mercredi 30 avril 2025

Élégies. Entre lumière et ombre

Je conserve toujours un souvenir ému,
En me remémorant l’époque du collège,
De la musique pop, quand j’allais ingénu,
Riche de mes espoirs, ce précieux privilège.

J’ai oublié la lie, ne gardant que le vin,
N’ayant rien du nectar qu’entretient ma mémoire,
Sans le moindre défaut : le réel est si vain
Qu’il faut sans cesse un charme exhumé d’un grimoire.

Pas droit au port d’un jean et pas de cheveux longs :
O
n est loin de l’éden qu’on tient tant à dépeindre ;
Sans rouge et sans fard, sans droit au pantalon,
Les filles avec nous ne cessaient de se plaindre.

Pas de mini non plus ! Au-dessous du genou,
La jupe codifiée se devait d’être chaste ;
Mais ça n’empêchait pas la plupart d’entre nous
De faire un brin de cour à ces vivants contrastes.

On subissait la vie sans pouvoir dire un mot
Concernant l’avenir par le choix des études ;
P
as vraiment l’Âge d’Or ou de longs mois hiémaux,
Ce n’était pas un temps bercé de zénitude.


Entre lumière et ombre © Mapomme

Élégies. Le gourou de la Paix

Selon les beaux discours, tissés d’un fil épais,
Il est un grand champion dont l’éternelle quête
Consiste à assurer une durable paix,
Méprisant le carnage et l’esprit de conquête.

Qui l’eut cru, qui l’eut dit, tant il est incompris,
Puisqu’il semble habité, telle la pieuse image,
La manifestation sacrée du Saint-Esprit,
Bien qu’il ait infligé ça et là des dommages ?

En baba cool, bientôt, paraîtra-t-il vêtu,
En pat’ d’éph’ et gilet, un t-shirt Love and Peace,
Abandonnant cet air renfrogné et têtu,
Sans vouloir nous mener au fond du précipice ?

R
ien qu’à l’imaginer chantant «Hare Krishna»,
J’atteins le Nirvana, en plus je me gondole,
S’il danse sur Jingo du groupe Santana,
Emporté à Woodstock par les airs des idoles !

Mais le Summer of Love est hélas loin de nous,
Quand il joue le Vietnam aux confins de l’Europe ;
L
e gourou de la Paix nous voudrait à genoux
Et
ne sera jamais un noble philanthrope.


Le gourou de la Paix © Mapomme

Élégies. Qui songe à la victime ?

De ce corps qui gisait, sur le glacial dallage,
Qui se souciait vraiment, lors d’un rassemblement
Usant d’un terme impropre, en total décalage
Avec la vérité, feignant l’accablement ?

Les morts, les pauvres morts, sous les mots disparaissent,
Quand on les associe à des discours captieux,
Alors que dans la nuit un vaste effroi les pressent,
Craignant le sombre enfer et espérant les cieux.

Ce n’est qu’un mort de plus, rien qu’un atroce crime,
Occupant les journaux, au milieu des infos ;
Les leaders des partis, s’en emparent et friment,
Mais l’émoi qu’ils surjouent vibre d’un accent faux.

C’est une vie ôtée, une violence affreuse,
Qu’on habille à dessein pour coller au discours
Divisant la nation qui en est malheureuse,
Que lance un roitelet entouré par sa cour.

Ont cessé la fureur, les cris de la victime
Et, face aux caméras, le désarroi est feint
Car les vraies émotions sont du domaine intime :
Q
ui, hors de sa famille, a songé au défunt ?


Qui songe à la victime ? © Mapomme

lundi 28 avril 2025

Élégies. La Liberté bannie

Assise sur un roc, aux franges du désert,
Chassée hors du pays, devant le mur immense,
Je suis la liberté pleurant le port ouvert,
Où les espoirs naissants dans les rêves commencent.

Le rêve est tel un flot qui s’est hélas tari,
Car jaillissant du cœur, l’avarice l’assèche ;
L
es ogres dévorent leur pays qui périt,
Se goinfrant de la Terre et même s’en pourlèchent.

On ne sait trop comment l’esprit s’est corrompu,
Pour raser les forêts, rendre impure l’eau douce :
P
our que les habitants de viande soient repus,
On ruine les prairies dont l’herbe devient rousse.

On parle de profits, comme unique destin,
Et on ferme son cœur au sacro-saint partage ;
C
e pays pue l’église et rêvant de festin,
Des versets n’a tiré aucun maigre avantage.

Je suis la Liberté, jetée du haut du mur,
Bannie, car superflue, sur la Terre Promise !
L
orsque le palpitant s’assèche, il devient dur,
Et je pleure sans fin, sur un rocher assise.


La Liberté bannie © Mapomme

Élégies. Par la grâce du lieu

Est-ce l’immensité de cette basilique
Calme et séculaire, aux merveilleux décors,
Qui favorise enfin, par la grâce idyllique,
Le dialogue serein au lieu d’un corps à corps.

Sous le plafond qu’a peint le génial Michel-Ange,
Cerné de marbre et d’or, peut-être que la paix
Ne tiendra qu’à la mort, par l’étrange mélange
De merveille et d’horreurs qui force le respect.

Nul n’y croyait vraiment, habités par le doute,
Après des diatribes évoquant l’agresseur
Qui était l’agressé : alors tout nous dégoûte,
L’âme étant envahie d’une épaisse noirceur.

Surprise ! On revoit l’aube et sa douce lumière,
Bien qu’on tremble en son fors, car reviendra la nuit,
Tant on passe vite, de façon coutumière,
De la joie au chaos, de l’extase à l’ennui.

Mais, bien que circonspect, on entretient la flamme
D’un tremblotant espoir, quelque peu souffreteux ;
O
n veut se réchauffer le cœur ainsi que l’âme,
Troublé par un destin, paraissant cahoteux.


Par la grâce du lieu © Mapomme

Élégies. Viva la grevolución !

Où sont les temps anciens, quand à perte de vue,
D’écarlates drapeaux flottaient le premier mai,
Au vent d’un bel espoir sur la grande avenue ?
C
ortèges disparus, reviendrez-vous jamais ?

Or, les voix du Parti ont fondu comme neige
Et s’est tari le flot de son bras séculier,
Ainsi que dans la nef s’est réduit le cortège,
Au dimanche venu, des croyants réguliers.

On a perdu la foi dans les beaux drapeaux rouge,
Comme d’aller prier, quand on vit mieux qu’avant ;
M
oins on a, plus on prie et plus chacun se bouge :
Messes et défilés ne se font qu’en rêvant.

Or, on ne rêve plus, quand s’emplit notre panse,
Et plus comblé qu’avant, on n’est pas plus heureux.
Rien ne peut nous guérir, en dépit des dépenses,
Car la guerre menace et nous rend très peureux.

Alors, tu vois, Sophie, ce dont le monde rêve
N’est pas de foutre en l’air ce dont nous profitons !
O
n veut bien contester, si la manif est brève,
Mais oublie ton espoir d’une grévolution !


Viva la grevolucion ! © Mapomme

dimanche 27 avril 2025

Élégies. Sur le tambour sanglant

Il bat, il bat, il bat sur le tambour ancien,
De la sanglante peau d
es héros de la guerre,
Dont l’exemple inspira ses vaillants miliciens,
Dans des situations parmi les plus précaires.

Depuis le froid glacé des steppes et toundra,
Ce tempo persistant qui parcourt d’amples plaines
,
Pétrifie les humains, baissant d’un coup les bras,
Car ils reconnaissent le tambour de la haine.

Le monde est tout surpris qu’un peuple de la nuit
Sorte d’on ne sait où, amoureux des batailles :
Sans nulle V
érité, en surgissant du puits,
Il a fait retentir le son de la mitraille
.

En nouveau conquérant, il bat sur le tambour
Dont les échos sanglants poussent à l’héroïsme,
Et ivres de grandeurs, s’élancent à rebours
Des humains appréciant des combats l’archaïsme
.

Le froid des jours obscurs fait trembler les soleils,
Scintillant par milliers sur l’onde près des palmes ;
Que les conflits ne sont demeurés en sommeil,
Alors que nous vivions des jours pleinement calmes ?


Sur le tambour sanglant © Mapomme

Élégies. Un démon qui nous hante

Si nous voyions le vrai de chacun d’entre nous,
Nous serions effrayés, au point qu’à toutes brides,
Nous fuirions sur l’instant quérir un marabout,
Qui pourrait nous guérir de cet esprit putride.

Chacun a ressenti cette étrange terreur
Qui vient nous tourmenter, quand pris entre deux âges,
Nous voyons survenir un monstre dévoreur
Qui, bouffant nos espoirs, un futur laid présage.

En bâillant à la messe, on n’avait pas compris,
Qu’ainsi que Jésus-Christ on paierait notre enfance,
Nous courbant sous la croix sans que sain soit l’esprit,
Dans le nombre emporté, perdu et sans défense.

On boit pour oublier que l’on ne pourra point
Oublier un destin qui paraît un calvaire.
On peut traîner des pieds, face au futur qui point,
Se révélant obscur, immoral et sévère :

Quelle insondable idée d’offrir tout le meilleur
,
Dans nos jeunes années, et de laisser la lie
Pour le restant des jours ! On tremble de frayeur,
En subissant la loi de cette anomalie.


Un démon qui nous hante © Mapomme

samedi 26 avril 2025

Élégies. Notre apprenti sorcier

Non content de souiller son pays, le faux blond
Veut exploiter les mers, dans les eaux reconnues
Par des traités signés ; sa folie en dit long
Sur sa rapacité sans nulle retenue.

S
on projet insensé implique de forer
Une lieue sous les mers, puis de larguer sans honte
Les déchets dans les flots, quitte à détériorer
Toute vie marine, dont il ne tient pas compte.

Si on le laissait faire, il trairait tout le lait
Des vaches et voudrait s’approprier leur viande !
On ne peut exaucer ces deux vœux au complet,
Dont les classes goulues se montent si friandes.

À qui mieux mieux il dit l’enivrant mot «Milliards !»,
M
agique invocation réalisant son rêve ;
C’est le plus ample espoir des infâmes pillards,
Qui veulent épuiser notre monde sans trêve.

Ailleurs va exploiter des astres avec soin,
Des planètes sans vie : tu n’en fais pas mystère !
Des mers et des pôles, je t’en prie, reste loin,
Et cesse de souiller la beauté de la Terre !


Notre apprenti sorcier © Mapomme
D'après Fantasia de Walt Disney

Élégies. Le nouvel art du deal

Le blondin se vantait dans un ballot bouquin,
De maîtriser du
deal l’ensemble des nuances,
Pouvant cogner très fort, mordre comme un requin,

Pour mettre l’autre camp sous sa seule influence.


On constate, à présent, qu’il est un prédateur
Qui use sans arrêt de la bestiale force,
Tel un gangster d’antan, un sale profiteur,
Qui envoie au tapis et qui bombe le torse.

Face aux tenaces proies, en duo il agit,
L’arme sur la tempe, le couteau sur la gorge :
Seul le gain obtenu par sa loi est régi,
Car c’est par ces moyens que les trésors se forgent.

Les nouveaux baronnets fondent sur les butins
La noblesse du fric, ainsi qu’au Moyen Âge ;
S
i par de vils moyens ce rang noble est atteint,
Le temps lave le sang et le vêt de courage.

Ces gens vont à l’église et se veulent très pieux,
Quand leur blason nouveau recouvre les souillures
Des actes quotidiens, féroces et odieux,
Et quand leurs boniments ont des relents d’ordures.


Le nouvel art du deal © Mapomme

vendredi 25 avril 2025

Élégies. En quel lieu l’onde naît ?

En quel lieu l’onde naît, source de bien des maux,
Qui pousse à s’opposer des foules furibondes,
Ou convie à renaître des partis extrémaux,
Sourdant des profondeurs, lesquels soudain abondent ?

Qu’est devenu ce monde où la rage des loups
Triomphe chaque jour de la juste mesure,
Quand l’effet papillon rend tous les humains fous
Et que chacun ne voit que ses propres blessures ?

Depuis l’épidémie et le confinement,
Puis la guerre lointaine et cependant plus proche,
La rage nous saisit et, sans discernement,
Des parents, des amis multiplient les reproches.

Or les fichus réseaux qui brouillent les esprits,
Répandant le mensonge et touchant tous les âges,
Font naître la terreur dans le monde surpris,
Semant le germe affreux d’un démon sans visage.

On voit un fanatique égorgeant un pilier
De notre société ou des rixes mortelles
Entre jeunes armés : plus rien n’est familier
Quand le sang est versé pour une bagatelle.


En quel lieu l'onde naît ? © Mapomme

Élégies. Détester son image

Jeune, on était chéri par toute la famille
Et on nous racontait ces foudroyants amours
Des parents, grands-parents, dont le passé fourmille,
Qu’on supposait, bien sûr, vivre de même un jour.

Quel malheur de croiser, dans la rue, à l’école,
Un bel amour secret n’aimant pas de concert !
Pris de tourments, nous vient une humeur picrochole,
Mère de tous les spleens rongeant tel un cancer.

Alors, on comprend mieux les maux de Polyphème
Qui croisait Galatée marchant sans un regard ;
Si un ado hanté d’un sentiment vif aime,
Non payé en retour, il se perçoit ringard.

«
Comme il est beau mon fils !», «Qu’elle est belle ma nièce !»
Que de fois l'entend-on, lorsque les liens du sang
Dictent un compliment fait sans doute avec liesse
Car, à la vérité, nul parent ne consent.

Si on est transparent aux yeux de Galatée
,
Ce n’est pas forcément parce qu’on n’est pas beau :
Par un amour celé nos chances sont gâtées
Et on peut les jeter à jamais aux corbeaux !

Polyphème et Galatée © Gustave Moreau

jeudi 24 avril 2025

Élégies. Mort des années 50

Tout s’en va à vau-l’eau et rien n’est éternel !
S’envolent les diner’s, roi des années cinquante,
Qui vantai
ent dans les films un appétit charnel,
Avec des steaks saignants et des frites croquantes !


L’ultime vestige d’un formidable essor,
De partout égrainé sitôt après la guerre,
Montrait soudain au monde qu’à tout jamais son sort
Connaîtrait un progrès qu’
il ignorait naguère.

Le fruit de la croissance offrait cette saveur,
Où nul n’avait besoin de serrer la ceinture ;
O
n n’osait concevoir, bien qu’étant des rêveurs,
Un avenir peignant de telles conjonctures.

Il suffit d’un décret signé d’un air béat,
Pour qu’une économie d’un seul coup se déglingue ;
L
e diable se cachant dans les alinéas,
On étrangle un secteur que cet oukase flingue.

Adieu tous les repas simples et conviviaux,
Qui offrit en tout lieu de belles perspectives,
Quand tout semblait possible et les futurs joviaux !
T
out tend à disparaître en ces jours d’invectives.

Mort des années 50 © Mapomme

Élégies. Sauvez ce pré carré !

Voyez notre jardin, si beau en ce printemps,
Si vert et si fleuri que les voisins l’admirent !
I
l faut des décennies d’un labeur éreintant
Avec ce résultat servant de point de mire.

Il suffit qu’un dingo paradant aux infos
Pour que la mécanique aussitôt se dérègle :
Les causes et les buts s’avèrent tous deux faux,
Car ce grand agité n’est pas des plus espiègles.

Les produits déversés dans son parc imposant
Sont aujourd’hui bannis, sans qu’on sache la cause,
Les accords ancestraux en un jour explosant :
Aux marées des camions mon beau jardin s’expose.

Je crains que, dès demain, des nuées de camions
Cherchent à pénétrer dans son auguste enceinte ;
Sauvez ce pré carré, que jeunes nous aimions,
Conçu comme sacré, presqu’une terre sainte !

D
emain nos jardiniers deviendront des chômeurs,
La sangsue du Levant menant à notre perte :
Protégez le jardin d’un cupide affameur
Et ne laissez jamais la grille en fer ouverte !


Sauvez ce pré carré ! © Mapomme

mercredi 23 avril 2025

Élégies. La désenvie de vivre

Certains jours de ciel gris, on éprouve un dégoût
Du monde comme il va, habité d’une absence
D’amples perspectives ; on est pris d’un seul coup
D’un sentiment pesant de profonde impuissance.

On songe, à ce moment, aux amis disparus,
Qui ont quitté la vie, sans que ce soit leur heure,
Dont le billet laissé, qu’on avait parcouru,
N’expliquait pas vraiment les tourments qui effleurent

Leurs pensées à l’instant où ils s’en sont allés.
Si on avait toqué, ce jour-là, à leur porte,
Leur désenvie de vivre eut-elle détalé,
Tel un un brouillard poisseux, au temps des feuilles mortes ?

Tous, nous avons connu ce spleen envahissant,
Qui nous ôte le goût de ce qu’on apprécie ;
P
ar bonheur, on ressent le désir plus puissant,
De vivre un jour nouveau, d’autres péripéties.

La tristesse insondable, persistant ennemi,
Vient hanter mes pensées, mais j’aperçois un phare,
Ou un conflit nouveau, un attentat commis,
Qui ranime l’envie, en dépit qu’il effare.


La désenvie de vivre © Mapomme
D'après le film "Le feu follet" de Louis Malle ( 1963)

Élégies. Le cancre de la classe

Asinus ad lyram : on voit l’âne à la lyre,
Se prenant pour Orphée, avec ses gros sabots,
I
l se croit un génie, au comble du délire,
Quand il sort des accords que nul ne trouve beaux.

Le Monde grimace, quoi qu’il donne à entendre,
Car il refuse en bloc les harmonieux accords,
Et se trouve bien loin de la Carte du Tendre,
Et même, à l’inverse, causant des haut-le-corps.

C’est un fils à papa sans talent véritable,
En permanence usant d’un langage enfantin,
S’emportant pour un rien, fol esprit irritable,
Se montant malhabile et très peu florentin.

Amis et concurrents demandent quelle école
A pu le diplômer, tant il semble ignorant
Des choses de la vie, dans tout acte ou parole,
Montrant un appétit toujours plus dévorant.

«Retourne à l’école», disent ses camarades,
«
Et, par la saine étude, apprends donc le respect !»,
Espérant lui ôter ses brutales tirades,
Plongeant dans les ténèbres d’une absence de paix.


Le cancre de la classe © Mapomme

mardi 22 avril 2025

Élégies. Le boulot file ailleurs

La filature n’est plus, depuis des décennies,
Partie sous d’autres cieux, laissant sur le carreau
Les ouvriers du coin, grâce aux petits génies
Qui auraient dû finir derrière les barreaux.

C’est une épidémie, comparable à la peste
Qui a frappé le Nord et le monde ouvrier,
Et rien pour l’en guérir, nul envoyé céleste,
Ni miracle soudain, à force de prier.

On ne pourra tirer des plans sur la comète,
Tant la tempête vient jeter sur les brisants
Le solide bateau ; le profit malhonnête
Séduit le nautonier tel un phare luisant.

Ainsi, tout est ruiné, englouti par l’écume,
La cruauté des temps, et les rêves détruits
Voient sombrer dans les flots les avenirs posthumes,
Plongeant vers l’abysse lentement et sans bruit.

Le boulot file ailleurs, où à bas prix on tisse,
Des fringues à deux sous, s’usant en peu de mois ;
Il n’est plus un patron qui chez nous investisse,
Et, en son avenir, l’ouvrier n’a plus foi.


Le boulot file ailleurs © Mapomme

Élégies. Le roi du Monde est nu !

Il prétendait régler tous les conflits sur Terre,
En assez peu de temps, d’un claquement de doigts ;
C
omment y parvenir ? C’est là tout le mystère,
Aux faveurs le tyran étant resté de bois.

Tout fraîchement élu, le roi de la parade
Demanda qu’on lui fît des habits inédits ;
I
l choisit pour cela un ancien camarade,
Auquel ses partisans faisaient un grand crédit.

Ensuite, il se lança, via quelques émissaires,
Dans des marchandages assez inattendus :
I
ls prenaient pour comptant tous les mots insincères
Et croyaient que l’accord était déjà vendu.

Au final, nulle paix ne se trouva conclue,
Et ils revinrent tous Gros-Jean comme devant !
C
hacun se moqua d’eux qui eurent la berlue,
Amateurs se croyant plus au fait qu’un savant.

Quand aux habits nouveaux, qui devaient tant surprendre,
Ils furent inouïs et d'un style inconnu ;
Nul courtisan n’osa, craignant trop un esclandre,
Dire au roi du Monde qu’il paradait tout nu.


Le roi du Monde est nu ! © Mapomme
Clin d'œil à Hans Christian Andersen

lundi 21 avril 2025

Élégies. Pas même envie de lire

Parfois rien ne nous sied, même l’envie de lire,
Et tout semble insipide, même le pur azur.
On rôde en la maison, sans que l’on puisse élire
Un hobby quotidien dont l’attrait serait sûr.

Alors, les bouquins clos, sur le plumard on bulle,
Songeant à tout et rien, dans un chaos complet :
Atone est la maison, sans aucun préambule,
Et rien, à la télé, franchement ne nous plaît.

On exhume sans fin des choses désinvoltes,
Un néant de pensées, ne menant nulle part,
Demeurant amorphe, dépourvu de révolte,
Subissant un torrent de souvenirs épars.

Le jardin est fleuri ; heureux, les merles chantent,
Pas un nuage en vue : d’où vient ce spleen soudain ?
P
eut-être qu’ayant tout, sans nulle envie ardente,
Nous avons pour l’acquis un étonnant dédain ?

L
a joie simple a le goût des amères oranges,
Et en enfants gâtés, nous la mésestimons :
Le versatile esprit a des humeurs étranges,
Sans nul doute habité par un cruel démon.


Pas même envie de lire © Mapomme
Avec l'aide d'Ernst Ludwig Kirchner et de Suzanne Valadon

dimanche 20 avril 2025

Élégies. Vierge, cache ce sein !

Le bigot, effaré, détourna son regard
Du drapeau de l’état qui montrait Virginie,
Avec un sein à l’air qui le laissait hagard :
«
Vierge, cache ce sein ou tu seras punie !»

S’il arrivait au Louvre et voyait le tableau
D’Eugène Delacroix, romantique et splendide,
Montrant la Liberté portant notre drapeau,
Les seins en liberté dans un geste candide,

Vite, il exigerait son imminent retrait.
Hé, quoi ! nouveau Tartuffe, dans tous les grands musées,
Nous faudra-t-il vider toutes les collections,
Pour ne plus voir ta gueule outrée et médusée ?

On devrait donc songer à vêtir sans tarder,
Les marbres des Vénus et des autres déesses,
Tous les guerriers gaulois qu’il ne faut regarder,
Pour éviter l’enfer, si on en voit les fesses !

T
es ancêtres ont-ils montré tant de pudeur
Avec tes esclaves à demi dévêtues ?
T
on drapeau évoque la sublime grandeur,
De vaincre une couronne à tout jamais battue.


Vierge, cache ce sein ! © Mapomme

Fait en réaction une école de l'état de Virginie qui a fait enlever le drapeau virginien qui représente une vierge foulant aux pieds la couronne royale (anglaise) symbole du tyran vaincu par la démocratie. La bêtise la plus profonde. Jusqu'où la bigoterie ira-t-elle ?

Élégies. Se laver des péchés

Une messe suffit à se laver les mains
Des péchés et des crimes dont elles sont couvertes.
Les guerres ont laissé tant de croix en chemin,
Et dans l’esprit de paix, tant de plaies sont rouvertes.

Ainsi, on devient saint, dans le parfum d’encens,
Au cours du peu d’heures que dure la grand-messe.
Aux combats à venir, on voit le chef pensant,
À l’odeur des combats dans les brumes épaisses.

Le cœur du conquérant n’a pas de religion,
Recherchant la grandeur pour entrer dans l’histoire ;
Il songe à envoyer de nouvelles légions,
Se fichant de l’avis des lointains consistoires.

Que sonnent les cloches à travers les cités,
Qui rendront les croyants amplement euphoriques,
Fêtant le prodige du Christ ressuscité :
L
es morts sont les héros d’une guerre homérique.

Qui périt au combat ne ressuscite pas,
Car un crime de sang empêche de renaître :
Qu’y a-t-il au-delà de tout humain trépas ?
J’en repousse toujours l’idée de tout mon être.


Se laver des péchés © Mapomme

Élégies. Aux sombres temps soumis

Il faut avoir connu une époque dorée,
Où le monde avançait vers l’horizon radieux,
Puis avoir traversé une crise abhorrée
Pour enfin parvenir en un passage odieux,

Pour regretter l’espoir qui dans l’ombre subsiste.
Nous voici en l’hiver, tels de frileux oiseaux,
Regardant le sol nu, sous des cieux gris et tristes,
Et des renards lapant de troubles mortes-eaux.

Déboussolé, le monde en chemin se fourvoie,
Le bonheur d’autrefois se révélant sans prix ;
Si d’habiles marins sur l’océan louvoient,
Les malheureux terriens par les flots sont surpris.

Pièce interchangeable, l’humain est une merde,
Qu’on piétine et qu’on trait, sans le moindre respect ;
Dans l’open space affreux, tant de rêves se perdent
Car on n’ose songer, ne vivant plus en paix.

Nous sommes crucifiés au cadran de l’horloge,
Bossant certes moins bien dans ce théâtre ouvert ;
Songeant aux temps passés, toujours on s’interroge
Sur le sombre avenir et l’éternel hiver.


Aux sombres temps soumis © Mapomme