Je conserve toujours un souvenir ému,
En
me remémorant l’époque du collège,
De
la musique pop, quand
j’allais ingénu,
Riche
de mes espoirs, ce précieux privilège.
J’ai
oublié la lie, ne gardant que le vin,
N’ayant rien du nectar
qu’entretient ma mémoire,
Sans
le moindre défaut : le réel est si vain
Qu’il faut sans cesse un charme exhumé d’un
grimoire.
Pas
droit au port d’un jean et pas de cheveux longs :
On
est loin de l’éden qu’on tient tant à dépeindre ;
Sans
rouge et sans fard, sans droit au pantalon,
Les
filles avec nous ne cessaient de se plaindre.
Pas
de mini non plus ! Au-dessous du genou,
La
jupe codifiée se devait d’être chaste ;
Mais
ça n’empêchait pas la plupart d’entre nous
De
faire un brin de cour à ces vivants contrastes.
On
subissait la vie sans pouvoir
dire un
mot
Concernant
l’avenir par le choix des études ;
Pas
vraiment l’Âge d’Or ou de longs mois
hiémaux,
Ce
n’était pas un temps bercé de zénitude.
mercredi 30 avril 2025
Élégies. Entre lumière et ombre
Élégies. Le gourou de la Paix
Selon les beaux
discours, tissés d’un fil épais,
Il
est un grand champion dont l’éternelle quête
Consiste
à assurer une durable paix,
Méprisant
le carnage et l’esprit de conquête.
Qui
l’eut cru, qui l’eut dit, tant
il est incompris,
Puisqu’il
semble habité, telle la pieuse image,
La
manifestation sacrée du Saint-Esprit,
Bien
qu’il ait infligé ça et là des dommages ?
En
baba cool, bientôt, paraîtra-t-il vêtu,
En
pat’ d’éph’
et gilet, un t-shirt Love and
Peace,
Abandonnant
cet air renfrogné et têtu,
Sans
vouloir nous mener au fond du précipice ?
Rien
qu’à l’imaginer chantant «Hare
Krishna»,
J’atteins
le Nirvana, en plus je me gondole,
S’il
danse sur Jingo
du groupe Santana,
Emporté
à Woodstock par les airs des idoles !
Mais
le Summer of Love
est hélas loin de nous,
Quand
il joue le Vietnam aux confins de l’Europe ;
Le
gourou de la Paix nous voudrait à genoux
Et
ne sera jamais un
noble philanthrope.
Élégies. Qui songe à la victime ?
De ce corps qui gisait, sur le glacial
dallage,
Qui
se souciait vraiment, lors
d’un rassemblement
Usant
d’un terme impropre, en total décalage
Avec
la vérité, feignant
l’accablement ?
Les
morts, les pauvres morts, sous les mots
disparaissent,
Quand
on les associe à
des discours captieux,
Alors
que dans la nuit un vaste effroi les
pressent,
Craignant
le sombre enfer et espérant les cieux.
Ce
n’est qu’un mort de
plus, rien qu’un atroce crime,
Occupant
les journaux, au milieu des infos ;
Les
leaders des partis, s’en emparent et friment,
Mais
l’émoi qu’ils surjouent vibre d’un accent faux.
C’est
une vie ôtée, une
violence affreuse,
Qu’on
habille à dessein pour coller au discours
Divisant
la nation qui en est malheureuse,
Que
lance un roitelet entouré par sa cour.
Ont
cessé la fureur, les cris de la
victime
Et,
face aux caméras, le désarroi est feint
Car
les vraies émotions sont du domaine intime :
Qui,
hors de sa famille, a
songé au défunt ?
lundi 28 avril 2025
Élégies. La Liberté bannie
Assise sur un roc, aux
franges du désert,
Chassée
hors du pays, devant le mur immense,
Je suis la
liberté pleurant le port ouvert,
Où
les espoirs naissants dans les rêves commencent.
Le
rêve est tel un flot qui s’est hélas
tari,
Car
jaillissant du cœur, l’avarice l’assèche ;
Les
ogres dévorent leur pays qui périt,
Se
goinfrant de la Terre et même s’en pourlèchent.
On
ne sait trop comment l’esprit s’est corrompu,
Pour
raser les forêts, rendre impure l’eau douce :
Pour
que les habitants de viande soient repus,
On
ruine les prairies dont l’herbe devient rousse.
On
parle de profits, comme unique destin,
Et
on ferme son cœur au sacro-saint
partage ;
Ce
pays pue l’église et rêvant de festin,
Des
versets n’a tiré aucun maigre avantage.
Je
suis la Liberté, jetée du haut du mur,
Bannie,
car superflue, sur la Terre Promise !
Lorsque
le palpitant s’assèche, il devient dur,
Et je pleure sans fin, sur un rocher assise.
Élégies. Par la grâce du lieu
Est-ce l’immensité de
cette basilique
Calme
et séculaire, aux merveilleux décors,
Qui
favorise enfin, par la grâce idyllique,
Le
dialogue serein au lieu d’un corps à corps.
Sous
le plafond qu’a peint le génial Michel-Ange,
Cerné
de marbre et d’or, peut-être que la paix
Ne
tiendra qu’à la mort, par l’étrange mélange
De
merveille et d’horreurs qui force le respect.
Nul
n’y croyait vraiment, habités
par le doute,
Après
des diatribes évoquant l’agresseur
Qui
était l’agressé : alors tout nous dégoûte,
L’âme
étant envahie d’une épaisse noirceur.
Surprise !
On revoit l’aube et sa douce lumière,
Bien
qu’on tremble en son fors, car reviendra la nuit,
Tant
on passe vite, de façon coutumière,
De
la joie au chaos, de l’extase à l’ennui.
Mais,
bien que circonspect, on
entretient la flamme
D’un
tremblotant espoir, quelque peu souffreteux ;
On
veut se réchauffer le cœur ainsi que l’âme,
Troublé
par un destin,
paraissant
cahoteux.
Élégies. Viva la grevolución !
Où sont les temps
anciens, quand à perte de vue,
D’écarlates
drapeaux flottaient le premier mai,
Au
vent d’un bel espoir sur la grande avenue ?
Cortèges
disparus, reviendrez-vous
jamais ?
Or,
les voix du Parti ont fondu comme neige
Et s’est
tari le flot de son bras séculier,
Ainsi
que dans la nef
s’est réduit le cortège,
Au
dimanche venu, des croyants réguliers.
On
a perdu la foi dans les beaux drapeaux rouge,
Comme
d’aller prier, quand on vit mieux
qu’avant ;
Moins
on a, plus on prie et plus chacun se bouge :
Messes
et défilés ne se font qu’en rêvant.
Or,
on ne rêve plus, quand s’emplit notre panse,
Et
plus comblé qu’avant, on n’est pas plus heureux.
Rien
ne peut nous guérir, en dépit des dépenses,
Car
la guerre menace et nous rend très
peureux.
Alors,
tu vois, Sophie, ce dont le monde rêve
N’est
pas de foutre en l’air ce dont nous profitons !
On
veut bien contester,
si
la manif est brève,
Mais
oublie ton espoir d’une grévolution !
dimanche 27 avril 2025
Élégies. Sur le tambour sanglant
Il bat, il
bat, il bat sur
le tambour ancien,
De la sanglante peau des
héros de la guerre,
Dont
l’exemple inspira ses
vaillants miliciens,
Dans
des situations parmi les plus précaires.
Depuis
le froid glacé des steppes et toundra,
Ce tempo persistant qui
parcourt d’amples plaines,
Pétrifie
les humains, baissant d’un coup les bras,
Car
ils reconnaissent le tambour de la haine.
Le
monde est tout surpris qu’un peuple de la nuit
Sorte d’on ne
sait où, amoureux des batailles :
Sans nulle Vérité,
en surgissant du puits,
Il a fait
retentir le son de la mitraille.
En
nouveau conquérant, il bat sur le
tambour
Dont les échos sanglants
poussent à l’héroïsme,
Et ivres
de grandeurs, s’élancent à rebours
Des humains appréciant
des combats l’archaïsme.
Le
froid des jours obscurs fait trembler les soleils,
Scintillant
par milliers sur l’onde près des palmes ;
Que
les conflits ne sont demeurés en sommeil,
Alors que nous vivions des
jours pleinement calmes ?
Élégies. Un démon qui nous hante
Si nous voyions le vrai de chacun d’entre
nous,
Nous
serions effrayés, au point qu’à toutes brides,
Nous
fuirions sur l’instant quérir un marabout,
Qui
pourrait nous guérir de cet esprit putride.
Chacun
a ressenti cette étrange terreur
Qui
vient nous tourmenter, quand pris entre deux âges,
Nous
voyons survenir un monstre dévoreur
Qui,
bouffant nos espoirs, un futur laid
présage.
En
bâillant à la messe, on n’avait pas compris,
Qu’ainsi que Jésus-Christ on paierait
notre enfance,
Nous courbant sous la croix sans que sain soit
l’esprit,
Dans le nombre emporté, perdu et sans
défense.
On
boit pour oublier que l’on ne pourra point
Oublier
un destin qui paraît un calvaire.
On
peut traîner des pieds, face
au futur qui point,
Se
révélant obscur, immoral et
sévère :
Quelle
insondable idée d’offrir tout le meilleur,
Dans
nos jeunes années, et de laisser la lie
Pour
le restant des jours ! On tremble de frayeur,
En
subissant la loi de cette anomalie.
samedi 26 avril 2025
Élégies. Notre apprenti sorcier
Non content de souiller son pays, le faux
blond
Veut
exploiter les mers, dans les eaux reconnues
Par
des traités signés ; sa folie en dit long
Sur
sa rapacité sans nulle retenue.
Son
projet insensé implique de forer
Une
lieue sous les mers, puis de larguer sans honte
Les
déchets dans les flots, quitte
à détériorer
Toute
vie marine, dont il ne tient pas compte.
Si
on le laissait faire, il
trairait tout le lait
Des
vaches et voudrait s’approprier leur viande !
On
ne peut exaucer ces
deux vœux au
complet,
Dont
les classes goulues se montent si friandes.
À
qui mieux mieux il dit l’enivrant mot
«Milliards !»,
Magique
invocation réalisant son rêve ;
C’est
le plus ample espoir des infâmes
pillards,
Qui
veulent épuiser notre monde sans trêve.
Ailleurs
va exploiter des astres avec soin,
Des
planètes sans vie : tu n’en fais pas mystère !
Des
mers et des pôles, je t’en prie, reste loin,
Et
cesse de souiller la beauté de la Terre !
Élégies. Le nouvel art du deal
Le blondin se vantait dans un ballot
bouquin,
De maîtriser du deal
l’ensemble
des
nuances,
Pouvant cogner très
fort, mordre comme un requin,
Pour
mettre l’autre camp sous sa seule influence.
On
constate, à présent, qu’il est un prédateur
Qui use sans
arrêt de la bestiale force,
Tel un gangster d’antan, un sale
profiteur,
Qui
envoie au tapis et qui bombe le torse.
Face
aux tenaces proies, en duo il agit,
L’arme
sur la tempe, le couteau sur la gorge :
Seul
le gain obtenu par sa loi est régi,
Car
c’est par ces moyens que les trésors se forgent.
Les
nouveaux baronnets fondent sur les butins
La
noblesse du fric, ainsi
qu’au Moyen Âge ;
Si
par de vils moyens ce rang noble est atteint,
Le
temps lave le sang et le vêt de courage.
Ces
gens vont à l’église et se veulent très pieux,
Quand
leur blason nouveau recouvre les souillures
Des
actes quotidiens, féroces et odieux,
Et
quand leurs boniments ont des relents d’ordures.
vendredi 25 avril 2025
Élégies. En quel lieu l’onde naît ?
En quel lieu l’onde naît,
source de bien des maux,
Qui
pousse à s’opposer des foules
furibondes,
Ou
convie à
renaître des partis extrémaux,
Sourdant
des profondeurs, lesquels
soudain
abondent ?
Qu’est
devenu ce monde où la rage des loups
Triomphe
chaque jour de la juste mesure,
Quand
l’effet papillon rend tous les humains fous
Et
que chacun ne voit que ses propres blessures ?
Depuis
l’épidémie et
le
confinement,
Puis
la guerre lointaine et cependant plus
proche,
La
rage nous saisit et, sans discernement,
Des
parents, des amis multiplient les reproches.
Or
les fichus réseaux qui brouillent les esprits,
Répandant le mensonge et touchant
tous les âges,
Font
naître la terreur dans le monde surpris,
Semant
le germe affreux d’un démon sans
visage.
On
voit un fanatique égorgeant un pilier
De
notre société ou des rixes mortelles
Entre
jeunes armés :
plus rien n’est familier
Quand
le sang est versé pour une bagatelle.
Élégies. Détester son image
Et on nous racontait ces foudroyants amours
Des parents, grands-parents, dont le passé fourmille,
Qu’on supposait, bien sûr, vivre de même un jour.
Quel malheur de croiser, dans la rue, à l’école,
Un bel amour secret n’aimant pas de concert !
Pris de tourments, nous vient une humeur picrochole,
Mère de tous les spleens rongeant tel un cancer.
Alors, on comprend mieux les maux de Polyphème
Qui croisait Galatée marchant sans un regard ;
Si un ado hanté d’un sentiment vif aime,
Non payé en retour, il se perçoit ringard.
«Comme il est beau mon fils !», «Qu’elle est belle ma nièce !»
Que de fois l'entend-on, lorsque les liens du sang
Dictent un compliment fait sans doute avec liesse
Car, à la vérité, nul parent ne consent.
Si on est transparent aux yeux de Galatée,
Ce n’est pas forcément parce qu’on n’est pas beau :
Par un amour celé nos chances sont gâtées
Et on peut les jeter à jamais aux corbeaux !
jeudi 24 avril 2025
Élégies. Mort des années 50
Tout s’en va à vau-l’eau et rien n’est
éternel !
S’envolent
les diner’s, roi des années cinquante,
Qui vantaient
dans les films un appétit charnel,
Avec
des steaks saignants et des frites croquantes !
L’ultime
vestige d’un formidable essor,
De
partout égrainé
sitôt après la guerre,
Montrait soudain au monde qu’à tout
jamais son sort
Connaîtrait un progrès qu’il
ignorait naguère.
Le fruit de
la croissance offrait cette saveur,
Où
nul n’avait besoin de serrer la ceinture ;
On n’osait
concevoir, bien qu’étant des
rêveurs,
Un
avenir peignant de
telles conjonctures.
Il
suffit d’un décret signé d’un air béat,
Pour
qu’une économie d’un seul coup se déglingue ;
Le
diable se cachant dans les alinéas,
On
étrangle un secteur que cet oukase flingue.
Adieu
tous les repas simples et conviviaux,
Qui
offrit en tout lieu de belles perspectives,
Quand tout semblait possible et les
futurs joviaux !
Tout
tend à disparaître en ces jours d’invectives.
Élégies. Sauvez ce pré carré !
Voyez notre jardin, si beau en ce printemps,
Si
vert et si fleuri que les voisins l’admirent !
Il
faut des décennies d’un labeur éreintant
Avec
ce résultat servant de point de mire.
Il
suffit qu’un dingo paradant aux infos
Pour
que la mécanique aussitôt se dérègle :
Les
causes et les buts s’avèrent tous deux faux,
Car
ce grand agité n’est pas des plus espiègles.
Les
produits déversés dans son parc imposant
Sont
aujourd’hui bannis, sans qu’on sache la
cause,
Les
accords
ancestraux en
un jour explosant :
Aux
marées des
camions mon beau jardin s’expose.
Je
crains que, dès demain, des nuées de camions
Cherchent
à pénétrer dans son auguste enceinte ;
Sauvez
ce pré carré, que
jeunes nous aimions,
Conçu
comme sacré, presqu’une terre sainte !
Demain
nos jardiniers deviendront des chômeurs,
La
sangsue du Levant menant à notre perte :
Protégez
le jardin d’un
cupide affameur
Et
ne laissez jamais la grille en fer ouverte !
mercredi 23 avril 2025
Élégies. La désenvie de vivre
Certains jours de ciel gris,
on éprouve un dégoût
Du
monde comme il va, habité d’une absence
D’amples
perspectives ; on est pris d’un seul coup
D’un
sentiment pesant de profonde impuissance.
On
songe, à ce moment, aux amis disparus,
Qui
ont quitté la vie, sans que ce soit leur
heure,
Dont
le billet laissé, qu’on avait parcouru,
N’expliquait
pas vraiment les tourments qui effleurent
Leurs
pensées à l’instant où ils s’en sont allés.
Si
on avait toqué,
ce jour-là, à leur porte,
Leur désenvie de vivre eut-elle
détalé,
Tel
un un brouillard poisseux, au temps des feuilles mortes ?
Tous,
nous avons connu ce spleen envahissant,
Qui
nous ôte le goût de ce qu’on apprécie ;
Par
bonheur, on ressent le désir plus puissant,
De
vivre un jour nouveau, d’autres péripéties.
La
tristesse insondable, persistant
ennemi,
Vient
hanter mes pensées, mais j’aperçois un phare,
Ou
un conflit nouveau,
un attentat commis,
Qui
ranime l’envie, en dépit qu’il effare.
Élégies. Le cancre de la classe
Asinus ad lyram :
on voit l’âne
à la lyre,
Se
prenant pour Orphée, avec ses gros sabots,
Il
se croit un génie, au comble du délire,
Quand
il sort des accords que
nul
ne trouve beaux.
Le
Monde grimace, quoi qu’il donne à entendre,
Car
il refuse en bloc
les harmonieux
accords,
Et
se trouve bien loin de la Carte du
Tendre,
Et
même, à l’inverse, causant des haut-le-corps.
C’est
un fils à papa sans talent véritable,
En
permanence usant d’un langage enfantin,
S’emportant
pour un rien, fol esprit
irritable,
Se
montant malhabile et très peu florentin.
Amis
et concurrents demandent quelle école
A
pu le diplômer, tant il semble ignorant
Des
choses de la vie, dans tout acte ou parole,
Montrant
un appétit toujours plus dévorant.
«Retourne
à l’école», disent ses
camarades,
«Et,
par la saine étude, apprends donc le respect !»,
Espérant
lui ôter ses brutales tirades,
Plongeant
dans les ténèbres
d’une absence de paix.
mardi 22 avril 2025
Élégies. Le boulot file ailleurs
La filature n’est plus, depuis des
décennies,
Partie
sous d’autres cieux, laissant sur le carreau
Les
ouvriers du coin, grâce
aux petits génies
Qui
auraient dû finir derrière les barreaux.
C’est
une épidémie, comparable à la peste
Qui
a frappé le Nord et le monde ouvrier,
Et
rien pour l’en guérir, nul envoyé céleste,
Ni
miracle soudain, à force de prier.
On
ne pourra tirer des plans sur la
comète,
Tant
la tempête vient jeter sur les brisants
Le solide
bateau ; le profit malhonnête
Séduit
le nautonier tel un phare luisant.
Ainsi,
tout est ruiné, englouti
par l’écume,
La
cruauté des temps, et les rêves détruits
Voient
sombrer dans les flots les avenirs posthumes,
Plongeant
vers l’abysse lentement et sans bruit.
Le
boulot file ailleurs, où à bas prix on tisse,
Des
fringues à deux sous, s’usant en peu de mois ;
Il
n’est plus un patron qui chez nous investisse,
Et, en son
avenir, l’ouvrier n’a plus foi.
Élégies. Le roi du Monde est nu !
Il prétendait régler
tous les conflits sur Terre,
En
assez peu de temps, d’un claquement de doigts ;
Comment
y parvenir ? C’est là tout le mystère,
Aux
faveurs
le tyran étant
resté
de bois.
Tout
fraîchement élu, le roi de la parade
Demanda
qu’on lui fît des habits inédits ;
Il choisit pour cela un ancien
camarade,
Auquel
ses partisans faisaient un grand crédit.
Ensuite,
il se lança, via quelques émissaires,
Dans
des marchandages assez inattendus :
Ils
prenaient pour comptant tous les mots insincères
Et
croyaient que l’accord était déjà vendu.
Au
final, nulle paix ne se trouva conclue,
Et
ils revinrent tous Gros-Jean comme
devant !
Chacun
se moqua d’eux qui eurent la berlue,
Amateurs
se croyant plus au fait qu’un savant.
Quand
aux habits nouveaux, qui devaient tant surprendre,
Ils
furent inouïs et d'un style inconnu ;
Nul
courtisan n’osa, craignant trop un esclandre,
Dire
au roi du Monde qu’il paradait tout nu.
lundi 21 avril 2025
Élégies. Pas même envie de lire
Parfois rien ne nous sied,
même l’envie de
lire,
Et
tout semble insipide, même le pur azur.
On
rôde en la maison, sans que l’on puisse élire
Un
hobby quotidien dont l’attrait serait sûr.
Alors,
les bouquins clos, sur le plumard on bulle,
Songeant
à tout et rien, dans un chaos complet :
Atone
est la maison, sans aucun préambule,
Et
rien, à la télé, franchement ne nous plaît.
On
exhume sans fin des choses désinvoltes,
Un
néant de pensées, ne menant nulle part,
Demeurant amorphe,
dépourvu de révolte,
Subissant
un torrent de souvenirs épars.
Le
jardin est fleuri ; heureux, les merles chantent,
Pas
un nuage en vue : d’où vient ce
spleen soudain ?
Peut-être
qu’ayant tout, sans nulle envie ardente,
Nous
avons pour l’acquis un étonnant dédain ?
La
joie simple a le goût des amères oranges,
Et
en enfants gâtés, nous la mésestimons :
Le
versatile esprit a des humeurs étranges,
Sans
nul doute habité par
un cruel démon.
dimanche 20 avril 2025
Élégies. Vierge, cache ce sein !
Le bigot, effaré,
détourna son regard
Du
drapeau de l’état
qui montrait Virginie,
Avec
un sein à l’air qui le laissait hagard :
«Vierge,
cache ce sein ou tu seras punie !»
S’il
arrivait au Louvre et voyait le tableau
D’Eugène
Delacroix, romantique
et splendide,
Montrant
la Liberté portant notre drapeau,
Les seins en liberté dans
un geste candide,
Vite,
il exigerait son imminent retrait.
Hé,
quoi ! nouveau Tartuffe, dans tous les grands musées,
Nous
faudra-t-il vider toutes les collections,
Pour
ne plus voir ta gueule outrée et médusée ?
On
devrait donc songer à vêtir sans tarder,
Les
marbres des Vénus et des autres déesses,
Tous
les guerriers gaulois qu’il ne faut regarder,
Pour
éviter l’enfer, si on en voit les fesses !
Tes
ancêtres ont-ils montré tant de pudeur
Avec
tes esclaves à
demi dévêtues ?
Ton
drapeau évoque la sublime
grandeur,
De
vaincre une couronne à tout jamais battue.
Élégies. Se laver des péchés
Une messe suffit à se laver les mains
Des
péchés et des crimes dont elles sont couvertes.
Les
guerres ont laissé tant de croix en chemin,
Et
dans l’esprit de paix, tant de plaies sont rouvertes.
Ainsi,
on devient saint, dans le parfum d’encens,
Au cours du peu d’heures que dure la grand-messe.
Aux combats à venir, on voit le chef
pensant,
À
l’odeur des combats dans les brumes épaisses.
Le
cœur du conquérant n’a pas de religion,
Recherchant
la grandeur pour entrer dans l’histoire ;
Il
songe à envoyer de nouvelles légions,
Se
fichant de l’avis des lointains consistoires.
Que
sonnent les cloches à travers les cités,
Qui
rendront les croyants amplement euphoriques,
Fêtant
le prodige du Christ ressuscité :
Les
morts sont les héros
d’une guerre homérique.
Qui
périt au combat ne ressuscite pas,
Car
un crime de sang empêche de renaître :
Qu’y
a-t-il au-delà de tout humain trépas ?
J’en
repousse toujours l’idée de tout mon être.
Élégies. Aux sombres temps soumis
Il faut avoir connu une époque dorée,
Où
le monde avançait vers l’horizon radieux,
Puis
avoir traversé une crise abhorrée
Pour
enfin parvenir en un passage odieux,
Pour
regretter l’espoir qui dans l’ombre subsiste.
Nous
voici en l’hiver, tels de frileux oiseaux,
Regardant le sol nu, sous des cieux
gris et tristes,
Et
des renards lapant de troubles
mortes-eaux.
Déboussolé,
le monde en chemin se fourvoie,
Le
bonheur d’autrefois se révélant sans prix ;
Si
d’habiles marins sur l’océan louvoient,
Les
malheureux terriens par les flots sont surpris.
Pièce
interchangeable, l’humain est une
merde,
Qu’on
piétine et qu’on trait, sans le moindre respect ;
Dans
l’open space affreux, tant de rêves se perdent
Car
on n’ose songer, ne vivant plus en paix.
Nous
sommes crucifiés au cadran de l’horloge,
Bossant certes moins bien dans ce théâtre ouvert ;
Songeant
aux temps passés, toujours on s’interroge
Sur
le sombre avenir et l’éternel hiver.





















