lundi 11 juillet 2011

Tableaux effacés




Les images d'un film, semences de mémoires,
Font germer de l'oubli, du limon de l'histoire,
Des gestes d'un passé englouti par le temps,
Coulée basaltique scellée depuis trente ans.

Le maître d'école, prenait dans le placard,
- Un placard gris-bleu, au ton terne et blafard - ,
Une poudre bizarre, - ou alors un liquide - ,
Qu'il versait tout au fond d'une bouteille vide.

Puis, il la remplissait d'une eau limpide et pure,
Et, une encre bleue nuit livrait sa flamme obscure.
Que sont-ils devenus tous ces blancs encriers,
Céramique si douce et caresse oubliée ?

Dans le trou du pupitre, à peau de bois rugueuse,
On les glissait, tremblants, d'une peur religieuse.
Calée au fond d'un creux, la gomme rose et bleue
Côtoyait des objets aux noms souvent curieux :

Le crayon H2B, le porte-plume en bois,
Plumes sergent-major, bout de métal sournois,
Retenant trop peu d'encre, ou alors beaucoup trop,
S'accrochant au papier, soudain lâchant son flot,

Et faisant sur la page un merveilleux pâté,
Que le papier buvard, à la peau tachetée,
D'un coin immaculé avalait goulûment.
Nous avions fabriqué, - ou du moins, les mamans -,

Quelques marionnettes, et je pris l'écritoire ;
Pour le clown, la danseuse, j'écrivis une histoire.
Certains firent la scène, d'autres les décors,
Ou mirent une âme dans des corps encor morts.

Hélas! Je n'ai pas vu la représentation :
La grippe m'enleva cette satisfaction.
Dans ce flot bouillonnant, les images se mêlent,
Et, dans ce désordre, soudain je me rappelle.

Tout comme les autres, j'attendais impatient,
Qu'arrive vendredi et ces mots enivrants :
« Bon, il est quatre heures ! ». Nous rangions nos cahiers,
Fermions nos cartables et restions bras croisés.

Le maître nous lisait La Guerre des Boutons.
Et alors, avalée par l'imagination,
La salle de classe s'évaporait soudain.
Nous étions transportés, les armes à la main,

Près de Tigibus, dont la Franche Comté,
Se vêtait de maquis par notre volonté,
Dans la sombre forêt, marchant au clair de lune,
Avec l'épée en bois pour unique costume.

Voilà ce que me dit le flot de souvenirs,
Sans trop les déformer et sans trop me mentir.
Car le temps ne retient que ce qui lui a plu,
Ecartant sans remords les chagrins superflus.

 

 



Ecole primaire © Mapomme

 

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