lundi 27 mai 2024

Élégies. Missive cacochyme

Je rêve d’une fosse étroite et bien profonde
Et nous nous y tenons enlacés puissamment,
Nos visages cachés au regard de ce monde,
Afin que nul ne voit l’étreinte des amants.[1]

Qu’y a-t-il au-delà, sitôt franchie la porte ?
Sommes-nous dévêtus des rêves fondateurs,
Des aveugles crédos refusant que soit morte
L’âme qu’aurait donnée un vague créateur ?

Il serait pourtant beau qu’un amour continue,
Par-delà notre vie, simplement par l’esprit ;
Nos pauvres carcasses, bien qu’étant toute nues,
Iraient sans un péché, si les chairs ont pourri.

Le plaisir n’est pas vain, pas rien qu’une chimère,
Mais ne forme pas tout dans une relation ;
Si j’avais cette foi, que je n’éprouve guère,
J’aurais sur l’après-mort bien moins d’appréhensions.

Chère âme sœur, vois-tu, cette pensée m’effare :
Nous étions tout pour l’autre et ne serions plus rien ;
Chacun irait tout seul, dans une nuit sans phare,
Et sans ces petits riens qui fondaient notre lien.
Missive cacochyme © Mapomme



[1] Premier quatrain d’après une lettre de Franz Kafka à Dora Diamant.


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