vendredi 17 mai 2024

Élégies. Le moulin immergé

Vers le début de mars, on vide le barrage,
Afin de le curer, et j’entends le torrent,
Celui de mon enfance, qui écumait de rage
Invisible aux regards, sur la roche courant.

C’est un chant rassurant, un murmure aquatique,
Tel un chant de sirène, envoutant, mystérieux,
De la prêtresse pure aux rives de l’Attique,
Qui parvient, en écho, en un charme impérieux.

Drapées d’un noir limon, les berges apparaissent,
Puis la maison en ruine et l’ancestral moulin ;
Mes parents l’évoquaient, mais alors, par paresse,
Je faisais très peu cas du récit sibyllin.

Le moulin, la farine et la mule chargée,
Ainsi que le jardin, par la source arrosé,
Surgissaient de la boue : la légende immergée
Au fond des eaux du lac avaient tant reposé.

Tous les récits anciens, petits faits, anecdotes,
Tout prenait forme enfin, et l’imagination
Offrait aux lieux défunts le parfait antidote
À leur funeste sort d’infinie damnation.

Le moulin immergé © Mapomme
d'après Samuel Henry Baker et Caspar Friedrich

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