dimanche 7 novembre 2021

Elégies. Sur les autres jamais il ne faudra compter

Je n’ai jamais compris tous ces gens qui se pâment
Devant un nouveau-né pionçant d’un pur sommeil ;
On les voit soudain pris d’un extrême enthousiasme
Dévots tels des babouins au lever du soleil

Et quand l’enfant babille avec lui ils s’exclament
En onomatopées et en gouzigouzis !
J’étais un hérétique échappant à leur flamme
Cette étrange euphorie que produit l’ecstasy.

Bien qu’on m’ait souvent dit l’espèce de folie
Saisissant des pères qui en vrais possédés
Hurlant de joie couraient leur réserve abolie
J’ignorais qu’un jour j’allais aussi céder ;

Au-delà de la joie mesurée et polie
Je me suis converti et nul ne vint m'aider !

Mécréant converti  © Mapomme

samedi 6 novembre 2021

Elégies. Aux anges qu’a volés le monde souterrain

On a tous une ombre voilant notre regard
Un ange disparu — nuage dans nos vies 
Précocement parti laissant le cœur hagard ;
D’un imprécis regret la nuit erre alouvie.

Bien que bouffant sans fin demeure le cafard ;
Il n’est pas un seul met qu’en vrai on apprécie
Et combler le manque tel un affreux soiffard
Mélangeant les alcools à la cuite initie.

Nos anges disparus ne reviennent jamais
Pour vivre ces instants de gloire ou bien de doute
Et débattre de ce que chacun on aimait
Car tout était sujet à de fréquentes joutes.

Sont-ils fiers ou déçus des avis qu’on émet ?
Manque leur présence autant que leur écoute.

Ange disparu  © Mapomme
d'après le tableau de Berthe Morisot

vendredi 5 novembre 2021

Elégies. Boire au fleuve et chasser le mal intarissable

Qu’on perde l’essentiel, grand Amour ou un proche,
Et l’on veut aussitôt effacer la douleur,
L’Intolérable plaie ! Au passé on s’accroche,
Aimant moins l’avenir que ce profond malheur.

Ainsi fonctionnera la baroque caboche,
À jamais le jouet d’un mythe ensorceleur ;
S’enivrer à souhait et se perdre en bamboches
Produit un faux oubli et des nuits sans valeur.

Toi qui suivras Caron sur sa barque inlassable,
Méprise l’Achéron et vas boire au Léthé
Dispensateur d’oubli, écume sur le sable
Avalant les espoirs des loisirs de l’été !

Veux-tu tout oublier, même l’impérissable
Instant d’un grand bonheur auquel tu as goûté ?
Tu souhaites chasser ce mal intarissable,
Qu'au plus profond des nuits tu n'as jamais bouté !

Boire l'eau de Léthé  © Mapomme