lundi 6 mai 2024

Sonnets sertis. Le rêve était si beau

Le rêve était si beau qu’il fallait qu’il fût vrai
Et prouver le contraire aurait paru horrible.

Historien, cache donc l'effroyable récit,
Car j’en deviendrais fou, si faux était mon rêve !
J’irais tel un chrétien privé de Jésus-Christ,
Qui n’aurait devant lui, qu’une existence brève.

Si ton œuvre grandiose a la force d’un cri,
Tiens-la sous le boisseau et jamais ne l’achève !
J’accorde à ce projet un si prodigieux prix,
Que, sans lui, j’irais sec, comme un arbre sans sève.

Sans l’espoir exalté d’un système idéal,
Plus d’avenir meilleur et le chaos commence ;
De ma foi absolue, je reste le féal.

Sans compas, où aller sur l’océan immense ?
N’ôte pas l’aurore du monde boréal,
Et fais preuve, historien, d’une infime clémence !

Sans l’espoir qui, alors, tout mon être enivrait,
Ne verra-t-on germer un futur plus terrible ?

Le rêve était si beau © Mapomme

Le premier tome du livre d'Alexandre Soljenitsyne, L'archipel du goulag est paru en 1973 à Paris. On l'a accusé d'être mensonger et beaucoup de communistes refusèrent d'ouvrir les yeux. Puis, la vérité s'imposa à beaucoup d'entre eux, et ce fut une terrible désillusion pour des millions de gens dans le monde.
Ce poème évoque ce traumatisme.

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