samedi 9 août 2025

Élégies. Depuis des millénaires

L’onde semble paisible et pourtant le courant
Existe bel et bien sans être très rapide ;
Le lit profond du fleuve au sommeil apparent
Peut noyer la détresse au sein des flots turbides.

Depuis cinq mille années le suivent des humains,
Dont le nombre croissait grâce à l’agriculture ;
Longeant le fleuve ancien, je vais sur leurs chemins,
Profitant des beautés au sein de la nature.

Des végétaux nouveaux croissent sur les coteaux,
Parfois ceints d’arbres nés sur des rives lointaines ;
Plus proche était la mer, car les rocs sommitaux
Ont légué le limon de l’ample pénéplaine,

Affluaient
ces limons vers les terrains féconds,
Que submergeaient les crues des fontes prévernales.
Cloué au sol, j’envie la vue qu’ont les faucons,
Dont la beauté doit être assez phénoménale.

Chaque instant où s’écoule un
long flot continu,
Façonne la beauté des aubes ultérieures,
Lorsque nous déclinons et devenons chenus,
Sorte de fruits flétris, sans promesse meilleure.


Depuis des millénaires © Mapomme

jeudi 7 août 2025

Élégies. Grimper vers les sommets

Grimper aveuglément vers des sommets obscurs,
En espérant trouver la corne d’abondance,
Res
semble, au bout du compte, à un mobile impur,
Car il faut observer une extrême prudence.

Quel prix est demandé pour s’offrir l’incertain
D’un dessein accompli dans les nues invisibles,
Dont chacun a rêvé comme unique destin ?
Si l’âme en est l’écot, le profit est risible !

Car me voici assis au pied de l’escalier
Se perdant au-delà des plus épais nuages,
Hésitant sur mon choix, tel un preux chevalier
Que des relents soufrés freinent dans son voyage.


Si pour y accéder, ce qu’on livre est très cher,
Le tarif exigé démontre qu’on nous gruge
Et, dans ce cas, les cieux s’avèrent un enfer,
Où on ne peut trouver un tangible refuge.

Oh ! J’aurais tant voulu m’élever vers ces cieux,
Où plane le milan ou, mieux, le gypaète :
De ces zéniths maudits, par le sort facétieux,
Je demeure interdit tel un probe poète.

Grimper vers les sommets © Mapomme


mardi 5 août 2025

Élégies. Promeneur solitaire

Je n’apprécie rien tant que marcher solitaire,
En songeant aux tracas faisant mon quotidien,
De la nature aimant le calme salutaire
Qui permet de trancher nombre de nœuds gordiens

Me pourrissant la vie et m’échauffant la bile.
Mille et mille soucis qui taraudent l’esprit
Et soudain le silence en des bois immobiles
Sans bavardes
cohues grouillant de malappris.

Simplement des oiseaux serinant dans les branches
Qu’on distingue à leur chant, dispensateur de paix,
Loin de la comédie des postures peu franches
Des humains au bonheur amplifié et suspect.

Tout ce théâtre cesse au cœur de la nature,
Sans un rôle à tenir, moi aussi me flouant
De ma joie colorée d’une désinvolture,
Un masque de l’humour des regards se jouant.

La marche fait le vide et on ôte le masque,
Qui amplifie le drame ou surjoue le bonheur :
Dépeint au naturel, on chemine sans frasques
Et solitaire va le simple promeneur.


Promeneur solitaire © Mapomme

lundi 4 août 2025

Élégies. J’allais sans l’âme-sœur

Sur la Terre j’allais sans trouver l’âme-sœur,
Car le niais Cupidon ratait toujours la cible,
Bien que j'aie le cœur gros : ce dieu réunisseur
Loupait un éléphant se tenant impassible.

Je voyais des ballots filer l’amour parfait,
Trouvant la clef cachée d’une belle cassette,
Déployant ses atours du plus sublime effet :
M
on humble naturel chassait cette recette.

Pour mentir sans rougir, faut-il être immoral
Et vendre un faux mec bien au prix d’un produit rare !
L’
amante est aveuglée par un feu vespéral,
Dévorant du regard un abruti ignare.

Privé de la vertu de me faire plus beau
Plus profond, plus savant que sous ma vraie nature,
J’aurais le sentiment d’être un affreux ribaud
Offrant un champ d’orties pour divine pâture.

Aussi je poursuivais
seul, seulet mon chemin,
Passant sous les regards, inaudible, incolore,
Sans que nul pour l’instant ne me tende la main,
Jusqu’à ce qu’à vos yeux l’orchidée veuille éclore.


J'allais sans l'âme-sœur © Mapomme

Élégies. Comment sauter le pas ?

Hors la rue sans-souci, on attaque une pente,
Sur un chemin ardu, sinueux à foison ;
Adieu les plats trottoirs des flâneries pimpantes
Où nous ne désirions ni l’or ni la toison,

Hormis celles couvrant nos enthousiastes crânes !
Dès lors, plus on avance et plus il faut d’efforts,
Or, sous ce ciboulot que d’ébauches se trament
Quand des jeunes années nous laissons le confort.

Certe on s’élève haut, avoisinant les nues
Où commandent les dieux en cravate et costard,
Mais nous nous égarons, vers la cime inconnue,
L’altitude changeant le cœur à notre instar.

C’est alors que survient à mi-chemin des vies,
La décision à prendre en face d’un ravin.
Bien qu’ayant grimpé haut, l’âme est inassouvie :
Faut-il s’enténébrer si l’acte paraît vain ?

L
e saut nous semble aisé, puisqu’il faudrait qu’on monte :
O
r, c’est un pas qui coûte une livre de chair
Taillée dans l’âme humaine et qui nous ferait honte,
Car monter, c’est plonger plus avant vers l’enfer.


Comment sauter le pas ? © Mapomme

dimanche 3 août 2025

Réminiscences. Le bar du temps perdu

On buvait un café au bar du temps perdu,
Dedans s’il faisait froid, sinon sur la terrasse,
Évoquant nos espoirs en des ans très ardus,
Quand en tous lieux naissaient des appétits voraces.

Mais pour nous s’ouvriraient les voies du paradis,
Du moins l’espérait-on, pétris de certitudes,
Pouvant tout obtenir, sans avoir un radis
Hors d’un pauvre diplôme au bout de nos études.

Le monde avait changé, car les temps opulents
Avaient cessé d’un coup et c’était la galère
Pour dégoter un job pour un net stimulant,
Car le marché offrait d’assez maigres salaires.

C’était la douche froide avec un Bac plus deux,
Des contrats de trois mois payés à coup de triques :
Adieu les temps heureux aux salaires juteux,
Dans une Europe ayant des parfums d’Amérique.

Du bar nous changeâmes le véritable nom,
Pour bar du temps perdu, pour les vaines années
Passées à étudier pour gagner moins de ronds
Que le SMIC et voir choir nous illusions fanées.


Le bar du temps perdu © Mapomme

samedi 2 août 2025

Élégies. Une impression de vide

Dans un domaine, on bosse et tout semble gazer
Mais comment expliquer cette âpreté en bouche,
Un regret qu’on ne peut jamais apprivoiser,
Sans qu’on apprenne enfin quelle affliction nous touche ?

«Comment guérir la plaie ne portant aucun nom ?»,
Dirait un guérisseur, en auscultant mon âme,
Voulant chasser le sort lancé par un démon
Et qui sans me tuer, jour après jour me damne.

Est-ce la nostalgie d’un destin non vécu
Qui génère ce spleen, cette impression de vide,
Ce regret habitant la troupe des vaincus,
Demeurant, face au drame, austère et impavide.

Qu’on sonne le tocsin, quand l’invisible mal
S’empare des esprits ! Que prient les monastères !
Qu’on inspecte chacun, jusqu’au moindre animal,
Qu’on n’oublie aucun bourg, fût-il le plus austère !

F
léau désenchanteur, sans potion ni onguent,
Qui ôte toute envie et laisse insatisfaite
L’âme contaminée, comment rendre fringant
Qui à rien n’a plus goût, ni le cœur à la fête ?


Une impression de vide © Mapomme

Élégies. Volutes se dissipent

Volutes de fumée dans les airs se dissipent,
Et la jeunesse aussi qui voudrait s’envoler
Librement s’en aller : vers l’azur s’émancipent
Des rêves effarés, allant déboussolés.

Voyez-les tournoyer ivres de pittoresques,
De senteurs parfumées, loin des gris horizons.
Offrez-leur du nouveau, pas un savoir livresque,
Mais la folie d’ailleurs, loin de la trahison

D’avenirs convenus, puant la vieille armoire,
Pour marcher dans les pas des amis, des parents !
N
on, la rive inconnue dont l’exotisme moire
Des cieux illuminés de l’Idéal garants.

Fumée, tel un encens, élève-toi et porte
Le message confus d’un do indécis :
Scrute au fond de mon cœur les espoirs en cohorte,
Et retiens-y celui dont te plaît le récit.

La vie part en fumée, s’écoule à toute allure,
Tel un sable filant du creux de notre main :
D
e nos projets, pas un ne pourra se conclure,
Et nous suivrons, vaincus, de tout autres chemins.


Volutes se dissipent © Mapomme

Élégies. Souverains souvenirs

Nous avons tous en tête un endroit sacro-saint
Où, sans plus d’un regard, bien des visiteurs passent :
C
e dédain offense, sans avoir ce dessein,
Notre vénération d’un lieu que rien n’efface.

Souverains souvenirs nourris de mille instants,
Même si les années les submergent d’écume,
Qui rendra tout confus et d’un vague attristant.
Il ne demeure rien de nos bonheurs posthumes,

Sinon l’attachement aux défunts, aux maisons
Par les ans emportés ; ces ruines qu’on supprime,
Où nous jouions jadis, à la chaude saison,
D
ont l’absence paraît un inexpiable crime.

Il reste l’ébauche d’un suranné bonheur,
Tel un parfum gravé au sein de la mémoire,
Un fugace arôme qu’un mauvais parfumeur
À la hâte recrée, pervertissant l’histoire.

Nous demeurons l’enfant s’émerveillant de tout,
Du parfum du maquis et des maisons de pierre,
Bâties sur des rochers, qui se dressent debout
Entre monts et mer bleue, face à nôtre clairière.


Souverains souvenirs ? © Mapomme

vendredi 1 août 2025

Élégies. De quoi sont faits les jours ?

Au fond, que sommes nous ? Quelques brins d’herbe au vent
Emportés malgré eux ; une branche brisée
Que charrie le torrent furieux et éprouvant
Dans l’écume des jours et l’onde hystérisée.

Dans ce flot sont noyés les rêves d’autrefois,
Les espoirs d’avenir que l’on voulait grandiose,
Mais, par la porte étroite, ils ne passent l'octroi,
Ne pouvant espérer une vie en symbiose !

Les murs de la chambre dont le vert s’est éteint
Le vert des beaux espoirs, à présent mis en berne,
Est la cage aux forêts de simple papier peint,
Sans horizon au loin, dans une prison terne.

Les romans mensongers allument des brasiers
Qui bercent les soirées dont les voiles diaphanes
Font danser des lointains aux sièges en osier,
Et des cieux étoilés sans nues qui les profanent.

Jeune et désabusée, dans la sombre maison,
La prison conjugale où nul rayon ne rentre,
Pour caresser la peau d’un brin de déraison ;
Sans l’extase, un devoir pour que gonfle ce ventre.


De quoi sont faits les jours ? © Mapomme