jeudi 18 janvier 2024

Sonnets sertis. Un phoque à tout jamais

Cent fois sur le métier remettre son ouvrage
Et de mille pages n’en garder que trois cents.

Tel un facteur adroit, sans arrêt perfectionne
Un piano pour en faire un joyau absolu,
Cherchant le son parfait, toujours il l’auditionne,
Pour parvenir enfin au summum voulu ;

Ainsi un écrivain, composant des babioles,
Bûche sur un roman, l’ayant lu et relu ;
Sa santé en pâtit et tout son corps s’étiole,
À travailler de nuit, sans espoir de salut.

Puis, un jour, cet écrit semble enfin acceptable :
Il faut lâcher l’affaire, avant d’être cinglé,
Et payer les rappels qui encombrent la table.

Alors, Flaubert perçut son corps tout déréglé,
Par les nuits à veiller, la mine épouvantable ;
Où était le jeune homme au long corps effilé ?

Les ans avaient commis de funestes outrages,
En faisant un vieux phoque, amer et agaçant.

Flaubert adolescent © Caroline Commanville, nièce de Flaubert

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