mardi 22 avril 2025

Élégies. Le boulot file ailleurs

La filature n’est plus, depuis des décennies,
Partie sous d’autres cieux, laissant sur le carreau
Les ouvriers du coin, grâce aux petits génies
Qui auraient dû finir derrière les barreaux.

C’est une épidémie, comparable à la peste
Qui a frappé le Nord et le monde ouvrier,
Et rien pour l’en guérir, nul envoyé céleste,
Ni miracle soudain, à force de prier.

On ne pourra tirer des plans sur la comète,
Tant la tempête vient jeter sur les brisants
Le solide bateau ; le profit malhonnête
Séduit le nautonier tel un phare luisant.

Ainsi, tout est ruiné, englouti par l’écume,
La cruauté des temps, et les rêves détruits
Voient sombrer dans les flots les avenirs posthumes,
Plongeant vers l’abysse lentement et sans bruit.

Le boulot file ailleurs, où à bas prix on tisse,
Des fringues à deux sous, s’usant en peu de mois ;
Il n’est plus un patron qui chez nous investisse,
Et, en son avenir, l’ouvrier n’a plus foi.


Le boulot file ailleurs © Mapomme

Élégies. Le roi du Monde est nu !

Il prétendait régler tous les conflits sur Terre,
En assez peu de temps, d’un claquement de doigts ;
C
omment y parvenir ? C’est là tout le mystère,
Aux faveurs le tyran étant resté de bois.

Tout fraîchement élu, le roi de la parade
Demanda qu’on lui fît des habits inédits ;
I
l choisit pour cela un ancien camarade,
Auquel ses partisans faisaient un grand crédit.

Ensuite, il se lança, via quelques émissaires,
Dans des marchandages assez inattendus :
I
ls prenaient pour comptant tous les mots insincères
Et croyaient que l’accord était déjà vendu.

Au final, nulle paix ne se trouva conclue,
Et ils revinrent tous Gros-Jean comme devant !
C
hacun se moqua d’eux qui eurent la berlue,
Amateurs se croyant plus au fait qu’un savant.

Quand aux habits nouveaux, qui devaient tant surprendre,
Ils furent inouïs et d'un style inconnu ;
Nul courtisan n’osa, craignant trop un esclandre,
Dire au roi du Monde qu’il paradait tout nu.


Le roi du Monde est nu ! © Mapomme
Clin d'œil à Hans Christian Andersen

lundi 21 avril 2025

Élégies. Pas même envie de lire

Parfois rien ne nous sied, même l’envie de lire,
Et tout semble insipide, même le pur azur.
On rôde en la maison, sans que l’on puisse élire
Un hobby quotidien dont l’attrait serait sûr.

Alors, les bouquins clos, sur le plumard on bulle,
Songeant à tout et rien, dans un chaos complet :
Atone est la maison, sans aucun préambule,
Et rien, à la télé, franchement ne nous plaît.

On exhume sans fin des choses désinvoltes,
Un néant de pensées, ne menant nulle part,
Demeurant amorphe, dépourvu de révolte,
Subissant un torrent de souvenirs épars.

Le jardin est fleuri, heureux, les merles chantent,
Pas un nuage en vue : d’où vient ce spleen soudain ?
P
eut-être qu’ayant tout, sans nulle envie ardente,
Nous avons pour l’acquis un étonnant dédain ?

L
a joie simple a le goût des amères oranges,
Et en enfants gâtés, nous la mésestimons :
Le versatile esprit a des humeurs étranges,
Sans nul doute habité par un cruel démon.


Pas même envie de lire © Mapomme
Avec l'aide d'Ernst Ludwig Kirchner et de Suzanne Valadon

dimanche 20 avril 2025

Élégies. Vierge, cache ce sein !

Le bigot, effaré, détourna son regard
Du drapeau de l’état qui montrait Virginie,
Avec un sein à l’air qui le laissait hagard :
«
Vierge, cache ce sein ou tu seras punie !»

S’il arrivait au Louvre et voyait le tableau
D’Eugène Delacroix, romantique et splendide,
Montrant la Liberté portant notre drapeau,
Les seins en liberté dans un geste candide,

Vite, il exigerait son imminent retrait.
Hé, quoi ! nouveau Tartuffe, dans tous les grands musées,
Nous faudra-t-il vider toutes les collections,
Pour ne plus voir ta gueule outrée et médusée ?

On devrait donc songer à vêtir sans tarder,
Les marbres des Vénus et des autres déesses,
Tous les guerriers gaulois qu’il ne faut regarder,
Pour éviter l’enfer, si on en voit les fesses !

T
es ancêtres ont-ils montré tant de pudeur
Avec tes esclaves à demi dévêtues ?
T
on drapeau évoque la sublime grandeur,
De vaincre une couronne à tout jamais battue.


Vierge, cache ce sein ! © Mapomme

Fait en réaction une école de l'état de Virginie qui a fait enlever le drapeau virginien qui représente une vierge foulant aux pieds la couronne royale (anglaise) symbole du tyran vaincu par la démocratie. La bêtise la plus profonde. Jusqu'où la bigoterie ira-t-elle ?

Élégies. Se laver des péchés

Une messe suffit à se laver les mains
Des péchés et des crimes dont elles sont couvertes.
Les guerres ont laissé tant de croix en chemin,
Et dans l’esprit de paix, tant de plaies sont rouvertes.

Ainsi, on devient saint, dans le parfum d’encens,
Au cours du peu d’heures que dure la grand-messe.
Aux combats à venir, on voit le chef pensant,
À l’odeur des combats dans les brumes épaisses.

Le cœur du conquérant n’a pas de religion,
Recherchant la grandeur pour entrer dans l’histoire ;
Il songe à envoyer de nouvelles légions,
Se fichant de l’avis des lointains consistoires.

Que sonnent les cloches à travers les cités,
Qui rendront les croyants amplement euphoriques,
Fêtant le prodige du Christ ressuscité :
L
es morts sont les héros d’une guerre homérique.

Qui périt au combat ne ressuscite pas,
Car un crime de sang empêche de renaître :
Qu’y a-t-il au-delà de tout humain trépas ?
J’en repousse toujours l’idée de tout mon être.


Se laver des péchés © Mapomme

Élégies. Aux sombres temps soumis

Il faut avoir connu une époque dorée,
Où le monde avançait vers l’horizon radieux,
Puis avoir traversé une crise abhorrée
Pour enfin parvenir en un passage odieux,

Pour regretter l’espoir qui dans l’ombre subsiste.
Nous voici en l’hiver, tels de frileux oiseaux,
Regardant le sol nu, sous des cieux gris et tristes,
Et des renards lapant de troubles mortes-eaux.

Déboussolé, le monde en chemin se fourvoie,
Le bonheur d’autrefois se révélant sans prix ;
Si d’habiles marins sur l’océan louvoient,
Les malheureux terriens par les flots sont surpris.

Pièce interchangeable, l’humain est une merde,
Qu’on piétine et qu’on trait, sans le moindre respect ;
Dans l’open space affreux, tant de rêves se perdent
Car on n’ose songer, ne vivant plus en paix.

Nous sommes crucifiés au cadran de l’horloge,
Bossant certes moins bien dans ce théâtre ouvert ;
Songeant aux temps passés, toujours on s’interroge
Sur le sombre avenir et l’éternel hiver.


Aux sombres temps soumis © Mapomme

samedi 19 avril 2025

Élégies. Un pouvoir sans limites

Au départ, il chasse tous les contre-pouvoirs,
Ralentissant, dit-il, une action plus rapide
Qui produit des effets qu’il n’a pas su prévoir,
Tant il veut aller vite et tant il est cupide.

Le tout nouvel élu, ivre de son succès,
Applique ses projets sans les mettre en balance :
D
e l’inaction passée, il veut crever l’abcès,
Tranchant à la hâte, presqu’avec indolence.

Il s’enfonce, dès lors, au cœur des profondeurs,
En laissant tout espoir, dans des lieux sans lumière ;
Il court droit vers l’Abîme, en quête de grandeur,
Perdant dans l’avancée ses ambitions premières.

S’inquiètent les suiveurs, de cet acharnement,
Car à ses beaux discours nulle corde ne vibre.
À défaut de délier un lourd harnachement,
Il asservit le peuple, afin d’être plus libre,

Libre de s’enrichir sur tous les tâcherons,
Au cœur des ténèbres, de plus en plus intenses :
Tout irait à vau-l’eau, sans mors, sans éperon,
De l’élu, le peuple sentant l’incompétence.


Un pouvoir sans limites © Mapomme
Inspiré du film Dark City (1998)

vendredi 18 avril 2025

Élégies. La laideur des conflits

Il faut toujours aider un peuple à se défendre,
Lorsqu’il est agressé par un pays plus fort ;
Certains préféreraient qu’il veuille bien se rendre
Afin de disposer d’un éternel confort.

Il faut armer la guerre aux images terribles,
Et accepter l’émoi soudain nous étouffant,
Éveillant d’anciens deuils qui nous rendent sensibles,
En voyant un parent qui pleure son enfant.

On peut aider un peuple et détester la guerre,
Qui ranime en nos cœurs un passé refoulé ;
Pour avoir trop connu sa pénible atmosphère,
Je la hais en dépit du temps qui a coulé.

Aux tyrans belliqueux, il faut faire barrage,
Et pourtant déplorer les combats inhumains ;
C
omment peut-on aimer cet éternel outrage
Qui hante le passé et tous nos lendemains ?

Pourtant certains l’aiment cette saloperie,
Semées de cadavres, semblant une fiction !
Vêtant d’un noble habit une ample duperie,
De son peuple, un tyran gagne la conviction.


La laideur des conflits © Mapomme

Élégies. Cadeau empoisonné

Il ne faut pas croquer dans un beau fruit offert,
Sans être bien certain qu’il ne cache aucun piège,
Car il ouvre, parfois, les portes de l’enfer,
Dont aucun antidote à coup sûr nous protège.

Il est déconcertant que l’horizon, au loin,
Sous de sombres nuées, d’un seul coup disparaisse ;
Toute contrariété, née à brûle-pourpoint,
Incite au pessimisme ainsi qu’à la paresse.

Dans la forêt, on fuit l’amorce du chaos,
Pour enfin s’assourdir d’un reposant silence ;
O
n y demeure seul, loin des nombreux cahots
Qui nous secouent, ayant manqué de vigilance.

Aussi, dès que l’on voit un possible soutien,
On se sent soulagé et on le croit aimable ;
T
out renfort amical aussitôt entretient
La flamme de l’espoir, étant inestimable.

Mais, il est des cadeaux qui forment un danger,
Car portant en leur sein des ténèbres bien pires
Que celles qu’on avait fuies, n’y pouvant rien changer ;
P
ar ce secours fortuit toute espérance expire.


Cadeau empoisonné © Mapomme

jeudi 17 avril 2025

Élégies. Une offre irrécusable

«Au monde je vais faire une offre irrécusable !»
I
ndiqua le Parrain en pleine réunion ;
Il avait survécu, tel un roc inusable,
Aux torrents des tourments et face à l’opinion.

Son offre n’était rien qu’un flingue sur la tempe,
Façon de négocier dans un certain milieu ;
C’est le mal souriant, tel un serpent qui rampe,
Qui toujours définit un pouvoir insidieux.

Sortant des ténèbres, on croit que la lumière
Va éclairer le monde en mode continu ;
M
ais des groupes sans loi, aux infâmes manières,
S’attaquent sans arrêts aux êtres ingénus.

Le couteau sous la gorge, il faudra qu’ils acceptent
De nuisibles marchés qu’imposent des truands ;
La nuit s’est installée, sans qu’on en soit adepte,
Des revenus d’autrui sa part s’attribuant.

Des accords sont conclus au sein des coteries,
Fixant en grand secret d’indues contributions :
«C’est un impôt !» dit-on, avec effronterie,
Et le payer, en fait, serait la solution.

Une offre irrécusable © Mapomme
D'après une scène de Dick Tracy de Warren Beatty et une réplique du Parrain

mercredi 16 avril 2025

Élégies. L’odyssée des emplois

J’ai navigué dix fois de CDD en stages,
Avant de jeter l’ancre en un plus stable endroit ;
U
lysse est demeuré vingt années en partage,
Loin de chez lui, sous Troie, puis connaissant l’effroi

Sur les flots ballotté, affrontant les tempêtes.
Je me souviens encor des patrons prédateurs,
Payant moins que le SMIC : des contrats à perpète
Pour des jeunes soumis à de vils exploiteurs.

L
es projets d’avenir sont pris dans la déroute,
Sous des cieux déclinant un camaïeu de gris ;
L’
espoir bat la chamade et, plus que tout, redoute
D’entrer sur une voie où tout serait écrit.

On ressent du dédain, en dépit des études,
Vu comme du bétail qu’on trait sans nul respect ;
P
uis tout change, un beau jour, sans que notre attitude
Ait varié d’un iota et on trouve la paix.

Telle fut l’odyssée de ma rude jeunesse,
En sortant diplômé mais privé d’horizon,
Pourvu des illusions des radieuses promesses,
Ne subodorant pas leurs froides trahisons.


L'odyssée des emplois © Mapomme

mardi 15 avril 2025

Élégies. Les maux renouvelés

Les cieux étaient d’azur qu’enflammait l’or solaire
Et nos vies paraissaient aller de mieux en mieux ;
O
r, il n’est rien de sûr, car de brusques colères
Menaçaient l’illusion d’un éden harmonieux.

Déjà, j’avais connu le tonnerre effroyable
Des hélicos passant au-dessus des maisons ;
Ce boucan quotidien à l’impact incroyable
Terrorisa l’enfant ignorant sa raison.

Puis on assassina un président moderne,
Et renaquit la guerre, en un pays lointain,
Dont les combats violents tout jeune esprit consternent,
Tempérant la ferveur des espoirs enfantins.

La petite fille pleurait et courait nue,
Tandis qu’au loin brûlait l’horizon estompé
Par les nuages noirs d’une horreur trop connue :
Un miracle étonnant permit d’en réchapper.

De partout on voyait crimes et injustices ;
E
n l’enfant que j’étais, un ressort se rompit,
N’ayant plus foi en rien, pas même en l’armistice,
Car la paix m’apparut comme un simple répit.


Les maux renouvelés © Mapomme

lundi 14 avril 2025

Élégies. Aller vers les ténèbres

Vêtu des habits neufs de la démocratie,
O
n pourrait, à pas lents, entrer dans le brouillard,
Puis dans les ténèbres et, par impéritie,
Offrir tous nos acquits aux plus véreux pillards.

Sans peine, on peut glisser vers le profond abîme,
Un enfer présenté en bel eldorado,
Aux gouffres ténébreux au lieu des feux des cimes,
N’offrant aux déclassés qu’un univers crado.

Des meetings ont lieu, qui frémissent de fièvre,
Où l’ample frénésie saisit les partisans ;
Q
ue d’ardeur soulevée par des tirades mièvres,
Répétant les discours honnis voici dix ans !

D
ans l’ombre, on peut glisser, comme on chausse ses grolles,
Allant dans les ténèbres où trônent des führers ;
Sur les réseaux sociaux des anonymes trollent,
Répandant des discours de bruit et de fureur.

Pour défendre un pays, la déraison commence,
Rognant les libertés et toute opposition ;
Le pouvoir absolu abolit la clémence,
Pour aboutir, hélas, en folle inquisition.


Aller vers les ténèbres © Mapomme

Élégies. Un monde illibéral

Jeune, j’ai vu des films décrivant un futur
Où renaîtrait la guerre et croîtrait la misère ;
On y voyait toujours des lendemains obscurs,
Quand des alliés d’hier seraient des adversaires.

Sous des cieux torturés, erreraient les humains
Dans des mégacités tissées de rues cradingues ;
D
es tas de sans-abris seraient le lot commun
Des trottoirs des banlieues, parsemés de seringues.

Plus le profit grandit, plus l’injustice croît,
Plus on pense à quoi sert une immense fortune ;
L’or vaut-il ce qu’il vaut, quand tant portent la croix
D’avoir la faim au ventre, en l’absence de thunes ?

Comment pourra tourner, sans en payer le prix,
-
Car tout se paie un jour -, cette folle machine
Où triomphent toujours les pires malappris,
Devant lesquels, hélas, nous courbons tous l’échine ?

Je fus riche d’espoirs et d’avoir ma maison,
Mais j’ai perdu la foi et le doute me ronge ;
Les eaux du Pactole s’assèchent sans raison,
Et d’y boire un gorgeon n’a été qu’un vain songe.


Un monde illibéral © Mapomme

dimanche 13 avril 2025

Élégies. Mater les inutiles

On produit du charbon à l’autre bout du monde,
Où des gens s’exténuent, gagnant trois francs six sous  ;
Là où la vie n’est rien, le labeur est immonde
Mais de tous leurs péchés les patrons sont absous.

Pire que Germinal, on y creuse sans trêve,
Et jeune on crèvera comme au siècle passé ;
Dans ces pays lointains, il n’y a pas de grève :
C
hez nous les ouvriers se trouvent déclassés.

Les régions désertées, aux usines-fantômes,
Traînent le souvenir d’un bien-être glorieux ;
Ce fol appât du gain est l’éminent symptôme
De l’aveugle profit sans horizon sérieux.

Ici, dès qu’on se plaint, qu’on parle de révolte,
Ça fait grincer des dents notre Dame de Fer ;
D
es coups de matraque, c’est tout ce qu’on récolte,
Puis la cité se vide et l’on traîne en enfer.

Prospèrent les riches, anoblis par la Reine,
Qui réchauffent leur cœur au paradis fiscal ;
Soupirent les pouilleux, près des puits que gangrènent
Quarante ans de sommeil, sans renouveau pascal.

Mater les inutiles © Mapomme

samedi 12 avril 2025

Élégies. Chanter un peuple obscur

Le trouvère a chanté les ouvriers qui suent,
Afin que leurs enfants puissent vivre mieux qu’eux ;
M
ais ce rêve doré s’avéra sans issue,
Car, au nom du profit, ils resteraient des gueux.

On a confié les jobs à des contrées lointaines,
Les usines fermant en laissant des chômeurs ;
Les villes-fantômes se comptent par centaines
Et, sans perspectives, tout le pays se meurt.

Le lierre a recouvert chaque mur des fabriques :
Les carreaux sont cassés, le métal a rouillé ;
On tague des slogans sur les vieux murs de briques,
Et tous les ouvriers sont partis vadrouiller.

D’affreux prêts toxiques chassent de leurs baraques
Des propriétaires quand grimpent l’inflation ;
L
a justice étrange les victimes matraque
Quand les sales banquiers vont sans condamnation.

Un seul les fustige : le chanteur populaire,
Qui dénonce le fric et le luxe immoral ;
Pour gonfler les profits, on prive de salaires
Les gueux payant le prix d’un monde libéral.

Chanter un peuple obscur © Mapomme

Élégies. Le nigaud du chaos

Il lance à tout propos des phrases incendiaires
Et les journaux relaient les mots du trublion ;
Pour ce faire, il use d’un langage sommaire,
Quand la planète entière a peur de l’histrion.

Peut-on prendre au sérieux l’allocution confuse,
Quand son vocabulaire est quasi enfantin ?
L
e moindre grammairien de son discours s’amuse
Qui ne peut agréer que les ignorantins.

La diatribe a hélas de vives conséquences,
Induisant que le monde en perde aussi le nord ;
L’
incendiaire puissant n’est jamais en vacances,
Excepté le week-end, où il s’adonne au sport.

Il prétend tout prévoir, mais il perd le contrôle
Et le feu se propage, atteignant les secteurs
Qu’il voulait protéger : ma foi, ce serait drôle,
Puisqu’il vient à punir ses propres électeurs.

Sans arrêt le dollar lentement périclite
Et l’archange des cours a des plumes de plomb ;
Lorsque dans le brasier nos espoirs se délitent,
Renaît l’ancien chaos qu’inquiets nous contemplons.


Le nigaud du chaos © Mapomme

vendredi 11 avril 2025

Élégies. Quand coule une eau-de-feu

On croit pouvoir forer sans causer des dégâts,
Comme si le sous-sol qui se trouve sous terre,
N’était que d’un seul bloc, un non un agrégat
Recelant des couches et de profonds mystères.

Aussi, quelques esprits, légers et incertains,
Perforent les roches, filtrant l’eau des averses ;
Ces travaux s’avèrent à vrai dire importuns,
Lorsque des nappes d’eau sans faillir ils traversent.

Les gaz de schiste sont une aberration,
Qu’il nous faut appeler Crime contre nature,
Car leur extraction cause une altération
Rendant infertiles cultures et pâtures.

Puis l’eau du robinet, coulant à volonté,
En devient imbuvable et rend les gens malades ;
T
out ça pour le profit, qu’un pouvoir éhonté
Veut défendre à tout prix, racontant des salades.

Oh ! Piètres avocats, expliquez-nous comment
L’onde du robinet, contre toute logique,
S’enflamme sous nous yeux, vraiment sur le moment ?
Tout ceci vient du gaz et n’a rien de magique !


Quand coule une eau-de-feu © Mapomme

jeudi 10 avril 2025

Élégies. Délires du Jocrisse

La ville sidérée contemplait le Jocrisse,
Qui dansait, s’agitait et riait sans motif,
En écartant les bras, pris d’un soudain caprice,

Dressait des supplices un tableau exhaustif.


Pourquoi chercher sans fin d’un délire la cause,
Puisqu’on ne peut trouver le germe d’un excès ?
Absurde est le savant qui veut comprendre et glose,
Tel un moine copiste
avec d’obscurs versets.

Jocrisse aime ébahir sa cour presque amusée,
Entamant une gigue au rythme intermittent,
Mais son délire est moindre et la foule abusée,
Le croit plus fou qu’il n’est et assez irritant.

Il renchérit parfois, semblant toucher les cartes
Qui servent à rafler les mises au poker ;
En insistant un brin, on découvre un jeu tarte
Et qu’en dehors de lui il n’avait nul joker.

Il dit qu’il se doutait d’avoir joué à perte,
Mais qu’il fallait brasser les cartes pour gagner ;
N
e croyez pas un mot sur sa vision experte,
Car d’aucune méthode il ne peut témoigner.


Délires du Jocrisse © Mapomme

Élégies. Je sais ce que je fais !

Je mets le feu au monde et sitôt il s’effraie,
Parce que j’ai montré mon infini pouvoir !
Il court dans tous les sens, poussant des cris d’orfraie,
Et je me délecte d’avoir pu le prévoir.

Des vils boursicoteurs, j’ai cramé les finances,
Réduisant leurs profits d’une année à néant !
N’
attendez pas de moi la moindre pertinence
Venant de mon esprit : c’est un gouffre béant.

Je crame des milliards qui partent en fumée,
Car n’étant pas à moi, j’avoue que peu m’en chaut.
Et la Bourse, d’un coup, se retrouve plumée,
La finance perdant tout ce qu’elle a pécho.

Sur mes alliés je crache et même je les lâche,
Pour flatter, embrasser mes plus grands ennemis ;
J’
adore ce moment, où d’un seul coup je clashe
Avec tous les pays qui demeuraient soumis.

Avec les bras cassés composant mon équipe,
Je suis sûr qu’ils feront vraiment tout de travers ;
Qu’importe si, dès lors, chacun me prend en grippe,
J’efface d’un décret les plus graves revers.

Je sais ce que je fais ! © Mapomme

mercredi 9 avril 2025

Élégies. Avec la corde au cou

Il espérait nous voir avec la corde au cou,
Les pieds et les mains liés, soumis devant le monde ;
Pérorant, le faux roi nous emplit de dégoût
Puisque tous ses rivaux à la hache il émonde.

Nous voici suspendus aux propos délirants,
Car la planète entière, à dessein, il insulte ;
Nul ne peut décrypter dans les mots du tyran
Les longues logorrhées d’un tel esprit inculte.

Tous les peuples devront venir se prosterner,
Pieds nus sur le pavé et en robe de bure,
Devant le maître altier qui veut nous gouverner,
Nous traînant dans la boue et nous couvrant d’ordures.

Il a un plan, dit-on, mais comment le sait-on,
Puisque dans le brouillard, au hasard il navigue ?
I
l prédit l’avenir, à grands coups de menton,
Et nul ne peut savoir ce que son âme intrigue.

Dans le froid, allons tous en bourgeois de Calais,
Des cités asservies, les grandes clés remettre ;
Tous les mois à venir nous paraissent bien laids,
S’il nous faut nous soumettre à un si fruste maître.

Avec la corde au cou © Mapomme
D'après Auguste Rodin

lundi 7 avril 2025

Élégies. La Fronde féminine

Sous la Révolution, la fin des privilèges
Fut un moment sublime, un phare dans la nuit ;
Q
uand le dos accablé d’une charge s’allège,
Hors de l’ombre on marche vers un soleil qui luit.

Certe il y eut le sang, sous la Terreur aveugle,
Mais l’homme était libre, riche de droits nouveaux ;
Après la rancune d’un populo qui beugle,
La vie se transforma presqu’à tous les niveaux.

Cependant il y eut de grandes oubliées :
L
a femme n’obtint pas plus de droits pour autant,
Car soumise à l’époux, par le mariage liée,
Et il fallut attendre au moins cent soixante ans.

En ayant plus qu’assez qu’un époux en despote
Puisse régir leur vie, elles ont renâclé ;
À la Libération, gagnant le droit au vote,
Leurs souhaits se firent nettement plus musclés.

Après deux cents années, les choses sont meilleures
Puisque dans les couples des temps contemporains,
S’ils ont l’esprit ouvert, de l’époque antérieure
Différent tout à fait par des rapports sereins.


La Fronde féminine © Mapomme
D'après une affiche pour La Fronde, journal féminin