mercredi 18 septembre 2024

Élégies. Bonheur teinté de spleen

Dans les moments d’absolue plénitude,
Un démon invisible adore l’obscurcir,
Car on se voit privé des grandes certitudes,
Les rêves ne cessant depuis de s’étrécir.

En effet, lorsqu’on a des loisirs en pagaille,
C’est pour remplir un vide impossible à combler :
De plomb est le revers à l’or d’une médaille,
Quand le destin paraît si peu nous ressembler.

Q
u’importe la beauté de la diurne lumière
Et le panorama de la baie de Capri !
La tristesse absolue, par malheur coutumière,
Efface tout plaisir naissant en notre esprit.

On semble tout avoir, hormis la joie profonde
,
Comme si l’on avait laissé sur le chemin
Un trésor capital, dont le regret inonde
Le fragile inconscient régentant les humains.

Vers quel cieux sont partis les rêves de jeunesse,
Et quel mal est venu les réduire à néant ?
Jamais la vie aisée ne tiendra ses promesses,
Car le luxe conduit à l’abîme béant.


Bonheur teinté de spleen © Mapomme

lundi 16 septembre 2024

Élégies. Un bureau très spartiate

On croit mieux travailler sur un bureau immense,
Dans un lieu où l’on a le meilleur des conforts ;
Pourtant, en cet endroit, de maigres performances
Résultent au final, malgré tous nos efforts.

Aussi, quand nous usons d’un mobilier spartiate,
Nous demeurons surpris du patent résultat :
Le nombre de sujets est en hausse immédiate,
Sans aucun stupéfiant pour changer notre état.

Ni télé, ni ordi
, rien qui ne nous détourne
De ce qui occupe chaque jour, chaque mois :
Dans la pièce réduite où sans fin on séjourne,
On fouille le présent et de lointains émois.

Il faut marcher un peu, car sortir nous inspire,
Et nous lie aux sous-bois, comme aux saisons d’antan ;
En explorant le Temps, on sauve de l’empire
Des brumes de l’oubli des maux nous tourmentant.

Pour enfin assouvir sa passion absolue
,
Il faut être reclus et même ensauvagé ;
Retrouver l’émotion d’époques révolues
Où d’amples afflictions nous avaient ravagés.

Un bureau très spartiate © Mapomme

vendredi 13 septembre 2024

Élégies. Par l'odeur alléchés

Sanglier et Renard, par l’odeur alléchés,
Rôdent sous la terrasse, quémandant quelques restes ;
Les fruits, dans le maquis, se trouvent desséchés
Et des humains il faut guetter de maigres restes.

C’est pitié de les voir réduits en cet état,
Eux qui étaient seigneurs de la faune sauvage ;
Les voici asservis aux desiderata
Des chaleurs de l’été qui font tant de ravages !

Ceux qui vivent ici, dans cette ample maison
Semblent aimer aussi les animaux nuisibles,
Comme les qualifient, pour leurs propres raisons,
Les hommes qui les tuent quand la chasse est possible.

Pour autant il vaut mieux demeurer très prudents,
Les humains révélant des natures fantasques,
Charitables, un jour, le suivant trucidant
Sans motif apparent, sous le coup d’une frasque.

Les étés se suivent, sans relâche empirant,
Rendant rares les proies et toute nourriture ;
Voilà les animaux soumis à leurs tyrans
Qui ont tant mis à mal la précieuse Nature.


Par l'odeur alléchés © Mapomme
d'après une photo de Pascale

Élégies. Prendre le bien des autres

La mode était passée et semblait révolue.
Soudain, tout a changé, sous un sort mystérieux :
La sociabilité s’est trouvée dissolue,
Sous l’effet d’appétits devenus impérieux.

L’humain civilisé redevint un sauvage,
Depuis bien des années, traînant au fond de lui ;
Autrefois, en tous lieux, il fit bien des ravages,
Et ce démon dormait, sans jamais l’avoir fui.

Le barbare est en nous, depuis des millénaires,
Et nul écrit sacré n’a pu l’en déloger !
Plus on se voudrait saint, plus on est sanguinaire,
Et à ce fait certain, on ne peut déroger.

On veut le bien d’autrui, sans même avoir conscience
D’en revenir aux temps qu’on supposait défunts !
Des tyrans se font jour, bernant notre patience,
Chapardant un pays pour assouvir leur faim.

Rien n’est vraiment acquis, encor moins la quiétude,
Car le monde évolue quelquefois vers le Mal,
Quand l’assurée bonté tombe en désuétude,
Que l’humain redevient un farouche animal.

Prendre le bien des autres © Mapomme

Promenades. Souvent faire peau neuve

 Jadis, on aurait cru qu’œuvraient d’obscurs lutins,
Afin d’entretenir grands arbres et arbustes,
Dans le maquis voisin, de la nuit au matin,
Pour qu’un naissant fruitier soit meilleur et robuste.

Les oiseaux emportant les fruits les plus sucrés,
En perdaient une part comportant une graine ;
Un jeune arbre croissait, sous un charme sacré,
Hasard de la nature, en ces lieux, souveraine.

Un vigneron rentrant, un berger en passant,
Jouaient donc au lutin en y greffant une ente ;
Ainsi, en plein maquis, ces arbres, en croissant,
Ensuite offraient pommes et figues succulentes.

Des hommes récoltaient, du printemps à l’été,
Au cœur des suberaies, tous les neuf ans le liège,
Produisant pour cela des efforts répétés,
Sur l'arbre l’écorce dont il faut qu’on l’allège.

À présent les arbres ne reçoivent nul soin,
Et tout chêne-liège a une écorce épaisse ;
Je vais dans le maquis et je n’y trouve point,
Des fruits d’arbres greffés d’une quelconque espèce.

Souvent faire peau neuve © Mapomme

dimanche 8 septembre 2024

Élégies. Le repos des marcheurs

Ce siècle est frénétique et l’on voit s’agiter
Tout un peuple courant en regardant sa montre ;
La frénésie effraie et laisse dépités
Les paisibles marcheurs qui souvent les rencontrent.

F
aire mieux chaque fois devient la religion
Des fervents du chrono, proches de la démence.
Athée à ce credo, sorte de contagion,
J’omets de calculer ce que mon corps dépense.

Je m’arrête à la source, après avoir marché,

Écoutant longuement la suprême quiétude ;
Je ne laisse jamais la folie me gâcher
Le plaisir du regard qu’ici-bas rien n’élude.

M'arrêter en chemin me semble un vrai bonheur,
Puisqu'on peut détailler des points de vue sublimes ;
Bien sûr, je n'apprends rien aux fréquents randonneurs :
Depuis belle lurette, eux-mêmes les estiment.

Je prends quelques photos, dans la végétation,
Du phénix résurgent des plantes condamnées
Après un feu ancien porteur de destruction ;
Vivons ces instants brefs tout au long de l'année ! 

Le repos des marcheurs © Mapomme

Élégies. Les pommes oubliées

Deux pommes ont flétri, laissées à l’abandon

Dans la corbeille ovale en blanche céramique ;
Tant d’oublis ont conduit, sans possible pardon,
Au dépérissement fatal et systémique.

On délaisse une plante, sans jamais l’arroser
Et la voilà fichue, bonne pour la poubelle ;
On oublie un ami, qui aimait nous causer,
Pour un pote nouveau, médiocre mais comique.

Un vieux parent aimable dans son lit dépérit,
Sans qu’on trouve le temps de prendre des nouvelles ;
Que de gens on oublie, auparavant chéris :
À quoi occupons-nous notre fichue cervelle ?

Combien délaissons-nous
les engouements du cœur,
Pour palabrer au bar sur des sujets futiles ?
Que de regrets, après, car le temps est moqueur
Et se plaît à punir les bla-bla inutiles.

Car, nous avons laissé bien des fois se ternir
Un amour qui naissait, par pur enfantillage ;
On regrette ensuite un si cher souvenir,
Tel un fruit sacrifié pour de vains babillages.

Les pommes oubliées © Mapomme

Élégies. Danses des temps qui changent

 Ce siècle s’enivrait d’un indécent quadrille
Sur la braise éteinte du siècle précédent ;
Adieu le menuet sans rythme trépidant :
Les satins avaient fui la rage des guenilles.

Dans les salons dorés, loin de la rue fangeuse,
Une classe appréciait les élans très figés,
Qui chassent le danger des passions ravageuses
Ternissant du sang bleu le maintien exigé.

Sur le parquet des bals des nouvelles bâtisses
Le contact des mains des élégants danseurs
Font naître le désir de façon subreptice,
Que ne voient pas germer les plus zélés censeurs.

Ainsi, naissent parfois des unions réprouvées
Avec la famille de tout nouveaux bourgeois ;
L'honneur d'une lignée ne peut être sauvée
Du négatif impact de ce funeste choix.

Classes pontifiantes, de lointaines rapines
De guerriers anoblis par un vil souverain,
Vous êtes tous issus ! Mettez donc en sourdine
Vos blasons délavés : l'or prévaut sur l'airain !
Danses des temps qui changent © Mapomme
D'après série 1995 et Jane Austen

mercredi 4 septembre 2024

Promenades. La forêt en automne

Étrangement, j'aimais aller dans la forêt,
Lorsque arrivait l'automne et ses brumes dansantes ;
Si j'avais conservé ce goût, ça se saurait :
Ce qu'on aime à vingt ans nous déplaît à soixante !

Dès octobre, en ce temps, annonçant les frimas,
Fouler l'épais tapis de feuilles chues roussâtres
Procurait un plaisir, en dépit du climat,
Que jamais je n'ai pu, dans mon printemps combattre.

Il ne se passe rien, quand ondoie le brouillard
Parmi les châtaigniers, et les pensées s'envolent
Vers les nues avançant tel un lent corbillard,
Car on a du trépas une vision frivole. 

Nourri d'œuvres du siècle aux écrits exaltés,
Je tentais d'éprouver des passions esthétiques ;
Admirable est l'excès d'un héros révolté,
Dont les exhortations s'avèrent frénétiques.

On aurait voulu vivre un destin prestigieux,
Mourir d'un grand chagrin, demeuré légendaire,
Mais on suit un parcours, sans summum prodigieux,
Post-mortem ne laissant nul renom planétaire !
La forêt en automne © Mapomme

lundi 2 septembre 2024

Élégies. Observer nos travers

Chacun aime enquêter sur les travers d'un groupe,
- Surtout ceux des autres, plutôt que sur les siens !
Sherlock Holmes nouveaux, équipés de leur loupe,
Hâtons-nous de scruter d'un œil très cartésien

Les défauts des amis et de tout anonyme,
Pour mieux se consoler de nos propres travers :
On en connaît si peu sur ce qui nous anime,
Car nos projets se voient d'un voile obscur couverts.

De nos mille pulsions, quelle est la plus intense,
Celle qui, au gouvernail, sait régir notre esprit ?
En apprenant des autres et de leur existence,
De notre âme avons-nous franchement tout compris ?

Veut-on connaître enfin cette sombre maîtresse
Régnant sur nos actes et captifs nous gardant ?
De ce savoir naîtrait une immense détresse,
Nous plongeant tout au cœur d'un cauchemar ardent.

On veut bien enquêter, errer parmi les Mânes,
Sans autant parvenir à la vraie solution :
Se connaître, à coup sûr, à l'enfer nous condamne,
Craignant de ce savoir d'amples répercussions !
Observer nos travers © Mapomme

Promenades. Le sous-bois non viride

Des mois entiers sans pluie, quand grimpe le mercure,
Et la canicule rend les mois étouffants :
Bien plus qu'une impression, cette emprise perdure
Car rien, dans le vivant, si longtemps s'en défend.

Sous-bois, autrefois verts, contemplez les fougères,
Plus sèches qu'en hiver, puisque après Attila,
L'herbe ne pousse plus, sans ondées passagères,
Et l'éden, à vos pieds, en perd tout son éclat.

J'ai erré, tel Caïn, chassé vers l'est hostile,
Mais sans horde avec moi, sinon mes souvenirs
Des pentes fécondées par un humus fertile ;
De ces temps merveilleux, l'été sut nous bannir.

Le sol semble aussi sec qu'une friche africaine,
Les rais ayant brûlé le sol sous le couvert :  
"Il était beau !", me dit ma mémoire incertaine
Et je pourrais jurer qu'il fut autrefois vert.

J'ai parcouru ces lieux, comme dans ma jeunesse,
Mais tout avait changé sous l'effet d'un fléau !
Le viride maquis montrait tant de promesses,
Pour se trouver roussi par l'estival chaos !
Le sous-bois non viride © Mapomme

Promenades. Un lierre parasite

De solides piliers maintiennent l’édifice
Qu’est une société, tel un ample palais ;
Nombre de chefs-d’œuvre défient les maléfices
Que lance le néant et ses puissants valets.

Allant par le sentier, d’humeur baguenaudeuse,
Toujours je m’émerveille en ce vivant décor :
En des lieux hostiles, une vie hasardeuse
Persiste à s’affirmer dans un long corps à corps.

La vie veut persister et à tout prix s’accroche,
Pour croître et s’épaissir au fil des temps brutaux ;
Comment un frêle arbuste, à une austère roche,
A-t-il pu remporter tous les combats vitaux ?

Ainsi, j’ai remarqué, vers le lieu de qui-vive,
Où l’on guettait jadis l’arrivée d’ennemis,
Barbaresques pillards qui par la mer arrivent,
Un curieux châtaignier à un lierre soumis.

Celui-ci s’enroulait, à l’instar d’un reptile,
Et s’entremêlaient donc deux feuillages distincts :
Le parasite croît, tel un riche inutile,
Qui ne contribue pas et joue les importuns.
Un lierre parasite © Mapomme

dimanche 1 septembre 2024

Élégies. Romarin d'Aphrodite

J'avais beau arborer un brin de romarin
Pour avoir les faveurs de la belle Aphrodite,
Jamais je n'ai eu l'heur de quelque amour serein
Et toute inclination me semblait interdite.

L'adolescence, ainsi, fut un chemin ardu,
Où absolument rien n'était écrit d'avance :
Un nonchalant génie, maladroit éperdu,
Ne m'épargna jamais de cinglantes offenses.

Si d'autres possédaient des mentors efficients,
Ce ne fut pas mon cas durant bien des années ;
Je ne sais pas à quoi songeait cet insouciant
Car chaque idylle était aussitôt condamnée !

Le romarin n'aida aucun béguin d'alors
Et eut l'affreux défaut d'accroître ma mémoire :
Je me souviens de tout, quant à mes vains efforts,
Surtout de la liste de mes échecs notoires !

J'ai donc jeté ce brin qui me portait malheur !
Puis, je l'ai rencontrée de façon impromptue,
Un jour où je souffrais des premières chaleurs ;
À forcer le destin, en vain on s'évertue.
Romarin d'Aphrodite © Mapomme