Tout minot j’admirais les gamins du Vieux Port
Qui, du quai en béton, plongeait dans l’onde
pure ;
Ils nageaient et grimpaient, après un bel effort,
À quelques pas de moi et avaient fière allure.
Du haut de mes quatre ans, je restai stupéfait
D’approcher des garçons sûrs d’eux et
intrépides,
Qui étaient avalés, d’un seul coup, par
l’effet
D’une soudaine écume, après un saut rapide.
Sans peine ils revenaient vers les rochers
moussus,
Pour sauter à nouveau, souriants et stoïques ;
Je nageais bien sous l’eau, mais hélas pas
dessus,
Et leurs exploits
semblaient
quasiment héroïques.
Pour ces gars du Marché, je n’étais qu’un
minot
Traînant souvent par là et donc qu’ils
adoptèrent ;
Ils aimaient la candeur de ce jeune moineau
Qui, au lieu de voler, demeurait sur la terre.
Que sont-ils
devenus, ces garçons insouciants,
Qui semblaient
tout heureux de cet instant de grâce ?
Le destin, tel un
flot,
par un travail patient,
samedi 30 novembre 2024
Élégies. Les gamins du Vieux Port
jeudi 28 novembre 2024
Élégies. Aux franges de la ville
À Denis, Mohamed et Jean-Michel
La ville n’était pas aussi tentaculaire
Et des monts nous venait un maquis peu fourni,
Ainsi qu’à la lisière quelques bois
parcellaires :
En ces lieux disparus, j’ai autrefois grandi.
On longeait l’école, quand venaient les
vacances,
Franchissant le pont enjambant un ruisseau ;
Ainsi nous devenions, sans nulle conséquence,
De grands explorateurs parmi des arbrisseaux.
Âgés de huit années, parés pour l’aventure,
Nous explorions des lieux, en vrais conquistadors,
À
l’instar des héros de nos jeunes lectures,
Craignant quelque péril au cours de nos efforts.
À qui étaient ces bois, sombres et hostiles,
Où soudain les oiseaux devenaient silencieux ?
Nous l’ignorions vraiment, tant s’avéraient
fertile
Notre imagination et nos cœurs suspicieux.
En ayant exploré cette forêt sauvage,
Nous revînmes enfin vers le monde bruyant ;
Nous avions échappé, pour un temps au servage
Qu’est parfois l’enfance, l’aimant et la fuyant.
mercredi 27 novembre 2024
Élégies. Au pourchas des plaisirs
Mais que sont les fêtes d’autrefois devenues
Et
la joie surannée
de rester insouciants ?
Les années ne peuvent se trouver retenues,
Prises dans l’écume du torrent impatient.
Les plaisirs des printemps furieusement
s’écoulent,
Sans qu’impuissants nos doigts n’aient pu les
conserver ;
Vieil ennemi, le Temps,
qui à ses pieds les foule,
Nous prive de pouvoir encor les observer.
Nous poursuivons en vain une impossible quête,
Au pourchas
des plaisirs au parfum éventé :
Un œil dans le rétro, sans arrêt on les
guette,
Désirant revivre ces moments tant vantés.
Buvant plus qu’il ne faut, comme
ayant fait ripaille,
N’en reste désormais qu’un fond de verre
aigret,
Qui vient nous tourmenter,
remuer la tripaille,
Sans pour autant nourrir quelque infime regret !
Que ne donnerait-on pour
le droit de revivre
Une fête d’antan où
libres nous dansions,
Ayant trouvé le Graal que la joie seule livre,
S’enivrant de gaieté, sans nulle
prévention.
Élégies. Morte de um país
Une terre opulente, un nouveau paradis
Se révéla soudain à notre monde avide ;
Un luxuriant Éden aux trésors inédits
Procurant à des rois l’éclat le plus
splendide.
Que t’est-il advenu, continent sans égal,
Qui a tant fait rêver le fol imaginaire
Des lecteurs de ce temps, s’avérant leur régal,
En tissant de fils d’or leur vie trop ordinaire.
Quel enfant n’a songé aux paradis perdus,
Dans la fruste fadeur de la mélancolie
De ce fruit exotique auquel il a mordu,
Car il resplendissait des splendeurs abolies.
Tu n’es plus que ruines, riche empire lointain,
Tant on croque en ce fruit d’un appétit vorace
!
Tes soleils fulgurants depuis se sont éteints
Et l’insatiable humain sans arrêt te terrasse !
Ton trésor naturel sans faim est dévoré,
Mais n’est pas, pour autant, un bien inépuisable
;
Sous le feu, la forêt semble s’évaporer,
Livrée aux appétits des hordes méprisables.
lundi 25 novembre 2024
Élégies. Le fléau qui nous ronge
Vivre est-il un cancer que la mort vient guérir ?
On finit par aimer ce fléau qui nous ronge
Et par craindre les soins qui le verraient périr,
Luttant pour que le mal sans cesse se prolonge.
En guérit-on un jour? « Nevermore ! Jamais ! »,
Nous répond le corbeau dans ses pompes funèbres ;
Apprécie-t-on la mort ? « Quel être s’y soumet,
Alors qu’elle promet l’empire des ténèbres ? »
On hérite parfois d’un douloureux fardeau,
Quand la Mort vient offrir le triste privilège
De frapper un parent, tôt mené au tombeau,
Et jamais notre cœur de ce poids ne s’allège.
La douceur de l’enfance il lui fallut quitter,
Car la Mort terrassa la mère tant aimante ;
Jamais il n’en guérit, le cœur déshérité,
Traînant, toute sa vie, une peine inclémente.
De l’injuste fardeau, sans périr sur la croix
Et sans résurrection, on subit l'héritage ;
Apocalypse odieux qui jamais ne décroît,
Chacun, du deuil d'antan, sera pris en otage.
Avec l'aide d'Edvard Munch
Élégies. Les éternels vautours
Attaquée par la mer, la Camargue se meurt
Et le sel menace chevaux et flamands roses ;
Jusqu'ici ce péril n’était qu’une rumeur,
Mais, en tous points du Globe, on constate la
chose.
Des atolls à fleur d’eau disparaîtront
bientôt,
Les éternels vautours songeant aux bénéfices ;
Vers la Lune et vers Mars se tournent les regards,
Car il vont exporter tous leurs mauvais offices.
L’Univers est plus vaste, un infini défi,
De belles colonies sans aucun indigène :
On peut imaginer d’illimités profits
Sans qu’un cœur généreux par ses discours les
gêne.
Si l’on pouvait aller d’un coup jusqu’aux
confins
De l’Univers connu, songez aux grands saccages
Qu’on pourrait opérer ! Notre monde défunt
Ferait, loin des regards, de suprêmes braquages !
Un brin d’abondance viendrait anesthésier
Les frêles probités quand un peu d’or ruisselle,
Nouvel opium du peuple, avec peu rassasié,
Tandis que les vautours gonflent leur escarcelle.
dimanche 24 novembre 2024
Élégies. Payés trois francs six sous
Pour s’offrir des fringues coûtant trois francs
six sous,
Trop souvent on tolère
un monde inacceptable ;
L’humanisme d’antan lentement s’est dissous
Au profit de raisons
sordidement comptables.
Souviens-toi, noble cœur, de ton dégoût profond
Face au photos d’enfants marnant dans des
usines !
De nos jours ces abus
jamais plus ne se
font,
Car bien des avenirs ainsi on assassine.
Ailleurs, loin du
regard d’une
conscience au chaud,
On suppose oubliées ces pratiques obscures ;
On commande à bas prix
et, hélas, peu nous chaut
Par quel moyen secret ces rabais se procurent.
Humains inconséquents,
qui, afin de remplir
Leur armoire à nouveau,
vident ce qui l’encombre,
Sans voir que leur folie, qui ne veut pas faiblir,
A rendu tant de vies sordides et obscures !
Payés
trois francs six sous, un pull et
un objet
Encombrent
la maison et surtout la planète ;
Enrichissant
des trusts, pompant notre budget,
Un commerce s'accroît de façon
malhonnête.
samedi 23 novembre 2024
Élégies. S’aveugler de lumière
S’aveugler de lumière et habiller d’espoir
Les décennies suivant
un siècle paupériste :
Il faut être cinglé,
après un âge noir
Pour croire à des soleils masquant
des aubes tristes.
La mer est d’un bleu clair qui reflète l’azur,
Qu’on oublierait sans
mal des années de ténèbres ;
Mais aucune éclaircie
ne livre un havre sûr,
Sans qu’on voit l’horizon prendre des tons
funèbres.
Quand tout semble
serein, même en
un soleil plein,
Prédomine la mort qui, de sa froide lame,
Tranchera les espoirs auxquels on est enclin,
Cependant que nos yeux perdront leur vive flamme.
Nul besoin de tempête ou d’un ciel nébuleux,
Pour voir un fil tranché par la Parque
implacable :
L’éther était pourtant si limpide, si bleu,
Qu’on aurait jamais cru le drame inéluctable !
Au soleil du Midi, les jours sont si plaisants,
Qu’on en perd,
sans raison,
l’attention coutumière ;
La vie est si précieuse et chaque heure un
présent
Qu’on ne peut, qu’on
ne doit s’aveugler de lumière.
vendredi 22 novembre 2024
Élégies. Si loin du paradis
On démolit le laid pour en faire du beau,
Le petit peuple allant vers des zones hideuses
;
Des promoteurs vêtus comme de noirs corbeaux
Rasent d’anciens quartiers aux rues parfois
frondeuses.
On bâtit des bureaux en chassant les vivants
Et l’on croirait ainsi que ruisselle
un pactole
Sur tous les continents, mais toujours en privant
Ceux à qui l’on concède une aide pour obole.
Au-delà des fortifs, se dresse la laideur
Et la certitude d’un
futur sans promesse ;
La fumée des camions
habille la froideur,
Grisaillant
les crépis et l’espoir des jeunesses.
Des avenues sans fin, où passent des
poids lourds,
Voient clos par des parpaings bien
des fonds en faillite ;
Aux rages nées ici, le
monde reste sourd
Et les aspirations ont hélas pris la fuite.
Mais dans les beaux quartiers, sublime est
l’horizon
Et les murs rutilants d’une
grande opulence,
Quand loin du paradis,
sans proche guérison,
On charrie son cafard dans l’enfer du silence.
mercredi 20 novembre 2024
Élégies. Fou ou inadapté
Un mal me condamnait aux yeux de bien des gens,
Dès dix ans générant une colère immense ;
Ignorants et méchants, tout et rien mélangeant,
Les voisins me voyaient comme pris de démence.
Dans les pays du Nord, on supprimait ce mal
En usant à gogo d’un
stupide eugénisme
;
Le moindre inadapté, vu comme un animal,
Par tous était frappé d’un muet ostracisme.
La pitié peut nourrir tant d’insignes
regards,
Bannissant à jamais l’individu
étrange ;
De soudains silences nous mettant à l’écart,
On doit porter la croix de ce mal qui dérange.
Parvenu à cet âge où l’on songe à l’amour,
Dans le regard aimé, on voit de l’inquiétude
;
Jamais ce bel élan n’est payé de retour,
Ne faisant l’étude d’un mal que
nul n’élude.
On m’a dit, un jour, que ma danse
de Saint-Guy,
D’après une étude, n’était pas congénitale
;
Cette idée
m’a laissé
totalement groggy,
À
mes amours sentant qu’elle fut
bien fatale.
samedi 16 novembre 2024
Élégies. Un monde zombifié
Ceux qui n’ont pas d’idées, mais un culte égotique,
Étalent à l’envi leurs poncifs miséreux.
Le tout premier podcast d’un torrent d’inculture
Fut à n’en pas douter le plus intéressant :
Il résumait ce flot qui aurait la vie dure,
En se différenciant du bla-bla incessant.
« Je voulais vous dire que je n’ai rien à dire ! »,
Quoi de plus naturel quand on a peu vécu ?
Or, ce défaut viral, de tous les mots le pire,
Trouva des apôtres par la mode vaincus.
On croise ainsi des gens, au boulot, dans la rue,
Qui grimacent ou rient, puis s’expriment tout haut ;
La convivialité est portée disparue
Et, zombifié, le Monde ira vers le chaos.
Tout devient vérité, même un grossier mensonge,
Et comment s’étonner que, plongé dans ce bain,
On gobe le brouet des sites qui prolongent
Les ragots des tyrans et de tous leurs larbins !
vendredi 15 novembre 2024
Élégies. La seule chose sûre
On apprécie la vie en côtoyant la mort.
Jeune, le sang bouillant, on n’y cogitait guère,
Car semblait très
lointain l’inéluctable
sort,
N’affrontant plus vraiment le risque d’une
guerre.
L’âge où elle frappait paraissait très
distant
Et la durée de vie quasiment infinie ;
Coulent, coulent les
ans, raccourcissant
le temps
Où s’approche le terme à
coups de décennies.
On voudrait ajouter à la vie un surcroît,
Mettre un peu plus à l’ouest cette funeste
rive,
Ne pas faire sur tout une sinistre croix,
Qui de tous les plaisirs fatalement nous prive.
Les plaisirs sont comptés et les excès réduits,
Voulant à la durée mettre quelques rallonges,
Que le solde d’hier soit celui d’aujourd’hui :
Devenir éternel ne paraît plus un songe.
Mais l’arbre est décati et souffre à chaque
hiver,
Dont bien des branches font un bois mort
déplorable ;
L’organisme s’altère et tout va de
travers,
Quand survient à grands pas
le terme
inexorable.
jeudi 14 novembre 2024
Élégies. Une chasse au trésor
Enfant, je dirigeais une chasse au trésor
Et nous creusions la terre, en quête d’aventure ;
Le souffle d’un récit
insufflait son
essor
Aux voiles du rêve nourries par mes lectures.
Dans la terre, tout près
des immeubles très laids,
Préfabriqués hâtifs destinés
aux marées
Venues
des campagnes, voyant que j’excellais
À
conserver la troupe ainsi accaparée,
Nos parents se
marraient,
songeant
que bien plus tard
Nous faire ainsi creuser ne serait pas facile,
Alors que nous marnions, sans le moindre retard,
Pour le roi de Prusse, comme des imbéciles.
Cependant à huit ans, il nous faut un conteur,
- Moi,
en l’occurrence ! -,
pour que les énergies
Soient dépensées dehors, gardant les chahuteurs
Hors des maisons rangées, par nos mères régies.
Aujourd’hui,
j’aimerais
qu’un groupe de lutins,
Quand je marne au jardin, creuse
et pioche à ma place ;
Mais qui viendrait m’aider,
sans l’appât d’un butin ?
Devant leur Smartphone,
leurs vacances se passent.
mercredi 13 novembre 2024
Élégies. Être mal dans sa peau
Il est un âge affreux,
lorsque mal dans sa peau,
On trouve laid le monde,
et de ce fait, soi même.
Certe on ne se voit pas comme Quasimodo,
Mais en soi il n’est rien qu’au bout du compte
on aime.
Sans être une gargouille, pétrie
de malfaçons,
Un miroir déformant nous
renvoie notre image ;
Il n’est pas un défaut sur lequel nous passons,
Nous trouvant indignes du moindre badinage.
Ce travers peut venir quand nous passons soudain
De l’amour des parents aux moqueries scolaires :
Centre de l’univers
nous voici anodins,
Soumis aux quolibets nourrissant nos colères.
Être traité de gros, de mou ou bien de laid
Fera que, peu à peu,
jeune on se mésestime ;
Alors on n’esr plus roi,
au sein d’un doux palais,
Mais quelque baronnet des sarcasmes victime.
Hélas pour notre cœur, l’objet
de nos égards
Se joignait à la cour lançant ses moqueries !
Au lieu d’un doux rancard,
on a droit aux brocards,
Amusant au palais toute la galerie.
Élégies. La nuit quand dort la ville
Dans la ville, jadis, calmes étaient les rues
Où, battant le pavé, j’allais d’un pas
serein ;
Ô quiétude nocturne, aujourd’hui disparue,
Qui va encor, de nuit,
paisible et souverain ?
Les rues n’offraient
alors aucun sujet de crainte,
Me mettant seul la tête
et le cœur à l’envers ;
Les doutes et la peur
resserraient leur étreinte,
Quand mon futur prenait des coloris d’hiver.
Je croisais
quelquefois, un fantôme en plein doute,
Face à un horizon dont il ne voulait pas
;
Sur des rêves d’enfant les
grands espoirs s’arc-boutent
Car ils nous coloraient des avenirs sympas.
Mes songes
s’exprimaient d’une voix trop timide,
Et après j’en aurai un
éternel regret :
Devant moi s’éclairait
l’or des pavés humides,
L’or des rêves occis sur l’autel du progrès.
Or le temps coule à
flots et souvent
on déplore
D’avoir manqué de cran, laissant à l’abandon
Des projets essentiels,
venant juste d’éclore,
Surpris de voir qu’ainsi les armes nous rendons.
mardi 12 novembre 2024
Élégies. Depuis la nuit des temps
C’est un combat sans fin, un duel ineffable,
Qui oppose deux camps depuis la nuit des temps ;
De tout ce sang versé, nul camp n’est
absolvable
Et bien moins innocent que chacun le prétend.
Dans tous les livres saints des peuples de la
Terre,
On prône la bonté et l’amour du prochain ;
S'empare des groupes, par un profond mystère,
Une rage inouïe demeurant sans vaccin.
Au nom du Bien, partout, le Mal vient se répandre,
Et c’est folie de voir, les vêtements rougis
Du sang de l’autre camp, des gens osant
prétendre
Qu’au seul nom de leur foi il ont ainsi agi.
Depuis les temps lointains,
dans cette nuit demeurent
Des peuples s’égarant dans les feux des enfers,
Qui, pour un livre saint,
assassinent et meurent,
En défendant le Bien par le pal et le fer.
Depuis la nuit des
temps, les
humains méritoires
Appellent à cesser un conflit sans raison,
Qui fit couler le sang tout au long de l’Histoire ;
On rejette toujours les sages oraisons.
lundi 11 novembre 2024
Élégies. Promesses du futur
Des progrès sont promis pour embellir demain
Et on ne sait pas trop si ce bel optimisme
Mérite de nous voir applaudir des deux mains,
Faisant tout sacrifier au nom du modernisme.
Dans les années soixante, un avenir radieux
Était dépeint à tous, car
les plus rudes tâches
Seraient robotisées et rien de fastidieux
N’épuiserait l’humain qui trimait sans relâche.
Beaux serments d’autrefois, vous fûtes corrompus
Au nom du rendement, mais d’effrénées cadences
Soulagèrent l’humain à coups de chômedu :
Progresser sans un mieux est ruse à l’évidence.
Aujourd’hui on nous vend de merveilleux robots
Et l’intelligence qu’on dit artificielle ;
Notre monde court-il tout droit vers le tombeau,
Aux ordis se livrant en proie sacrificielle ?
L’humain croit-il encor à l’âge des loisirs,
La société payant son éternelle pause ?
Hélas ! il y a loin du réel aux désirs,
Et sa vie superflue serait remise en cause !
dimanche 10 novembre 2024
Élégies. Près du gouffre profond
Chancelle ce monde, quasiment cacochyme ;
Épuisé, on parvient si proche des confins,
Quand s’ouvre, à quelques pas, un ténébreux abîme.
Une brume s’exhale, issue des profondeurs,
Et s’en vient avaler les parois des falaises ;
S’insinuant partout, à l’instar d’un rôdeur,
Elle semble un danger qui sur toute vie pèse.
Ce gouffre s’ouvre-t-il vers l’absolu néant,
Au-delà du brouillard qui nous le dissimule ?
S’y cache-t-il l’horreur d’un abîme béant
Vers lequel nous marchons comme des somnambules ?
Rien n’est plus effrayant que de ne pas savoir,
Car on imagine les pires hypothèses,
Quand tout semble crédible et qu’on ne peut pourvoir
Au danger qui rôde, créant un grand malaise.
Ces nues, dans la vallée, masquent tous les périls
Qui menacent nos vies quand grondent la tornade
Et, du gouffre profond, vient l’écho puéril
Clamant qu’un tyran veut le chaos par toquade.
samedi 9 novembre 2024
Élégies. Un instant décisif
D’où vient cette folie que l’on nomme courage,
Comme si voulait jouer les paladins ?
On ne réfléchit pas, lorsque gronde l’orage,
Sans pour autant traiter la mort avec dédain.
Face à l’iniquité, on perdra tout contrôle,
Mais on n’a pas songé un instant au danger !
On n’a jamais cherché à entrer dans le rôle
D’un fabuleux héros à la peur étranger.
Comment changer de voie quand la folie est faite ?
Au cœur de la mêlée, on sait qu’on va souffrir,
Car Goliath nous fera avec joie notre fête,
Le plus fort se plaisant à venir nous meurtrir.
Le vin étant tiré, il nous faudra le boire,
Même si inégal s’avère le combat
Qui ici nous oppose à l’hercule de foire,
Sans que nul n’ait jamais sonné le branle-bas.
On fait ce qu’on croit juste, en y laissant des plumes,
En David sans fronde combattant un titan ;
Comme un ballot on a une tête d’enclume,
En y allant pourtant, crétin impénitent !
L'odyssée des passions. De la part de personne
Un butin emporté peut trouver un usage
Éloigné de celui que l’on avait conçu.
Ulysse et ses marins, parvenus sur une île,
Se virent prisonniers d’un cyclope bavard ;
Le géant se montrait amplement volubile,
Puis dévorait soudain un marin au hasard.
Face au péril extrême étant toujours habile,
Ulysse avait conçu un plan sans nul retard ;
Plutôt que d’attendre, dans la grotte immobile,
Songeant au vin d’Éole,
il vanta ce nectar.
L’ayant fait apporter au géant Polyphème,
Celui-ci l’engloutit jusqu’à l’enivrement,
Se sentant tout d’un coup engourdi à l’extrême.
Il s’endormit laissant s’échapper librement
Les survivants devant résoudre leur problème :
L’œil unique crevé, il hurla sombrement.
Le géant leur lança, parvenu au rivage,
Des rocs manquant deux fois de leur tomber dessus.
vendredi 8 novembre 2024
Élégies. Traquer sans fin les rêves
Bien souvent on me parle
et je reste muet,
Malgré que j’aie
perçu un indistinct murmure :
Qui peut dire en quel monde alors j’évoluais ?
Revenir au réel me
semble une torture.
Car la chimère est douce à l’éperdu rêveur.
Quel châtiment paraît de quitter mes
contrées,
Quand ici des tyrans
se prétendent
sauveurs,
Dont la
folie se voit chaque jours démontrée.
Ils jonglent sans arrêt, taquinant
guerre et paix,
Le sourire, l’insulte et un brin d’ironie ;
Notre monde navigue, en
un brouillard épais,
Alors qu’au bord du gouffre, il est à l'agonie.
Laissez-moi rechercher, dans les forêts
d’ailleurs,
Quelque songe enchanteur qui naît et s’évapore ;
Je suis l’attrape-rêve,
le chasseur rimailleur,
S’enivrant du parfum de musc et d’hellébore.
Dans la jungle du songe,
équipé d’un filet,
Je poursuis sans faillir l’aérienne utopie,
Guérissant du fardeau
d’un tangible
si laid :
À
l’abri d’un bosquet, sa naissance j’épie.
jeudi 7 novembre 2024
Élégies. Jouissons du présent
En la voyant chanter, danser et nous
sourire,
Jeune, je
lui voyais un
sublime destin ;
Or d’une époque sombre elle parvint à proscrire
Les maux les plus
cruels, à tout
jamais éteints.
Enfant, je me
berçais de
l’illusion crédule
Que le chemin de tous
était fait de velours ;
Je ne frémissais pas au
tic-tac des pendules,
Qui résonnait pourtant d’un glas funèbre et
lourd.
Je n’imaginais pas la cruauté du monde,
N’ayant jamais connu que douceur et confort :
C’est l’abîme
effrayant dont
jamais nulle sonde
N’a pu toucher le fond,
un gouffre en plein essor.
Quel mal vient dévorer, tel un félin féroce,
La bonté inhérente à de jeunes esprits ?
Quel plaisir trouvera l’ensauvagé qui rosse,
Jouissant du plaisir des larmes et des cris ?
La vie des victimes jamais ne se
résume
À
ce temps douloureux qu’on
ne peut effacer ;
L’art soulage au présent, quand
la scène s’allume,
Des tourments infligés
dans un lointain passé.