lundi 11 juillet 2011

L'été assassiné

A Martin qui nous manque depuis si longtemps



C'est un petit village, en pierre grise et dure,
Un rocher composé, serti dans la verdure.
Ici, le maquis règne en monarque absolu ;
La ronce et la fougère inondent les talus,
Sous les chênes-lièges, et sous les châtaigniers,
Sous les troncs calcinés des derniers oliviers.

Au bout du village, donnant sur le barrage,
La maison isolée dresse ses trois étages.
C'est là que j'ai passé tous mes jeunes étés,
Quand nous jouions de rien, tout emplis de gaieté,
Avec ma cousine, d'une année mon aînée ;
J'ai traversé l'instant, gai et illuminé,
Comme un soleil couchant, flamboyant sur les monts,
Lourdes masses sombres déchirant l'horizon.

Je ne savais, hélas, qu'étaient comptés les jours,
Des repas en famille et des moments trop courts,
Quand la maison résonne aux échos d'une fête,
Pour la dernière fois où la table est complète.

Dans un mois, un seul mois, de retour à la ville,
Prisonnier malheureux du béton qu'on empile,
Dans la salle à manger, je jouerais calmement,
Tandis qu'à la cuisine, chantant encor gaiement,
Maman préparera le repas de midi.
La porte s'ouvrira, sans que je sois surpris
Que Papa revienne, si tôt de son bureau.
Il parlera, gêné, et maman en sanglots,
S’assiéra sur la chaise, abattue comme un chêne.

J'apprendrai, brusquement, que la mort et la peine
Frappent également ma famille et ma chair,
Que s'écroulent, parfois, les grands-mères si chères,
Et qu'un plus jeune meure, et qu'un plus vieux le pleure.
Je saurai que jamais ne reviennent les heures,
Insouciantes et gaies, comme un calme sentier,
Et qu'on ne verra plus le bonheur en entier.

Les étés reviendront, et le village aussi,
Mais quelque chose aura, dans l'air chaud de midi,
Disparu à jamais, en plus de l'insouciance :
Jamais ne reviendra cette si tendre ambiance.




L'été assassiné © Mapomme



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