mardi 12 novembre 2024

Élégies. Depuis la nuit des temps

C’est un combat sans fin, un duel ineffable,
Qui oppose deux camps depuis la nuit des temps ;
De tout ce sang versé, nul camp n’est absolvable
Et bien moins innocent que chacun le prétend.

Dans tous les livres saints des peuples de la Terre
,
On prône la bonté et l’amour du prochain ;
S'empare des groupes, par un profond mystère,
Une rage inouïe demeurant sans vaccin.

Au nom du Bien, partout, le Mal vient se répandre,
Et c’est folie de voir, les vêtements rougis
Du sang de l’autre camp, des gens osant prétendre
Qu’au seul nom de leur foi il ont ainsi agi.

Depuis les temps lointains
, dans cette nuit demeurent
Des peuples s’égarant dans les feux des enfers,
Qui, pour un livre saint, assassinent et meurent,
En défendant le Bien par le pal et le fer.

Dep
uis la nuit des temps, les humains méritoires
Appellent à cesser un conflit sans raison,
Qui fit couler le sang tout au long de l’Histoire,
Conservant, de nos jours, leur triste inclinaison.


Depuis la nuit des temps © Mapomme

lundi 11 novembre 2024

Élégies. Promesses du futur

Des progrès sont promis pour embellir demain
Et on ne sait pas trop si ce bel optimisme
Mérite de nous voir applaudir des deux mains,
Faisant tout sacrifier au nom du modernisme.

Dans les années soixante, un avenir radieux
Était dépeint à tous, car les plus rudes tâches
Seraient robotisées et rien de fastidieux
N’épuiserait l’humain qui trimait sans relâche.

Beaux serments d’autrefois, vous fûtes corrompus
Au nom du rendement, mais d’effrénées cadences
Soulagèrent l’humain à coups de chômedu :
Progresser sans un mieux est ruse à l’évidence.

Aujourd’hui on nous vend de merveilleux robots
Et l’intelligence qu’on dit artificielle ;
Notre monde court-il tout droit vers le tombeau,
Aux ordis se livrant en proie sacrificielle ?

L’humain croit-il encor à l’âge des loisirs,
La société payant son éternelle pause ?
Hélas ! il y a loin du réel aux désirs,
Et sa vie superflue serait remise en cause !


Promesses du futur © Mapomme
D'après Fritz Lang

dimanche 10 novembre 2024

Élégies. Près du gouffre profond

Il est de sombres jours où, à moitié défunt,
Chancelle ce monde, quasiment cacochyme ;
Épuisé, on parvient si proche des confins,
Quand s’ouvre, à quelques pas, un ténébreux abîme.

Une brume s’exhale, issue des profondeurs,
Et s’en vient avaler les parois des falaises ;
S’insinuant partout, à l’instar d’un rôdeur,
Elle semble un danger qui sur toute vie pèse.

Ce gouffre s’ouvre-t-il vers l’absolu néant,
Au-delà du brouillard qui nous le dissimule ?
S’y cache-t-il l’horreur d’un abîme béant
Vers lequel nous marchons comme des somnambules ?

Rien n’est plus effrayant que de ne pas savoir,
Car on imagine les pires hypothèses,
Quand tout semble crédible et qu’on ne peut pourvoir
Au danger qui rôde, créant un grand malaise.

Ces nues, dans la vallée, masquent tous les périls
Qui menacent nos vies quand grondent la tornade
Et, du gouffre profond, vient l’écho puéril
Clamant qu’un tyran veut le chaos par toquade.

Près du gouffre profond © Mapomme
Avec l'aide de Viktor Casnetsov

samedi 9 novembre 2024

Élégies. Un instant décisif

 D’où vient cette folie que l’on nomme courage,
Comme si voulait jouer les paladins ?
On ne réfléchit pas, lorsque gronde l’orage,
Sans pour autant traiter la mort avec dédain.

Face à l’iniquité, on perdra tout contrôle,
Mais on n’a pas songé un instant au danger !
On n’a jamais cherché à entrer dans le rôle
D’un fabuleux héros à la peur étranger.

Comment changer de voie quand la folie est faite ?
Au cœur de la mêlée, on sait qu’on va souffrir,
Car Goliath nous fera avec joie notre fête,
Le plus fort se plaisant à venir nous meurtrir.

Le vin étant tiré, il nous faudra le boire,
Même si inégal s’avère le combat
Qui ici nous oppose à l’hercule de foire,
Sans que nul n’ait jamais sonné le branle-bas.

On fait ce qu’on croit juste, en y laissant des plumes,
En David sans fronde combattant un titan ;
Comme un ballot on a une tête d’enclume,
En y allant pourtant, crétin impénitent !


Un instant décisif © Mapomme
D'après John Huston

L'odyssée des passions. De la part de personne

Un butin emporté peut trouver un usage
Éloigné de celui que l’on avait conçu.

Ulysse et ses marins, parvenus sur une île,
Se virent prisonniers d’un cyclope bavard ;
Le géant se montrait amplement volubile,
Puis dévorait soudain un marin au hasard.

Face au péril extrême étant toujours habile,
Ulysse avait conçu un plan sans nul retard ;
Plutôt que d’attendre, dans la grotte immobile,
Songeant au vin d’Éole, il vanta ce nectar.

L’ayant fait apporter au géant Polyphème,
Celui-ci l’engloutit jusqu’à l’enivrement,
Se sentant tout d’un coup engourdi à l’extrême.

Il s’endormit laissant s’échapper librement
Les survivants devant résoudre leur problème :
L’œil unique crevé, il hurla sombrement.

Le géant leur lança, parvenu au rivage,
Des rocs manquant deux fois de leur tomber dessus.


De la part de personne © Mapomme
Avec l'aide d'Arnold Bocklin

vendredi 8 novembre 2024

Élégies. Traquer sans fin les rêves

Bien souvent on me parle et je reste muet,
Malgré que j’aie perçu un indistinct murmure :
Qui peut dire en quel monde alors j’évoluais ?
Revenir au réel me semble une torture.

Car la chimère est douce à l’éperdu rêveur.
Quel châtiment paraît de quitter mes contrées,
Quand ici des tyrans se prétendent sauveurs,
Dont la folie se voit chaque jours démontrée.

Ils jonglent sans arrêt,
taquinant guerre et paix,
Le sourire, l’insulte et un brin d’ironie ;
Notre monde navigue, en un brouillard épais,
Alors qu’au bord du gouffre, il est est agonie.

Laissez-moi rechercher, dans les forêts d’ailleurs
,
Quelque songe enchanteur qui naît et s’évapore ;
Je suis l’attrape-rêve, le chasseur rimailleur,
S’enivrant du parfum de musc et d’hellébore.

Dans la jungle du songe
, équipé d’un filet,
Je poursuis sans faillir l’aérienne utopie,
Guérissant du fardeau d’un tangible si laid :
À l’abri d’un bosquet, sa naissance j’épie.


Traquer sans fin les rêves © Mapomme

jeudi 7 novembre 2024

Élégies. Jouissons du présent

En la voyant chanter, danser et nous sourire,
Jeune, je lui voyais un sublime destin ;
Or d’une époque sombre elle parvint à proscrire
Les maux les plus cruels, à tout jamais éteints.

Enfant,
je me berçais de l’illusion crédule
Que le chemin de tous était fait de velours ;
Je ne frémissais pas au tic-tac des pendules,
Qui résonnait pourtant d’un glas funèbre et lourd.

Je n’imaginais pas la cruauté du monde,
N’ayant jamais connu que douceur et confort :
C’est l’abîme effrayant dont jamais nulle sonde
N’a pu toucher le fond, un gouffre en plein essor.

Quel mal vient dévorer, tel un félin féroce,
La bonté inhérente à de jeunes esprits ?
Quel plaisir trouvera l’ensauvagé qui rosse,
Jouissant du plaisir des larmes et des cris ?

La vie des victimes jamais ne
se résume
À ce temps douloureux qu’on ne peut effacer ;
L’art soulage au présent, quand la scène s’allume,
Des tourments infligés dans un lointain passé.


Hors des feux de la scène © Mapomme

mercredi 6 novembre 2024

Élégies. Elle attend un retour

Elle attend un retour qui jamais n’aura lieu,
Car l’appel du lointain s’avère souvent traître ;
Même si l’on y voit un ciel pur et radieux,
Cet ailleurs mystérieux s’avère un mauvais maître.

Sur la lande,
tout près d’un cercle de menhirs,
Drapés d’un voile blanc d’évanescente brume,
Elle espère le voir vers elle revenir,
Depuis les flots rageurs que couronne l’écume.

Ailleurs, très loin d’ici, dans de denses forêts
Aux hautes frondaisons, hantées des cris étranges
Dont tout explorateur assurément saurait
Nommer sans hésiter les singes qu’on dérange.

Ivresse d’un lointain
, combien sont ainsi morts
Pour avoir traversé d'interdits territoires ?
Au moment de périr, eurent-ils des remords
D’avoir un jour voulu s’illustrer dans l’Histoire ?

E
lle attend, mais que d’eau a coulé sous les ponts,
Que de larmes versées, que de veillées d’errance !
Aux souhaits de retour aucun saint ne répond
Pour nourrir, ici-bas, une frêle espérance.

Elle attend un retour © Mapomme

mardi 5 novembre 2024

Élégies. La volupté bannie

Qui mange des fraises durant chaque saison
En fera donc un met tout à fait ordinaire ;
Les consommant souvent sans envie ni raison,
S’altère par l’excès ce plaisir culinaire.

Le gourmand est puni
par sa constante faim
Qui fait d’un goût exquis une saveur banale ;
On oublie du nectar le délicat parfum,
L’exquisité en bouche et la note finale.

Tous nos sens se verront punis par les abus,
Sans remède immédiat à cette pénitence ;
Ce sera des gourmands le récurrent tribut
Que de n’avoir plus goût à la moindre pitance.

On en vient à songer que dans leurs longs banquets
Les romaines orgies furent ainsi punies,
Car si aucun plaisir jadis ne leur manquait,
La volupté se vit de leur table bannie.

Il nous faut éviter ce grand désagrément
,
Car le profond ennui naîtra de l’abondance,
N’ayant pas apprécié les joies modérément,
Lorsque nous les offrait la douce providence.


La volupté bannie © Mapomme

lundi 4 novembre 2024

Élégies. Excès de liberté

 On confond trop souvent liberté et excès
Puisqu’on use bien trop de violentes diatribes ;
Dans d’acides venins, lors des constants procès,
Trempent leur calame les vitupérants scribes.

Ils invoquent la rage, onguent miraculeux
Qui sauve sans faillir la liberté précaire
Que met en grand danger un monstre crapuleux,
Qui est de la nation le plus grand adversaire.

Jadis on affrontait un simple concurrent
Et non un ennemi qui vers le précipice
Pourrait nous expédier par un sort fulgurant,
Le verdict des urnes lui devenant propice.

Alors, chaque scrutin
se montrant capital,
On harangue, on désigne une avérée menace,
Car il faudra livrer un corps à corps vital
Pour repousser encor cet abîme tenace.

Aussi on se permet tous les excès verbaux,
En vue de remporter ce grand enjeu ultime
Divisant la nation qui s’en va en lambeaux,
Quand amis et parents sont l’ennemi intime.

Excès de liberté © Mapomme

dimanche 3 novembre 2024

Élégies. Nous instiller la peur

Des prophètes nouveaux d’une extinction de masse,
Sans erreur, prédisent les tourments à venir,
Mais peignent un monde qui fait croître l’angoisse,
Un cauchemar naissant qui viendrait nous punir.

Les symptômes sont clairs, les causes évidentes,
Car on voit qu’amplement s’altère le climat ;
Si les maux sont patents, la querelle est ardente
Entre ceux qui prient un deus ex machina

Et les furieux prônant l’amputation sévère ;
Les premiers exhortent à faire des efforts,
Alors que, radicaux, quelques autres préfèrent
Trancher jambes et bras pour que vive le corps.

Ces orphelins de Marx
, prêchent la décroissance
Et, sous leur habit vert, ont un rouge drapeau ;
Les sanglants idéaux y voient leur renaissance
Et au Grand Capital voudraient faire la peau.

Je crois plus aux premiers chassant le
gaspillage,
Recyclant et chassant la surconsommation ;
Cherchant le bien commun, je vais dans leur sillage,
Car les seconds n’auront aucune compassion.


Nous instiller la peur © Mapomme

samedi 2 novembre 2024

Élégies. Une ombre immatérielle

Un être, presque un spectre, exhume un souvenir,
Enfoui au plus profond des limbes mémorielles ;
De ce passé défunt on voudrait s’abstenir,
Mais demeure un parfum, une ombre immatérielle.

Jadis n’était-il pas un impromptu fumeux,
La légende embellie d’un moment ordinaire ?
Un souvenir comporte quelques aspects brumeux
Qu’on tisse d’un récit né de l’imaginaire.

Il nous faut esquisser un inexact roman
Qui paraît expliquer tout ce qui nous échappe ;
Or rien n’est rationnel, car on ne sait comment
Un autre réagit quand un malheur le frappe.

Étant aussi taiseux que ceux nous croisons,
Sont tus bien des secrets qui consument les êtres,
Agissant sur leur cœur tel un sournois poison,
Quelque honte héritée des actes d’un ancêtre.

De fallacieux récits est tissé chaque esprit,
Puisque nous colmatons leurs secrets légitimes,
Pour chaque fait restant à ce jour incompris,
En prêtant aux autres nos réactions intimes.

Une ombre immatérielle © Mapomme