dimanche 12 janvier 2025

Élégies. Chants des marins défunts

Quand souffle la tempête et que gronde le vent,
Par-delà les étangs, les terres qui les bordent,
J’entends comme une plainte, en la nuit s’élevant,
Un chœur nous demandant sans fin : « Miséricorde ! »

Tant d’immenses rêves, à moitié esquissés,
Tant de regrets amers et de tourments qui naissent,
Quand emplie de lumière, la vie vient à glisser
Au sein des profondeurs où règne la détresse !

Dès l’automne ou l’hiver, sitôt que le vent froid
S’en vient depuis la mer et dans la nuit fulmine,
C’est un chœur de sanglots qu’apporte le noroît,
Qui emplit dans la nuit nos modestes chaumines,

Lamento pénétrant qui résonne sans fin,
Où des langues connues se mêlent aux obscures.
Parviennent les regrets, chants des marins défunts,
Qui nous glacent d’effroi et des frissons procurent.

C’est l’appel à l’épouse, à l’enfant, aux amis,
Qui vient des profondeurs, quand une vie s’achève,
Conservé à jamais et au noroît remis,
Exhalé de l’abysse où s’éteignent les rêves.


Chants des marins défunts © Mapomme
Avec l'aide de Pirates des Caraïbes

Élégies. Pâle rayon de lune

On saisit un rêve comme un éclat d’argent,
Pâle rayon de lune et sorte de chimère,
Qu’on prend pour vérité dans ce monde changeant :
Hélas ! On se réveille et la chute est amère.

Un sourire solaire ou un mot amical,
Allume un bel éclair, une tremblante aurore ;
Que d’épines au rêve ! T
out amour est bancal,
Et pas un brin d’espoir dans ta boîte, Pandore !

Tous, nous allons accros aux rêves éperdus,
Refusant d’admettre la laideur opiniâtre
D’un monde qui s’écroule où règnent les tordus,
Les dingos déjantés, les gourous autolâtres.

Le rêve est une came, une injection d’espoir,
Sans risque d’overdose, une utile folie ;
Sans expectative, ciel et mer seraient noirs,
Car rien n’entraverait notre mélancolie.

C’est pourquoi on saisit le plus pâle rayon
Pour ne jamais sombrer dans les fosses profondes :
Aussi, mûs par ce feu, tous nous appareillons
Vers le pâle rai bleu qui d’espoir nous inonde.


Pâle rayon de lune © Mapomme

vendredi 10 janvier 2025

Élégies. Un beau jour dans la rue

Jamais je n’oublierai ces mots tant espérés,
Par un jour de printemps, en haut de l’avenue,
Un peu avant midi ; rien ne peut tempérer
La joie d
u bel instant d’une ivresse inconnue.

Seul l’amour partagé chasse le doute affreux,
Ce chancre ravageur qui, jour et nuit, nous ronge
Le cœur et l’esprit, les rendant plus fiévreux,
Car au fond des enfers cette transe les plonge.

Le
pouvoir du poison nous a rendus idiots,
Et soumis au bourreau, ivres de la torture,
Nous allons déposer le cou sur le billot,
Au tranche-tête offert, sans larme et sans murmure.

Aussi quand le bourreau, seul maître du destin,
Se refuse au supplice et accorde sa grâce,
On se sent invité à un divin festin :
L’
ivresse de de la joie sur l’instant nous terrasse.

Dans la rue bourdonnant des moteurs du mi-jour,
Crachant, tels des dragons, des effluves toxiques,
Idiots, nous sourions, car l’opium de l’amour
S’avère pour l’esprit le meilleur des topiques.


Un beau jour dans la rue © Mapomme

Élégies. Rêve et réalités

En plein jour, je m’abstrais de la réalité
Triste, où des baudruches sur les écrans pérorent ;
Des tigres de papier, sans nulle qualité,
Feulent, montrant les dents, et notre temps dévorent.

Alors, je clos les yeux, fuyant le tourbillon
Des folles diatribes et des grands anathèmes,
Qui aux pêcheurs d’idiots serviront d’ardillon
,
Dont l’appât futile s’avère un faux problème
.

Je vois la pleine
lune illuminant la nuit
Et peint en bleu pâle les branches implorantes,
Tels des bras vers les cieux où ce beau disque luit,
Car s’y livre une lutte intense et récurrente.

Le néant effrayant, sombre et séducteur,
Fatal sans contrepoint, semble un gouffre splendide,
Dont on ne peut nier le pouvoir attracteur,
Auquel se livrera l’aventurier candide.

Sans borne, les tourments sont le miel et le lait
De l’aimant insondable où brillent les étoiles,
Décorant le plafond d’un splendide palais,
De l’unique au-delà vers lequel faire voile.


Rêve et réalités © Mapomme
Avec l'aide d'Odilon Redon

jeudi 9 janvier 2025

Élégies. Un vieux livre égaré

Mon crâne est habité par dix mille fantômes
Et je parle à si peu de mes amis vivants,
Quand, sous le marbre froid, les premiers font un somme,
De leur
caustique humour désormais nous privant.

Parfois, dans la maison, je recherche un vieux livre,
Afin de parcourir un chapitre subtil :
Pas moyen de trouver ces phrases qui enivrent ;
Ce livre est inutile, aussi parfait, soit-il !

Voyez, dans l’ancien bar, tant de chaises désertes
Et nul ne s’y assoit, sans qu’on sache pourquoi ;
Peut-être
y cherche-t-on la présence diserte,
Tel un livre perdu aux propos narquois ?

La glace me renvoie une image inconnue,
Celle d’un autre moi, chenu et tout ridé,
Ma silhouette étant tassée et biscornue !
Après un long effort, je m’écroule, vidé.

Spectres de mon crâne, quelle autre résidence
Pourra vous abriter lorsque je m’éteindrais ?
Réservez ma place, par quelque providence,
Tant il faut se soucier de notre vie d’après.


Un vieux livre égaré © Mapomme

mardi 7 janvier 2025

Élégies. Presque un siècle a coulé

Quatre-vingt-dix années après la mort tragique
D’un poète génial, comme on en voit si peu,
Jour pour jour, je naquis, sans relation magique,
Car ma pauvre Muse rime comme elle peut.

Dans d’atroces combats toujours on s’améliore,
Par un progrès barbare issu droit des enfers,
Et la vie des civils toujours se détériore,
Mais des nécropoles aux défunts sont offerts.

Le Temps fait-il couler plus vite les années,
Pour qu’un sonnet soit lu comme étant très ancien
,
Lorsque l’humanité se trouve condamnée
À passer les cent ans grâce aux généticiens ?

Mon prof évoqua un classique moderne,
Et
un siècle passé m’apparaissait mille ans ;
B
audelaire, en photo, semblait une baderne :
M
e voici décati, les années défilant.

Quand d’un coup de ciseau s’achèvera ma vie,
Je filerai la pièce en passant à Charon,
Demandant : « Le poète à l’âme inassouvie,
Passa-t-il sans broncher, droit comme un fanfaron ? »


Presque un siècle a coule © Mapomme
Avec l'aide de Delacroix

lundi 6 janvier 2025

Élégies. Triompher de Goliath

L’info et Internet nous montre les puissants
Qui braillent, font la roue, en affichant leur thune ;
I
ci-bas, seuls leurs mots semblent éblouissants
Qui sont plus importants du fait de leur fortune.

Ces gens-là méprisent le commun des mortels,
Qui n’est que valetaille et source d’opulence ;
Qu'ils lâchent un bon mot, au sortir d’un cocktail,
Et il fait plus de buzz qu’un progrès de la science.

Semblant infrangibles, tel un sommet rocheux,
Leur règne étant promis à plus de mille années,
Rien ne peut entraver leurs programmes fâcheux,
Quitte à ce que nos vies s’en trouvent condamnées.

Parfois un grain de sable, un grain de trois fois rien,
Grippe les rouages de cette mécanique ;
R
ien ne peut s’opposer aux choix jupitériens
Et Goliath se moque des proches qui paniquent.

Quelques fois de l’Olympe, on voit choir un géant,
Dont se grippe d’un coup le beau dessein grandiose,
U
n être insignifiant, un vague fainéant,
Stoppant du financier la noble apothéose.


Triompher de Goliath © Mapomme
Avec l'aide du Caravage avec le vrai visage du grain de sable

Le jour de l'investiture de Trump et de sa bande de requins de la Tech américaine, ceci est un hommage à Keith Gill qui a fait obstacle à une magouille financière ou comment les réseaux, pour une fois, on été bénéfiques, empêchant des parieurs en bourse de mettre en faillite une société saine et leur faisant perdre une somme astronomique, au point de les mettre sur la paille.
Avec le bandeau rouge, c'est le vrai visage de celui qui a fait capoter les financiers et qui s'est enrichi, permettant à des tas de petits porteurs qui ne jouaient jamais en bourse de gagner du fric.

dimanche 5 janvier 2025

Élégies. Sur le mur s’accrochant

Tant dépits que remords s’insinuent dans nos âmes
Et on cherche, sans fin, quelque élixir divin,
Ou l’indice précieux en guise de sésame
Qui viendrait mettre un terme à des voyages vains.

Les regrets et le spleen, tel un insidieux lierre,
Entre chaque pierre d’un mur de souvenirs,
Ont planté les griffes des douleurs familières,
Dont on aimerait tant désormais s’abstenir.

Jardinier négligent, oublieux de sa tâche,
Notre esprit abdique devant l’envahisseur

Remuant le passé, auquel trop on s’attache,
Qui est de la conscience un vrai dieu punisseur.

Le lierre est invasif, un terrible vampire,
Qui, dans les veines, boit toute once de gaieté ;
Dès lors, Mélancolie, tu étends ton empire
Et les jours envolés se trouvent regrettés.

Taillons à la racine un mal aussi étrange,
Faisant aller une ombre au milieu des vivants,
Spectre dont les pâleurs tristement les dérangent :
L
e lierre est la sangsue de l’Oubli nous privant.


Sur le mur s'accrochant © Mapomme
D'après une pochette de Kate Bush

Élégies. La haine des conflits

Visitant le passé d’une Europe vaincue,
Les photos des ruines, où errent des civils,
Sont l’horreur absolue, si longtemps revécue,
D’un Blitz perpétuel, d’un massacre si vil.

Les images de Kiev ont de quoi nous surprendre,
Répétées chaque jour sur les chaînes d’info  ;
La compassion s’égare, en les nombreux méandres
D’un cerveau mystérieux qu’on croyait sans défaut.

On voit la même horreur avec le bruit des bombes
Et on s’émeut du Blitz ; mais quel est cet émoi
Figé en noir et blanc, pour des gens sous la tombe,
Quand des gens en couleurs survivent dans l’effroi ?

Repassée à l’envi, l’horreur se décolore
Et devient ordinaire, au point d’y consentir ;
Les frissons diminuent et, le cœur indolore,
On cache les taches sans un seul repentir.

Glacé, le corps frissonne et dans l’être remonte,
Sans lendemain pourtant, la haine des conflits ;
Puis, dans la rue paisible, on recherche sans honte,
Le silence, le vent et l’indolent oubli.


La haine des conflits © Mapomme
D'après une photo nb durant le Blitz

Il est étonnant de noter que Blitz est l'apocope de Blitzkrieg qui signifie guerre-éclair. Le Blitz est loin d'avoir été une brève et déterminante opération meurtrière sur des civils.

samedi 4 janvier 2025

Élégies. Dès que souffle le vent

Dès que souffle le vent, je n’ai la tête à rien
Allant tel un chien fou, ma bonne humeur ravie ;
Le vent me déconcentre aussitôt qu’il survient,
D’écrire ou de lire n’ayant aucune envie.

Préférant l’ondée calme au vent tempétueux,
Tel le mistral furieux qui hurle dans les rues,
Le plaisir de lire devient infructueux,
Ne pigeant rien au sens des pages parcourues.

Fureur et tremblements proviennent du dehors,
M’empêchant de goûter les subtiles tournures ;
Éole a quelquefois une voix de stentor,
Alors qu’une averse ressemble à un murmure.

Le récit de l’auteur se trouve ainsi couvert,
Par le raffut constant des volets qui tressautent ;
J’ouvre un livre et malheur ! je comprends de travers,
Distrait par le boucan : aux bourrasques la faute !

J’erre dans la maison
en ermite ronchon
Pestant après les dieux, les saints et puis les diables,
Et exprimant, chez moi, une humeur de cochon :
L’ouragan m’envahit et me rend peu sociable.


Dès que souffle le vent © Mapomme

jeudi 2 janvier 2025

Élégies. Fêter on ne sait quoi

Passant d’un jour à l’autre, on fête on ne sait quoi,
Un nouvel an d’espoirs que percent des aiguilles,
Baudruches dégonflées par les traits d’un carquois,
Nous chipant les bonheurs que parfois
on resquille.

On s’enivre et on danse au milieu d’inconnus
Sur la piste morose où, en mesure, on foule
Les rêves d’autrefois, tremblants, tristes et nus
,
Les sourdes nostalgies que toujours on refoule.

Dans une fausse nuit où brillent en clignant
D’électriques astres, éclairs stroboscopiques
Mimant au ralenti nos émois trépignants,
Renaissent et meurent des espoirs utopiques.

Fantômes d’autrefois, dans notre sang revit
Un temps pourtant défunt qu’on a repeint de joies,
Songes et mensonges qu’on revit si ravis,
Lorsque peu de bonheurs, ici-bas, nous échoient.

Éveillons l’heureux temps des plaisirs incertains,
on fête un futur dans une transe exquise,
L’agonie d’un piano aux franges du matin,
Par le venin du spleen ayant l’âme conquise.


Fêter on ne sait quoi © Mapomme
D'après une photo nb de Diana Ross au Studio 54