mercredi 20 novembre 2024

Élégies. Fou ou inadapté

Un mal me condamnait aux yeux de bien des gens,
Dès dix ans générant une colère immense ;
Ignorants et méchants, tout et rien mélangeant,
Les voisins me voyaient comme pris de démence.

Dans les pays du Nord, on supprimait ce mal
En usant à gogo d’un stupide eugénisme ;
Le moindre inadapté, vu comme un animal,
Par tous était frappé d’un muet ostracisme.

La pitié peut nourrir tant d’
insignes regards,
Bannissant à jamais l’individu étrange ;
De soudains silences nous mettant à l’écart,
On doit porter la croix de ce mal qui dérange.

Parvenu à cet âge où l’on songe à l’amour
,
Dans le regard aimé, on voit de l’inquiétude ;
Jamais ce bel élan n’est payé de retour,
Ne faisant l’étude d’un mal que nul n’élude.

On m’a dit, un jour, que ma
danse de Saint-Guy,
D’après une étude, n’était pas congénitale ;
Cette idée m’a laissé totalement groggy,
À mes amours sentant qu’elle fut bien fatale.


Fou ou inadapté © Mapomme

samedi 16 novembre 2024

Élégies. Un monde zombifié

 
C’est le show permanent du vide internautique,
Avec des vidéos semées de discours creux ;
Ceux qui n’ont pas d’idées, mais un culte égotique,
Étalent à l’envi leurs poncifs miséreux.

Le
tout premier podcast d’un torrent d’inculture
Fut à n’en pas douter le plus intéressant :
Il résumait ce flot qui aurait la vie dure,
En se différenciant du bla-bla incessant.

«
Je voulais vous dire que je n’ai rien à dire ! »,
Quoi de plus naturel quand on a peu vécu ?
Or, ce défaut viral, de tous les mots le pire,
Trouva des apôtres par la mode vaincus.

On croise ainsi des gens, au boulot, dans la rue,
Qui grimacent ou rient, puis s’expriment tout haut ;
La convivialité est portée disparue
Et, zombifié, le Monde ira vers le chaos.

Tout devient
vérité, même un grossier mensonge,
Et comment s’étonner que, plongé dans ce bain,
On gobe le brouet des sites qui prolongent
Les ragots des tyrans et de tous leurs larbins !

Un monde zombifié © Mapomme

vendredi 15 novembre 2024

Élégies. La seule chose sûre

On apprécie la vie en côtoyant la mort.
Jeune, le sang bouillant, on n’y cogitait guère,
Car semblait très lointain l’inéluctable sort,
N’affrontant plus vraiment le risque d’une guerre.

L’âge où elle frappait paraissait très distant
Et la durée de vie quasiment infinie ;
Coulent, coulent les ans, raccourcissant le temps
Où s’approche le terme à coups de décennies.

On voudrait ajouter à la vie un surcroît,
Mettre un peu plus à l’ouest cette funeste rive,
Ne pas faire sur tout une sinistre croix,
Qui de tous les plaisirs fatalement nous prive.

Les plaisirs sont comptés et les excès réduits,
Voulant à la durée mettre quelques rallonges,
Que le solde d’hier soit celui d’aujourd’hui :
Devenir éternel ne paraît plus un songe.

Mais l’arbre est décati et souffre à chaque hiver,
Dont bien des branches font un bois mort déplorable ;
L’organisme s’altère et tout va de travers,
Quand survient à grands pas le terme inexorable.

La seule chose sûre © Mapomme
Avec l'aide de Hans Holbein le jeune

jeudi 14 novembre 2024

Élégies. Une chasse au trésor

Enfant, je dirigeais une chasse au trésor
Et nous creusions la terre, en quête d’aventure ;
Le souffle d’un récit insufflait son essor
Aux voiles du rêve nourries par mes lectures.

D
ans la terre, tout près des immeubles très laids,
Préfabriqués hâtifs destinés aux marées
Venues des campagnes, voyant que j’excellais
À conserver la troupe ainsi accaparée,

Nos parents
se marraient, songeant que bien plus tard
Nous faire ainsi creuser ne serait pas facile,
Alors que nous marnions, sans le moindre retard,
Pour le roi de Prusse, comme des imbéciles.

Cependant à huit ans, il nous faut un conteur,
- Moi, en l’occurrence ! -, pour que les énergies
Soient dépensées dehors, gardant les chahuteurs
Hors des maisons rangées, par nos mères régies.

Aujourd’hui
, j’aimerais qu’un groupe de lutins,
Quand je marne au jardin, creuse et pioche à ma place ;
Mais qui viendrait m’aider, sans l’appât d’un butin,
Car devant la télé, leurs vacances se passent ?


Une chasse au trésor © Mapomme

mercredi 13 novembre 2024

Élégies. Être mal dans sa peau

Il est un âge affreux, lorsque mal dans sa peau,
On trouve laid le monde, et de ce fait, soi même.
Certe on ne se voit pas tel que Quasimodo,
Mais en soi il n’est rien qu’au bout du compte on aime.

Sans être une gargouille,
pétrie de malfaçons,
Un miroir déformant nous renvoie notre image ;
Il n’est pas un défaut sur lequel nous passons,
Nous trouvant indignes du moindre badinage.

Ce travers peut venir quand nous passons soudain
De l’amour des parents aux moqueries scolaires :
Centre de l’univers nous voici anodins,
Soumis aux quolibets nourrissant nos colères.

Être traité de gros, de mous ou bien de laids
Fera que, peu à peu, jeune on se mésestime ;
Nous ne sommes plus roi, au sein d’un doux palais,
Mais quelque baronnet des sarcasmes victime.

Hélas pour notre cœur,
l’objet de nos égards
Se joignait à la cour lançant ses moqueries !
Au lieu d’un doux rancard, on a droit aux brocards,
Amusant au palais toute la galerie.


Être mal dans sa peau © Mapomme
D'après Le bossu de Notre-Dame (1939)

Élégies. La nuit quand dort la ville

Dans la ville, jadis, calmes étaient les rues
Où, battant le pavé, j’allais d’un pas serein ;
Ô quiétude nocturne, aujourd’hui disparue,
Qui va encor, de nuit, paisible et souverain ?

L
es rues n’offraient alors aucun sujet de crainte,
Me mettant seul la tête et le cœur à l’envers ;
Les doutes et la peur resserraient leur étreinte,
Quand mon futur prenait des coloris d’hiver.

Je croisai
s quelquefois, un fantôme en plein doute,
Face à un horizon dont il ne voulait pas ;
Sur des rêves d’enfant les grands espoirs s’arc-boutent
Car ils nous coloraient des avenirs sympas.

M
es songes s’exprimaient d’une voix trop timide,
Et après j’en aurai un éternel regret :
Devant moi s’éclairait l’or des pavés humides,
L’or des rêves occis sur l’autel du progrès.

Or
le temps coule à flots et souvent on déplore
D’avoir manqué de cran, laissant à l’abandon
Des projets essentiels, venant juste d’éclore,
Surpris de voir qu’ainsi les armes nous rendons.


La nuit quand dort la ville © Mapomme

mardi 12 novembre 2024

Élégies. Depuis la nuit des temps

C’est un combat sans fin, un duel ineffable,
Qui oppose deux camps depuis la nuit des temps ;
De tout ce sang versé, nul camp n’est absolvable
Et bien moins innocent que chacun le prétend.

Dans tous les livres saints des peuples de la Terre
,
On prône la bonté et l’amour du prochain ;
S'empare des groupes, par un profond mystère,
Une rage inouïe demeurant sans vaccin.

Au nom du Bien, partout, le Mal vient se répandre,
Et c’est folie de voir, les vêtements rougis
Du sang de l’autre camp, des gens osant prétendre
Qu’au seul nom de leur foi il ont ainsi agi.

Depuis les temps lointains
, dans cette nuit demeurent
Des peuples s’égarant dans les feux des enfers,
Qui, pour un livre saint, assassinent et meurent,
En défendant le Bien par le pal et le fer.

Dep
uis la nuit des temps, les humains méritoires
Appellent à cesser un conflit sans raison,
Qui fit couler le sang tout au long de l’Histoire,
Conservant, de nos jours, leur triste inclinaison.


Depuis la nuit des temps © Mapomme