Le rêve était si beau qu’il fallait qu’il fût vrai
Et prouver le contraire aurait paru horrible.
Historien, cache donc l'effroyable récit,
Car j’en deviendrais fou, si faux était mon rêve !
J’irais tel un chrétien privé de Jésus-Christ,
Qui n’aurait devant lui, qu’une existence brève.
Si ton œuvre grandiose a la force d’un cri,
Tiens-la sous le boisseau et jamais ne l’achève !
J’accorde à ce projet un si prodigieux prix,
Que, sans lui, j’irais sec, comme un arbre sans sève.
Sans l’espoir exalté d’un système idéal,
Plus d’avenir meilleur et le chaos commence ;
De ma foi absolue, je reste le féal.
Sans compas, où aller sur l’océan immense ?
N’ôte pas l’aurore du monde boréal,
Et fais preuve, historien, d’une infime clémence !
Sans l’espoir qui, alors, tout mon être enivrait,
Ne verra-t-on germer un futur plus terrible ?
Le premier tome du livre d'Alexandre Soljenitsyne, L'archipel du goulag est paru en 1973 à Paris. On l'a accusé d'être mensonger et beaucoup de communistes refusèrent d'ouvrir les yeux. Puis, la vérité s'imposa à beaucoup d'entre eux, et ce fut une terrible désillusion pour des millions de gens dans le monde.
Ce poème évoque ce traumatisme.
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