dauphins et cachalots ?

On peut vivre à quinze ans une calme aventure,
Lorsqu’on va au lycée, l’esprit ensommeillé ;
 L’ordinaire vision de telles créatures
Incite un doux rêveur à ne pas s’éveiller.
Un rêveur de 15 ans © Mapomme

mardi 13 août 2024

Élégies. Un trésor de poussière

« Dites-moi simplement : Nabuchodonosor,
Mykérinos, Khéops, Khéphren ! », dit l’enseignante ;
Cette prof transformait l’Histoire en vrai trésor,
Rendant l’Antiquité pleinement passionnante.

À Aléria, j’ai vu les fouilles à dix ans,
Où j’ai pu ramasser un pieux fragment de brique ;
En rentrant, je plaçais ce trésor imposant
Dans ma table de nuit, telle une vraie relique.

« Un artisan a fait, il y a deux mille ans,
En Corse, à Aléria, cette brique en argile » ;
Ce trésor me semblait sans nul équivalent,
Preuve que tout empire est un titan fragile.

Vers trente ans, j’ai croisé en haut du boulevard,
Ma prof : j’ai énoncé la formule magique ;
Elle avait oublié et l’élève bavard,
Et ses rois préférés : tout oubli est tragique !

Mes parents ont jeté mon plus ancien trésor,
Comme s’il n’était rien qu’une brique grossière ;
 Ce fragment bien gardé, Nabuchodonosor :
Pour tout autre que moi sont des nids à poussière !
Un trésor de poussière © Mapomme

lundi 12 août 2024

Élégies. Le Roi pris dans ses brumes

 Le Roi des anciens temps a de noires pensées,
Les ténèbres pesant de leur malsain fardeau ;
Sa vie éternelle est par la mort devancée,
Sans pieux Confiteor et sans aucun Credo.

Sur son trône abattu, sans épée et sans sceptre,
En vrai tyran, la nuit assombrit son esprit ;
Sa cour voit le déclin, où le Roi n’est qu’un spectre,
Son crépuscule étant par chacun incompris.

Le sépulcral empire, où son démon le guide,
Est un labyrinthe dont nul esprit ne sort ;
Son regard reste éteint tel un fleuve turbide
Aux couleurs de l’oubli, pis que la malemort.

Que sommes-nous, ô Roi, puissants ou misérables,
Pour être ainsi frappés par un mal pernicieux ?
En quel brouillard épais d’un monde inénarrable
Sont tes Terres Gastes privées d’azur précieux ?

L’ancien Roi s’éclipse des contrées où ses proches
Vivent son crépuscule en affidés émus ;
 Tel Ramsès inhumant ses fils dessous la roche,
On l’eut cru rejoignant les siens dans l’Inconnu.

Le roi pris dans ses brumes © Mapomme

dimanche 11 août 2024

Élégies. L'affreux tonneau percé

 Les jours passent mornes, semblables en tout point,
Telle une eau de torrent, au début de l’automne ;
Fuitent les secondes, sans qu’il en soit besoin,
Grains de sable engloutis par les années atones.

Un jour après l’autre, nullement n’est comblé
Malgré tous mes efforts, le tonneau de la vie ;
Où cela mène-t-il, sinon à m’accabler,
Comme tout un chacun qui voit son eau ravie ?

Les ans sont-ils percés de mille infimes trous,
Car ils n’ont pu combler et mon cœur et mon âme ?
Le tonneau de la joie n’a été, peu ou prou,
Depuis longtemps, je crois, éclairé d’une flamme.

J’avais le feu sacré et un espoir ardent,
Dans mon caban d’antan, une confiance en poche ;
Par les poches trouées, celui-ci se perdant,
Comme filent les ans, les rêves s’effilochent.

Les jours filant vite, je n’en attrape aucun,
D'un geste décisif : mes poches sont percées,
Comme un fameux tonneau dont parlent les bouquins :
Mon espérance ainsi s’en trouve dispersée.
L'affreux tonneau percé © Mapomme

samedi 10 août 2024

Élégies. La terre à nos semelles

On croit quitter une île : on l’emporte avec soi,
Car elle est en nous-même, ainsi qu’un tatouage ;
Plus on s’éloigne, un jour, et plus on s’aperçoit
Qu’on traîne le maquis durant tous nos voyages.

On parle la langue de la région qu’on fuit,
Comme pour raccourcir l’effroyable distance
D'elle nous séparant ; si rien ne la réduit,
Rien ne l’accroît non plus, car née de la constance.

On a fui la famille, afin de vivre enfin,
Mais comment l’effacer ? Elle hante nos pensées ;
Le passé est un roi qui n’est jamais défunt :
Tant de souvenances y sont ensemencées.

On connaît un bonheur, habité de langueur,
Plante dont la racine est lointaine et profonde ;
Ce mal irraisonné ne perd jamais vigueur
Et reste un abîme que nul nocher ne sonde.

Tout ce qu’on veut quitter, un passé douloureux,
Famille ou une île, s’accroît avec l’absence ;
Le mal qu’on voulait fuir devient plus vigoureux
Et les liens étouffants affirment leur puissance.
La terre à nos semelles © Mapomme
d'après Winslow Homer

Élégies. Le piège d’un bon job

Bosser est gratifiant, surtout les premiers temps,
Où on se sent utile et aux autres semblable ;
On grimpe d’échelon, étant presque important,
Mais on reste un cafard, un pion manipulable.

On marne comme un chien, pressuré, augmenté,
Mais que de temps passé pour quelques statistiques !
La vie, la vraie, la seule a filé sans compter,
Et le peu nous restant s’avère pathétique.

On bosse pour le fric, mais aussi le plaisir
Du boulot accompli, en bonne confrérie ;
Or le job est un ogre, apte à nous dessaisir
Du temps libre essentiel en bonnes dingueries.

Un jour, on est jeté, à l’instar d’un poids mort,
Et l’on devient épave, emportée par l’écume
Des jours tempétueux, éprouvant des remords
Pour les heures perdues pour de grosses légumes.

Hélas, mon vieux ! Le temps a filé sous le vent,
Et me voici rendu presque à mon port ultime !
Pour le peu me restant, le solde est décevant,
Car de l’engoule-vie j’ai été la victime !
Le piège d'un bon job © Mapomme

Élégies. Retour du fils prodigue

  On part la fleur aux dents et on revient piteux,
Car les temps ont changé et la vie est plus dure ;
Pou moi, ce fut la crise et l’avenir miteux,
Vraiment sans repères et loin de ma verdure.

Pour le faucon aussi, le monde avait changé :
Il revint affamé vers sa chère terrasse,
Où à nouveau il put à satiété manger ;
Des mois sans une pluie quand la chaleur harasse,

Les proies se font rares, à sec sont les ruisseaux
Et toute la faune par conséquent en bave ;
Le faucon ne trouvait pas un seul souriceau,
Et pas plus de point d’eau où les rapaces boivent.

Comme lui, je revins morose et dépité,
Très peu enthousiasmé par ma piètre expérience ;
On part, s’imaginant que l’on va hériter,
D’un sublime destin, l’âme emplie de confiance,

Une fois de retour, pas question de rester
Et poursuivre une vie qui demeure subie ;
Aussi, le fauconneau, une fois sustenté,
Comme moi, repartit en suivant sa lubie.
Retour du fils prodigue © Mapomme

vendredi 9 août 2024

Promenades. Craquements indistincts

 Au-dessus du barrage, des branches mortes craquent
Et des arbres entiers, sans qu’on sache où vraiment ;
Depuis un incendie, ceux-là vivaient patraques,
Bien qu’ils soient demeurés debout obstinément.

Le maquis ressuscite après un incendie,
Mais les grands arbres, agonisant des mois,
S’assécheront d’un coup, malgré mes psalmodies ;
Voir les livides troncs suscite mon émoi.

Spectres d’arbres cramés, aux branches de suppliques,
Se détachant en gris sur l’immortel maquis,
Jade sempervirent qui au néant réplique,
Renaissant des cendres qui avaient tout conquis.

Craquent avec fracas des branches, tel un râle,
L’écho répercutant ce vacarme imprécis ;
Le tronc horizontal, sculpture végétale,
Où tant de gens aimaient parfois rester assis,

A lui aussi péri dans un fracas ultime ;
C’est là que tu songeais à tous les amples maux
Du monde comparés à la beauté intime
Que t’offrait le vallon aux trésors aromaux.
Craquements indistincts © Mapomme

Élégies. Août est pris de frissons

Trop ne saurait durer l’été narguant l’hiver,
Car s’abattent les froids sur nos lourdes épaules ;
Alors, tout se déglingue et s’en va de travers,
Lorsqu’un froid boréal souffle, venu du pôle.

Soleil, tu peux briller : août est pris de frissons
Et bien qu’emmitouflé, la chaleur le déserte !
Même si aucun vent n’agite les buissons,
Ses épaules d’un plaid demeureront couvertes.

Voici la neige d’août qui tombe sur nos cœurs,
Car ils n’osent penser qu’à l’automne revienne
L’été radieux d’antan, quand un bienfait truqueur
Rétablira d’un coup les saisons édeniennes.

Le roi d’été ne peut au dehors demeurer,
Sans se couvrir le dos d’une robe de chambre ;
C’est l’été excessif qui voudrait nous leurrer,
Ressentant dans son sang les frimas de décembre.

Le roi est là, bien las, aujourd’hui sans éclat,
Menacé du ciseau de l’effroyable Parque ;
Elle compte ses jours et prépare le glas,
Pour l’hiver éternel qui à jamais nous marque.
Août est pris de frissons © Mapomme

jeudi 8 août 2024

Élégies. Un lien indélébile

Comme un jour un enfant s’en va de la maison,
Un oiseau recueilli retourne à la nature ;
S'il revient pour nous voir, par quelque inclinaison,
Ça signifie qu’un lien, malgré l’instinct, perdure.

Mais l’ordre naturel commandera toujours,
Nonobstant l’affection qui reste et le déchire ;
Certe, on se trouve ému par cet étrange tour
Qu’aura pris les choses et, par moments, l’inspire.

La nature est plus forte et c’est très bien ainsi,
Dès lors que ce retour se révèle éphémère ;
Comme nous, un rapace aura l’air indécis 
Bien qu’un lien durable demeure une chimère.

J’ai vu quelques milans, par principe prudents,
Passer moins loin de nous, à l’heure où on s’attable ;
La méfiance prévaut, l’instinct les commandant,
Car ils volent toujours à distance acceptable.

De même, le faucon, allié du laboureur,
Bien que restant tout près, redeviendra sauvage ;
Des rongeurs s’avérant l’utile prédateur,
Il fera dans leurs rangs de bienfaisants ravages.
Un lien indélébile © Mapomme

Promenades. Papillon pris d’ivresse

Un papillon folâtre autour des clématites,
Près des vignes bordées d’un reste de maquis ;
Dans son vol erratique aux lignes inédites,
C’est l’ivresse éblouie sous un azur exquis.

On pourrait demeurer des matinées entières,
Ravi par le vivant sous d’infinies façons,
Dans le vol d’un oiseau, l’étonnante lumière
D’un matin du mois d’août, la forme d’un buisson.

Le vol du papillon est celui de l’ivresse,
Une danse de joie, de bonheur exaucé ;
À l’instar du berger qu’un vent léger caresse,
Après avoir marché par sentiers et fossés.

Le maquis décline l’intime symphonie
Des couleurs de saison ravissant les psychés ;
Tout paraît spontané, naturelle harmonie,
Et rien n’est factice tel un spécieux cliché.

De fragiles ailes permettent le miracle
D’un vol papillonnant dans l’été ébloui ;
Partant de l'harmonie, j'apprécie le spectacle
Qu’offrent les rares fleurs d'un mois d'août inouï !
Papillon pris d'ivresse © Mapomme

mardi 6 août 2024

Élégies. Vestiges de l'été

 Le mi-jour grisouillait sur les monts embrumés ;
Où est le moite été aux cieux d'un bleu céleste ?
Tout change et s'attriste, les chagrins exhumés
Fondant au grand galop en brigades funestes.

Les fléaux encapés, les yeux proéminents,
Sabre au clair et hurlant, mènent l'apocalypse
Sur les édens d'antan, l'enfer les piétinant,
Factices souvenirs que cette charge éclipse.

On rage, on souffre, on sue, rien n'est à notre gré !
Nos vestiges d'été sont comme ces visages,
Trop beaux, calmes, parfaits, et si bien intégrés
Qu'on voit sur les portraits, comme il était d'usage.

Le jour est écrasé par les cieux menaçants,
Qui de nacre ont drapé les monts de malachite ;
Des rumeurs d'agonie roulent leur mauvais sang
Et l'été oppressé sent la vie qui le quitte.

Voici le tournant d'août qui survient un peu tôt,
Et qui chasse les joies de nos touffeurs oisives ;
Ces grondements roulant d'attristants Mementos,
Annoncent les langueurs des brumes morosives.
Vestiges de l'été © Mapomme
Avec l'aide de Viktor Vasnetsov

lundi 5 août 2024

Élégies. L'air d'un instant fugace

C'était un air nouveau, et pourtant très ancien, 
Car je le découvrais, parlant à ma mémoire,
Ne sachant peindre en mots ce qu'un vrai musicien
Aurait pu évoquer, tel un fragment d'histoire.

Ailleurs, peut-être ici, dans d'autres dimensions,
J'ai vécu cet instant, bercé par la musique
Que j'ai pu reconnaître à des intonations,
Car une mélodie laisse un accent mnésique.

On sait qu'on a vécu un grandiose moment,
Lors d'un bal du grand siècle ou dans une guinguette ;
Qu'importe l'époque, le pourquoi, le comment :
Ç'aurait pu être un lieu de chants en goguettes !

Je m'y trouvais, c'est sûr, et nous avons dansé,
Dans le pâle éclat des flammes amoureuses ;
Nous dansions très serrés, tendrement enlacés,
Et nous aimions l'instant d'une danse fiévreuse.

Cette étreinte demeure en un brouillard confus,
En laissant son empreinte, à tout jamais vivace ;
Si tout est vaporeux, on sait que l'instant fut,
Et quelquefois, le soir, du fugace on rêvasse !
L'air d'un instant fugace © Mapomme
Avec l'aide de L. Visconti