mercredi 29 juin 2011

Le Tournant




Le malheur est passé, et sous sa cape obscure,
La plaie cicatrisée rappelle la blessure.
Dans l'encrier amer des jours privés d'envie,
Le poète noircit les choses de la vie.

Il ne peint plus la fleur, mais s'attache à son ombre ;
Toutes les demeures sont de futurs décombres.
Les plaisirs sont marqués du sceau de l'éphémère,
Comme un trait dans ses chairs livrant sa sève amère.

Tout instant de bonheur suggère la douleur ;
Les fleurs, les fruits, le ciel perdent toute couleur.
Quelques jours ont suffi, entre azur et brouillard,
Pour que l’œil de l'enfant soit celui du vieillard.

Alors, dans chaque mot, alors, dans chaque geste,
Seule existe la peine et seul le chagrin reste.
Ce chagrin inhumain, cette mortelle étreinte,
Dans le cœur oppressé, laisse sa noire empreinte.

Il cueillait ce fruit rouge, insouciant et blasé,
Délaissant la cerise, aimant plus un baiser.
La paysanne en fleur au parfum si tentant,
Dans l'herbe douce et folle, offrait ses vingt printemps.

La barque a chaviré et la vie avec elle,
Noyant dans la Seine la jeunesse éternelle.
De sa plume, depuis, coule un torrent de mots,
Coule un flot de misère en de muets sanglots.




Léopoldine trop tôt disparue © Mapomme




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