mercredi 13 juin 2012

Impelyon. Départ du palais d’Argobal

J’ai quitté le palais orné de mille tours
Aux divins jardins clos dans l’ombre florescente
Dont les savants jets d’eau dessinent les contours
D’un cristal éphémère qui dans les bassins chantent

Les suaves senteurs des pétales sucrés
Ont imprimé mon âme à l’encre indélébile
Ce que l’on aime encor on a pu l’exécrer
Pour souvent se montrer figé et immobile

Les tours opalines et les remparts laiteux
Dans le ciel vespéral teinté de feux orange
Quand le soleil n’est plus qu’un regret capiteux
D’une ligne brisée signent un rêve étrange

Les fresques murales murmurent les rumeurs
Etouffées d’assemblées des ancêtres barbares
La cité des Rois-dieux résonne des clameurs
D’étals achalandés par l’unique gabare

Jusqu'aux portes d'Argobal devant les badauds
Huit Pénitents masqués bruissant leurs litanies
Et le Maître des Clefs un notable lourdaud
Dans son sarrau d’office entamaient l’avanie

J’ai quitté Argobal et sa haute-cité
Le coin des artisans et la zone érudite
Dominant les quartiers de l’infélicité
Dans le dédale odieux des cent rues interdites

Au cœur de la foule cet océan humain
Qui charrie dans son flot la saveur épicée
De la curiosité j’ai senti le jasmin
De ta compassion quand j’allais sous les huées

Pleure mon âme sœur pleure et vide ton cœur
Du tambour oppresseur car je laisse derrière
Moi tout sur le décret du Grand Ordonnateur
L’ombre des arcades et le jour des verrières

Jamais plus nous n’irons tout drapés de bonheur
Dans des promenades chastes et silencieuses
Nourris d’un seul regard et du précieux honneur
De tenir cette main tremblante et délicieuse

Jamais plus nous n’irons voir depuis les remparts
Le soleil flamboyer sur les tours éclatantes
Adieu donc les places aux dauphins et guépards
Ornant les fontaines sublimes et chantantes

Je les porte en mon cœur tel un frisson de deuil
Tandis que s’entrouvrent sans nul espoir les portes
Je laisse ce que j’aime en franchissant le seuil
Je garde ton image ultime que j’emporte

Comme une fleur séchée vestige d’un printemps
Qu’on garde dans un livre comme sainte relique
Je t’ai souri enfin le cœur tout palpitant
Avant de m’éloigner sous l’opprobre publique

Le palais ancestral des Rois-dieux d’Argobal
Brille d’un dernier feu sur les tours opalines
Serti tel un diamant sur le roc féodal
Se dissipant soudain en passant la colline  

Il me faut oublier les jours évaporés
Car ce que j’ai été je ne pourrai plus l’être
Laissant mon vain blason au seuil déshonoré
De mes amis d’hier j’ai dû brûler les lettres

J’emmène dans ma besace outre quelques habits
La cause des tourments pour unique vestige
Mes innocents écrits pour qui je suis banni
Car ils auraient terni d’un grand nom le prestige

Par le Grand Conseil à jamais méprisé
Puisque j’ai critiqué la norme suprême
Je m’en vais donc chassé mais nullement brisé
Par les sentiers obscurs vers les terres extrêmes

Le maître des clefs © Mapomme

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