dimanche 6 avril 2025

Élégies. Aux temps des calotins

On critique une loi, ignorant ses racines,
Naissant aux temps sanglants de la Révolution ;
U
n nouvel horizon en France se dessine,
Après deux empires et mille discussions.

Or, sous la République, on vit alors l’église
Se mêler de sujets ne la concernant pas,
Se mêler aux débats, offrant ses analyses,
Peser de tout son poids, sans un mea culpa.

Après bien des assauts, on songea au divorce,
Tranchant soudain un lien n’ayant rien de gordien :
Devant subir longtemps une épreuve de force,
I
l fallait que Marianne ait de fermes gardiens.

Ainsi, la République, ayant perdu patience,
Botta enfin le cul des maudits calotins,
Ces soutanés prêcheurs qui combattaient la science,
Voulant des instituts aux discours puritains.

Alors naquit en France une loi mal connue,
La rendant laïque, sans rejeter la foi ;
Grâce à elle la paix put être maintenue
Et d’où naît un débat parmi nous toutefois.


Aux temps des calotins © Mapomme
D'après une affiche pour la Lanterne, journal anticlérical

Élégies. Nostalgie des chimères

Nous regrettons souvent un temps imaginaire,
Sans folle frénésie dévorant les cités ;
Pourtant, l’époque offrait des conflits sanguinaires,
Où des combats naissaient nombre d’atrocités.


Je viens de culs-terreux, qui de l’aube au soir triment,
Ayant le dos brisé et le corps douloureux,
Ou venu en ville, dans l’usine on s’escrime
Douze heures par journée d’un labeur rigoureux
.

Bien sûr, on pouvait voir plusieurs catégories
Sur un même trottoir, où de nobles tissus
Jouxtaient les plus simples, telle une allégorie
Montrant de laquelle chacun était issu.

Belle époque vraiment, où des factions violentes
S’affrontaient sans arrêt à propos du procès
Du capitaine Dreyfus, souillure désolante
De l’antisémitisme inspirant les excès.

Déjà, on entendait la diatribe martiale
Qui battait le tambour des carnages nouveaux ;
Les humains frémiraient dans une nuit glaciale,
De la haine allumant les mortels écheveaux.


Nostalgie des chimères© Théophile Alexandre Steinlen
Pour les affiches Charles Verneau

samedi 5 avril 2025

Élégies. Des femmes exemplaires

J’ai affronté jadis la puissance implacable
D’un tyran régional, tuant socialement,
Mais sans ôter la vie,
dans le pire vocable,
On m’avait dégradé longtemps et salement.

Pourtant, je suis en vie, sans que me manque un membre,
Non atteint dans mes chairs pas plus que dans l’esprit ;
J’ai suivi ma route, de janvier à décembre,
E
t ma ténacité n’eut vraiment pas de prix.

Tout ça n’est que broutille en regard des violences
Qu’endurent les femmes dans des pays lointains ;
Je reste admiratif devant leur résilience,
Et de leur courage face aux mâles crétins.

Visage découvert, malgré les représailles,
Elles se révoltent face aux moyenâgeux,
Qui leur peignent des cieux pesant de leur grisaille,
De sombres avenirs faits de jours orageux.

Dieu, que sont vaillantes ces femmes exemplaires,
Risquant les outrages des Gardiens criminels !
Combien sont risibles les minables colères
De nos ternes élus pour des tourments véniels.


Des femmes exemplaires © Mapomme

vendredi 4 avril 2025

Élégies. Mal joué, monsieur Trump !

Le maître du chaos, sur la planète entière
A fichu le boxon, flinguant à tour de bras ;
Il semblait sous le coup d’une fièvre émeutière,
Car sur chaque pays il mettait un contrat.

Il répétait un mot qui flattait ses oreilles,
L’énonçant, tout ravi, dans son bureau : « Tarif ! » ;
L
e déclamer offrait une joie sans pareille,
Le globe devenant un comté sans shérif.

Ayant laissé sans voix toute l’économie,
Il prit un grand week-end, pour faire dix-huit trous,
Affichant un sourire, empli de bonhommie,
Mais aussi d’un mépris des autres, peu ou prou.

A-t-il si bien putté, sous le ciel de Floride,
Ses drives l’amenant assez près du drapeau ?
T
ant mieux s’il faisait chaud, si l’air était torride,
Et si un vent sournois emporta son chapeau !

M
al joué, monsieur Trump, car résonne l’alarme,
Et sonne le tocsin affolant les courtiers !
Votre idée n’agit pas ainsi qu’un puissant charme,
Et vous loupez le par, devant le monde entier.


Mal joué, monsieur Trump ! © Mapomme

Élégies. Aux morts qui sont tombés

Il n’y a plus de sang, il n’y a plus de corps,
Mais les gens, en passant, avaient posé des roses,
Là où étaient tombés des dizaines de morts,
Sous un feu sans pitié en ce lundi morose.

Un jour sombre en Irlande et à Gaza des mois,
Un jour en Israël, des années en Ukraine,
Et l’horreur en Iran, qui fait naître un émoi :
S
i puissante est la nuit, si vivace est la haine !

L
es fleurs se sont fanées, sans que naisse l’oubli,
Et aucun assassin, ivre de ses massacres,
Ne vivra impuni, - c’est un fait établi ! - ,
Sans pouvoir y couper par un vain simulacre.

Contre une évolution, un pouvoir résolu
Ses Gardiens en moto à tous les coups dépêche ;
Dictant d’obscures lois, ces vieillards révolus
Affrontent les jeunes qui les battent en brèche.

En Iran, on combat le pouvoir des mollahs,
Qui égraine des lois d’un monde misogyne ;
En France, on s’agite, pour mettre le holà
En portant ce voile, sexiste à l’origine.


Aux morts qui sont tombés © Jack B. Yeats
Bachelor's Walk, in memoriam (National Gallery of Ireland)

jeudi 3 avril 2025

Élégies. C’est pas moi, je le jure !

Grand Mère était entrée, ayant perçu un bruit
Dans la cuisine éteinte, en craignant la visite,
De rats, ou de souris, qui rapinent la nuit
Et qui, à se gaver, en aucun cas n’hésitent.

Elle fut très surprise, en allumant d’un coup,
De voir la Probité baffrer sa confiture ;
« 
C’est pas moi, je le jure ! », dit-elle avec bagou,
Avec beaucoup d’aplomb, sans nulle fioriture.

Le larcin paraissait être un des plus flagrants :
Pourtant elle le niait avec extrême audace ;
Plus ample est le forfait, plus le mensonge est grand,
Et si on s’en dédit, qu’aussitôt on trépasse !

Un brin de confiture encor au bout d’un doigt,
La chapardeuse, outrée, maintenait sa défense ;
Elle plaidait les faits, nullement aux abois,
Semblant une vierge qu’un procureur offense.

Un avocat disait « N’avouez jamais rien ! »
Dont les mots l’inspiraient, ce soir, dans la cuisine ;
Ce n’était qu’un plaisir, un brin épicurien,
Et afin d’y goûter, nul gourmet ne lésine.


C'est pas moi, je le jure ! © Mapomme