dimanche 31 juillet 2022

Mythologies revisitées. L’amour s’est vu trahi pour Ariane et Médée

Délaissée par celui que l’on traite en héros
Ramenant la Toison avec les Argonautes
Se montrant sur le pont et l’exhibant fiérot
Médée en son logis méditait sur ses fautes.

Elle avait recueilli amaigris et pâlots
Deux enfants des taudis où le midi on saute
Un repas qui nourrit quelques muets sanglots ;
Pour la fille elle avait des ambitions très hautes.

Le garçon n’était là qu’en tant que compagnon
Car la fille verrait ce qu'eût été sa vie
Avec un vrai Jason noble et plein de pognon.

Le garçon l’étonna sans qu’elle en fût ravie
Voulant la détourner pour un pâle quignon ;
Avec de grands espoirs ce fou l’avait suivie.

Et Médée demeura en son logis recluse
Sur rien n'ayant la main l'âme à jamais confuse.

Great expectations (1946) © Mapomme
D'après David Lean

samedi 30 juillet 2022

Mythologies revisitées. Phèdre avait recouvert les mensongers miroirs

Nul fors sa nourrice n'en connaissant la cause ;
Si son gendre attisait son violent intérêt
Tout autre était l'objet de l’étrange psychose.

Le temps tel un torrent seul la désemparait
Car sa fille à son tour à la passion éclose
De sa beauté d’hier était le vif reflet ;
La sienne avait duré ce que durent les roses.

Elle avait exigé de son gendre la mort
Et le faisait chercher partout dans son délire ;
L’absolue obsession en dépit des efforts
Ne peut chasser du cœur celui qu’il vient d’élire.

Phèdre en son palais crie car son gendre au-dehors
Avec sa fille part ce quoi qu'elle conspire.

Sailor et Lula © Mapomme
D'après David Lynch

L'odyssée des passions. Pour Laërte est tissé un ouvrage sans fin

Au cœur d'un long hiver, sombre, froid et laid,
La reine se consacre au non fini ouvrage.

Les prétendants festoient dans le palais sans roi
Car les années passant nombreux croient mort Ulysse ;
De leurs festins sans fin résonnent les parois
Et leur joie pour la veuve est un affreux supplice.

Elle sent cet absent vivant en quelque endroit
Retardé par les dieux puni pour sa malice ;
Espérant son retour par un vent de noroît
Elle tisse un linceul qui n’est qu’un artifice.

Ce qu’elle ourdit le jour dans la nuit est défait
Et ce linceul devient un éternel ouvrage ;
Elle accueille un mendiant portant des ans le faix.

Hélas, il semblerait qu'Ulysse ait fait naufrage !
Trahie par sa servante, elle voit sans effet
Sa ruse et son roi n'est pas dans les parages !

Tel un mendiant reçu en l'amoureux palais,
J'ai pu châtier des ans les incessants outrages.
Pour Laërte est tissé un ouvrage sans fin © Mapomme
D'après Dora Wheeler Keith

Vers en Technicolor. Il n’est pire ennemi de l'amour qu'un grand rêve

Où iras-tu Phryné courtisane d’Athènes
Dont la beauté servait de modèle aux sculpteurs
Qui avait des amants – a-t-on dit – par centaines,
Si on suivait l’avis de ton persécuteur ?

De ces riches amants qu’embellit la fortune,
Penses-tu que naîtra un sublime avenir ?
N’es-tu jamais lassée de demander la Lune,
Lorsque nulle promesse ils ne peuvent tenir ?

Un seul de tes amants devant l’Aréopage
Te défend de son mieux et voit ton cas perdu :
Dans un dernier élan il t’ôta tout drapage
Affirmant qu’Aphrodite avait fait ce corps nu.

Il en est un pourtant que ton cœur apprécie,
Mais cet humble voisin est un pauvre écrivain
Sachant te consoler de tes péripéties,
Qui n’est pas publié et voit ses écrits vains.

Tu voudrais oublier ta jeunesse indigente,
La faim nouant ton ventre et tes fringues crados,
Ainsi que les langues toujours désobligeantes ;
Dans la vie l’amour est le plus beau des cadeaux.

Breakfast at Tiffany's © Mapomme
D'après Blake Edwards

vendredi 29 juillet 2022

Mythologies revisitées. Pour la guerre à venir voici la biche offerte

Dans cet étrange état d’hébétude où résident
Les fleurs trop tôt coupées aux premiers feux naissants
Elle ignore à l’instant si la fureur préside
Ou si c’est l’abandon d’un amour incessant.

Ayant toujours porté un dévouement candide
À ceux qui lui offraient un amour caressant
Elle n’aurait pas cru qu’une guerre sordide
Aurait pu l’emporter sur des liens si pressants.

Mais Charon naviguait sur les eaux ténébreuses
La menant où flétrit la flamme d’un défunt
Qu’il eût destin glorieux ou bien fin désastreuse.

Iphigénie pestait supposant que sa fin
Tomberait dans l’oubli puisque peu valeureuse :
Pourtant de simples fleurs font les plus beaux parfums.

Le fantôme de l'Opéra © Mapomme
D'après Joel Schumacher

Vers en Technicolor. Pleurez des larmes d’ambre !

C’est un soleil naissant, ivre de sa jeunesse,
Astre brillant d’un feu intense et inquiétant ;
Sous le capot tremblaient, désireux de vitesse,
Les coursiers que menaient l’aurige débutant.

Vertige du danger, dans une course folle,
Quand la frivole mort dépose un doux baiser
Sur la joue enflammée par mille cabrioles
De l’aurige divin qu’on ne peut apaiser.

Cet art nécessitait retenue et justesse,
Sinon le char s’égare, allant virevoltant,
Brûlant les champs de blé, plongeant dans la détresse
Les humains effarés geignant et l’insultant.

Un éclair foudroya le malhabile aurige
Tombant fatalement dans l’abysse profond ;
Ce trépas si soudain vous frappe et vous afflige ;
Pleurez des larmes d’ambre, ô sœurs de Phaéton !

Que sans cesse s’échouent ces larmes sur les rives,
Rappelant le trépas de la jeune fureur
Et le chagrin subit, lorsque l’excès nous prive,
D’un être soudain pris d’un entrain dévoreur.

La fureur de vivre © Mapomme
D'après Nicholas Ray

Vers en Technicolor. D’où sourd la soif du mal ?

Se propage un virus, de façon planétaire :
On ne peut expliquer d’où sourd la soif du mal,
Gouvernant, peu à peu, un humain ordinaire
Et inondant l’esprit d’un instinct animal.

À peine a-t-on trempé ses lèvres dans la coupe
Où se trouve mêlée une once du poison,
Fléau de l’ambition, que tangue la chaloupe ;
La soif fait commettre des meurtres à foison.

Règnent les dynasties sur des troupes sanglantes
Et se hisse en tous lieux leur étendard carmin,
Tandis que se répand cette flamme aveuglante,
L’inextinguible soif du paroxysme humain.

Les plus probes esprits sont atteints de folie
Et la fièvre s’étend prospérant en vigueur ;
Facile est le chemin et la foi abolie,
Quand les lois sont conçues sans la juste rigueur.

Pris dans le clair-obscur, le corrompu intrigue
Dans la profonde nuit désormais l’habitant ;
Qu’un brin d’humanité ressurgisse et irrigue
L’esprit empreint de mal d’un acte pénitent !

La soif du mal © Mapomme
D'après Orson Welles

jeudi 28 juillet 2022

Vers en technicolor. De tout le sang versé qui pourra les laver ?

Quel honneur trouvait-on à s’en aller en guerre,
Immolant une enfant, pour la faveur des dieux ?
On a trouvé ailleurs, loin de nous et naguère,
De tels sacrifices qu’on a jugés odieux.

On se croyait bien mieux, car l’illusion nous berce
Et la Grèce paraît le berceau du savoir ;
Se peut-il qu’un roi grec acceptât que l’on verse
Le sang pur de son sang sans même s’émouvoir ?

Nul ange ne venant pour stopper le supplice,
Qui permettra dix ans de fureur et de sang !
Père indigne, au retour, ta femme avec délice
Saura venger la mort d’un cœur si innocent.

Aux pires des actions, vêtues de nobles causes,
Comme aux combats sanglants, ils faut une raison ;
Quelque affront mal lavé, une affaire non close,
Justifiant du guerrier la folle inclinaison.

En partant de ce crime, on verra ta lignée
Périr ou bien s’enfuir, les mains rougies de sang ;
Si Oreste a dû fuir les Furies indignées,
Où donc étaient les dieux, étrangement absents ?


Iphigénie © Mapomme
D'après le film du même nom

mercredi 27 juillet 2022

Vers en Technicolor. Andromède livrée pour le péché des autres

On aurait souhaité pour préserver la paix
Livrer à un démon la frêle jeune fille ;
Un injuste verdict tout à coup la frappait
Pour un ancien péché commis par sa famille.

Pour éviter la guerre, on est parfois enclin
À immoler la blanche et ingénue colombe ;
Les fidèles priant, à l’air patelin,
Seront tout disposés à ce qu’elle succombe.

Andromède au rocher, on lierait sans égard,
Enchaînée dévêtue, dépouillée de ses hardes ;
Ainsi abandonnée et offerte aux regards,
Elle tremblait d’effroi, la figure blafarde.

Mais voici que Persée à cet odieux démon
S’oppose par l’épée et gravement le perce,
Tandis qu’un feu mourant ensanglante les monts.
Il vient puis la délivre et contre lui la berce ;

Tout empourpré du sang de l’animal odieux
Il l’emmène très loin d’un si lâche entourage,
Vers un ailleurs lointain à l’avenir radieux,
Où les gens témoignent d’un plus ample courage.

Le vent de la plaine © Mapomme
D'après John Huston

Vers en Technicolor. Prisonnier de ses sens, ce pour l’éternité

Au-delà des passes de l’océan grondant,
Sur l’île est bien cachée une vaste caverne,
Frissonnent des prairies de mauve et de persil,
Et cèdres et cyprès exhalent leur essence.

Il y vit une nymphe au pouvoir confondant,
Qui sublime l’îlot plus qu’elle ne gouverne ;
Ulysse naufragé se trouve à sa merci
Et au regard des dieux l’aime avec indécence.

Calypso le retient et l’humain répondant,
Au rythme des vagues, sur son corps se prosterne,
Tout en voulant partir pour aller loin d’ici,
Sur son île où il sait utile sa présence.

Deux îles, deux femmes et un fils peu connu,
La moitié de sa vie entre guerre et naufrages,
Le chant des sirènes, le courroux soutenu
D’un dieu pour un présent perçu tel un outrage :

Captif, a-t-il voulu s’enfuir de cet endroit
Car il y a vécu sept années d’une idylle,
Avant de s’échapper vers de furieux détroits,
Se sachant en danger sitôt quittée cette île ?

From here to eternity © Mapomme
D'après Fred Zinnemann

Je déteste le titre français ; Tant qu'il y aura des hommes...
D'après la scène culte, il semble qu'il faut aussi des femmes !

mardi 26 juillet 2022

Mythologies revisitées. Chaque vie se trouve être une longue odyssée

Qui n’a connu le chant envoutant des sirènes
Et n’a pas succombé à leurs fatals appas ?
Il n’est d’anodins flots de rivières sereines
Ne celant en son sein le spectre du trépas.

Un fréquent ouragan à l’ire souveraine
Sur le plus sûr vaisseau se révèle et l’abat
Frappant fatalement son mât et sa carène
Pour laisser un vivant de ce violent combat.

J’ai frôlé les enfers que protège Cerbère
Et fui un cyclope cannibale du temps
Qui mangeait tous mes jours dans son sombre repère.

J’ai retrouvé mon île où je goûte l’instant
Avec quelques parents et de rares compères
Qui ont pu échapper à la faux s'abattant.

O'brother © Mapomme
D'après Joel et Ethan Cohen

Mythologies revisitées. Amour, un jour de pluie, se révèle à Psyché

La plus jeune des sœurs semblait pâle invisible
Et celui qu’elle aimait en l’amour n’avait foi ;
Le hasard de l’instant se montre imprévisible
Piquant par son esprit l’intérêt toutefois.

Une propice ondée peut paraître loisible
À servir un discours agréable et courtois ;
Une blonde beauté apparaîtra risible
Et on ne dira pas : « Vois ! mon cœur bat pour toi ! »

On peut donner parfois rendez-vous sans le dire
Et voilà que la brune occupera l’esprit
Durant l’après-midi où les heures ourdirent
Le plus puissant complot que l’on eût entrepris.

Sous l’horloge du zoo que d'êtres s’esbaudirent
Comme Amour et Psyché deux cœurs enfin épris.

A rainy day in New York © Mapomme
D'après Woody Allen

Mythologies revisitées. Ainsi Ménélas fut le plus grand des cocus

La beauté est entrée dans la paix du verger
Avec elle apportant la vindicte et la guerre ;
Pour la récupérer on verra converger
Les vaisseaux des cités qui s’opposaient naguère.

Dans la plaine l’écho du rouge airain forgé
Tintera sous des cieux aux tons crépusculaires
Pour l’orgueil d’un mari qui voudrait égorger
Qui sa belle a charmé provoquant sa colère.

Faut-il camper dix ans sous les fermes remparts
D’une cité prospère y semant la funeste
Récolte des humains tombant de chaque part
Pour venger un honneur somme toute modeste ?

Deux amants ont tracé quelques projets épars
Fuyant pour un azur qu'ils espéraient céleste.

Picnic © Mapomme
D'après Joshua Logan

dimanche 24 juillet 2022

Mythologies revisitées. Velours bleu

Qui a sauvé Orphée du monde souterrain
Car envoutante est l’ombre à l’homme défendue
Fasciné par le sang la violence et l’airain.

Hadès règne en fou sur les âmes perdues
Et traite Perséphone en vulgaire catin
Qui se comporte donc en sainte et en tordue
Voulant sortir des nuits pour l’azur des matins.

Ce royaume interdit a la beauté fatale
De l’amour masochiste et des vices proscrits
Où les fleurs bleuissent la chair de leurs pétales.

Des profondeurs ne sort pas une âme ou un cri ;
Orphée a délivré de ses amours brutales
Perséphone et revient sachant des jours le prix.

Blue velvet © Mapomme
D'après David Lynch

samedi 23 juillet 2022

Mythologies revisitées. Rapides sans retour

Homère a tout changé dans le récit d’Ulysse :
Quelle épouse attendrait vingt ans son compagnon
Et quel idiot croirait qu’on tisse et qu’on détisse
Quand certains prétendants sont jeunes et mignons ?

Pénélope mourut de façon subreptice ;
Vide aux vents le palais resta sur son pignon ;
Télémaque s’enfuit très loin de la bâtisse
Et retrouva Ulysse en fermier sans pognon.

Une guerre grondait et menaçait la ferme :
Sur la rivière il dut s’en aller en radeau
Avec une chanteuse aux bras blancs aux seins fermes.

Au cœur des rapides dans les feux matinaux
Dans le danger parfois des élans nouveaux germent :
Nausicaa materna Ulysse et son minot.

Rivière sans retour © Mapomme
D'après Otto Preminger

mercredi 20 juillet 2022

Élégies. Les jeunes, de mon temps...

« Les jeunes de mon temps étaient respectueux ! »
Dit celui qui chantait en offusquant son père
« Elle était demoiselle… » et le peu vertueux
« Qu’ell’ ne le soit plus ! » qui tout père exaspère.

Passe le cours des ans d’un flot tempétueux :
On se voit plus sage beaucoup moins réfractaire
Que ne sont nos enfants assez impétueux ;
Hormis notre regard rien n’est nouveau sur terre.

Les pommes qu’on chipait la nuit dans les jardins
Sont tombées dans l’oubli de nos nuits estivales
Où dorment ces plaisirs autrefois clandestins.

Nous sommes à présent loin des cures uvales
Vierges de tout péché et même quasi saints :
Nos pommiers sont pillés par de jeunes vandales !

Les jeunes, de mon temps... © Mapomme

lundi 18 juillet 2022

Élégies. Vieillir est un naufrage !

Ayant atteint cet âge où les gens se croient sages
Par leurs cheveux blanchis tels de doctes savants
A tous elle livrait ses plus tranchants messages
Quitte à fâcher les siens sans y songer avant.

Voilà qu’elle servait venus du Moyen-Âge
Quelques obscurs concepts parfois des plus clivants
Heurtant ce qu’elle fit et brisant son image
Brusquement du bon sens un démon la privant.

Elle avait enseigné leur très exact contraire
À son unique enfant outré par ses propos
La tançant vertement sur un ton téméraire.

Il savait son passé d’un tout autre tonneau
Qui n’avait rien à voir avec cet arbitraire ;
Pour sauver du naufrage hélas aucun canot !
Vieillir est un naufrage ! © Mapomme

samedi 16 juillet 2022

Élégies. Le cœur entre deux rives

Et ainsi dépourvu de multiples passés ;
La monoculture si prégnante nous bride
Empêchant de venir à deux seins voracer.

En nous sentant souvent mi-Troyen mi-Atride
Dont le sang par la vague a été effacé
Cet entremêlement nous rend presque apatrides :
Peut-on sans un remords deux rives embrasser ?

De la Corse à l’Afrique et vingt ans rat des villes
J’ai le cœur campagnard imprégné de maquis
Et au grouillis urbain je demeure indocile.

Si le Spleen de Paris autrefois m’a conquis
Dans le rythme imprimé par ce siècle imbécile
Aux grondantes cités je ne vois rien d’exquis.

Mon cœur est métissé par les récits passés
Aux rivages lointains aujourd'hui effacés.

Le coeur entre deux rives © Mapomme
D'après une photo de Charles Marville

vendredi 15 juillet 2022

Élégies. Stigmates du passé

Ôtez-moi un présent sans rapport au passé
Mais ne touchez jamais aux vivantes blessures ;
Ce sont des empreintes qu’on ne peut effacer
Dessins sans pareil faits d’entailles et fissures.

Ils procréent qui je suis ces stigmates gravés
Qu’on se plaît à rouvrir de serments en ruptures ;
Des sujets en suspens qu’on n’a pas su braver
Et qui restent scellés au cœur des sépultures.

Que de vers sont nourris par tous ces maux vécus
À la fois sublimés et voués aux gémonies
Nous jetant à genoux torturés et vaincus.

Laissez donc aux menteurs cette fausse harmonie
Qui lisse leur passé exempt de maux aigus
Sans révéler une âme en sa polyphonie.

Stigmates du passé © Mapomme
D'après Henri Descaine


jeudi 14 juillet 2022

Élégies. Chassons donc les sangsues

Tel Jésus flagellant les marchands inutiles
Je chasserai du temple et voisins et amis
Sangsues du quotidien aux causeries futiles
Qu’il nous faut chinoiser et passer au tamis.

Dans le calme trouvé le bougon versatile
Peut au vice céder sans aucun compromis
En gouachant son temps de son pinceau fertile
Et versifiant sans fin avec grand appétit.

Quelqu'un stockant chez lui un bon insecticide
Raticide herbicide aime ratiboiser ;
Pour l’intrucide il n’est nul poison nul oxyde.

Me faut-il demeurer à jamais bras croisés
Ou renverser la table afin que je décide
De chasser l’importun qui voudrait dégoiser ?

On s’en vient m’accabler et soyons très lucides :
Il faudra endurer qui tient à me raser !

Chassons donc les sangsues © Mapomme
D'après Rembrandt

Élégies. Insomniaque aoûtien dans la touffeur des nuits

À L. S.

Cet être encor humain tout au cœur de la nuit
À la touffeur d’été hélas caniculaire
Lisait un bref récit dissipant son ennui
Qui troublait son sommeil d’un fléau séculaire.

Les phrases sur l’esprit semblaient une eau d’un puits
Lavant l’encre d’un spleen – démon tentaculaire
Et apportaient l’espoir tel un phare qui luit ;
La langue nous apaise onguent spectaculaire.

Cet être c’était moi insomniaque aoûtien
À l’heure où tout rocher exhale en la nuit noire
Les feux brûlants du jour au puissant charme ancien.

Dans le calme parfait lire est jubilatoire 
Et créer tout autant ; car tel un magicien
Les maux sont exhumés et content une histoire.

Ce livre me disait qu’il faudrait dire non
Et de mon quotidien chasser tous les démons.

Insomniaque aoûtien © Mapomme

mercredi 13 juillet 2022

Élégies. Hors d’un couvent reclus je veux compter mes pieds !

Ta retraite en des murs pour de nouveaux acquis ?
Tu pourrais méditer dans le silence austère
Plutôt que de flâner à travers ton maquis ! »

Vous me la baillez belle ô conseiller mystère !
Si des murs en pierres pour prier sont requis
Matines et complies ou l’eau du baptistère
Ne seront pas chez moi en un terrain conquis !

Au couvent tel un glas la cloche des offices
Faisant trembler d’effroi nuit au recueillement
Qu’on est censé trouver en ce pieux édifice ;

Méditant seul chez moi sans agenouillements
Laissez-moi donc compter à mon seul bénéfice
Les douze pieds des vers sans saints bredouillements.

J’ai bossé quarante ans qui sont grand sacrifice :
Que les ans me restant soient pour l'éveillement !

Matines et complies © Mapomme

Élégies. Un matin de juillet

Un jour de mi-juillet dans le naissant matin
J’entrai dans cet enclos d’humeur baguenaudière
Sous les frais châtaigniers où en pays latin
Sommeillent les défunts bergers et lavandières.

« Que viens-tu faire ici » dit l’esprit plaisantin
« Toi pour un quart vivant ? ». Qui dessous une pierre
De terne granito me prenait pour pantin ?
Je me clamais en vie et non déjà en bière.

« Tu as usé plus d’ans que ton solde au compteur :
Profite du restant pour ripailler et vivre
Car nous avons trimé » a gémi le conteur
« Pour crever trop usés un soir de fatigue ivre ! »

J’ai quitté le champ clos et l’esprit tourmenteur
Pour profiter des jours avec amis et livres.

Un matin de juillet © Mapomme

mardi 12 juillet 2022

Élégies. Mais qui voudrait aller vêtu de sainteté ?

J’ai trouvé l’Auréole au boulevard du crime
Sur la chaussée laissée et foulée par chacun :
À leur image on voit tant d’arrogants qui triment
Cachant d’acérées dents attributs des requins.

Or qui se voudrait saint en ce monde qui frime
Et fait surtout honneur aux plus odieux coquins
Mais lequel en tout lieu tel un sombre essaim brime
Le porteur d’un stigmate ou d’habit franciscain ?

Les fureurs de Vulcain ont rayé de nos cartes
D’opulentes cités augurant des ferments
D'un progrès qu’un drame soudainement écarte.

On retrouve effacés en la terre dormant
Des avenirs brisés de Théra jusqu’à Sparte
Quand le Vandale porte incendies et tourments.
Des avenirs brisés © Mapomme

Élégies. Un miroir déformant

Tu as passé ta vie naufragé sur ton île
À porter le parfum du regret de Circé
Et te voir sans éclat poète juvénile
Doutant sur les chemins où tu t’es dispersé.

Cependant tu savais te montrer volubile
Bien que par les étés indolemment bercé
Et dans le choix des mots tu t’avérais habile
Sachant qu’en poésies le monde est peu versé.

Or amis et parents n’avaient pas cette image
D’individu lambda de courante valeur
Qu’imprimèrent en toi des années de chômage.

Sache qu’il n’y a pas de plus âpre malheur
Qu’un miroir déformant : il est vraiment dommage
Que tu vois ton parcours médiocre et sans couleur.

Avoir rêvé d’un monde exempt de tout orage
Sans le voir ne doit pas t’aveugler de douleurs.

Un miroir déformant © Mapomme

lundi 11 juillet 2022

Élégies. Ne fait pas un remords, mais une gêne obscure

Titre emprunté à Edmond Rostand

J’étais assis pensif devant les crépuscules
Et ma vie m’apparut sans éclats aveuglants
Tel un tissu tramé d'extases minuscules.

Un canevas confus sans dessein et sans plan
Où livré aux courants en esquif ridicule
Dépourvu de timon spectateur contemplant
J’allais sur l’océan infime navicule.

Je ne voyais au fond rien qui me fît rougir
Ni rien pour soulever un profond enthousiasme
Pas un instant de gloire où j’avais pu rugir ;

J’avais vécu les jours évitant tout marasme
Tranquille épicurien sans que je vois surgir
Le regret d'un zénith avant l'ultime spasme.

Dis-moi ô ma pauvre âme : est-il plus triste sort
Que l'oubli des instants où tu pris ton essor ?

J'étais assis pensif devant les crépuscules © Mapomme

dimanche 10 juillet 2022

Élégies. Plein les yeux, plein le cœur et des rêves en poche

J’avais de grands rêves plein les yeux plein le cœur
Et les poches bourrées des avenirs possibles ;
Les espoirs pour l’esprit sont divines liqueurs
Un alizé menant au tropique indicible.

Mes continents lointains n’avaient pas ces langueurs
Des humides forêts aux singes non visibles ;
Abordable tout but avec franche rigueur
L’eut été si un seul parut irrésistible.

Bon en bien des choses je n’excellais en rien
Me perdant en chemin en faillibles errances ;
Tel Ulysse vingt ans j’ai recherché le mien
Tout ça pour revenir à ma prime espérance.

Dans ma navigation sans conteur homérien
J'ai vécu quelques vies qui ont nourri mes stances.

Tel Ulysse vingt ans © Mapomme
D'après Draper Herbert James

Amères Chroniques. Cavaliers rouge et noir selon l’Apocalypse

À force de pomper pour d’immenses cultures
Striges aquavores nous aspirons trop d’eau.
Dans des pays jadis traités d’Eldorado
On puise l’eau fossile avec désinvolture.

Ces nations ont creusé les vastes sépultures 
De leurs pauvres enfants en vénéneux cadeau ;
Le drame se poursuit en mode crescendo
À présent annonçant les famines futures.

Ces régions sont frappées de violents incendies
Parcourant les forêts au quadruple galop
Et l’homme est stupéfait devant ces tragédies.

De surcroît un tyran en sinistre salaud
Brûle des champs de blés par pure perfidie
Amplifiant le fléau dans son trip mégalo.

Deux cavaliers de l'Apocalypse © Mapomme
D'après Viktor Vasnetsov

samedi 9 juillet 2022

Amères Chroniques. Rock’n roll, sex and drugs

Sur les ruines sont nés des enfants pénétrés
De désenchantement et d’une ire profonde ;
La révolte jaillie des combats perpétrés
Sur aucun avenir stablement ne se fonde.

Après les années Rock le refus s’est montré
Éclatant çà et là de par le vaste monde ;
Puis est venue l’héro et rien pour la contrer
Car l’horizon restait sans espoir et immonde.

Puis vinrent les yuppies un vrai contre-courant
Où la thune et l’excès d’ultraconsumérisme
Dépêchaient le déclin du globe se mourant.

Pris entre populisme et totalitarisme
La jeunesse est portée par de furieux torrents
Craignant d'un jour céder au sanglant terrorisme.
Jean-Pierre No Future © Mapomme

vendredi 8 juillet 2022

Amères Chroniques. Extinction

Injectée dans les sols des champs mis en valeur ;
Ce poison est censé mander au cimetière
Les nuisibles qui font des moissons le malheur.

Trépasse en grand nombre notre gent abeillère ;
Plus de fleurs ni de fruits et bien moins de couleurs ;
Dans l’arbre plus d’oiseaux plus de buissons-volières ;
Crèvent tous les poissons pour nourrir des voleurs.

Cette invention est née d’un surplus des armées ;
Un champ produit autant sans cette intervention :
Pourquoi la terre aurait besoin d’être camée ?

De cette agrochimie naîtra une extinction
Qui pour le seul profit demeure programmée ;
Saurons-nous en prescrire enfin  l'interdiction ?

La came est injectée... © Mapomme

jeudi 7 juillet 2022

Amères Chroniques. C’était bien mieux avant !

Les enfants d’ouvriers marnaient à la fabrique
Et ceux des paysans besognaient dans les champs
Laissant aux fils rupins un futur féérique ;
« C’était bien mieux avant ! » dit l’Idiot rabâchant.

Très loin de ce propos ferme et catégorique
Les uns crevaient usés à l’automne approchant
Les autres de repas largement caloriques ;
« Ah ! les beaux temps d’antan ! » dit l’Idiot pleurnichant.

Ni congés ni retraite et quid des droits des femmes ?
On pouvait talocher la tronche des gamins
Et tenir des propos racistes et infâmes ;

Pilule et I.V.G. jamais à l’examen
Et des guerres naissaient des saignées et des drames ;
« Mais c'était mieux avant ! » selon l'Idiot commun.

C'était bien mieux avant ! © Mapomme
D'après une photo de Pierre-Joseph-Paul Castelnau/ RMN

mercredi 6 juillet 2022

Élégies. Dans ses yeux outremer

Dans ses yeux outremer que les regrets inondent
Des souvenirs de ceux qui n’ont pas survécu
Car la Parque a tranché les futurs qu’elle émonde ;
S’imaginant avoir le triste sort vaincu

Elle a vécu les jours qu’a dérobés l’Immonde
Sans cesse imaginant ces instants impromptus ;
Les enfants orphelins à l’âme vagabonde
Mêlent à l’écheveau les fils interrompus.

Elle écrit un journal pour que d’autres le lisent :
Tous ceux qui ne sont plus et pour tous ses enfants
Quand sonnera son heure au glas lourd de l’église.

Alors ils pourront voir un amour triomphant
Les mots pensés très fort sans qu’on les verbalise ;
Et s'attristent ses yeux des aveux s'étouffant.

Dans ses yeux outremer © Mapomme

mardi 5 juillet 2022

Élégies. La casa envuelta por la jungla caliente

Murs et sol envahis par la végétation :
En tous lieux la forêt étend ses griffes vertes
Absorbant sans répit la moindre habitation

Désertée. Aussitôt à la forêt offerte
La place des humains sans nulle hésitation
D’arbres et de buissons voit compensée sa perte ;
La maison de Cortès où plane la passion

Née de l’or que cherchaient des conquérants avides
Se trouve dévorée parmi les frondaisons
Et racines goulues dans les lieux laissés vides.

Le rêve de trésors maître des déraisons
Perdit les équipées de guerriers impavides
Dans un dédale obscur gorgés d’exhalaisons.

Conquistadors d’un jour des tropiques torrides
Jamais n'a pu partir votre ample cargaison.

La casa envuelta por la jungla caliente © Mapomme