L’indice déguisé de Darbrent était bon
Car par ce raccourci je quitte le dédale
D’un bon pas j’avance gai comme un vagabond
La mousse chuintant douce sous ma sandale
Le harfang des étangs de son chant lancinant
Transperce le silence en la nuit constellée
Les buissons sous le vent sans cesse impertinent
Tremblent comme la soie de ta robe ocellée
Tout bruit est un récit chassant le mauvais œil
Des diables tracassiers en terres insalubres
Exhalant sur la lande une haleine de deuil
Quand toute ombre revêt une allure lugubre
Jà la lame glacée d’un poignard scintillant
D’un éclat lunaire caresse ma trachée
De son acier tranchant sur mon cou suppliant
Un brigand aimerait voir ma bourse lâchée
Frère humain n’as-tu rien pour le pauvre Nilvol
Qui a connu jadis les demeures princières
Mais qui doit aujourd’hui commettre meurtre et vol
Promis à la potence à son heure dernière
Donne et sois donc béni a dit le Dieu des dieux
La sainte pauvreté t’offrira la richesse
Le paradis attend le miséricordieux
Affirma un gros prêtre un soir chez la duchesse
Le brigand se taisant me laisse un bref répit
Je présente mon sac qu’en vain il examine
Accablé tel un serf sous le poids du dépit
Quand part le collecteur de sa pauvre chaumine
Des écrits Beau cadeau messire l’érudit
Ils ne peuvent nourrir l’homme qui crie famine
Et rien dans les habits Vraiment je suis maudit
Reprends ton havresac ton calame et ta mine
Le destin inclément poursuit son pauvre enfant
Les dieux m’ont rejeté et les démons me raillent
Le détroussé est plus miteux que le brigand
Rien que quelques stances d’une honnête canaille
Ma lame est superflue gaspillant temps et sang
Dieu des nécessiteux où sont les rues sordides
Où avec mes amis à d’avares marchands
Nous soutirions la bourse née d’un commerce avide
Ils ont tous disparu ces plaisants compagnons
Bons perceurs de pourpoint et saigneurs d’hommes-liges
Ripailleurs et buveurs mendiants aux faux moignons
Tous pendus au gibet qui clément me néglige
De ce funeste sort j’évitai l’inconfort
Depuis dans les bois verts je traîne ma misère
Où j’estourbis des serfs sans véritable effort
D’indigents colporteurs et quelques pauvres hères
Disparais de ma vue buveur de brandevin
Tant que j’ai ma raison et remercie les dieux
Il en est un au moins patron des écrivains
Qui m’empêche ce soir de me montrer odieux
Il n’a pas eu besoin de me le répéter
Car je courrais encor si mes jambes meurtries
Et mes poumons en feu pouvaient me transporter
Loin du danger mortel de la briganderie
On se plaint si souvent de vivre démunis
Sans même supposer que c’est une vraie chance
Celui qui va plein d’or sera soudain puni
Par un voleur des bois pour sa magnificence
Nilvol des étangs © Mapomme
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire